La longue nuit de l'apostasie
James
E. Talmage (1862-1933)
Pendant
plus de dix-sept cents ans dans l'ancien monde et pendant plus de
quatorze siècles sur le continent américain, il semble
y avoir eu un silence entre les cieux et la terre [1]. Nous
n'avons aucun rapport authentique d'une révélation
directe de Dieu à l'homme pendant ce long intervalle. Comme
nous l'avons déjà montré, la durée du
ministère apostolique dans l'ancien monde prit probablement
fin avant l'aube du deuxième siècle de l'ère
chrétienne. La disparition des apôtres fut suivie, comme
cela avait été prévu et prédit, du
développement rapide d'une apostasie universelle. [2]
Des causes externes et internes
concoururent à l'installation de cette grande apostasie. Parmi
les forces de désintégration qui agirent de
l'extérieur, la plus efficace fut la persécution
persistante à laquelle les saints furent soumis, persécution
provoquée aussi bien par l'opposition juive que par
l'opposition païenne. Un très grand nombre de personnes
qui avaient professé être membres et beaucoup de celles
qui avaient été officiers dans le ministère
désertèrent l'Église, tandis qu'un petit nombre
était porté à un zèle plus grand par le
fléau de la persécution. L'effet général
de l'opposition venant de l'extérieur - des causes externes du
déclin de la foi et des œuvres prises dans l'ensemble -
fut le reniement d'individus, provenant de l'apostasie très
répandue au sein de l'Église. Mais infiniment plus
grave fut la conséquence de la discorde interne, du schisme et
de la perturbation, lesquels ont déterminé l'apostasie
totale de l'Église de la voie et de la parole de Dieu.
Le judaïsme fut le premier
oppresseur du christianisme et devint l'instigateur et le provocateur
des atrocités successives qui accompagnèrent les
persécutions païennes. L'hostilité ouverte et
active des pouvoirs romains contre l'Église chrétienne
se généralisa sous le règne de Néron
(vers 64 ap. J.-C.) et se poursuivit avec des répits
occasionnels de quelques mois ou même de plusieurs années
à la fois jusqu'à la fin du règne de Dioclétien
(vers 30 ap. J.-C.). La cruauté inhumaine et la barbarie qui
s'exercèrent contre ceux qui osaient professer le nom du
Christ au cours de ces siècles de domination païenne sont
des faits reconnus par l'histoire [3]. Lorsque Constantin le
Grand monta sur le trône, dans le premier quart du quatrième
siècle, un changement radical s'instaura dans l'attitude de
l'État vis-à-vis de l'Église. L'empereur fit
sur-le-champ de ce que l'on appelait le christianisme de l'époque
la religion de son royaume, et la recommandation la plus sûre
pour obtenir la faveur impériale était de faire preuve
d'un dévouement plein de zèle pour l'Église.
Mais celle-ci était déjà dans une grande mesure
une institution apostate et, même dans les grands traits de
l'organisation et du service, ne présentait qu'une
ressemblance lointaine avec l'Église de Jésus-Christ,
fondée par le Sauveur et édifiée par l'entremise
des apôtres. Les quelques vestiges du christianisme authentique
qui avaient pu survivre jusque là dans l'Église furent
ensevelis hors de la vue de l'homme par les excès qui
s'ensuivirent, lorsque l'organisation ecclésiastique entra
dans les faveurs du domaine séculier, du fait du décret
de Constantin. L'empereur, bien que non baptisé, se déclara
chef de l'Église,
et on rechercha davantage les offices ecclésiastiques que les
rangs militaires ou les postes dans l'État. L'esprit
d'apostasie dont l'Église s'était imprégnée
avant que Constantin ne l'entourât du manteau de la protection
impériale et la blasonnât des insignes de l'État,
fut excité à une activité croissante tandis que
le levain de Satan prospérait dans des conditions extrêmement
favorables à cette croissance phénoménale.
