Éléments distinctifs de la doctrine de l'Église


Alma P. Burton

 

Peu d’enseignements doctrinaux religieux sont uniques au sens strict du terme, mais beaucoup sont suffisamment rares pour être considérés comme des éléments distinctifs de telle ou telle religion ou confession. Plusieurs points de doctrine des saints des derniers jours sont distinctifs dans ce sens, bien que dans la plupart des cas d’autres chrétiens aient à un moment donné entretenu des croyances identiques ou similaires. Les saints des derniers jours insistent sur le fait que leurs points de doctrine distinctifs ont été révélés par Dieu dans de précédentes dispensations dirigées par Adam, Hénoc, Noé et ainsi de suite jusqu’au temps du Christ. Ainsi, alors qu’ils peuvent être distincts parmi les confessions modernes, ces points de doctrine nouvellement révélés étaient partagés par la seule vraie Église de Jésus-Christ dans les temps anciens.
 
Quelque chose qui est unique dans la théologie de l’Église moderne est la conception que la Divinité se compose de trois êtres distincts, dont deux possèdent un corps de chair et d’os et un, un corps d’esprit. Une déclaration officielle au sujet de la Divinité dit : « Le Père a un corps de chair et d’os aussi tangible que celui de l’homme ; le Fils aussi ; mais le Saint-Esprit n’a pas de corps de chair et d’os, c’est un personnage d’esprit » (D&A 130:22). Les saints des derniers jours prennent la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, dans un sens littéral et anthropomorphe, attribuant à Dieu à la fois une forme humaine et des émotions. Ils acceptent aussi bien l’unicité que la « tricité » de la Divinité comme enseignée dans la Bible. Cependant, ils rejettent la doctrine traditionnelle de la Trinité et croient, au contraire, que la Divinité est une en pensée, en dessein et en témoignage, mais trois en nombre. Ainsi, ils croient que Dieu est esprit dans le sens qu’il est empreint d’esprit, et dans le sens que le Saint-Esprit est un esprit, mais ils ne limitent pas le Père ou le Fils à l’immatérialité.
 
Les saints des derniers jours identifient expressément Jéhovah, Dieu de l’Ancien Testament, à Jésus-Christ. Ils croient que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui a marché avec Hénoc et qui a parlé avec Moïse sur le mont Sinaï, était Jésus-Christ prémortel, ou Dieu le Fils, agissant en tant qu’agent de son Père.
 
Les saints des derniers jours ont également des points de doctrine distincts en ce qui concerne la nature de l’univers et la façon dont il a commencé. Parce qu’ils croient que l’esprit et la matière sont en fait la même chose à des degrés différents de raffinement (voir D&A 131:2), ils conçoivent l’univers comme deux domaines, le physique et le spirituel, mais ceux-ci ne sont pas antithétiques. Ils nient la dichotomie esprit/matière et soulignent que l’esprit et la matière constituent un univers éternel unique.
 
De plus, pour eux, « au commencement » veut dire « au commencement de notre partie de l’histoire » ou, dans l’état prémortel, « quand Dieu a commencé à créer notre monde ». Ils ne croient pas en un commencement absolu, car dans leur théologie, l’esprit, la matière et l’élément sont tous éternels. Les créations peuvent passer d’un ordre inférieur à un ordre supérieur, et l’œuvre et la gloire de Dieu est de réaliser cette évolution (Moï. 1:39), mais il n’y a jamais eu de temps où la matière n’existait pas. Les saints des derniers jours rejettent l’idée courante d’une création ex nihilo – que Dieu ait tiré tout ce qui existe du néant. Ils enseignent au contraire que Dieu a tout créé à partir de matériaux préexistants mais non organisés. Il a organisé les éléments préexistants pour créer des mondes et il a organisé l’intelligence préexistante pour engendrer des esprits. Les esprits de tous les êtres humains ont existé en tant qu’enfants d’esprit de Dieu avant leur naissance ici-bas.
 
