La
doctrine de la grâce
Stephen
E. Robinson
Article
extrait de Croire
le Christ, publié en
1992
LE
SALUT PAR LA GRÂCE
Je pose souvent cette question à
mes étudiants : « Quand vous serez à la
barre de Dieu au jour du Jugement dernier, combien parmi vous
aimeraient avoir l’assurance que Dieu sera absolument juste
avec vous ? » En général, toutes les
mains se lèvent. C’est à ce moment que je leur
tire le tapis sous les pieds. « Vous auriez intérêt
à bien réfléchir. Être juste consiste à
être jugé selon les lois de la justice et recevoir ce
que l’on mérite. Mais des êtres déchus et
imparfaits tels que nous ne cherchent pas à avoir ce qu’ils
méritent. Ils cherchent mieux. Ils ne veulent pas que Dieu les
juge justement, ils veulent qu’il soit miséricordieux.
L’expiation du Christ fournit un moyen pour que Dieu soit en
même temps juste et miséricordieux. Comme le Christ et
moi sommes un dans l’alliance de l’Évangile, et
que dans un partenariat, il importe peu de savoir qui fait quoi, le
Christ peut satisfaire aux exigences de la justice en ma faveur, et
je peux alors recevoir les bénéfices de la miséricorde
de Dieu. Voilà un arrangement qui satisfait la justice et la
miséricorde.
Il se trouve qu’il y a toujours des
gens qui sont si « dépendants » de la
loi de la justice qu’ils ont des difficultés à
intégrer la loi de la miséricorde ou de la grâce.
Certains aspects de l’Évangile et de la miséricorde
les agacent et leur semblent injustes (en d’autres mots,
miséricorde plutôt que justice) par exemple, ce n’est
pas très juste qu’une personne doive souffrir pour les
péchés d’autrui. Il n’est pas juste que des
gens commettent des crimes horribles et soient ensuite complètement
pardonnés et purifiés sans avoir à en souffrir.
Il n’est pas juste que celui qui travaille seulement une heure
reçoive la même récompense que celui qui
travaille toute la journée. (Voir Matt. 20:1-16)
Non,
l’Évangile, parfois, n’est pas juste, mais c’est
en fait une partie de la bonne nouvelle. Elle n’est pas juste,
elle est miséricordieuse, et grâce à Dieu, il en
est ainsi, car nul homme ne peut être acquitté vu les
exigences de la justice absolue. Du point de vue des êtres
imparfaits et mortels que nous sommes, se trouver jugés
exclusivement par la justice est notre pire cauchemar. Il n’en
reste pas moins que certains d’entre nous ne veulent pas
abandonner la loi de la justice. De nombreuses personnes m’ont
dit : « Oui, ce que vous dites sur la miséricorde
et la justice serait merveilleux si c’était la réalité,
mais pour moi, il y a quelque chose qui ne va pas. C’est trop
facile, cela ne semble pas juste. » En d’autres
termes « Je n’accepte pas la miséricorde
parce que ça n’est pas la justice. » Mais
c’est justement cela la bonne nouvelle. L’Évangile
offre la miséricorde à ceux qui seraient autrement
damnés par la justice. Que disent les Écritures :
« Oh !La grandeur de la miséricorde de
notre Dieu, le Saint d’Israël ! Car il délivre
ses saints de ce monstre affreux, le diable, et de la mort, et de
l’enfer, et de l’étang de feu et de soufre, qui
est le tourment sans fin ». (2 Né. 9:19)
Maintenant, ce n’est pas un sort injuste que les Saints
soient délivrés de l’enfer. Il n’y a rien
de mal à ce que les gens aillent en enfer, ils le méritent.
Après tout, ils ont des péchés à payer et
il n’est que juste qu’ils les assument : « Mais
malheur à celui à qui la loi est donnée, oui,
qui a tous les commandements de Dieu, comme nous, et qui les
transgresse, et qui prodigue les jours de son épreuve, car
affreux est son état ! » (2 Né.
9:27). Dans la situation décrite dans ces deux Écritures,
le diable, la mort, et l’enfer reçoivent un pouvoir sur
les individus limité dans le temps et en intensité
permettant de rembourser la dette du péché. L’enfer
n’est pas une invention satanique. Il fait partie du plan de
Dieu, et cette notion est parfaitement juste. Il est vrai que c’est
Satan qui y règne, mais seulement dans la limite permise par
Dieu. La menace de l’enfer représente la menace de la
justice, et la peur de recevoir ce que l’on mérite et
d’avoir à payer ce que l’on doit sans que la
miséricorde n’interfère.
D’un autre
côté, l’expiation du Christ offre un moyen
d’obtenir la miséricorde plutôt que la justice et
d’éviter ainsi un juste châtiment en enfer. Mais
si on rejette la miséricorde qu’offre le Christ, alors
il est juste de souffrir pour ses péchés. La justice ne
pourra jamais intervenir pour nous sauver d’un châtiment
mérité, seule la miséricorde peut le faire. « Et
tandis que le bras de sa miséricorde est étendu vers
vous à la lumière du jour, ne vous endurcissez pas le
cœur… (Autrement) selon le pouvoir de la justice, car la
justice ne peut se voir opposer un refus, vous devrez vous en aller
dans l’étang de feu et de soufre, dont les flammes ne
s’éteignent pas, et dont la fumée monte pour
toujours et à jamais, étang de feu et de soufre qui est
le tourment sans fin. » (Jacob 6:5, 10)
Dans cette
vie, il n’y a que deux maîtres et deux possibilités.
Nous devons choisir à qui nous appartenons : à
l’un ou à l’autre. Si nous ne choisissons pas
l’un, c’est l’autre que nous aurons par défaut.
Il n’y a pas de terrain neutre, pas de troisième choix.
La vie est réglée par défaut comme les
ordinateurs. Les conditions s’appliquent automatiquement à
moins de prendre une décision consciente pour les modifier.
Ainsi, si nous refusons que le Christ soit notre Seigneur en
remplissant toutes les conditions pour entrer dans son alliance,
Satan devient notre seigneur par défaut. C’est le Christ
par choix ou Satan par défaut. Il n’y a pas d’autres
options.
Le Christ « apportera le salut à
tous ceux qui croiront en son nom ; ceci étant le but de
ce dernier sacrifice : réaliser les entrailles de
miséricorde, ce qui l’emporte sur la justice et fournit
aux hommes le moyen d’avoir la foi qui produit le repentir. Et
ainsi la miséricorde peut satisfaire aux exigences de la
justice et les enserre dans les bras de la sécurité… »
(Alma 34:15-16) Le choix qui se présente à nous est la
miséricorde ou la justice. On peut se tourner vers l’un
de ces deux choix, et l’un et l’autre sont en accord avec
la nature et le plan de Dieu. Mais hormis Dieu et Satan, il n’existe
pas de troisième voie. De nouveau, la vie a des réglages
par défaut, et ces réglages sont définis sur la
justice. Nous pouvons choisir la miséricorde offerte par
l’alliance de l’Évangile, mais si nous la
refusons, c’est la justice que nous subirons.
Cependant,
la miséricorde a ceci d’original : par définition
elle ne s’obtient qu’à condition de ne pas la
mériter. Car si nous méritons quelque chose, alors il
est juste que nous la recevions. Et cela cesse d’être la
miséricorde. C’est pourquoi dans ce sens, tout au moins,
accorder ou bénéficier de la miséricorde a
toujours un côté injuste. Mais un des aspects
merveilleux de l’Évangile, une des bonnes nouvelles
parmi d’autres est que Jésus-Christ ne se soucie pas de
cette injustice. Il a la volonté de souffrir injustement et de
compenser lui même la justice en payant de sa personne afin
d’étendre la miséricorde à des êtres
faibles comme nous. Cette volonté qui est la sienne de payer
plus que son dû et de porter plus que ce qu’il devrait
afin d’accorder la miséricorde à autrui
représente la grâce du Christ.
La grâce
Dans la Bible, le mot grâce a plusieurs significations.
Les mots hébreux ou grecs habituellement traduits par
« grâce » (respectivement hen ou charis)
sont aussi traduits par faveur, plaisir, remerciements, gracieuseté
ou bienveillance. On utilise aussi le terme pour désigner un
cadeau, un bénéfice, ou un geste symbolique. Dans la
société contemporaine, le pourboire ou la gratuité
(de la même racine latine que grâce) représente la
même idée. Un client paie sa note, c’est la
justice qui l’exige, mais le pourboire est laissé à
la libre appréciation. Il n’y a aucune obligation. La
grâce peut aussi signifier la beauté (Jacques 1:11) ou
elle peut désigner la faveur ou la situation particulière
que l’on accorde à une tierce personne en retour d’un
service rendu (voir Gen. 33:8), pour un avantage spirituel (voir 1
Sam. 2:18), ou même pour décrire la beauté
physique (voir Esther 2:15-17).
Dans le Nouveau Testament, le
mot « grâce » se rapporte plus souvent à
la grâce ou à la faveur divine, et l’on comprend
habituellement ce terme comme désignant l’attitude
bienveillante qui prédispose Dieu à agir positivement
envers les êtres humains. Le mot clé ici est
‘prédispose’. En d’autres termes, avant
d’avoir fait quoi que soit, avant d’être beau et
intelligent ou charmant ou même juste, avant d’avoir pu
gagner quelque récompense ou mériter quelques
bénédictions, avant tout ceci, Dieu est déjà
prédisposé à mon égard. La grâce en
ce sens n’est pas une chose que je peux susciter, manipuler,
gagner, mériter, ou contrôler, car c’est un aspect
préexistant de l’attitude de Dieu à mon égard.
Avant que j’aie même pu lui répondre, il m’aimait
déjà, il voulait déjà m’aider et il
voulait déjà me voir réussir (Cf. 1 Jn 4:19) Par
cette prédisposition à mon égard, Dieu m’accorde
aussi des dons de temps en temps pour m’aider à réussir.
Dans les Écritures ces dons sont quelquefois présentés
comme étant la grâce de Dieu, puisque ce sont des
symboles de sa prédisposition positive à mon égard.
Tout comme notre Père céleste, la plupart des
parents sont prédisposés favorablement envers leurs
enfants avant même qu’ils aient fait quoi que ce soit de
méritant. Même lorsque tout ce que peut faire un enfant,
c’est pleurer et mouiller ses couches, même dans ces
circonstances, on peut être sûr que ses parents disposent
d’un vaste réservoir d’amour et de soins et qu’ils
se soucient de lui. Bien que les enfants consomment plus qu’ils
ne produisent, la plupart des parents sont prédisposés
à les traiter favorablement, ou en d’autres termes à
leur accorder la grâce. C’est pourquoi ils font des
choses pour leurs enfants qu’ils ne feraient pas pour des
étrangers.
Quand il grandit, le « s’il
te plaît » de l’enfant est un appel à
la bienveillance et à la grâce de maman et papa. « S’il
te plaît » n’est pas un argument, il n’avance
aucune preuve que ce qui est demandé est juste ou mérité.
Cela n’implique pas que l’objet en question ait été
gagné. Il signifie simplement : « Faites le
parce que vous m’aimez et que vous êtes prédisposés
en ma faveur, ou faites le simplement parce que je le veux ou que
j’en ai besoin, et que vous vous souciez de mes besoins et de
mes désirs. Faites le en signe de votre grâce, pour
exprimer votre affection envers moi. Faites le parce que je suis à
vous et que vous êtes à moi ». L’expression
espagnole « por favor » qui signifie « s’il
te plaît » se traduit littéralement « par
grâce » ou « par faveur » et
exprime la véritable signification de la supplique « s’il
te plaît ».