L'évêque de Rome
avait déjà affirmé sa suprématie sur ses
collègues dans l'épiscopat ; mais quand l'empereur
fit de Byzance sa capitale, et la renomma en son propre honneur
Constantinople, l'évêque de cette ville se proclama égal
au pontife romain. Cette prétention fut contestée ;
la dissension qui s'ensuivit divisa l'Église, et le schisme
s'est prolongé jusqu'à notre époque, comme le
prouve la distinction qui existe entre les Églises catholique
romaine et grecque orthodoxe.
Le
pontife romain exerça l'autorité séculière
aussi bien que spirituelle et s'arrogea au onzième siècle
le titre de pape, signifiant père, en ce sens qu'il était
le gouverneur paternel en toutes choses. Pendant les douzième
et treizième siècles, l'autorité temporelle du
pape fut supérieure à celle des rois et des empereurs,
et l'Église romaine devint le potentat despotique des nations
et une autocrate placée au-dessus de tous les États
séculiers. Cependant cette Église, exhalant l'odeur
infecte de l'ambition profane et du goût de la domination,
prétendait audacieusement être l'Église rétablie
par Celui qui affirmait : « Mon royaume n'est pas de
ce monde. » Les prétentions arrogantes de l'Église
de Rome n'étaient pas moins extravagantes dans
l'administration spirituelle que dans l'administration séculière.
Dans le contrôle qu'elle proclamait à haute voix avoir
sur les destinées spirituelles des âmes des hommes, elle
prétendait blasphématoirement pardonner ou retenir les
péchés des individus et infliger ou remettre les
châtiments tant sur la terre qu'au delà du tombeau. Elle
vendit la permission de commettre le péché et troqua
pour de l'or des chartes permettant de pardonner avec indulgence des
péchés déjà commis. Son pape, se
proclamant le vicaire de Dieu, trônait en grand apparat pour
juger comme Dieu lui-même et accomplit, par ce blasphème,
la prophétie que Paul prononça après avoir donné
son avertissement relatif aux conditions terribles qui précéderaient
la seconde venue du Christ : « Que personne ne vous
séduise d'aucune manière ; car il faut
qu'auparavant l'apostasie soit arrivée, et que se révèle
l'homme impie, le fils de perdition, l'adversaire qui s'élève
au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou qu'on adore, et qui va
jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu et se faire passer
lui-même pour Dieu. » [4]
Dans son abandon
effréné à la licence que lui permettait
l'autorité qu'elle s'était arrogée, l'Église
de Rome n'hésita pas à transgresser la loi de Dieu, à
changer les ordonnances essentielles au salut et à rompre
impudemment l'alliance éternelle, souillant ainsi la terre,
tout comme Ésaïe l'avait prédit [5]. Elle
changea l'ordonnance du baptême, détruisant son
symbolisme et y associant des imitations, des rites païens ;
elle corrompit le sacrement du repas du Seigneur en en souillant la
doctrine par les divagations de la transsubstantiation [6] ;
elle prit sur elle d'utiliser les mérites des justes pour
pardonner le pécheur en vertu du dogme non scripturaire et
absolument répugnant de la surérogation ; elle
favorisa l'idolâtrie sous des formes extrêmement
séduisantes et pernicieuses ; elle interdit au public,
sous peine de châtiment, d'étudier les saintes
Écritures ; elle imposa à son clergé un
célibat contre nature ; elle se délecta dans une
union impie avec les théories et les sophismes des hommes et
déforma les enseignements simples de l'Évangile du
Christ au point de produire un Credo bourré de superstitions
et d'hérésies ; elle promulgua une doctrine à
ce point pervertie à propos du corps humain qu'elle faisait
passer le tabernacle de chair formé par Dieu pour une chose
qui n'était bonne qu'à être torturée et
méprisée ; elle proclama que c'était un
acte vertueux qui assurerait de riches récompenses que de
mentir et de tromper si cela servait ses propres intérêts,
et elle s'éloigna
si complètement du plan original de l'organisation de l'Église
qu'elle se donna en spectacle dans un déploiement d'ornements
fabriqués par le caprice de l'homme. [7]
Les causes internes les plus