L’eschatologie mormone présente également plusieurs points de doctrine distinctifs. Par exemple, les saints des derniers jours croient en un état temporaire entre la mort et la résurrection que les Écritures appellent le monde d’esprit. Ce monde temporaire d’esprit comprend le paradis, où les esprits des justes attendent leur résurrection glorieuse, et l’enfer, où les esprits des méchants souffrent pour leurs péchés tandis qu’ils attendent la résurrection vers un degré de gloire inférieur (Al. 40:11-14 ; cf. Lu. 16:22-23). La doctrine des saints enseigne que tout être humain ressuscitera. Beaucoup ont été ressuscités peu après la résurrection de Jésus ; les justes restants seront ressuscités lors de la seconde venue du Christ et les méchants à la fin du règne millénaire du Christ sur terre. L’enfer est un état temporaire, qui rendra ses esprits captifs à la résurrection, tout comme la mort rendra ses corps (2 Né. 9:10-14 ; cf. Ap. 20:13-14). Dans la Résurrection, toute souffrance prendra fin (D&A 76:84, 88-89) et tous les êtres humains, excepté les fils de perdition, seront sauvés dans l’un des trois royaumes ou degrés de gloire : le céleste, le terrestre ou le téleste (D&A 76:1-19 ; 88:29-32 ; cf. 1 Co. 15:4-42).
 
Parmi les points de doctrine distinctifs des saints sur la nature de l’Église, il y a la croyance que l’Église de Jésus-Christ a été plusieurs fois sur la terre, en commençant par Adam, plus ou moins sous la même forme que maintenant et avec la même doctrine. L’Église et l’Évangile de Jésus-Christ sont éternels. Ils ont été révélés au peuple d’Adam, de Hénoc, de Noé, d’Abraham, de Moïse, de Jared, de Léhi, et d’autres. Adam a connu l’Évangile, a été baptisé par immersion au nom de Jésus-Christ et a reçu le don du Saint-Esprit, tout comme les saints dans toutes les autres dispensations. Parfois l’humanité a rejeté ou a déformé l’Évangile et est tombée dans l’apostasie. Mais, par la suite, l’Évangile a été rétabli dans sa pureté originelle par des prophètes appelés à lancer une nouvelle dispensation. Tout récemment, ce même Évangile éternel a été rétabli par le prophète moderne Joseph Smith. Ainsi, la fondation de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours n’a pas été le résultat d’une longue évolution religieuse, ni simplement le rétablissement du christianisme primitif, mais a été le rétablissement final sur la terre d’un Évangile éternel de Jésus-Christ révélé bien des fois à l’humanité depuis le commencement.
 
Ce qui distingue « l’Église vraie et vivante » de toutes les autres Églises est la possession des clefs de la prêtrise du royaume des cieux (voir Mt. 16:19). La croyance que la possession des clefs apostoliques est nécessaire dans la véritable Église n’est pas propre aux saints des derniers jours ; ce qui l’est, c’est l’insistance qu’une de ces clefs accorde nécessairement les dons de prophétie et de révélation. Détenir les clefs du royaume comme Pierre l’a fait, c’est être prophète, voyant et révélateur comme lui. Et pour être « vraie et vivante », une Église doit recevoir ces clefs apostoliques exercées et transmises par l’intermédiaire de ses prophètes vivants. Comme un arbre n’est vivant que quand ses branches sont attachées à son tronc et à ses racines, une Église n’est vivante que quand elle est rattachée par un chenal ouvert de révélation à sa source divine. Quand les dirigeants ecclésiastiques n’ont aucun lien prophétique de ce genre avec les cieux, une Église peut même enseigner des points de doctrine vrais, mais elle ne peut pas être « vraie et vivante » (voir D&A 1:30 ; 27:12-13), parce qu’il lui manque la communication nécessaire avec ses racines divines.
 
Étant donné l’accent mis sur le besoin de prophètes vivants, il s’ensuit que la parole de Dieu est principalement la parole adressée aux prophètes et communiquée par eux. La parole mise sur papier, les Écritures, est toujours importante comme précédent historique et comme compte rendu de ce que le Seigneur a dit à son peuple dans le passé, mais elle n’est qu’un complément et est secondaire par rapport à ce qu’il peut dire maintenant par son prophète vivant. Comme les saints des derniers jours croient au don véritable de prophétie, il s’ensuit que les révélations reçues par les prophètes modernes doivent être estimées au même niveau que celles reçues par ceux d’autrefois. Par conséquent, le canon des Écritures des saints des derniers jours ne peut jamais être fermé : « Nous croyons tout ce que Dieu a révélé, tout ce qu’il révèle maintenant, et nous croyons qu’il révélera encore beaucoup de choses grandes et importantes concernant le royaume de Dieu » (9e A de F).