Théologiquement, la grâce
de Dieu représente sa bienveillance à notre égard,
sa prédisposition à agir au mieux de nos intérêts
avant même d’avoir gagné ou mérité
sa considération. Les saints des derniers jours comprennent
que Dieu a exprimé de nombreuses façons sa grâce
inconditionnelle envers ses enfants. Par exemple, Dieu a fait de nous
ses enfants d’esprits dans la vie pré mortelle. Ce fut
pour nous une grande bénédiction, alors que nous ne
l’avions pas demandé, et qu’il n’y avait
aucun moyen de mériter ou de gagner par avance le droit à
devenir ses enfants. Dieu l’a fait parce qu’il avait le
pouvoir de le faire et nous nous en sommes trouvés mieux après
qu’il l’ait eu fait.
Notre naissance en tant
qu’enfants d’esprits fut l’expression gratuite de
la bienveillance du Père, de son souci et de son amour
délibéré et sans exclusive à notre égard.
C’est-cela la grâce pure. De plus, tout comme les parents
aiment leurs petits enfants avant même qu’ils puissent le
leur rendre, Dieu nous aime avant même que nous puissions
l’aimer en retour, et encore moins « gagner »
cet amour par notre bon comportement.
La grâce divine
touche aussi et réclame les enfants morts avant l’âge
de responsabilité (voir D&A 29:46 ; 137:10). Tout
comme elle réclame les malades handicapés (voir D&A
29:50) et ceux qui sont véritablement ignorants des
commandements de Dieu dans la mesure de leur ignorance (voir 2 Né.
9:25-26). Dans tous ces cas, Dieu est prédisposé à
agir unilatéralement en leur faveur sans qu’il leur soit
nécessaire de se qualifier pour mériter son attention.
Ils sont sauvés par la grâce. Les saints des derniers
jours croient aussi que c’est par la grâce divine que la
postérité d’Adam ne supporte pas le poids du
péché d’Adam (le péché originel) et
que c’est là un acte unilatéral qui montre la
bienveillance de Dieu (voir Moro. 8: 8) Ainsi, tous les hommes
ressusciteront par la grâce de Dieu. Ces aspects de la grâce
divine sont des dons que nous ne pouvons maîtriser ni mériter.
Néanmoins, on utilise quelques fois le terme de grâce
dans un sens différent pour décrire une qualité
remarquable et qui concerne le comportement. Quand on en parle dans
ce sens, la faveur ou la grâce divine n’est pas une
donnée préexistante, mais une chose que l’on doit
rechercher, qui peut augmenter ou diminuer, ou même être
complètement perdue en raison du comportement de l’individu.
Ainsi, Pierre soutient dans 1 Pierre 5:5 que Dieu accorde sa grâce
aux humbles (par opposition à ceux qui manquent d’humilité).
Il exhorte aussi les croyants à « croître
dans la grâce » (voir 2 Pierre 3:18) (Cf. Luc
2:52). Jean explique que les croyants reçoivent grâce
sur grâce, ou en d’autres termes, ils reçoivent
davantage de faveurs de la part de Dieu à chaque fois qu’ils
réagissent positivement (gracieusement) aux grâces déjà
obtenues (voir Jean 1:16 ; D&A 93:12, 19-20). Paul avertit
même les Galates du danger à se laisser détourner
de la grâce de JésusChrist à cause de leur folie
(voir Gal. 1:6 ; 5:4).
Cette grâce qui vient en
retour peut se développer (1 Pierre 1:2). Elle « abonde »
en certaines circonstances, ou elle peut être reçue en
« vain » (2 Cor. 6:11). On l’emploie dans
le sens d’une récompense dans Luc 6:32, 34 (…
quel gré vous en saura-t-on ?) et des remerciements que
les hommes doivent à Dieu. Encore aujourd’hui, « dire
les grâces » signifie offrir les remerciements dus à
Dieu pour ses bénédictions. Ce genre de grâce
sensible constitue aussi la nuance qui se trouve derrière la
plupart des Écritures dans lesquelles on parle de trouver
« grâce aux yeux » d’autrui (voir
Gen. 19:19 ; 1 Sam. 20:3). Quand on emploie le terme « grâce »
dans ce sens, en tant que grâce sensible, on voit comment on
peut dire que quelqu’un a grandi de grâce en grâce
pour arriver enfin à une « plénitude de
grâce » (D&A 93:12, 19-20).
Nous voyons
donc que certains aspects de la faveur ou de la grâce divine
sont unilatéraux et sans condition préalable. Ces
choses nous ont été accordées par Dieu sans
tenir compte de notre comportement personnel. Ce sont des dons
totalement désintéressés accordés à
tous les humains à cause de son amour préexistant.
Cependant, d’autres aspects de la faveur ou de la grâce
divine sont soumis à conditions et sont susceptibles
d’augmenter ou de diminuer, et même de disparaître
totalement de nos vies en fonction de la façon dont nous les
recevons. Néanmoins, dans les deux cas, l’amour et la
grâce de Dieu sont déversés sur l’homme.
L’amour et la grâce proviennent de lui, car c’est
sa nature, et il fait le premier pas. Dieu nous aime, non pas parce
que nous sommes si aimables qu’il ne peut s’empêcher
de nous aimer, il nous aime parce que c’est dans sa nature
d’aimer, parce que Dieu est amour (voir 1 Jean 4:8).
Sauvé
par la grâce
La plus grande expression de l’amour
et la grâce unilatérale et sans condition manifestée
par Dieu se manifeste dans le don du Sauveur en faveur des pécheurs.
« Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a
donné son Fils unique, afin que tous ceux qui croient ne
périssent pas, mais qu’ils aient la vie éternelle »
(Jean 3:16). L’expiation du Christ et le don de sa miséricorde
sont pour nous, que nous soyons justes ou pas, que nous les méritions
ou pas. Elles sont offertes tant pour le juste que pour le méchant
(religieusement parlant). Tout le monde est invité à le
recevoir. Cette solution pour résoudre tous les problèmes
de l’humanité est offerte gratis (gracieusement). La
justice n’exigeait pas que le Père fournisse un Sauveur,
non plus que Jésus-Christ s’offre pour être ce
Sauveur et souffre à notre place pour nous sauver. Lorsqu’il
a vu notre faiblesse, le danger que nous courions, et la nécessité
dans laquelle nous étions, son amour et sa compassion l’ont
poussé à offrir son intervention, à se porter
volontaire.
L’alliance de l’Évangile
repose sur la grâce, l’expression de la bienveillance
divine. Dieu n’était pas tenu de nous proposer cette
nouvelle alliance, et le Christ n’était pas obligé
de se porter volontaire. En tant qu’humains, nous n’avons
pas mérité nigagné l’offre de la nouvelle
alliance. C’est plutôt le contraire : l’alliance
de l’Évangile était nécessaire en premier
lieu à cause de notre désobéissance et de notre
incapacité à garder les commandements. Nous ne l’avons
pas gagné, nous en avions besoin. Pas de grâce, pas de
volontaire, pas de volontaire, pas de sauveur, pas de sauveur, pas de
salut. La conclusion est inévitable : nous sommes sauvés
par la grâce.
Pour certaines raisons, les saints des
derniers jours ne sont pas à l’aise avec la doctrine de
la grâce. Je crois que c’est parce qu’ils ont été
trop rebutés par les interprétations provenant de
certaines confessions chrétiennes et ils en sont arrivés
à rejeter le terme même ; ils ont jeté le
bébé avec l’eau du bain. Cependant, étant
donné le nombre d’Écritures des livres canoniques
qui enseignent la grâce, nous ne pouvons nier la place centrale
qu’elle occupe dans l’Évangile. Ainsi, voici ce
que dit le Livre de Mormon : « …réconciliez
vous avec la volonté de Dieu, et non avec la volonté du
diable et de la chair ; et souvenez vous, lorsque vous serez
réconciliés avec Dieu, que ce n’est que dans et
par la grâce de Dieu que vous êtes sauvés. (2 Né.
10:24)
Car nous travaillons diligemment à écrire ;
pour persuader nos enfants, et aussi nos frères, de croire au
Christ et d’être réconciliés avec Dieu ;
car nous savons que c’est par la grâce que nous sommes
sauvés, après tout ce que nous pouvons faire. (2 Né.
25:23)
«Et si les hommes viennent à moi, je leur
montrerai leur faiblesse. Je donne aux hommes de la faiblesse afin
qu’ils soient humbles ; et ma grâce suffit à
tous les hommes qui s’humilient devant moi ; car s’ils
s ’humilient devant moi, et ont foi en moi, alors je rendrai
fortes pour eux les choses qui sont faibles. » (Éther
12:27)
« Oui, venez au Christ et soyez rendus
parfaits en lui, et refusez vous toute impiété ;
et si vous vous refusez toute impiété et aimez Dieu de
tout votre pouvoir,de toute votre pensée et de toute votre
force, alors sa grâce vous suffit, afin que par sa grâce
vous soyez parfaits dans le Christ ; et si, par la grâce
de Dieu, vous êtes parfaits dans le Christ, vous ne pouvez en
aucune façon nier le pouvoir de Dieu.
« Et
en outre, si, par la grâce de Dieu, vous êtes parfaits
dans le Christ et ne niez pas son pouvoir, alors vous êtes
sanctifiés dans le Christ, par la grâce de Dieu, grâce
à son effusion du sang du Christ, qui est dans l’alliance
du père pour le pardon de vos péchés, afin que
vous deveniez saints, sans taches. » (Moro. 10:32-33)
Pour les saints des derniers jours, la doctrine de la grâce
n’implique pas que le salut ne vienne que d’elle seule,
c’est à dire, sans participation dans une certaine
mesure au processus, et cela ne signifie pas que le salut soit
octroyé sans aucune condition. S’il en était
ainsi, celui ci se résumerait à une chose qui nous
tomberait du ciel, comme si l’on était frappé par
un éclair ou si l’on gagnait à la loterie. Les
saints des derniers jours ne croient pas que la grâce soit
accordée d’une façon aléatoire ni qu’elle
soit irrésistible, ou que le salut soit accordé
unilatéralement de la part de Dieu (prédestination).
Dieu peut être prédisposé en notre faveur, il
peut placer à notre portée ce qui ne l’était
pas, et il peut ôter tous les obstacles obstruant le chemin du
salut, mais il ne nous obligera pas, une fois déblayé
,à prendre celui-ci, et il ne nous sauvera pas contre notre
gré. L’alliance de l’Évangile est proposée
gracieusement, mais c’est par choix librement consenti qu’on
l’accepte.
Certains théologiens soutiennent que
la grâce soumise à conditions verrait disparaître
sa qualité en tant que grâce, mais je ne suis pas
d’accord. Supposez qu’un être cher vous ait offert
un voyage tous frais payé à Hawaii, et ce gratis (c’est
à dire gracieusement) et qu’il vous ait demandé
de répondre à l’invitation avant une certaine
date. est-ce que la condition consistant à répondre
affirmativement avant une certaine date diminue en quoi que ce soit
la valeur de cet acte de gentillesse et sa gratuité motivé
par l’amour ? Prétendriez vous qu’à
partir du moment où vous auriez répondu
affirmativement, votre parent vous devrait ce voyage, et que vous
l’auriez en fait gagné en remplissant la seule condition
exigée : accepter l’offre dans le délai
prescrit ? Le fait que l’on admette qu’il s’agisse
d’un cadeau et affirmer que l’on veut le recevoir
transforme-t-il celui-ci en dû ?
Évidemment
non, et de la même façon, Dieu, notre riche Parent
céleste, nous offre son royaume gracieusement, en faisant à
notre place ce que nous ne pouvons faire pour nous mêmes. Mais
il exige aussi que nous reconnaissions et que nous acceptions l’offre
par la foi en Christ, le repentir, le baptême, et la réception
du Saint-Esprit. Alors, tant que nous gardons l’alliance de
l’Évangile, la grâce de Jésus-Christ est
suffisante « pour (lui) appartenir, pour (nous) sauver, et
pour (nous) justifier ». Les Écritures sont
claires : tant que nous respectons l’alliance,la grâce
du Christ n’est pas simplement nécessaire, elle est
suffisante pour notre salut (Voir Éther 12:27 ; Moro.