importantes qui provoquèrent l'apostasie de l'Église
primitive peuvent être résumées comme suit :
(1) La corruption des principes simples de l'Évangile du
Christ par l'adjonction des prétendus systèmes
philosophiques de l'époque. (2) Des ajouts non autorisés
aux cérémonies de l'Église et l'introduction de
changements essentiels dans des ordonnances. (3) Des changements dans
l'organisation et le gouvernement de l'Église. [8]
Sous la répression
tyrannique qui découla de la domination usurpée et
injuste de l'Église romaine, la civilisation fut retardée
pendant des siècles et fut pratiquement arrêtée
dans son cours. Cette période de recul a pris dans l'histoire
le nom d'âge des ténèbres. Le quinzième
siècle assista au mouvement appelé la Renaissance ou
renouveau des sciences ; il y eut un réveil général
et caractéristiquement rapide parmi les hommes, et un effort
net pour s'arracher à l'engourdissement de l'indolence et de
l'ignorance se manifesta dans tout le monde civilisé. Les
historiens et les philosophes ont considéré le
renouveau comme une pression inconsciente et spontanée de
« l'esprit des temps » ; ce fut une
évolution déterminée à l'avance dans
l'esprit de Dieu pour illuminer les esprits enténébrés
des hommes en vue de préparer le rétablissement de
l'Évangile de Jésus-Christ dont l'accomplissement était
prévu pour quelques siècles plus tard. [9]
Avec le renouveau de l'activité
intellectuelle et de l'effort en vue de l'amélioration
matérielle, il y eut, accompagnement naturel et inévitable,
une protestation et une révolte contre la tyrannie
ecclésiastique de l'époque. Les Albigeois, en France,
étaient entrés en insurrection contre le despotisme
religieux au treizième siècle, et au quatorzième,
John Wyclif, de l'université d'Oxford, avait hardiment dénoncé
la corruption de l'Église et du clergé romain, et en
particulier les restrictions que la hiérarchie papale imposait
à l'étude des Écritures par le peuple. Wyclif
donna au monde une version de la sainte Bible en anglais. Ces
manifestations d'indépendance de croyance et d'action,
l'Église papale essaya de les réprimer et de les
châtier par la force. Les Albigeois subirent des cruautés
inhumaines et un massacre impitoyable. Wyclif fut la cible d'une
persécution violente et constante ; il mourut dans son
lit, mais la vindicte de l'Église romaine ne s'apaisa que
lorsqu'elle eut fait exhumer son corps, l'eut fait brûler et
fait disperser ses cendres. Jean Huss et Jérôme de
Prague se distinguèrent sur le continent européen dans
l'agitation contre le despotisme papal, et tous deux moururent
martyrs pour la cause. Bien que l'Église fût devenue
complètement apostate, il ne manqua pas d'hommes braves de
cœur et à l'âme juste, prêts à donner
leur vie pour l'émancipation spirituelle.
Une révolte notable contre
la papauté, la Réforme, se produisit au seizième
siècle. Ce mouvement entrepris en 1517 par Martin Luther,
moine allemand, se répandit si rapidement qu'il gagna bientôt
le domaine tout entier de la papauté. Les représentants
de certaines principautés allemandes et d'autres délégués
formulèrent des protestations officielles contre le despotisme
de l'Église papale à une diète ou conseil
général qui se tint à Spire en 1529, et
dorénavant les réformateurs furent appelés
protestants. Jean, électeur de Saxe, proposa une Église
indépendante, et, sur ses instances, Luther et son collègue
Mélanchthon en élaborèrent la constitution. Les
protestants ne s'accordaient pas. Dépourvus d'autorité
divine pour les guider en matière d'organisation et de
doctrine religieuse, ils suivirent les voies diverses des hommes et
furent déchirés à l'intérieur tandis
qu'ils étaient assaillis de l'extérieur. L'Église
romaine, se trouvant face à des adversaires décidés,
ne recula devant aucune cruauté. Le tribunal de l'Inquisition,
qui avait été établi vers la fin du quinzième
siècle sous le nom sacrilège infâme de « Saint
Office », s'enivra de
la volupté d'une cruauté barbare au siècle de la
Réforme et infligea des tortures indescriptibles à des
personnes secrètement accusées d'hérésie.