Les saints des derniers jours sont également uniques dans plusieurs aspects de leur conception du salut. Si la plupart des points de doctrine des saints sont connus des autres chrétiens – par exemple, l’Expiation, la justification, la sanctification et la grâce – il y a, chez eux, plusieurs points distinctifs. Ils font une distinction entre le « salut » général, qui signifie pour eux que par l’expiation du Christ on est délivré de la tombe et du pouvoir de Satan et de l’enfer pour entrer dans un degré de gloire, et « l’exaltation », qui signifie que par l’expiation du Christ et l’obéissance personnelle aux principes et aux ordonnances de l’Évangile de Jésus-Christ on est élevé au degré le plus haut de gloire pour prendre part aux pouvoirs et aux privilèges de Dieu, s’asseoir sur son trône et régner dans l’éternité (voir D&A 76:1-119 ; 88:22-23 ; cf. Ap. 1:6 ; 3:21). Être exalté, c’est devenir comme Dieu.
 
Les saints des derniers jours fidèles reçoivent dans les temples de l’Église les ordonnances et la connaissance nécessaires à l’exaltation céleste. Une partie de ces rites sacrés est appelée la dotation du temple parce qu’elle constitue un élément majeur du don suprême accordé à l’humanité par l’expiation du Christ. Une autre ordonnance du temple est le scellement du mari et de la femme, des parents et des enfants dans des familles qui dureront pendant le temps et toute l’éternité. Le royaume céleste se composera de la famille céleste de Dieu unie dans l’amour comme maris et femmes, parents et enfants, et frères et sœurs pour toujours. En tant que personnes isolées, les êtres humains peuvent être sauvés dans des degrés de gloire moindres, mais seules les familles peuvent être exaltées.
 
Tout le monde n’a pas l’occasion d’entendre l’Évangile du Christ et de recevoir toutes ordonnances de l’exaltation ici-bas. Les saints des derniers jours enseignent que Dieu a pris des dispositions pour que tous entendent l’Évangile de manière à pouvoir accepter ou rejeter ses bénédictions. Ceux qui n’en ont pas l’occasion dans la condition mortelle la recevront dans le monde d’esprit. Le Nouveau Testament enseigne que Jésus lui-même a visité le monde d’esprit après sa mort sur la croix et a prêché aux esprits qui s’y trouvaient : « Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais ayant été rendu vivant quant à l’Esprit, dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison » (1 Pi. 3:18-19). Le but de sa prédication aux esprits est révélé au chapitre suivant : « Car l’Évangile a été aussi annoncé aux morts, afin que, après avoir été jugés comme les hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l’Esprit » (1 Pi. 4:6). Cet enseignement a été amplifié et expliqué dans la révélation moderne (D&A 137, 138).
 
D’autres domaines dans lesquels les idées des saints des derniers jours diffèrent sensiblement de celles du monde religieux contemporain sont les concepts de temps et d’éternité, la Lumière du Christ, le don du Saint-Esprit, l’évaluation positive de la création et de la terre physique, la nécessité éternelle des ordonnances, la place centrale de l’alliance abrahamique pour les chrétiens modernes et le concept que le ciel est un Royaume céleste situé sur cette terre renouvelée et glorifiée.
 

Bibliographie

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Madsen, Truman G. "Are Christians Mormon ?" BYU Studies 15, automne 1974, p. 73-94.
McConkie, Bruce R. MD. Salt Lake City, 1966.
Robinson, Stephen E. Are mormons Christians ?, chaps. 6-8. Salt Lake City, 1991.
Talmage, James E. AF. Salt Lake City, 1924.

Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme, Macmillan Publishing Company, 1992, traduction Marcel Kahne, source www.idumea.org, avec autorisation