10:32-33).
Mais nous devons accepter cet accord. Lorsque nous
acceptons le Christ et que nous faisons alliance avec lui, les
exigences de la justice, qui représentent les exigences de la
perfection dont nous ne jouissons pas, sont satisfaites par la grâce
de Dieu, et nous sommes sauvés. C’est ainsi que les
principes du salut de l’alliance évangélique nous
sont offerts par faveur, gracieusement et avec bienveillance. Mais on
peut toujours refuser la grâce. On peut résister à
l’amour de Dieu et rejeter son alliance. Le Christ se tient à
la porte et il frappe, mais il ne donne jamais de coups de pied
dedans. C’est nous qui devons ouvrir la porte.
La
foi ou les oeuvres ?
Pendant des siècles les
théologiens ont discuté à perte de vue pour
savoir si l’on était sauvé par la foi ou par les
œuvres. On peut les renvoyer dos à dos, car ni la foi
seule (considérée comme une simple croyance passive) ni
les œuvres seules ne peuvent nous sauver. Le salut n’est
viable que par l’alliance dans laquelle la foi et les œuvres
jouent chacune leur rôle. Soutenir que le salut ne vient que
par les œuvres seules, que nous pouvons être sauvés
sans la grâce divine, insulte à la miséricorde de
Dieu et est une moquerie envers le sacrifice que Jésus-Christ
a subi en notre faveur. D’un autre côté, soutenir
que le salut ne vient que de la croyance seule et que Dieu ne place
aucune autre obligation sur le croyant, insulte à la justice
divine et fait du Christ le serviteur du péché.
La
conception de l’alliance dans les Écritures, accord
entre les hommes et Dieu qui établit des obligations pour les
deux parties et qui satisfait en même temps la justice et la
miséricorde, élimine l’opposition entre la foi et
les œuvres. En résumé, voici en quoi consiste
l’accord : nous faisons ce que nous pouvons, et
Jésus-Christ, l’objet de notre foi, fait ce que nous
sommes incapables de faire grâce à son amour, sa
miséricorde et sa grâce. Et nous devons croire qu’il
le peut, nous devons croire le Christ.
Dans la parabole des
talents, il importe peu de savoir que celui qui a cinq talents en a
gagné cinq autres, alors que celui qui en a deux n’en
gagne que deux de plus. Les efforts de l’un et de l’autre
sont acceptés, bien que l’un ait plus de talents et ait
donné plus de résultats que l’autre. En fait,
celui qui n’avait qu’un talent aurait été
accepté si seulement il avait fait ce qu’il avait pu,
mais il n’a pas choisi d’essayer.
On trouve en de
nombreux endroits dans les Écritures le terme de foi défini
en tant qu’« engagement », incluant ainsi
dans le seul mot de foi le sens de croyance et de comportement. Dans
cette acception, on peut dire que nous sommes sauvés par la
foi seule (c’est à dire grâce à un
engagement total de notre croyance et de notre comportement)
Il
est vrai que nos œuvres ne peuvent nous sauver, mais nous
pouvons contribuer dans une certaine mesure aux efforts conjoints de
notre partenaire. Nous devons faire quelque chose pour participer au
partenariat, pour être dans l’alliance. Même si
tous les efforts que nous faisons sont insuffisants pour nous sauver
par nous mêmes, ils suffisent comme symbole de notre bonne foi
à établir l’alliance avec notre Sauveur. Cette
relation a pour finalité de lui appartenir, de (nous) sauver,
et de (nous) justifier, cependant Dieu exige encore de nous notre
participation. Sans notre accord et notre participation, le salut ne
se résumerait qu’à de la prédestination et
rien de plus, un accident aléatoire qui surviendrait
arbitrairement à certains et pas aux autres.
Non, nous
devons participer à notre salut dans la mesure de nos
capacités. Après tout, il s’agit d’un
partenariat, et l’associé minoritaire se doit de
contribuer dans la mesure de ses moyens. Refuser cette participation
revient à refuser l’idée même du
partenariat. Deux personnes sur un tandem, peuvent ne pas faire les
mêmes efforts, mais si le plus faible utilise cela comme excuse
pour lever le pied et cesser de pédaler, alors l’arrangement
cesse d’être un partenariat et cela devient de
l’exploitation. Dans le langage de l’Évangile,
cela s’appelle violer l’Alliance.
Essayer de faire
de notre mieux pour garder les commandements et être semblables
au Christ font partie de nos obligations dans le cadre de l’alliance,
non parce que nous pouvons y arriver dans cette vie, mais parce que
l’essai, notre engagement à essayer, démontre
notre sincérité et notre fidélité envers
l’alliance, c’est la déclaration de nos buts et de
nos désirs. Nos essais courageux montrent que nous avons
véritablement faim et soif de justice, même si nous n’y
arrivons pas toujours. La foi consiste à vouloir toujours
essayer, encore et toujours. Alors que la réussite ne fait pas
partie des exigences de l’alliance de la foi, mes essais les
plus sincères, eux, en font partie. L’alliance de
l’Évangile exige cet effort de « bonne foi ».
Ainsi le vieux débat entre la foi et les œuvres
représente une dichotomie et une alternative fausses. Quel que
soit le bord que l’on choisisse, la foi seule ou les œuvres
seules, le concept de l’alliance, du partenariat entre
l’individu et Dieu est supprimé.
Résister
à la grâce
Trop nombreux parmi nous se
disent : « Quand j’y serai arrivé, quand
je me serai perfectionné moi même, quand j’aurais
réussi à devenir complètement juste ; alors
je serai digne de l’Expiation. Alors le Christ pourra faire son
œuvre et m’exalter. » Mais ceci n’arrivera
jamais, car c’est mettre la charrue avant les bœufs.
C’est comme si on disait : « Quand ma tumeur
sera partie, j’appellerai le médecin. Je serai prêt
à le recevoir à ce moment. » Ce n’est
pas comme cela que ça marche en médecine ou dans
l’Évangile. « Ce ne sont pas ceux qui sont en
bonne santé qui ont besoin du médecin, mais ceux qui
sont malades » (Matt. 9:12)
Même un prophète
aussi grand que Moïse apprit qu’il ne pouvait résister
au pouvoir de Satan ni le rejeter tant qu’il ne fit pas appel
au pouvoir de Dieu par le nom du Fils unique (voir Moïse
1:20,21). De même, Jean vit que ceux qui recevront le salut, la
force et le royaume vainquent Satan par le sang de l’Agneau
plus que par leurs efforts personnels (voir Apoc. 12:10).
J’ai
la ferme conviction que dans la plupart des cas la croyance selon
laquelle nous devons nous sauver nous mêmes grâce à
nos bonnes œuvres n’est pas seulement de la mauvaise
information, mais c’est mal. C’est mal tout d’abord
parce que ce faisant on charge les gens d’un fardeau impossible
à porter, le fardeau de la nécessité d’être
parfait. À terme, ils vont se désespérer et vont
abandonner. Ensuite, c’est mal parce que cela empêche les
gens d’admettre qu’ils ont besoin d’un Sauveur et
qu’il leur faut accepter les mérites et la miséricorde
du saint Messie. Cela les empêche d’appréhender
Jésus-Christ dans son rôle de Sauveur. Finalement, c’est
mal parce que certaines personnes sont tout simplement trop
arrogantes pour admettre leurs imperfections. Ils refusent de
s’accepter comme pécheurs ou d’admettre qu’il
existe des choses qu’ils ne peuvent faire tous seuls ; de
tels cœurs ne seront jamais brisés, ils sont trop
orgueilleux. Ces gens considèrent le Christ et son expiation
comme de simples outils pratiques que l’on utilise pour se
sauver soi même, comme le menuisier emploierait un marteau et
des clés pour construire une maison. Ces sauveteurs amateurs
s’attribuent tout le mérite de leur salut alors que
c’est le Christ qui devrait en bénéficier. Le
menuisier ne remercie pas le marteau.
Celui qui croit
travailler à son propre salut n’a pas l’humilité
nécessaire pour recevoir la purification par l’expiation
du Christ :
« Il s’offre en sacrifice
pour le péché, pour satisfaire aux exigences de la loi,
pour tous ceux qui ont le cœur brisé et l’esprit
contrit ; et il ne peut être satisfait aux exigences de la
loi pour personne d’autre. » (2 Né.
2:7).
C’est précisément le point que le
Sauveur souligne dans la parabole du pharisien et du péager
(voir Luc 18:9-14). Le pharisien faisait partie de ces personnes qui
« se persuadaient par elles mêmes d’être
justes » (verset 9). Le péager, quant à lui,
ne gardait pas les commandements de Dieu aussi bien que le pharisien,
mais il le savait, et il en avait le cœur brisé.
Beaucoup de personnes qui lisent cette parabole voudraient voir un
hypocrite dans le pharisien, mais le texte ne suggère rien de
cela. Le pharisien faisait véritablement tout ce qu'il devait
faire, il en était fier et en retirait un sentiment de
supériorité, alors que le péager n’était
pas dans ce cas. Mais là n’est pas le point important.
Cette
parabole ne traite pas de l’hypocrisie, elle traite de
l’orgueil ; selon des normes humaines objectives, en terme
de nombre et de fréquence de règles respectées,
le pharisien était vraiment le plus juste des deux. Dans
Philippiens 2:12 (« travaillez à votre salut avec
crainte et tremblement ») Paul n’a pas enseigné
que l’on pouvait se sauver soi-même. Lui plus que tout
autre connaissait plus sur ce point. Il veut dire plutôt, comme
le verset suivant l’explique clairement, que pendant que nous
accomplissons l’œuvre, Dieu est-celui qui opère en
nous, avec nous, et par nous pour désirer et accomplir le but
commun de notre salut. Nos œuvres et la grâce divine sont
également nécessaires ! Cependant, selon le
Sauveur : « Je vous le dis, celui ci [le péager]
descendit dans sa maison, justifié, plutôt que l’autre
[le pharisien] » (verset 14).
Je crains que, tout
comme le pharisien de la parabole, certains parmi nous relativement
bons à garder les règles ne se persuadent de leur
justice. Ces gens sont exagérément fiers de leur propre
bonté ; ils s’exaltent eux mêmes. Mais quand
nous nous enorgueillissons de notre bonté au lieu de nous
humilier devant notre imperfection (cf. 2 Né. 4:17-19),
notre cœur n’est pas brisé, et notre esprit n’est
pas contrit.
Je me souviens d’un missionnaire que nous
avons connu dans l’est des États Unis qui ne pouvait
simplement pas être enseigné sur ce sujet. Il a dit une
fois : « Il est évident que je peux me rendre
parfait. C’est la différence entre les saints des
derniers jours et les autres chrétiens. Ils croient qu’ils
sont sauvés par la grâce, que Dieu leur présente
tout sur un plateau d’argent, et nous, nous savons que nous
devons le faire nous mêmes. Je suis déjà très
bon dans ce que je fais actuellement, et j’ai confiance que je
serais arrivé à la perfection aux environs de trente
ans. » Il doit avoir dans les trente ans maintenant. Je me
suis souvent demandé comment il allait.