Dans les
premiers stades de la Réforme provoquée par Luther, le
roi d'Angleterre, Henri VIII, se déclara partisan du pape, et
celui ci le
récompensa en lui conférant, en guise de distinction,
le titre de « Défenseur de la Foi ».
Quelques années plus tard, ce même souverain britannique
était excommunié de l'Église romaine pour avoir
impatiemment dédaigné l'autorité du pape lorsque
Henri voulut divorcer de la reine Catherine pour pouvoir épouser
l'une de ses dames de compagnie. Le parlement britannique passa, en
1534, l'Act of Supremacy, en vertu duquel la nation était
déclarée affranchie de toute allégeance à
l'autorité papale. Par une loi, le roi fut nommé chef
de l'Église sur son propre territoire. C'est ainsi que naquit
l'Église d'Angleterre, résultat direct des amours
licencieuses d'un roi débauché et infâme. Avec
une indifférence blasphématoire pour l'absence
d'autorité divine, sans aucune apparence de succession
sacerdotale, un souverain adultère créa une Église,
y établit une « prêtrise » à
lui et se proclama administrateur suprême de toutes les
affaires spirituelles.
Celui
qui étudie l'histoire connaît bien le conflit qui fit
rage entre le catholicisme et le protestantisme en Grande-Bretagne.
Qu'il nous suffise de dire ici que la haine mutuelle entre les deux
partis en conflit, le zèle de leurs adhérents
respectifs, leur amour prétendu de Dieu et leur dévouement
au service du Christ, se signalaient surtout par l'épée,
la hache et le bûcher. Enivrés de la conscience d'être
au moins partiellement émancipés de la tyrannie
ecclésiastique, les hommes et les nations prostituèrent
leur liberté de pensée, de parole et d'action
nouvellement acquise en des excès atroces. L'Age de Raison,
comme on l'a appelé à tort, et les abominations athées,
dont le point culminant fut la Révolution française,
sont le témoignage ineffaçable de ce que l'homme peut
devenir lorsqu'il se glorifie de renier Dieu.
Est-il étonnant qu'à
partir du seizième siècle les Églises inventées
par l'homme se soient multipliées avec une rapidité
phénoménale ? Les Églises et les
organisations religieuses professant le christianisme pour credo
peuvent se compter par centaines. De toutes parts on entend
aujourd'hui : « Voici, le Christ est ici »
ou « Voici, il est là ». Il y a des
Églises qui tirent leur nom des circonstances de leur origine
- comme l'Église d'Angleterre ; d'autres portent le nom
de leurs fondateurs ou créateurs célèbres :
luthérienne, calviniste, wesleyenne ; certaines sont
connues par des points particuliers de doctrine ou de leur système
d'administration : méthodiste, presbytérienne,
baptiste, congrégationaliste ; mais jusqu'à la
troisième décennie du dix-neuvième siècle,
il n'y avait pas sur terre d'Église affirmant porter le nom ou
le titre d'Église de Jésus-Christ. La seule
organisation appelée Église qui existait à
l'époque et qui s'aventurait à prétendre à
l'autorité par succession était l'Église
catholique, qui était apostate depuis des siècles et
entièrement privée d'autorité ou d'acceptation
divine. Si « I'Église-mère »
était sans prêtrise valide et dépourvue de
puissance spirituelle, comment ses rejetons pouvaient-ils retirer
d'elle le droit d'officier dans les choses de Dieu ? Qui oserait
affirmer que l'homme peut créer une prêtrise que Dieu
soit obligé d'honorer et de reconnaître ? En
admettant que les hommes puissent créer et créent entre
eux des sociétés, des associations, des confessions
religieuses et même des « Églises »,
s'ils décident de donner ce nom à leurs organisations,
en admettant qu'ils puissent prescrire des règles, formuler
