Qui est chrétien ?



par Roger R. Keller


 
L’origine du mot « chrétien » dans le Vieux Monde est obscure. Il a probablement été utilisé pour la première fois par les païens d’Antioche pour désigner ceux qui suivaient le Christ. Cependant, vers la fin du premier siècle apr. J.-C., c’était un mot que les membres de l’Église acceptaient pour parler d’eux-mêmes comme le montrent les écrits d’Ignace (v. 35-v. 107 apr. J.-C.). Le mot est utilisé trois fois dans le Nouveau Testament (Ac. 11:26 ; 26:28 ; 1 Pi. 4:16).
 
Dans le Nouveau Monde (le monde du Livre de Mormon), il y avait un terme semblable pour désigner les membres de l’Église (Mos. 18:12-17 ; Al. 46:13-16 ; 48:10). « Chrétien » désignait ceux qui étaient « de vrais croyants au Christ » et qui étaient « heureux de prendre sur eux le nom du Christ, ou de chrétiens comme on les appelait, à cause de leur croyance au Christ qui allait venir » (Al. 46:15). Ici le terme « chrétien » désignait ceux qui croyaient que le Christ viendrait, et pas seulement, comme dans le Nouveau Testament, ceux qui croyaient qu’il était venu.
 
Le terme d’abord utilisé par les chrétiens du Vieux Monde pour se désigner fut sans doute le mot grec haguioï, signifiant les « saints ». Les saints des derniers jours ont adopté cette désignation du Nouveau Testament (Ac. 9:13 ; 32, 41 ; Ro. 1:7 ; 1 Co. 1:2 ; Ph. 1:1). On retrouve cette terminologie dans le Livre de Mormon (1 Né. 13:5, 9 ; 14:12, 14 ; 2 Né. 9:18-19 ; Mrm. 8:23 ; Mro. 8:26), les Doctrine et Alliances (1:36 ; 84:2 ; 88:114 ; 104:15) et la Perle de grand prix (Moï. 7:56).
 
L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ne se considère pas comme une confession chrétienne de plus, mais plutôt comme le rétablissement par Dieu, dans les derniers jours, de la plénitude de la foi et de la pratique chrétiennes. C’est ainsi que, dès les tout premiers temps, les chrétiens saints des derniers jours ont cherché à se distinguer des chrétiens d’autres traditions. Ils considèrent que les autres formes de christianisme, quoique contenant beaucoup de vérité et faisant beaucoup de bien sous la direction du Saint-Esprit, sont incomplètes, dépourvues de l’autorité de la prêtrise de Dieu, des ordonnances du temple, de la compréhension complète du plan du salut et de la compréhension non paradoxale de la Divinité. Par conséquent, la désignation « saint » reflète l’attachement à l’Église du Nouveau Testament et indique également une différence par rapport au christianisme catholique, orthodoxe et protestant dans la dispensation actuelle.
 
En réponse à cela, et pour diverses autres raisons, certains chrétiens catholiques, orthodoxes et protestants ont été réticents à appliquer le terme « chrétien » aux saints des derniers jours. L’une de ces raisons est que ceux-ci affirment que c’est dans l’Église que se trouve la seule ligne d’autorité établie par Dieu. Si cette autorité divine n’a pas été transmise après la mort des premiers apôtres, la Sainte-Cène, les ordinations, les formulations de croyance et les structures ecclésiastiques des autres groupes chrétiens sont dépourvues de la sanction divine. Pour beaucoup de chrétiens traditionnels, cette prise de position place les saints des derniers jours en dehors de la famille chrétienne telle que définie par certaines confessions de foi et ordonnances admises.
 
De plus, les saints des derniers jours affirment que Dieu a parlé et s’est manifesté non seulement aux personnes des temps bibliques, mais également au peuple du Livre de Mormon, et qu’il continue à parler aujourd’hui à son peuple par la révélation. C’est ainsi qu’ils ne sont pas toujours considérés comme des « chrétiens bibliques » quand ce terme exige la croyance que le canon de l’Écriture est complet dans la Bible. Pour les mormons, Dieu est toujours le Dieu de la révélation continue, ce qui signifie que les credo ne sont pas définitifs. Il n’est pas de confession, ni même l’ensemble des confessions, qui puisse englober complètement le dynamisme de Dieu. Il faut l’écouter et ses paroles doivent être mises par écrit pendant qu’il continue à nous guider divinement par la révélation. Par conséquent, le canon des saints des derniers jours est ouvert ; les Doctrine et Alliances deviennent un réceptacle officiel et ouvert pour les révélations qui affectent toute l’Église ; et des révélations continuent à être données aux prophètes, aux voyants et aux révélateurs vivants de l’Église, pour être communiquées aux membres.
 