Quel mérite
nous permet d’entrer dans le royaume ? Quelles bonnes
œuvres nous rendent parfaits ? Ces Écritures
propres aux saints des derniers jours sont claires à ce
sujet. :
« Et puisque l’homme était
déchu, il ne pouvait rien mériter par lui même ;
mais les souffrances et la mort du Christ expient ses péchés,
par la foi et le repentir, et ainsi de suite. (Alma 22:14)
« Et
je remercie aussi mon Dieu, oui, mon grand Dieu, de ce qu’il
nous a accordé de nous en repentir, et aussi de ce qu’il
nous a pardonné les nombreux péchés et meurtres
que nous avons commis, et a ôté la culpabilité de
notre cœur par les mérites de son Fils. »
(Alma 24:10) « …se reposant uniquement sur les
mérites du Christ, qui était l’auteur et le
consommateur de leur foi (Moro. 6:4)… « pour qu’ils
connaissent les promesses du Seigneur, qu’ils croient en
l’Évangile, placent leur confiance dans les mérites
de Jésus-Christ, soient glorifiés par la foi en son
nom, et sauvés par leur repentir ». (D&A 3:20)
Ceux qui envisagent d’entrer dans le royaume de Dieu
par leurs propres mérites ne comprennent pas encore comment on
arrive à la perfection et à qui doivent être
attribués les mérites. Ils se glorifient de leurs
efforts et s’attribuent le rôle de sauveur. Le prophète
Zenock nous avertit dans le Livre de Mormon que nous risquons
d’encourir la colère de Dieu si nous n’apprécions
pas sa grâce et sa miséricorde : « …tu
es en colère, ô Seigneur, contre ce peuple, parce qu’il
ne veut pas comprendre la miséricorde que tu lui as accordée
à cause de ton Fils. » (Alma 33:16)
L’archétype
de ceux qui veulent s’exalter et s’accorder tous les
mérites pour ce que seul le Sauveur peut accomplir est
évidemment Satan. Dans Moïse 4:1 on nous dit que Satan
insista : « je le ferais certainement ; c’est
pourquoi donne-moi ton honneur ». J’oserais dire que
ceux qui ne se rendent pas compte de leur totale dépendance
envers le Sauveur et qui insistent à vouloir travailler à
leur propre salut sont coupables de cette même attitude
satanique. Il vaut mieux être le péager pécheur
qui se repose humblement sur la miséricorde de Dieu que d’être
le pharisien qui se persuadait de sa justice en s’appuyant sur
ses bonnes œuvres pour se sauver, car le précédent
a au moins appris qu’il a besoin du Sauveur et qu’il est
prêt à l’accepter et à se repentir, alors
que le dernier ne l’est pas (évidemment, une autre
possibilité serait de combiner le cœur brisé et
l’humilité du péager avec l’obéissance
du pharisien).
« Mon joug est léger »
Certains rejettent l’idée de la grâce
parce qu’elle leur semble trop facile. Ils veulent que le salut
soit plus difficile. Il existe un certain confort à se dire :
« Le salut est si difficile à atteindre que je ne
peux vraiment pas y arriver, alors je n’ai pas vraiment besoin
d’essayer. » Cette attitude fournit une excuse
facile pour ne pas essayer du tout. Cela me rappelle un peu cette
jeune femme qui refusait systématiquement les demandes de
rendez vous d’un homme qui tout aussi systématiquement
lui démolissait ses excuses les unes après les autres.
Finalement, elle fut forcée d’admettre la vérité :
« Ecoute, je suis à bout d’argument, alors je
vais te le dire carrément. Je ne veux pas sortir avec toi. »
Certains d’entre nous utilisent de semblables tactiques
évasives avec le Seigneur lorsqu’il nous invite à
entrer dans son royaume. Nous présentons une excuse après
l’autre pour expliquer pourquoi nous ne pouvons entrer dans le
royaume. Mais la grâce divine, qui a ôté tous les
obstacles et déblayé le chemin, élimine toutes
nos excuses. Par sa grâce, tous les problèmes peuvent
être surmontés, toutes les circonstances peuvent être
réglées, tout le monde peut être sauvé, à
la seule condition que nous désirions véritablement le
royaume. Nous disons :
« Je voudrais vraiment
venir avec toi, mais je ne peux observer tel ou tel commandement tout
le temps,’ et lui nous répond : « Peux-tu
le garder quatre-vingt-dix pour cent du temps (ou quatre-vingts ou
soixante-dix) ? Alors, commence à ce niveau, et nous y
travaillerons ensemble ! » Finalement, face à
tout ce que Dieu a fait et veut faire pour nous, après
avoirdéblayé tous les obstacles et que nous soyons face
à une porte ouverte, soit nous disons : « Oui,
je veux venir avec toi » ou « Écoute, je
suis à bout d’arguments, alors je vais te le dire
carrément. Je ne veux pas sortir avec toi. »
Personne ne peut se défiler en disant : » je
voudrais bien venir, mais je ne peux pas ». La grâce
a supprimé toutes les excuses sauf une : » je
ne veux simplement pas venir, je préfère mes péchés
au royaume ».
Quand j’entends quelqu’un
se plaindre que la doctrine de la grâce rend les choses trop
faciles, je pense à l’occasion où le Seigneur a
essayé de montrer sa grâce, son mérite, et sa
miséricorde envers Isra ël lorsque celui ci a péché
dans le désert : « Et il les a corrigés
dans le désert avec sa verge, parce qu’ils
s’endurcissaient le cœur comme vous ;et le Seigneur
les a corrigés à cause de leur iniquité. Il a
envoyé parmi eux des serpents brûlants qui volaient ;
et lorsqu’ils ont été mordus, il a préparé
un moyen pour qu’ils soient guéris ; et tout
l’effort qu’ils avaient à faire était de
regarder ; et à cause de la simplicité du moyen,
ou de sa facilité, il y en a eu beaucoup qui ont péri. »
(1 Né. 17:41 ; cf. Nom. 21:4 9 ; Alma 33:20)
J’ai peur qu’aujourd’hui dans l’Église
nous en ayons de semblables qui vont périr plutôt que
d’accepter la grâce de Dieu parce que cela leur semble
trop facile. Ils ne vont pas croire le Christ. Mais comme le disait
Alma à son fils Helaman : « Ô mon fils,
ne soyons pas paresseux à cause de la facilité du
chemin ; car il en fut ainsi pour nos pères ; car il
était préparé pour eux de telle sorte que, s’ils
regardaient, ils pourraient vivre ; de même en est-il pour
nous. Le chemin est préparé, et si nous regardons, nous
pouvons vivre à jamais. » (Alma 37:46)
L’histoire
de Naaman le lépreux dans l’Ancien Testament nous
prévient aussi d’éviter de mépriser la
simple miséricorde divine. Naaman s’en alla voir le
prophète Élisée, voulant être guéri
et il s’attendait à ce que les soins fussent difficiles
et coûteux. Lorsqu’Élisée lui dit d’aller
se baigner dans le Jourdain sept fois, « il s’en
retourna en colère » (2 Rois 5:12), se sentant
insulté, rejeté et dégoûté par une
prescription aussi simple. Heureusement ses serviteurs purent le
convaincre d’essayer ce remède « trop
facile ». « …Si le prophète t’eût
demandé quelque chose de difficile, ne l’aurais tu pas
fait ? Combien plus doistu faire ce qu’il t’a dit :
lave-toi et tu seras pur. » (2 Rois 5:1-3)
Naaman
s’humilia, fit la chose simple qu’on lui demandait et fut
guéri. Naaman dans sa colère était-il si
différent de ceux qui de nos jours pensent que les eaux du
baptême et la grâce de Dieu sont trop faciles pour nous
purifier de nos péchés ? Lorsque Pierre a dit :
« Éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur,
ô, Seigneur », il disait probablement la vérité.
Mais apparemment, Jésus lui a trouvé quelque utilité.
Mon
collègue Léon Hartshorn raconte cette histoire
poignante sur la façon dont la croyance de son père en
Christ a évolué :
Mon
père était un brave homme. Il s’était bien
occupé de ma mère pendant des années alors
qu’elle était malade avant de décéder. Il
enseigna à ses enfants à être honnêtes et
justes. Il a toujours payé sa dîme, mais il n’allait
pas à l’Église. Mon père avait travaillé
à la mine pendant une grande partie de sa vie, dans un
environnement qui n’invitait en général pas
l’Esprit de Dieu, et c’est peut être pour cette
raison qu’il pensait qu’il n’aurait pas pu être
pleinement pratiquant et jouir de toutes les bénédictions
d’une vie active dans l’Évangile.
J’étais
marié depuis deux ou trois ans lorsque je retournai le voir
chez lui. Alors que nous étions assis ensemble, il me dit :
« Fils, j’ai fait un rêve. J’ai rêvé
que je me tenais au bord d’une falaise, et que le Sauveur
s’approchait de moi à cheval. Il avait une corde
attachée à la selle et enroulée autour du
pommeau de la selle. Il m’a tendu la corde et m’a dit :
« Bob, je veux que tu me descendes avec mon cheval le long
de la falaise ». Je lui répondis que c’était
impossible ; qu’il était impossible pour un homme
de descendre un cheval et son cavalier le long d’une falaise.
Il répondit « Bob, descends- moi avec mon cheval le
long de la falaise ». Alors, j’ai pris le bout de la
corde et je les ai descendus au bas de la falaise. À ma grande
surprise, ce n’était pas du tout difficile. Lorsque le
cheval et son cavalier furent arrivés au bas de la falaise, il
regarda vers le haut et dit : « Bob, envoie la
corde. » Je la laissai tomber, et il la réenroula
autour du pommeau de la selle. Alors, me regardant du bas de la
falaise, il me dit simplement : « Bob, c’est
aussi simple que cela de vivre mes commandements si tu veux
essayer. » C’était une leçon que mon
père pouvait comprendre, une leçon enseignée
dans son vocabulaire de chevaux, de cavaliers, de selles et de
cordes. À la suite de cela il essaya de faire tout ce qu’on
lui demanda dans l’Église et fut très pratiquant
durant les vingt-cinq dernières années de sa vie.
Les
fruits de la grâce
La grâce du Christ a le
pouvoir de convertir les cœurs contrits si l’on reconnaît
humblement que l’on dépend d’elle et de la
miséricorde. J’ai connu un membre de l’Église
dont le sens de la justice était si fort qu’il était
dans l’incapacité d’accepter l’expiation du
Christ, encore qu’il ne s’en rendait pas compte à
l’époque. C‘était un homme vraiment très
dur, avec sa femme, ses enfants, dur avec ses amis et ses voisins, et
surtout dur avec lui même. Il n’était jamais
véritablement injuste, mais il ne pardonnait jamais et
n’oubliait jamais. Il luttait pour obtenir la perfection
absolue dans tout ce qu’il faisait, et il ne tolérait
absolument aucun échec de qui que ce soit. À ses yeux,
‘une honnête tentative’ ou ‘un effort
courageux’ n’était que des euphémismes pour
le mot échec, et que le ciel vienne en aide à sa femme
ou à ses enfants s’ils ne satisfaisaient pas ses
attentes ! Il faut dire honnêtement que cet homme n’avait
jamais demandé qu’on lui fasse une fleur, et il n’en
avait jamais fait lui non plus. Pour lui, l’idée selon
laquelle on peut être pardonné de nos péchés
à cause de ce que le Christ a fait et par conséquent,
échapper totalement au châtiment d’une juste
punition lui semblait trop facile. Il définissait
sarcastiquement la doctrine du terme de « grâce
facile » parce qu’il avait l’impression que
celle-ci permettait aux gens qui méritaient d’être
punis de se libérer de l’hameçon.
Après
plusieurs années d’amitié, je découvris
que cet homme cachait un grand secret, un terrible péché
qui datait de loin pour lequel il n’arrivait pas à se
pardonner. Dans son esprit, ce péché était si
horrible que la justice l’empêcherait d’entrer dans
le royaume de Dieu pour l’éternité. Il était
totalement désespéré, et dans sa résignation
absolue envers ce qu’il considérait un juste sort, il
était devenu dur, froid et mort. La haine et la rage qu’il
ressentait envers son imperfection montaient en spirale pour aspirer
tous ceux qu’il connaissait susceptibles de montrer des signes
d’imperfection.