des lois et concevoir des plans d'action, de discipline et de
gouvernement et que toutes ces lois, règlements et plans
d'administration soient imposables à ceux qui s'en prétendent
membres - en admettant tous ces droits et ces prérogatives -
d'où ces institutions humaines peuvent-elles tirer l'autorité
de la sainte prêtrise sans laquelle il ne peut y avoir
d'autorité d'Église du Christ ? [10]
La situation apostate du
christianisme a été franchement reconnue par beaucoup
de représentants éminents et consciencieux des diverses
Églises ainsi que par des institutions religieuses. Même
l'Église d'Angleterre reconnaît ce fait terrible dans la
déclaration officielle de sa dégénérescence,
comme cela est exposé dans la « Homily Against
Peril of IdoIatry » (Homélie contre les dangers de
l'idolâtrie) en ces termes :
« De sorte que les
laïcs et le clergé, les savants et les ignorants, les
gens de tout âge, de toutes confessions, et tous les genres
d'hommes, de femmes et d'enfants de tout le christianisme - chose
horrible et atroce à penser - ont été à
la fois noyés dans une idolâtrie abominable ; de
tous les autres vices, le plus détesté de Dieu et le
plus condamnable pour l'homme ; et ce dans l'espace de huit
cents ans et davantage. » [11]
Il ne faut pas en conclure que
pendant toute la nuit de l'apostasie universelle, si longue et
ténébreuse qu'elle ait été, Dieu avait
oublié le monde. L'humanité n'avait pas été
entièrement abandonnée à elle-même.
L'Esprit de Dieu opérait dans la mesure où
l'incrédulité des hommes le permettait. Jean l'apôtre
et les trois disciples néphites [12] œuvraient
parmi les hommes sans qu'on le sût. Mais pendant les siècles
de ténèbres spirituelles, les hommes vécurent et
moururent sans le ministère d'un apôtre, prophète,
ancien, évêque, prêtre, instructeur ou diacre
contemporain. Le peu de piété qui existait dans les
Églises établies par l'homme était dépourvu
d'autorité divine. L'époque prévue par l'apôtre
inspiré était pleinement arrivée - l'humanité
en général refusait de supporter la saine doctrine,
mais ayant la démangeaison d'entendre des choses agréables,
elle se donnait une foule de docteurs, selon ses propres désirs,
et avait en fait détourné l'oreille de la vérité
pour se tourner vers les fables [13]. Le premier quart du
dix-neuvième siècle assista à l'accumulation des
conditions à remplir qui avaient été prédites
par l'intermédiaire du prophète Amos : « Voici :
les jours viennent, - oracle du Seigneur, l'Éternel - où
j'enverrai une famine dans le pays, non pas une disette de pain ni
une soif d'eau, mais (la faim et la soif) d'entendre les paroles de
l'Éternel. Ils seront alors errants d'une mer à
l'autre, du nord à l'est ; ils tituberont à la
recherche de la parole de l'Éternel, et ils ne la trouveront
pas. » [14]
Pendant
toute la durée de l'apostasie, les écluses des cieux
avaient été fermées au monde de manière à
exclure toute révélation directe de Dieu et en
particulier tout ministère personnel, ou théophanie, du
Christ. L'humanité avait cessé de connaître Dieu
et avait entouré les paroles des prophètes et des
apôtres d'autrefois, qui l'avait connu, d'un manteau de mystère
et d'imagination, de sorte que l'on ne croyait plus en l'existence du
Dieu vrai et vivant ; à sa place les Églises
avaient essayé de concevoir un être incompréhensible,
dépourvu de « corps, parties ou passions »,
un néant immatériel. [15]
Mais il avait été
décidé dans le Conseil des Cieux qu'après un
grand nombre de siècles d'ignorance et de ténèbres
le monde serait de nouveau éclairé par la lumière