Les saints des derniers jours considèrent que les chrétiens, au sens le plus large du terme, sont ceux qui basent leurs croyances sur les enseignements de Jésus et qui ont une relation personnelle avec lui. Selon cette définition, ils reconnaissent les catholiques romains, les catholiques orthodoxes, les protestants et les saints des derniers jours comme chrétiens, étant bien entendu que le christianisme des saints des derniers jours est la plénitude rétablie de l’Évangile du Christ. La vie des saints des derniers jours est leur affirmation de leur foi chrétienne. Comme l’a dit Brigham Young : « Si nous ne sommes pas à l’image du Christ nous ne sommes pas chrétiens » (Watson).
 
Le christianisme traditionnel subordonne souvent la qualité de chrétien à l’acceptation de certaines croyances et de certains dogmes. Comme les saints des derniers jours n’acceptent pas certains dogmes extra-scripturaires, en particulier ceux qui portent la marque philosophique d’un enseignement chrétien ultérieur au Nouveau Testament, certains, dans d’autres Églises, estiment que les saints des derniers jours ne peuvent pas être chrétiens. Ils ne sont pas « orthodoxes » dans ce sens. Mais pour les mormons, les croyances correctes (orthodoxie) et les comportements corrects (orthopraxie) sont ceux qui sont conformes à la volonté révélée du Seigneur. Certains des malentendus entre les communautés traditionnelles et les saints des derniers jours relèvent du point de savoir si, pour être chrétien, l’on doit d’abord croire aux dogmes traditionnels pour mener « une vie chrétienne correcte ».
 
Il y a, dans le Livre de Mormon, une définition qui décrit bien le christianisme des saints des derniers jours : « Et nous parlons du Christ, nous nous réjouissons dans le Christ, nous prêchons le Christ, nous prophétisons concernant le Christ, et nous écrivons selon nos prophéties, afin que nos enfants sachent vers quelle source ils peuvent se tourner pour obtenir la rémission de leurs péchés » (2 Né. 25:26). Le Christ et son sacrifice expiatoire sont, depuis le commencement, le message de base de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Le Christ a été le message central de tous les prophètes et apôtres modernes. Ils savent que les prophètes de l’Ancien Testament ont prévu sa venue, que les apôtres du Nouveau Testament l’ont prêché et ont témoigné de lui, que les prophètes du Livre de Mormon l’ont annoncé, et les Doctrine et Alliances présentent sa parole à notre génération. Jésus-Christ est le Seigneur vivant de l’Église. Hors de lui il n’y a pas de salut.
 
Le président Kimball a déclaré : « Il ne peut y avoir de christianisme réel et vrai, même avec de bonnes œuvres, que si nous sommes profondément, intimement convaincus que Jésus-Christ est véritablement le Fils unique du Père qui nous a achetés dans le grand acte de l’Expiation » (Kimball, p. 68). Il a également exprimé l’espoir que tout le monde finira par se rendre compte que chaque prière, chaque cantique, chaque sermon chez les saints a le Seigneur Jésus-Christ pour élément central. « Nous sommes de vrais disciples de Jésus-Christ et nous espérons que le monde arrivera finalement à la conclusion que, s’il y a des chrétiens dans le monde, c’est bien nous » (Kimball, p. 434).
 

Bibliographie

Gealy, F. D. "Christian." In The Interpreter's Dictionary of the Bible, Vol. 1, p. 571-572. Nashville, Tenn., 1962.
Grundmann, Walter. "Chiro." Theological Dictionary of the New Testament, Vol. 9, p. 27-580. Grand Rapids, Mich., 1964-1974.
Kimball, Edward L., dir. de publ. The Teachings of Spencer W. Kimball. Salt Lake City, 1982.
Watson, Eldon J., comp. Brigham Young Addresses, Vol. 4, p. 5 pour le 14 juillet 1861. Non publié, mars 1980.


Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme, Macmillan Publishing Company, 1992, traduction Marcel Kahne, source www.idumea.org, avec autorisation