Nous parlions un jour de la loi de la
justice et je fus d’accord pour admettre qu’il avait sans
doute raison : qu’elle lui claquerait probablement la
porte du royaume à la figure. Mais je lui fis remarquer que la
miséricorde pouvait ouvrir des portes là où la
justice en était incapable. C’est alors que je fis un
pari et que je lui dis que je ne croyais pas que sa fixation sur la
justice fut motivée par la douleur et la culpabilité,
comme il le prétendait, mais plutôt par l’orgueil.
Il ne pouvait tolérer l’idée qu’il était
comme les autres hommes. Il ne pouvait tolérer l’idée
qu’il avait besoin d’aide, et qu’il ne pouvait
s’abaisser pour en demander. Il était prêt à
admettre le fait que d’autres pouvaient être
spirituellement en décalage, mais qu’il ne put se sauver
lui même, qu’il eut besoin de l’aide d’autrui,
c’était tout simplement monstrueux, trop grotesque à
considérer. Son orgueil ne pouvait se le permettre.. C’est
pourquoi il rejetait la miséricorde, même si il ne
pouvait satisfaire la justice. En conséquence, son cœur
ne s’était pas brisé sous le poids du péché,
il s’était endurci. Il aurait préféré
être damné par la justice plutôt que de faire
appel à la miséricorde divine.
Au début,
il fut scandalisé par ce que je lui dis, et pendant un temps
notre amitié fut ébranlée. Mais petit à
petit il se rendit compte que son rejet du concept de la miséricorde
revenait à rejeter le Christ. Finalement, il me dit un jour :
« C’est vraiment cela. Je suis tout simplement trop
orgueilleux pour admettre ma faiblesse et demander de l’aide.
Je ne veux pas admettre mon imperfection, même à moi
même, encore moins à l’évêque ou à
Dieu. Mon orgueil me pousserait plutôt à aller en enfer
pour m’acquitter de la totalité de la punition plutôt
que de m’humilier et de rechercher la miséricorde
divine. » Il se décida finalement à aller
voir son évêque et, avec un courage immense, confessa un
péché soigneusement caché pendant des décennies.
Et alors qu’il s’humiliait et recherchait la miséricorde
au lieu de la justice, une chose merveilleuse se passa. Quand il vit
qu’il était pardonné par la grâce d’une
tierce personne, et qu’il réalisa ce qui avait été
fait pour lui gratuitement, quand il se rendit compte du soulagement
incroyable qu’il lui avait été octroyé
gratis, il commença à se comporter avec patience,
miséricorde et pardon avec ceux qui l’entouraient. Ce
n’était plus un homme dur.
— Mais pourquoi
ferais-tu cela pour moi ?
— Parce que je t’aime.
— Mais ce n’est pas juste.
— C’est
vrai, ce n’est pas juste du tout, c’est miséricordieux.
Après tout, c’est un cadeau.
— Mais comment
est-il possible de mériter un tel cadeau ?
— Ne
sois pas sot.Tu ne peux le mériter. Tu ne le mérites
pas. Je te fais ce don parce que je t’aime et que je veux
t’aider, et non parce que je te le dois.
—
Mais,comment pourrais-je te rembourser ?
— Ça
recommence. Tu ne comprends toujours pas ? Tu ne peux me
rembourser, ni toi ni toutes les multitudes de tes semblables. Des
dons de cette grandeur ne peuvent être remboursés. Tu ne
peux que m’aimer en retour de ce que j’ai fait par amour
pour toi, et chercher à devenir ce que je suis : un
dispensateur de dons généreux.
Et ça,
c’est la bonne nouvelle.
INCOMPRÉHENSION
DE LA DOCTRINE DE LA GRÂCE
On peut mal interpréter
la doctrine de la grâce et même la déformer de
multiples façons. Une des plus graves altérations
consiste à prétendre que je n’ai plus besoin de
travailler aussi dur puisque le Christ va accomplir tout ce que je ne
peux faire dans le cadre de l’alliance. Je peux me détendre
et laisser Jésus faire tout pour moi ; je peux me
contenter de faire un effort symbolique, continuer à jouir de
mes péchés favoris, tout en espérant être
« sauvé par la grâce ».
L’apôtre
Paul se trouva confronté dans l’Église primitive
à ceux qui pensaient que la grâce devait être une
autorisation ou une protection permettant de continuer à
pécher : « Quoi donc ! Pécherions
nous, parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce ?
Certes non ! Ne savez-vous pas que si vous vous livrez à
quelqu’un comme esclaves pour lui obéir, vous êtes
esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché
qui conduit à la mort, soit de l’obéissance qui
conduit à la justice ? » (Rom. 6:15-16)
Cette fausse doctrine du salut par la grâce sans
engagement ni loyauté viole les termes de l’alliance
évangélique en demandant à Jésus de faire
pour moi ce que je pourrais très bien faire tout seul, mais
que je ne suis pas disposé à faire. N’importe qui
peut affirmer qu’il fait de son mieux et prétendre qu’il
est justifié par la foi en Christ et qu’il jouit de la
compagnie du Saint-Esprit, alors qu’en fait il reste
obstinément engoncé dans ses péchés. Seul
Dieu sait qu’il ment. Je voudrais pouvoir proposer un test pour
faire la différence entre les honnêtes gens qui font ce
qu’ils peuvent et ceux qui voudraient qu’on les porte
quand ils pourraient marcher, mais je ne sais pas comment faire. Je
suis heureux que Dieu puisse le faire.
Il est sûr que
ceux qui disent : « Je fais du mieux que je peux mais
qui violent sciemment les commandements ont besoin d’apprendre
la différence entre vouloir la justice et souhaiter vouloir la
justice. Bien que Dieu accepte les intentions et les désirs
justes en lieu et place d’une performance parfaite, il ne veut
pas être payé en monnaie de singe. Il n’acceptera
pas de simples vœux à la place d’intentions et de
désirs justes. Cette attitude n’est pas de l’engagement.
Ce n’est pas de la fidélité. Elle ne satisfait
pas aux obligations de l’alliance évangélique et
ne suscite aucune promesse. Dans ces cas, ces individus n’ont
pas réellement faim et soif de justice, mais ils ont faim et
soif de péché, et ils s’attendent à ce que
Jésus tolère ce comportement ou même
éventuellement qu’il le soutienne. Ils ont brisé
leur alliance. Doctrine et Alliance 50:7-8 dit : « Voici,
en vérité, je vous le dis, il y a parmi vous des
hypocrites, et certains ont été trompés par eux…
mais les hypocrites seront démasqués et retranchés,
soit dans la vie, soit dans la mort, comme je le veux. »
Ceux qui commettent l’erreur doctrinale et morale de ne
pas vouloir faire ce qu’ils peuvent cherchent à être
sauvés dans leurs péchés plutôt que de
leurs péchés. Cela ne se peut. Il y a une grande
différence entre considérer mes péchés
comme des ennemis desquels j’essaie avec difficulté de
m’échapper et les considérer comme de vieux amis
sympas que j’ai répugnance à abandonner. Il y a
une différence entre être incapable de vaincre mes
péchés tout de suite, auquel cas l’alliance me
promet de l’espoir, et ne pas vouloir même essayer,
auquel cas je reste soumis à la justice. L’alliance
offre la grâce et le pardon si l’on montre une attitude
de repentance continuelle aussi bien à ceux qui essaient et
réussissent qu’à ceux qui essaient, mais
faillissent et essaient de nouveau. Mais, il n’y aura pas de
pardon pour ceux qui ne veulent pas essayer, ou qui abandonnent après
une ou deux tentatives.
La grâce « facile »
Un jour je faisais un discours sur un sujet sur la grâce
dans une petite ville du Nevada. J’expliquais que la perfection
n’était pas requise de nous immédiatement, mais
que nous étions dans l’obligation de faire tout ce que
nous pouvions et que le Sauveur avait promis de faire le reste. Après
le discours, on est venu me voir pour me dire : « Dr
Robinson, savez vous ce que cela signifie ? Cela signifie que je
n’ai pas à mettre mes pêches en conserve cette
année ! » À ce moment, un rire général
éclata, mais quand il se calma, je répondis : « Oh
non, mon ami, vous m’avez mal compris. Ce n’est pas du
tout ce que cela veut dire. Si vous croyez vraiment que Dieu attend
de vous que vous mettiez vos pêches en conserve (et c’est
une proposition que l’on peut discuter), alors vous devez faire
le maximum qui est en votre pouvoir. Cette doctrine signifie
simplement que vous n’avez pas à vous sentir coupable ou
vous faire du souci pour les pêches que vous ne pouvez mettre
en conserve. »
Ce n’est pas la doctrine de
la grâce « facile ». On ne peut concevoir
d’abandonner ou de renoncer à une vertu quelconque que
l’on possédait avant d’entrer dans l’alliance
sans violer celle-ci. L’alliance évangélique
n’est pas une excuse pour travailler en deçà de
nos capacités. L’alliance exige plus que simplement
souhaiter être meilleur ; nous devons véritablement
faire tout ce qui est en notre pouvoir. Bien que la perfection ne
soit pas requise de nous dans l’immédiat, il est requis
que nous fassions tout ce que nous pouvons. La bonne nouvelle c’est
que Dieu n’exigera pas de nous plus que ce que nous pouvons
faire au mieux de nos compétences ; la mauvaise nouvelle
c’est qu’il n’en acceptera pas moins.
En
fait, la grâce « facile » n’existe
pas parce que le partenariat avec le Christ n’est pas facile,
il fait appel au meilleur de nous-mêmes. Il exige notre
loyauté, que nous servions Dieu de tout notre cœur, de
tout notre pouvoir, de toute notre pensée et de toute notre
force. Il exige que nous nous repentions continuellement et que nous
soyons toujours engagés. De plus il n’offre aucune
preuve ni aucune garantie en dehors du témoignage personnel de
l’Esprit qu’il peut faire ce qu’il promet. Au
contraire, il nous demande de lui faire confiance, d’accepter
ce qu’il dit par la foi.
La loi actuelle du salut
temporel (le programme d’entraide) fonctionne selon les mêmes
termes que sa contrepartie spirituelle. Il est exigé de ceux
qui ont besoin d’aide matérielle qu’ils
contribuent selon leurs moyens. Il leur est demandé d’utiliser
toutes leurs ressources, importantes ou non. Alors, par
l’intermédiaire de l’Église et de ses
membres, le Seigneur ajoute tout ce qui est nécessaire.
Lorsqu’il est bien géré, le programme d’entraide
est un partenariat qui répond aux besoins honnêtes de
l’individu tout en lui demandant de faire du mieux qu’il
peut. De plus, ce programme prévoit que des progrès
soient accomplis, et il vise à terme à ce que
l’individu devienne autosuffisant.
Le principe du bien
être spirituel n’est pas différent. En démontrant
notre bonne foi en faisant tout ce que nous pouvons et en consacrant
toutes nos ressources au bien commun, la grâce divine et
l’expiation du Christ suffisent à combler tous nos
besoins, mais l’alliance exige que nous déployions tous
nos efforts, suppose que des progrès soient accomplis, et vise
à terme, en ce qui concerne la justice, à ce que nous
devenions autosuffisants.
Les superlatifs de l’Évangile
Une autre distorsion de la doctrine de la grâce, peut
être moins grave que la grâce « facile »
mais, je pense, plus répandue dans l’Église, est
de considérer que le Sauveur nous accorde sa grâce
seulement après que nous ayons fait tout ce que nous pouvions
faire. Il s’en suit qu’étant donné que
personne ne fait en réalité tout ce qui, théoriquement,
est possible, personne ne peut être véritablement digne
de la grâce non plus. Voici comment fonctionne cette fausse
logique :
1. La grâce et la miséricorde ne
sont accordées qu’à ceux qui en sont dignes, et
seulement après avoir prouvé leur dignité.