de la vérité. Par le fonctionnement du génie de
l'intelligence, qui est l'esprit de vérité, l'âme
du genre humain avait subi une préparation semblable au
labourage profond d'un champ pour que l'Évangile pût de
nouveau être semé. Le principe du compas du marin fut
révélé par l'Esprit ; son incarnation
matérielle fut inventée par l'homme, et, avec son aide,
les océans inconnus furent explorés. Vers la fin du
quinzième siècle, Colomb fut conduit par l'inspiration
de Dieu à découvrir le Nouveau Monde, sur lequel
demeurait la postérité dégénérée
de Léhi, survivante à la peau sombre de la maison
d'Israël : les Indiens américains. En temps voulu,
les navires Mayflower et Speedwell amenèrent les Pères
Pèlerins dans le Nouveau Monde, avant-garde d'une armée
de gens fuyant l'exil et cherchant un nouveau foyer où ils
pourraient adorer suivant leur conscience. L'arrivée de Colomb
et l'émigration ultérieure des Pères Pèlerins
avaient été prédites près de six cents
ans avant le Christ ; leur mission respective leur avait été
aussi réellement confiée que l'envoi de tout prophète
avec un message à remettre et une œuvre à
accomplir. [16]
La
guerre entre les colonies américaines et la métropole
et l'issue victorieuse qu'elle eut pour la nation américaine,
émancipée une fois pour toutes du gouvernement
monarchique, avaient été annoncées comme une
étape supplémentaire de la préparation au
rétablissement de l'Évangile. Du temps fut laissé
pour qu'un gouvernement stable fut établi, pour que des hommes
choisis fussent suscités et inspirés à élaborer
et à promulguer la Constitution des États-Unis, qui
promet à tout homme l'entière liberté politique
et religieuse. Il ne convenait pas que la semence précieuse de
l'Évangile rétabli fût lancée sur un sol
non labouré, endurci par l'intolérance et capable de ne
produire que les ronces du fanatisme et les mauvaises herbes
abondantes du servage mental et spirituel. L'Évangile de
Jésus-Christ est l'incarnation de la liberté ; il
est la vérité qui affranchira tous les hommes et toutes
les nations qui accepteront ses préceptes et y obéiront.
Lorsque
le moment fut venu, le Père éternel et son Fils, Jésus
le Christ, apparurent à l'homme sur la terre et ouvrirent une
dispensation de l'Évangile, la dispensation de la plénitude
des temps (expression tirée de Éphésiens 1:10
dans la version du roi Jacques, ndlr).
[1]
Voir Note 1, plus bas
[2]
Il nous est impossible de tenter de donner un récit étendu
de l'apostasie de l'Église primitive ; le lecteur voudra
bien se reporter à des ouvrages traitant de
cet important sujet. Voir « La Grande apostasie considérée
à la lumière de l'histoire scripturaire et profane »,
de l'auteur, ouvrage de 176 pages.
[3]
Voir La Grande apostasie, chap. 4 et 5.
[4]
2 Th 2:3, 4.
[5]
Es 24:5.
[6]
La doctrine erronée de la « transsubstantiation »
affirme que le pain et le vin administrés comme emblèmes
de la chair et du sang du Christ dans le sacrement du repas du
Seigneur sont transformés par la consécration
sacerdotale en véritables chair et sang de Jésus-Christ.
Voir La Grande apostasie, p. 122. Pour ce qui est de la
« surérogation », voir chap. 32 du
présent ouvrage, notes.
[7]
La Grande apostasie, chap. 6, 7, 8.
[8]
La Grande apostasie, p. 92, 93 ; le sujet est traité dans
son ensemble aux chapitres 6 à 9 inclus.
[9]
Note 2, fin du chapitre.
[10]
Ce paragraphe est partiellement une paraphrase de La Grande
apostasie, 10:21, 22.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Chap. 37 et 39.
[13]
Voir 2 Th 4:1-4 et La Grande apostasie, 2:30.
[14]
Amos 8:11, 12.
[15]
Voir le « Book of Common Prayer », de l'Église
anglicane, « Articles of Religion », 1. Note 4,
fin du chapitre.
[16]
Voir LM, 1 Né 13:10-13. Note 5, fin du chapitre.
NOTES
1. Cessation de la révélation
sur le continent américain : « Le monde
oriental avait perdu sa connaissance du Seigneur avant le monde
occidental. En Amérique du Nord, quatre cents
ans après la naissance de notre Sauveur et Maître, il y
avait un homme au moins qui savait que le Seigneur Dieu Tout-Puissant
était une personnalité distincte, un être capable
de se faire connaître à l'homme. Cet homme était
Moroni, fils de Mormon, dont le témoignage reste maintenant et
doit rester à tous les âges à venir »
- (Georges Q. Cannon, Life of Joseph Smith, p. 21. Voir LM, Moro
10:27-34).
2.
Les résultats de la grande apostasie divinement annulés
pour donner finalement du bien : L'étudiant consciencieux
ne peut manquer de voir dans la progression de la grande apostasie et
dans ses résultats l'existence d'une puissance supérieure,
qui, quoique ses voies soient impénétrables, vise un
bien ultérieur. Les persécutions navrantes infligées
aux saints dans les premiers siècles de notre ère,
l'angoisse, la torture, l'effusion de sang subies pour défendre
le témoignage du Christ, l'essor d'une Église apostate,
obnubilant l'intelligence et menant les âmes des hommes
captives, toutes ces scènes terribles étaient connues
d'avance par le Seigneur. Bien que nous ne puissions ni dire ni
croire que ces signes de dépravation et de blasphème
humains fussent en accord avec la volonté divine, il est
certain que Dieu voulut accorder le libre arbitre à l'homme,
ce qui permit à certains de remporter la couronne du martyre
et à d'autres de remplir toute la mesure de leur iniquité.
La permission divine n'est pas moins évidente dans les
révoltes et dans les réformes qui se développèrent
en opposition à l'influence de l'Église apostate qui
allait en empirant. Wycliff et Huss, Luther et Mélanchton,
Zwingli et Calvin, Henri VIII dans son arrogante prétention à
l'autorité sacerdotale, John Knox en Écosse, Roger
Williams en Amérique, tous et une foule d'autres
construisaient mieux qu'ils ne le pensaient en ceci que leurs efforts
posaient en partie les fondations de la liberté religieuse et
de la liberté de conscience, en préparation au
rétablissement de l'Évangile comme cela avait été
divinement prédit (La Grande apostasie, 10:19, 20).
3. La déclaration d'une
apostasie générale par l'Église anglicane :
Le Livre des Homélies, dont est tirée la citation
donnée dans le texte, fut publié vers le milieu du
seizième siècle. Cette proclamation officielle de
l'apostasie universelle fut rendue éminemment publique, car
les homélies étaient « destinées à
être lues dans les églises », dans certains
cas, au lieu du sermon. Dans la déclaration que nous avons
citée, l'Église anglicane affirme solennellement qu'un
état d'apostasie affectant tous les âges, tous les
groupes religieux et tous les niveaux dans l'ensemble du
christianisme avait régné pendant huit cents ans avant
l'établissement de l'Église qui faisait cette
déclaration. Cette affirmation garde toute sa valeur
aujourd'hui, tant comme confession que comme profession de l'Église
anglicane, car l'homélie « Contre le péril
de l'idolâtrie » et certaines autres homélies
sont spécialement ratifiées et approuvées, et il
est d'ailleurs prescrit qu'elles sont « à lire
diligemment et distinctement par les ministres dans les églises
afin qu'elles soient comprises du peuple ». Voir
« Articles of Religion » XXXV, dans les
éditions courantes de l'Église anglicane, Book of
common Prayer.
4.
Le « credo d'Athanase » : Au concile de
Nicée, convoqué par l'empereur Constantin, en 325 ap.