2.
Seuls ceux qui gardent continuellement tous les commandements divins
sont véritablement dignes.
3. Comme je ne peux garder
continuellement tous les commandements, donc, je ne suis pas
véritablement digne et je ne peux m’attendre à
recevoir la grâce et la miséricorde.
Ce genre de
raisonnement est simplement l’ancienne exigence d’une
perfection totale qui essaie de se glisser par la porte de service de
l’Église sous un déguisement évangélique,
et qui méprise l’expiation du Christ en insistant sur le
fait que nous devons nous perfectionner et nous sauver avant que le
Christ puisse le faire, que nous devons d’abord nous guérir
avant d’appeler le médecin. Cette logique interdit au
Christ de ne jamais sauver personne. Malheureusement, quelques fois,
même les personnes versées dans les Écritures
veulent limiter leur conception de la grâce à ce niveau
sans se rendre compte que, sur le long terme, celle-ci transforme la
doctrine de la grâce en doctrine du salut par les œuvres.
Tout comme la miséricorde n’est pas la miséricorde
si elle est méritée, la grâce n’est pas la
grâce si nous la gagnons.
Il existe un grand nombre de
superlatifs dans les Écritures et l’Église
exhorte les saints et décrit leurs obligations : de tout
notre cœur, notre plus profond désir, nos efforts les
plus sincères, après tout ce que nous pouvons faire,
toujours, tous, jamais, etc. Nous devons nous souvenir que ces termes
appliqués à des mortels ne sont que des ambitions,
c’est à dire, qu’ils définissent nos désirs
et déterminent nos buts, que dans chaque cas, les
circonstances dans lesquelles se trouve l’individu déterminent
ce que « tout » le meilleur ou « le
plus grand » signifie et que « jamais»
tous ou « toujours » ne sont que des objectifs
à atteindre avec l’aide du Christ et par son expiation.
« Après tout ce que nous pouvons faire ».
À mon avis, une partie du blâme quant à
notre mauvaise application des superlatifs évangéliques
et autres raisonnements obsédants vient de la mauvaise
compréhension de 2 Néphi 25:23 : « Car
nous travaillons diligemment à écrire, pour persuader
nos enfants, et aussi nos frères, de croire au Christ et
d’être réconciliés avec Dieu ; car
nous savons que c’est par la grâce que nous sommes sauvés
après tout ce que nous pouvons faire. »
À
première vue, on pourrait penser que la grâce nous est
accordée chronologiquement après avoir accompli tout ce
que nous pouvons faire, mais on peut démontrer que c’est
faux, car nous avons déjà reçu de nombreuses
manifestations de la grâce de Dieu bien avant que nous en
soyons à ce point. C’est par sa grâce que nous
respirons. C’est par sa grâce que nos parents célestes
nous ont spirituellement engendrés et que nous jouissons d’une
espérance divine. C’est par la grâce qu’un
plan fut préparé et qu’un Sauveur fut désigné
pour racheter l’humanité suite à la chute d’Adam
et Ève. C’est par la grâce que la bonne nouvelle
de l’Évangile nous est donnée pour nous montrer
nos possibilités éternelles. C’est par la grâce
que nous avons le libre arbitre qui nous permet d’accepter
l’Évangile lorsque nous l’entendons. C’est
par la grâce qui vient de la foi en Christ que nous commençons
le processus du repentir, et c’est par la grâce que nous
sommes justifiés et que nous appartenons au royaume de Dieu
bien que ce processus ne soit pas terminé. La grâce de
Dieu a fait partie de notre progression spirituelle dès le
début et le sera jusqu’à la fin.
C’est
pourquoi considérer la grâce divine comme une cerise sur
le gâteau qu’on placerait au dernier moment ou comme la
simple touche finale à tout ce que nous avons déjà
accompli de nous-mêmes sans l’aide de Dieu la
déprécierait. Il serait plus juste de considérer
l’inverse : nos efforts sont la cerise sur le gâteau
que Dieu nous a déjà donné.
En fait, je
considère que la préposition « après »
dans 2 Néphi 25:23 est une préposition de
séparation plutôt qu’une préposition de
temps. Elle indique une séparation logique plutôt qu’une
séquence dans le temps. Nous sommes sauvés par la grâce
« en dehors de ce que nous pouvons faire » ou
« nonobstant tout ce que nous pouvons faire ou encore
« sans tenir compte de ce que nous pouvons faire ».
Une autre paraphrase de ce verset pourrait être celle-ci :
« Ce n’est que par la grâce que nous sommes
sauvés, après que tout soit dit et accompli ».
De plus, même l’expression « tout ce
que nous pouvons faire » est susceptible d’avoir une
interprétation négative qui désignerait toute
bonne action isolée que nous aurions pu éventuellement
accomplir. C’est absurde. Si la grâce ne fonctionnait que
dans ces cas, personne ne pourrait être sauvé, pas même
le meilleur d’entre nous. C’est précisément
parce que nous ne faisons pas toujours tout ce que nous pourrions
faire que nous avons tout d’abord besoin d’un sauveur, et
qu’il est évident que nous ne pouvons pas considérer
tout ce que nous avons accompli comme une condition suffisante pour
obtenir la grâce et être sauvés ! Je crois
que nous devons insister dans 2 Néphi 25:23 sur « tout
ce que nous pouvons faire » en opposition avec tout ce que
lui peut faire ». De plus, « tout ce que nous
pouvons faire » ici doit probablement être compris
dans le sens de « quoi que nous fassions ».
Ainsi, le sens correct de 2 Néphi 25:23 serait
que quels que soient nos efforts, en fin de compte c’est par la
grâce que nous serons sauvés. La grâce n’est
pas simplement une touche décorative, la finition du
couronnement de nos efforts personnels, c’est la participation
de Dieu dans le processus de notre salut du début à la
fin. Bien que je doive être intimement engagé dans le
processus de mon salut, à terme, le succès de cette
aventure dépend totalement de la grâce du Christ.
Mais
quand en aurai-je fait assez ?
J’ai un ami qui
se pose toujours la question à ce propos : « Mais
quand est-ce que j’en aurai fait assez ? Comment
saurais-je que j’ai réussi ? » Il pose
la mauvaise question, ce qui montre qu’il ne comprend pas la
doctrine de la grâce. La bonne question c’est :
« Quand mon offrande est-elle acceptable aux yeux du
Seigneur ? À quel moment mes efforts sont-ils
acceptés ? » Voyez-vous, la réponse à
la question précédente : « Quand est-ce
que j’en aurais fait assez » est : « Jamais
dans cette vie ». Puisque la perfection est l’objectif,
le Seigneur ne peut jamais approuver sans condition une performance
imparfaite. Peu importe ce que nous faisons ici-bas, peu importe la
qualité de notre performance, l’exigence pour faire
mieux, la pression pour s’améliorer ne cessera jamais.
On n’est pas encore arrivé.
Nous ne sommes pas
des serviteurs rentables ici bas, ou pour employer un terme plus
moderne, nous sommes de mauvais investissements (voir, par exemple,
Luc 17:10 ; Mosiah 2:21). Du point de vue du Sauveur, même
le plus juste d’entre nous coûte plus cher à
sauver et à maintenir en vie que ce qu’il peut rapporter
en retour. Alors si nous cherchons à ce que le Seigneur nous
dise : « OK, tu en as fait assez, tu as rempli ton
contrat, tu as réussi, tu peux te détendre ».
Nous risquons d’être déçus. Même si
nous déployons tous nos efforts, nous devons accepter le fait
que jamais dans cette vie, nous n’atteindrons le point
d’équilibre. Nous sommes tous des serviteurs non
rentables portés sur le dos du Sauveur parce qu’il le
veut bien, par sa grâce.
Cependant, le Seigneur nous
dit : « Étant donné les circonstances
présentes et ton degré de maturité actuel, tu
fais un travail acceptable convenable. Évidemment ce n’est
pas parfait, mais tes efforts sont acceptables pour le moment. Je
suis satisfait de ce que tu as fait. » Nous pouvons ne pas
être des serviteurs rentables au sens strict du terme, mais
nous pouvons encore être de bons et fidèles serviteurs
dans cette acception limitée. Aussi si nous faisons ce qui
peut être raisonnablement attendu d’un disciple loyal
dans les circonstances du moment, alors nous pouvons avoir foi que
notre offrande est acceptée par la grâce de Dieu. Il est
clair que nous ne sommes pas rentables, personne d’entre nous.
Mais dans le cadre de l’alliance, nos essais sincères
sont acceptables pour le moment.
En fait, il existe une façon
de savoir si nos efforts sont acceptables, que notre alliance est
reconnue et validée aux yeux de Dieu. Si nous utilisons les
dons de l’Esprit ou l’influence du Saint-Esprit, nous
pouvons savoir que nous sommes dans le cadre de l’alliance, car
les dons et la compagnie du Saint-Esprit sont donnés à
nul autre. C’est une des raisons pour lesquelles le
Saint-Esprit est donné : comme symbole et garantie de
notre statut dans l’alliance et comme paiement comptant des
bénédictions et de la gloire à venir si nous
sommes fidèles. L’apôtre Paul parle du
Saint-Esprit comme « une arrhe de notre héritage »
(Éph. 1:14) une référence à « l’acompte »
qui, bien que considéré comme symbolique, conclut une
affaire lorsque l’argent change de mains. Ainsi « l’arrhe
de l’Esprit dans nos cœurs » (2 Cor.
1:22 ; 5:5) nous assure de la validité et de l’efficacité
de notre transaction, de notre alliance, avec Dieu.
Ressentez
vous l’influence du Saint-Esprit dans votre vie ? Jouissez
vous des dons de l’Esprit ? Alors vous pouvez savoir que
Dieu accepte votre foi, votre repentir, et votre baptême et
qu’il est d’accord « pour que vous ayez
toujours son Esprit avec vous » (D&A 20:77). C’est
peut-être pour cette raison que le Saint-Esprit est appelé
le Consolateur, car si nous prenons plaisir avec ce don, nous savons
que nos efforts sont acceptables, dans l’immédiat, et
que nous sommes justifiés devant Dieu par notre foi en Christ.
Et c’est vraiment consolant.
Tout lui donner
Que signifie tout lui donner ? Certains ont plus de
capacités, plus de talents que d’autres. Cependant,
selon la parabole, il n’est pas attendu de ceux qui ne
possèdent qu’un ou deux talents qu’ils en gagnent
cinq. Seul celui qui a cinq talents se doit d’en gagner cinq.
Permettez-moi d’illustrer ceci par un exemple. Il y a
de nombreuses années, j’ai connu une femme qui était,
tout au moins au début, une des personnes les plus rudes que
j’ai jamais connues. Violée dans son enfance, elle
s’était enfuie de chez elle et avait vécu dans la
rue pendant des années. Jeune fille, elle circulait à
travers le pays avec un gang à motos. À l’âge
mûr, sa beauté fanée, elle passait la grande
partie de son temps au bar, où des missionnaires la
rencontrèrent alors qu’ils étaient entrés
là pour faire de la monnaie pour téléphoner à
l’extérieur. Quand elle fut baptisée, beaucoup de
membres doutaient que sa conversion tienne longtemps, et il y avait
de bonnes raisons pour le penser.
Longtemps après son
baptême, cette sœur jurait comme un palefrenier, même
dans l’Église, et ne vécut jamais la Parole de
Sagesse à cent pour cent. Une fois, lors de sa première
année dans l’Église, elle perdit son sang froid
et boxa une des sœurs. Son ex-mari est alcoolique et ses
enfants ont tous fait un séjour en prison.
Maintenant
la question est de savoir si une personne comme elle peut
sérieusement s’attendre à être sauvée.
Que peut espérer une personne comme elle, avec tous ses
défauts et toutes ses faiblesses ? Avec tout ce qu’elle
avait vécu et tous ses problèmes, pourquoi s’embêter
à venir à l’Église ?
« Si
vos péchés sont comme l’écarlate, ils
deviendront blancs comme la neige, s’ils sont rouges comme de
la pourpre, ils deviendront comme de la laine ». Dieu ne
ment pas. Quiconque veut venir, le peut. Chacun est invité,
nul n’est exclu. Même si cette sœur devait revenir
de plus loin, la même alliance lui était offerte :
« Fais ce que tu peux. Je ferais le reste pendant
que tu apprendras comment. » Et elle fut aussi fidèle
qu’elle le put dans ces circonstances. Elle n’a jamais
dit : « Non, je ne veux pas » ou
« Lâchez-moi » ou « Pourquoi
vous adressez-vous à moi ? Voyez plutôt celui-là
qui a commencé ». Elle disait toujours : « Je
sais, je suis désolée, j’essaierai de faire
mieux ». Et elle essayait de faire mieux. Elle échouait
souvent, mais petit à petit au fil des années, elle fit
de grands progrès. Elle abandonna le thé, le café,
l’alcool. Ensuite elle s’arrêta de jurer. Plus tard
elle s’arrêta de fumer et commença à se
calmer plus ou moins. Finalement, après avoir été
dans l’Église pendant de nombreuses années, elle
fut prête à aller au temple. Une personne de cet acabit
peut-elle vraiment espérer hériter du royaume de Dieu ?
Évidemment oui.
Question plus difficile : à
quel moment cette sœur est-elle devenue candidate pour entrer
dans le royaume ? Est-ce lorsqu’elle a abandonné la
cigarette, ou lorsqu’elle a maîtrisé son langage
et son caractère ? Ou est-ce lorsqu’elle s’est
finalement qualifiée pour obtenir une recommandation pour le
temple ? Non. À aucun de ces moments, bien qu’ils
aient tous été des points de repères importants
dans sa progression. Elle a été justifiée par sa
foi en Jésus-Christ le jour où elle s’est
repentie de ses péchés, qu’elle s’est fait
baptiser, et qu’elle a reçu le don du Saint-Esprit, car
elle est entrée dans cette alliance de bonne foi et en toute
sincérité. Elle a cru en Christ, et elle a cru le
Christ. Comme la veuve avec son sou, elle a donné tout ce
qu’elle avait sans rien retenir. Ce n’était peut
être pas beaucoup, mais c’était tout ce qu’elle
avait.
Toutes les semaines elle prenait la Sainte-Cène,
elle se repentait de ses erreurs et décidait de nouveau de les
éliminer. Certaines choses ont pris des années pour
être surmontées. D’autres restent encore à
faire, mais elle essaie toujours, et elle n’abandonnera pas. Et
tant qu’elle n’abandonne pas et endure jusqu’à
la fin sous le joug de l’Évangile, en tirant en
direction du royaume, sa récompense est assurée. Dieu
connaît les circonstances dans lesquelles nous évoluons,
et il nous juge en conséquence. Il sait qui est dans un trou
et qui est dans un fauteuil, il ne jauge pas seulement la hauteur, il
juge aussi la progression.
Chacun d’entre nous
fonctionne à des degrés différents de
performances dans le cadre de l’alliance. Les pourcentages
varient d’une personne à l’autre et même
pour une même personne sur une période de temps donnée.
Dans mon cas, mes efforts peuvent m’amener à vingt pour
cent sur le chemin de la perfection. Le Sauveur couvre les quatre
vingts pour cent restants. Dans votre cas, vos efforts peuvent
représenter cinquante pour cent, ou deux pour cent, du chemin.
Le Sauveur couvre là aussi la différence. Dans tous les
cas, la somme de l’effort conjoint est la même :
Quel que soit les efforts de chacun, qu’ils soient faibles ou
importants additionnés à l’expiation du Christ
équivaudront à cent pour cent de ce qui est exigé
pour entrer dans le royaume de Dieu.
La fausse perfection
Alors que signifie être parfait ? Et pourquoi nous
commande-t-on dans les Écrituresd’être
parfaits ?(Voir Matt.5:48 ; 3 Né. 12:48) En
fait, je n’aime pas le mot parfait parce qu’il est
souvent mal employé. Je tique souvent quand on l’utilise
dans les discours ou les leçons, parce qu’on l’emploie
le plus souvent dans son sens philosophique qui signifie « qui
ne peut être amélioré » et ce n’est
presque jamais dans cette acception qu’on le trouve dans les
Écritures. Les saints des derniers jours croient à la
progression éternelle. Personne ne sera jamais
« imperfectible » au sens absolu du terme. La
perfection ici-bas consiste plutôt à accepter l’alliance
de l’Évangile pour devenir parfait en Christ.
Jusque
là, j’ai employé le mot « parfait »
pour dire : « sans erreur », « sans
faute » ou « sans tache » mais même
ce sens est différent du sens scripturaire habituel. Dans le
Nouveau Testament le mot grec traduit pour « parfait »
est « teleios ». Cela signifie mûr,
mature, prêt, complet, tout, etc. Une pomme sur un arbre peut
être qualifiée de teleios quand elle est mûre et
prête à être cueillie, mais cela ne signifie pas
qu’on ne peut pas l’améliorer. Elle contient peut
être un vers à l’intérieur.
Voici
un autre grand secret : être parfait signifie faire du
mieux qu’on peut en fonction des circonstances présentes.
Comme Brigham Young l’expliquait :
« Nous
occupons tous des places différentes dans le monde et le
royaume de Dieu. Sont parfaits ceux qui agissent justement, et
recherchent la gloire du Père céleste, que leur
connaissance soit grande ou petite, qu’ils accomplissent de
grandes choses ou des modestes, et s’ils font au mieux de leurs
capacités… « Soyez parfaits autant que vous
le pouvez car c’est tout ce que l’on peut faire bien
qu’il soit écrit : « Soyez parfaits
comme votre Père qui est dans les cieux ». Être
aussi parfaits qu’il est possible de l’être, selon
notre connaissance, c’est être aussi parfait que notre
Père dans les cieux. Il ne peut pas être plus parfait
que ce que lui permet sa connaissance, tout comme nous. Lorsque nous
agissons selon notre connaissance dans la sphère et la
position que nous occupons, alors nous sommes justifiés ».
Brigham Young dit que faire au mieux de notre connaissance
c’est être parfait parce que nous accomplissons notre
part de l’alliance, et ce faisant, Jésus-Christ
accomplit la sienne et nous rend parfaits grâce à son
mérite et à sa miséricorde. La perfection dont
nous jouissons est une perfection en Christ. C’est aussi la
perfection qui nous permet d’entrer dans le royaume céleste.
L’autre perfection, la vraie, la personnelle, le genre « je
ne fais jamais d’erreur » viendra plus tard,
beaucoup plus tard.
On dit qu’un jour quelqu’un a
remis en question l’œuvre de Mère Thérésa,
cette sainte femme qui sert les plus malheureux à Calcutta aux
Indes, au motif qu’elle ne réussira jamais à
faire ce qu’elle essaie. Peu importe les efforts qu’elle
pouvait faire, disait son contradicteur, il y aurait plus de pauvres
et de malades demain qu’il n’y en a aujourd’hui, et
tous ses efforts ne pourraient même pas commencer à
résoudre le problème. Puisqu’elle ne pourrait
jamais espérer réussir, pourquoi gaspillait-elle ses
forces dans une cause perdue ? La réponse de Mère
Thérésa était un classique : « Dieu
n’exige pas que je réussisse disait-elle, « seulement
que je fasse ce que je peux ». Et ça, c’est
une vérité de l’Évangile.
Pourquoi
exiger davantage ?
Malheureusement, on demande
fréquemment dans l’Église d’en faire plus
que ce que l’on peut réellement. Je me souviens d’un
dimanche à la réunion de prêtrise à Durham
en Caroline du Nord, qu’on a demandé aux anciens de
faire don d’un samedi de ce mois pour chacun des six projets
utiles, mais différents. Le problème c’est qu’il
n’y a que quatre samedis dans le mois. En résumé,
accomplir les six tâches était impossible pour personne,
et quand on le fit remarquer, aucune des obligations ne fut annulée.
Chacun se devait de faire « du mieux qu’il
pouvait ».
Il y a plusieurs années, alors
que je lisais dans un cours du Nouveau Testament, Matthieu 11:28-30,
qui parle du joug de Jésus qui est doux et son fardeau léger,
une étudiante au fond de la classe m’interrompit avec un
bruyant « Ah ! ». Lorsque je l’invitai
à s’expliquer sur ce que signifiait cette exclamation,
elle dit : « Son joug est doux ? Son fardeau
léger ? Celui qui croit cela dans l’Église
est soit un nouveau converti soit un abruti ».
Cette
sœur était divorcée avec plusieurs enfants et
elle avait repris ses études pour essayer d’améliorer
sa vie et celle de sa famille. Elle continua : « J’ai
essayé de faire et d’être tout ce que l’Église
voulait, mais finalement j’ai dû abandonner. On me
demandait toujours plus que ce que j’avais. Je n’y peux
rien si je suis fauchée ou que je suis mère célibataire
avec deux jobs et que j’essaie d’aller à l’école
à plein temps. Je ne peux faire ce que font les autres
membres, et on me demande toujours plus, plus de temps, plus de
talents, plus d’argent, plus d’engagement, et je n’ai
rien de plus à donner. Les demandes de l’Église
dépassent mes ressources.
Pourquoi est-ce que l’Église
semble quelquefois exiger plus de moi que ce que je peux donner ?
Pourquoi cette pression continuelle que je ressens pour être,
pour accomplir et pour donner plus ?» Tout d’abord,
nous devons nous souvenir que la perfection est le but à
atteindre, un but réel, et nous nous devons d’y
travailler en déployant tous nos efforts. Nous devons juste
nous souvenir en même temps que notre salut n’est pas en
jeu.
Par exemple, lorsque j’étais au lycée,
je pratiquais l’haltérophilie. À cette époque,
un assistant se tenait toujours prés du banc pour se saisir
des haltères en cas de problèmes. Mais invariablement,
il y avait un petit échange rituel, familier à ceux qui
ont fait de la gymnastique qui se déroulait ainsi : après
avoir soulevé les haltères autant que je le pouvais, au
bord de l’évanouissement, je disais à
l’assistant : « Enlève ! mais il me
disait toujours : Non, encore une ! En général,
après l’avoir baissée, je réussissais à
la remonter et je disais : OK, enlève ! De nouveau
l’assistant me disait : Non, encore une. Quelque soit le
nombre de levées que par un effort surhumain je réussissai,
, encore une, disait le surveillant allez, encore une ! »
Et cela continuait jusqu’à ce que mes muscles lâchent
vraiment, alors l’assistant saisissait la barre.
À
cette époque je n’étais pas naïf au point de
dire : « Je suis humilié, embarrassé et
offensé. Tu m’as demandé une levée de plus
et je n’y suis pas arrivé. Tu exiges trop de moi, tu
veux toujours plus que ce que je peux donner. Je ne peux satisfaire
tes demandes. Je rentre à la maison pour ne plus revenir. »
Je n’étais pas dans ces sentiments parce que dans une
salle de gym, celui qui lève et celui qui aide comprennent que
la véritable force s’acquiert à la dernière
levée, à l’extrême limite entre ce que l’on
peut faire et ce que l’on ne peut pas. En m’encourageant
à travailler à la limite de mes capacités,
l’assistant m’aidait à développer la
puissance que je recherchais. Il n’y avait jamais aucune gêne
à ce que je ne puisse faire cette dernière levée,
et personne ne s’attendait sérieusement à ce
qu’il y en ait, mais j’avais la satisfaction de savoir
que j’avais travaillé au delà des limites de mes
forces et que cela m’avait rendu plus fort.