J.-C., on adopta une déclaration officielle de foi concernant
la Divinité. Plus tard, on en publia une modification, appelée
le « credo d'Athanase », et bien que l'identité
de son auteur fasse l'objet de doutes, le credo a sa place dans le
rituel de certaines Églises protestantes. Il n'est pas
nécessaire d'apporter de preuve plus concluante que le credo
d'Athanase du fait que les hommes avaient cessé de connaître
Dieu. « Le credo de saint Athanase », tel que
l'Église anglicane le confesse aujourd'hui, et tel qu'il est
publié dans le rituel officiel (voir Prayer Book) déclare :
« Nous adorons un seul Dieu dans la Trinité et la
Trinité en Unité, sans confondre les personnes ni
diviser la substance, car il y a une personne pour le Père,
une autre pour le Fils, et une autre pour le Saint-Esprit. Mais la
Divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est tout
une ; la gloire égale, la majesté coéternelle.
Tel que le Père est, tel est le Fils et tel est le
Saint-Esprit. Le Père incréé, le Fils incréé
et le Saint-Esprit incréé. Le Père
incompréhensible, le Fils incompréhensible et le
Saint-Esprit incompréhensible. Le Père éternel,
le Fils éternel et le Saint-Esprit éternel, mais un
seul éternel. Et il n'y a pas non plus trois
incompréhensibles, ni trois incréés, mais un
seul incréé et un seul incompréhensible. De
même, le Père est Tout-Puissant, le Fils Tout-Puissant
et le Saint-Esprit Tout-Puissant ; et cependant il n'y a pas
trois Tout-Puissants, il n'y a qu'un seul Tout-Puissant. De même,
le Père est Dieu, le Fils est Dieu, et le Saint-Esprit est
Dieu, mais cependant il n'y a pas trois Dieux mais un seul Dieu. »
Vient
ensuite une confession étrange de ce qui est à la fois
exigé par « Ia vérité chrétienne »,
et interdit par « la religion catholique » :
« Car de même que nous sommes obligés par la
vérité chrétienne : de reconnaître
chaque Personne en elle même
être Dieu et Seigneur, de même il nous est interdit par
la religion catholique : de dire, il y a trois Dieux, ou trois
Seigneurs. »
5.
La mission de Colomb et ses résultats : À Néphi,
fils de Léhi, fut montré l'avenir de son peuple, y
compris la dégénérescence d'une de ses branches,
appelée plus tard Lamanites et, dans les temps modernes,
amérindiens. La venue d'un homme d'entre les Gentils au
travers des eaux profondes fut révélée avec une
telle clarté qu'on peut identifier formellement cet homme
comme étant Colomb ; et l'arrivée en Amérique
d'autre Gentils, sortis de captivité, est tout aussi
explicite. Néphi, à qui la révélation fut
donnée, la rapporte comme suit : « Et je
regardai et vis beaucoup d'eaux ; et elles séparaient les
Gentils de la postérité de mes frères. Et l'ange
me dit : Voici, la colère de Dieu est sur la postérité
de tes frères. Et je regardai, et je vis un homme parmi les
Gentils ; il était séparé de la postérité
de mes frères par les grandes eaux ; et je vis l'Esprit
de Dieu descendre sur cet homme et agir en lui ; et il s'en alla
sur les grandes eaux, et se rendit auprès de la postérité
de mes frères qui vivait dans la terre promise. Et je vis
l'Esprit de Dieu agir sur d'autres Gentils ; et ils sortirent de
captivité et s'en allèrent sur les grandes eaux »
(1 Né 13:10-13). Le même chapitre expose avec une clarté
tout aussi grande l'établissement d'une grande nation de
gentils sur le continent américain, la subjugation des
Lamanites ou Indiens, la guerre entre la nation nouvellement créée
et la Grande-Bretagne, ou « Ies Gentils dont ils étaient
originaires », et le résultat victorieux de cette
lutte pour l'indépendance.
Source : James E. Talmage, Jésus le Christ, chapitre 40