Je crois
qu’on peut appliquer le même principe aux exigences
apparemment importantes de l’Église. Un des buts de
l’Église est de perfectionner les saints. Puisque nous
accomplissons les plus grands progrès en allant aux limites de
nos capacités, alors peu importe la quantité ou la
qualité de nos actes, le Seigneur, comme l’assistant à
la gym, nous demandera toujours plus, cherchera toujours à ce
que nous nous améliorions, et nous poussera toujours vers la
perfection. Puisque le but même que nous visons est la
perfection, les exigences de l’Assistant sont tournées
vers l’infini et dépasserons les capacités de
chacun. Nous devons seulement nous rappeler que notre salut n’est
pas en jeu, car cette question est déjà réglée
si nous continuons à garder nos alliances. Nous ne devrions
pas être gênés quand nous atteignons nos limites
ni nous sentir humiliés quand nous ne faisons pas tout ce qui
nous est demandé. Nous devrions plutôt éprouver
de la satisfaction en arrivant aux limites de nos capacités
(car c’est à ce point que l’on fait de vrais
progrès) et laisser Dieu se soucier du reste. Lorsque nous
sommes soumis à la pression des exigences de perfection, nous
devons nous rappeler que nos efforts les meilleurs seront acceptés
comme paiement comptant, au moins maintenant.
La « douceur »
du joug du Sauveur ne signifie pas que nous puissions nous attendre à
être exemptés des dures tâches de la vie et d’être
à l’abri des dures réalités de l’existence
(demandez à Job ou aux pionniers mormons). Ce joug est doux
(a) parce qu’il rend possible ce qui était impossible
auparavant et (b) parce qu’il octroie des bénédictions
et des grâces compensatrices pour nous soutenir dans les
difficultés. Le joug de la loi de Moïse ne pouvait même
pas être soulevé , alors que celui du Christ le peut et
il peut aussi être porté parce que son poids est adapté
individuellement à nos capacités et à notre
force. Dans ce sens « doux » ne veut pas dire
« totalement sans effort » mais plutôt
« totalement dans les limites de notre capacité ».
Mais même en dehors de cette définition, ceux qui
supportent son joug en obéissant humblement et lui consacrent
leurs efforts apprennent vite qu’une main invisible allège
le fardeau dans les moments difficiles et déversent des
bénédictions hors de proportion avec les sacrifices
demandés.
La perfection personnelle
Mais
est-ce que je serais un jour parfait dans le sens d’être
sans erreur, sans faute, sans tache ? Je parle de moi, en tant
qu’individu, en dehors de ma perfection en Christ dans
l’alliance ? Je pense que la réponse est oui. Par
exemple, j’imagine une scène dans environ un million
d’années, après être resté dans le
royaume céleste très, très longtemps. Je
m’approcherai du Seigneur et je lui dirai une chose de ce
genre : « OK. J’y suis arrivé. J’ai
réussi à manger des fruits hors saison (ou n’importe
quoi d’autre). Maintenant qu’est-ce que je fais ? »
Il me regardera et dira : « Hé ! Ça
y est ! Félicitations ! C’était la
dernière épreuve. Tu as finalement appris à
garder tous les commandements tout le temps ! » Et je
suppose que nous inviterons le voisinage à un barbecue en mon
honneur.
Mais ce sera dans un million d’années,
et bien après la résurrection des justes. Entre temps,
mon seul espoir est que le Christ me portera sur ses épaules.
Entre temps, mon seul espoir de perfection résidera dans la
perfection en Christ, qu’il partage avec ceux qui sont dans
l’alliance de l’Évangile, car c’est-cette
seule perfection et rien d’autre qui me permettra d’entrer
dans le royaume céleste au jour du jugement dernier.
Le
réconfort de la connaissance
Il y a longtemps
Janet et moi avions une amie que ne comprenait pas comment
fonctionnait la grâce et qui disait : « Bon, je
pense que je suis à la moitié de mon existence, et je
suis à mi-chemin du royaume céleste, donc je suis dans
les temps. » Un jour je lui ai demandé :
« Judy, qu’est-ce qui arriverait si tu mourais
demain, où serais tu dans l’éternité ? »
Apparemment, cette pensée ne lui était jamais venue à
l’esprit. Elle réfléchit pendant un moment, puis
dit : « Voyons voir, à mi-chemin du royaume
céleste c’est… mi-terrestre ! Ce n’est
pas très bon, n’est-ce pas ? »
Non,
ce n’est pas très bon. Ce n’est pas non plus
l’Évangile. Nous devons savoir que dans cette alliance
passée avec le Sauveur, si nous mourons demain, nous pouvons
espérer entrer au royaume céleste. Cet espoir est une
des bénédictions promises dans l’alliance :
« …faisons de bon gré tout ce qui est en
notre pouvoir, alors nous pourrons nous tenir là avec la plus
grande assurance pour voir le salut de Dieu, et voir son bras se
révéler. » (D&A 123:17, voir aussi D&A
106:8 ; Éph. 3:12).
Quand nous aurons fait ce qui
est en notre pouvoir, nous aurons « la plus grande
assurance » du salut de Dieu. Une partie du réconfort
qui vient du Saint-Esprit c’est de savoir que bien
qu’imparfait, si je meurs dans l’alliance, j’hériterai
quand même du royaume de Dieu. En fait cela ne peut en être
autrement, puisque tout le monde meurt encore imparfait.
Une
bonne nouvelle entre toutes c’est que le Christ nous promet que
nous ne serons pas tenus comptables de nos erreurs si nous restons
dans l’alliance pendant toute notre vie. Celui qui ne ment pas
promet que nous recevrons le royaume de Dieu ; « Et
il arrivera que quiconque se repent et est baptisé en mon nom
sera rassasié ; et s’il persévère
jusqu’à la fin, voici, je le tiendrai pour innocent
devant mon Père en ce jour où je me tiendrai pour juger
le monde. » (3 Né. 27:16) Néphi s’en
est aussi porté garant. Il a entendu la voix du Père
qui disait : « Oui, les paroles de mon Bien aimé
sont vraies et dignes de foi. Celui qui persévère
jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé »
(2 Né. 31:15).
Le Père et le Fils
mentent-ils ? Évidemment non. Si nous avons foi au Christ
et que nous nous repentons de nos péchés, si nous
sommes baptisés et recevons le don du Saint-Esprit, si nous
sommes plein de bonne volonté et respectons nos alliances,
alors comment pouvons nous douter que, par le sacrifice expiatoire du
Christ, nous hériterons du royaume de Dieu ? Devant de
telles promesses, qui oserait douter de cette vérité ?
Lorsque le prophète Enos a entendu la voix du Christ
lui déclarer :
« Tes péchés
te sont pardonnés, et tu seras béni », il
répondit : « Moi, Énos, je savais que
Dieu ne pouvait mentir ; c’est pourquoi ma culpabilité
était balayée. » (Énos 1:5-6) Il est
fréquent que lorsqu’on lutte spirituellement, on
souhaite voir les résultats avant de croire que quelque chose
est arrivée. On met la charrue avant les bœufs. On veut
avoir une confirmation, recevoir les bénédictions de la
foi, avant de croire. Remarquez qu’Enos n’a pas
« ressenti » subjectivement que sa culpabilité
s’évanouissait et qu’ensuite il a cru ; c’est
tout le contraire. Il savait que sa culpabilité était
effacée parce que le Christ le lui avait dit, et il a cru le
Christ.
De plus, « persévérer
jusqu’à la fin » ne veut pas dire
« persévérer dans la perfection ».
Cela signifie persévérer dans l’alliance de la
foi et du repentir. C’est ainsi que nous constatons que la foi
en Christ, le repentir, et la purification par l’Expiation ne
peuvent être des évènements d’un moment
dans notre vie. Bien que ceux ci puissent commencer à un
moment précis, ils font partie d’un processus continuel
nous amenant à rejeter nos fautes, à réaffirmer
nos désirs et nos buts, et à recentrer nos vies sur le
Christ à chaque fois que nous nous éloignons.
Ayez
confiance en moi
Quand nos filles jumelles étaient
petites, Janet et moi sommes allés en famille à la
piscine pour unesoirée familiale.Nous avions l’intention
d’apprendre aux filles à nager. Après nous être
installés, j’ai pris Rebekah et nous avons commencé
à entrer dans le petit bain de la piscine.Tout en rentrant
dansl’eau, je me disais :
« Qu’est-ce
que je suis bien comme père. On passe une soirée
familiale formidable. » Mais ses pensées à
elle en entrant dans l’eau étaient : «
Mon papa va me noyer, je vais mourir. » L’eau était
profonde d’un mètre vingt, mais Rebekah mesurait
seulement un mètre. Elle était si terrifiée de
ce qui était, dans son esprit, de l’eau profonde qu’elle
se mit à trépigner à griffer et à hurler.
Paniquée comme elle était, on ne pouvait rien lui dire.
Finalement, j’en fus réduit à la prendre
et à la serrer dans mes bras et à lui dire :
« Becky, tu te calmes ! Je suis ton père, et
je t’aime. Je ne vais pas permettre qu’il t’arrive
quoi que ce soit. Tu es en sécurité. Maintenant tu te
calmes et tu me fais confiance ! » Grâce à
Dieu, elle cessa de lutter, se calma et me fit confiance. Ce n’est
qu’à ce moment, que j’ai pu placer mes mains sous
elle pour la soutenir hors de l’eau. « OK,
maintenant, agite tes jambes. Très bien. Allez, accélère. »
C’est ainsi qu’elle commença à apprendre à
nager.
C’est un peu comme cela que ça se passe
avec nous dans le domaine spirituel. Nous sommes tellement paralysés
par la peur de nos péchés, que nous ne pouvons
apprendre à les surmonter. Nous nous inquiétons
tellement de savoir si nous allons vivre ou mourir, ou si nous sommes
arrivés dans le royaume, que nous ne faisons pas de réels
progrès spirituels. Notre manque de foi en Christ fait que
nous nous soucions de notre situation spirituelle et que nous doutons
des promesses divines. Je connais des gens qui se flagellent
journellement : « Est-ce que j’ai été
suffisamment bon aujourd’hui ? est-ce que mes bonnes
actions ont surpassé mes péchés ? Est-ce
que j’ai passé la barrière ? Suis je dans le
royaume, ou non ? » Comme pour l’expérience
de Becky avec la nage, leur peur les empêche d’apprendre
et de progresser. La panique spirituelle les handicape. À ce
moment, lorsque la panique survient et nous paralyse, nous devons
croire au Christ. Nous devons écouter sa voix, « Stephen,
calme toi ! Je suis ton Père, et je t’aime. Je ne
vais pas permettre que quelque chose puisse t’arriver. Je te
tiens! Tu es en sécurité. Maintenant détend-toi
et fais moi confiance, je vais t’enseigner ce que tu as besoin
de savoir. » Alors il nous prend dans ses bras et nous
dit : « OK. Maintenant, paie ta dîme. C’est
assez bien. Maintenant, paie une dîme entière. »
Et c’est ainsi que l’on commence à apprendre la
perfection. « Ainsi la miséricorde satisfait aux
exigences de la justice, et les enserre dans les bras de la
sécurité. » (Alma 34:16).
« Dans
les bras de la sécurité » est mon expression
favorite dans le Livre de Mormon. Dans l’alliance de
l’Évangile, nous sommes enserrés dans les bras de
la sécurité, ses bras. « Tout va bien. Tu
vas y arriver. Fais moi confiance. »
Voilà une bonne nouvelle.