Témoignage de Curtis Bolton
De retour à mon poste à Paris, je crois faire une chose agréable aux lecteurs en leur donnant l'historique de mon voyage au Havre et des succès qui l'ont accompagné.
Il y a déjà longtemps que nous avions reconnu
l'importance de ce point commercial, débouché maritime
le plus considérable de la France pour l'Amérique.
Depuis quelques mois l'Esprit de Dieu qui agissait sur les frères
Taylor et Pack ainsi que sur moi-même, nous avait suggéré
la pensée de visiter cette ville ; le temps était
venu de prêcher l'Évangile. Frère Taylor m'ayant
désigné pour remplir cette importante mission, je
partis le 25 octobre (1851) et je commençai de suite, à
mon arrivée, à rendre quelques visites et à
évangéliser. Au bout de peu de jours, je vis que le
Seigneur avait déjà préparé là
quelques âmes d'élite et qu'elles étaient dans la
joie de recevoir « le baptême par immersion »
pour la rémission de leurs péchés (comme au jour
de la Pentecôte) des mains d'un homme qui avait reçu de
Dieu l'autorité de l'administrer.
Quoique personne n'eut encore demandé le baptême, je
savais par l'Esprit qu'il y en aurait bientôt qui désireraient
le recevoir. Les 28 et 29, je parcourus les bords de la mer, jusqu'au
phare, et la Seine jusqu'à Honfleur pour chercher un endroit
propre à y baptiser, mais sans succès.
Le 31 la pluie m'empêcha de pousser plus loin mes recherches.
Ce fut ce jour-là que quatre personnes me demandèrent
le baptême. Le lendemain samedi 1er novembre, jour de la
Toussaint, je me promenais de bon matin sur la jetée, pensant
à un endroit pour le baptême que j'avais pour ce
jour-là, afin que l'imposition des mains pour le don du
Saint-Esprit (comme faisait l'Église primitive, Actes 8:17 :
« Alors ils imposèrent les mains et ils reçurent
le Saint-Esprit ») put se faire le dimanche en réunion.
Mais le temps était à l'orage, les vagues étaient
énormes, et je me sentais poussé ailleurs.
J'avais désigné onze heures du matin pour notre réunion. M'y étant trouvé avant l'heure indiquée, j'ai proposé de me rendre à Gournay, petit hameau à une lieue et demie du Havre, au-delà de Honfleur. Nous goutâmes cet avis avec une grande joie. Nous prîmes enfin un omnibus, et vers une heure, nous quittâmes le Havre au nombre de douze personnes, dont quatre décidées à recevoir le baptême, une indécise et les autres avec des dispositions bienveillantes.
Il pleuvait à notre départ, mais quelques minutes
après, la pluie cessa et le soleil brilla sur l'horizon.
Heureux comme des enfants, nous faisions retentir les cantiques de
Sion.
Avant notre arrivée à Gournay, une cinquième personne se décida à recevoir le baptême. C'était une dame de 64 ans, catholique consciencieuse et fort dévote. Elle portait au cou des rosaires, des reliques, des images taillées, des croix, des médailles, etc. Mais l'Esprit du Dieu d'Abraham étant un esprit de lumière et d'intelligence, l'Esprit de toute vérité (Jean 16:13 : « Quand cet Esprit sera venu, il vous enseignera toute vérité car il ne parlera pas de lui-même mais dira tout ce qu'il aura entendu et il vous annoncera les choses à venir »). Elle fut illuminée par cet Esprit, les écailles tombèrent de ses yeux, les ténèbres qui l'entouraient furent dissipées par cette glorieuse lumière de l'Évangile. Les chaînes du mysticisme se rompirent et elle ressentit la joie, cette joie parfaite que seuls les enfants de Dieu peuvent goûter.
Arrivés à Gournay, nous y trouvâmes un endroit
des plus charmants, un ruisseau clair et limpide roulait lentement
ses eaux ; il était bordé de rives gazonneuses.
Nous y dressâmes une petite tente et nous nous habillâmes
pour l'ordonnance. Après une prière à notre Père
éternel, et après les questions usuelles, j'entrai dans
l'eau tenant par la main cette chère dame dont je viens de
parler.
Et là, la main levée vers le ciel, je rendis ce
témoignage que j'avais reçu de Dieu l'autorité
pour administrer les ordonnances de l'Évangile et je la
baptisai pour la rémission de ses péchés. Puis
nous remontâmes au bord de l'eau, et je pris une autre personne
et ainsi de suite jusqu'à la cinquième. En ce moment la
nature entière offrait un spectacle imposant et des plus
magnifiques. Le soleil brillait d'un pur éclat, la pluie
tombait par gouttelettes et un arc-en-ciel étincelant
resplendissait sur les nuées. Certes on pouvait dire que les
cieux s'efforçaient de nous montrer combien grande était
leur allégresse. Ils semblaient nous sourire et verser des
larmes de joie. Et notre Père céleste nous montrait son
arche d'alliance en signe que l'alliance que nous venions de faire
avec lui était aussi contractée de sa part. Jamais, non
jamais, je n'ai senti davantage la présence de mon Père
éternel. Toute âme était attendrie mais joyeuse,
et l'amour indicible de Dieu coulait de coeur en coeur. C'est une
journée qui ne sera jamais oubliée pour tous ceux qui
étaient présents aux eaux de Gournay.
Le dimanche 2 novembre, je fus éveillé par une voix à
la porte de ma chambre. C'était frère Pack, mon
collaborateur pour la France. Il était accompagné de
frère Philippe de la Mare. Voyez comme l'Esprit de Dieu agit
sur ses serviteurs. Ces frères avaient quitté l'île
de Jersey pour venir à Paris voir frère Taylor. Mais
frère Taylor était déjà parti pour une
autre partie de la vigne du Seigneur, un autre champ de travail, pour
l' Allemagne. Ils voulaient le suivre, mais l'Esprit ne le permit
pas. Ni l'amour, ni les prières des saints de Paris qui
désiraient les retenir à cause de mon absence, ne
purent les arrêter pour leur réunion du dimanche.
Poussés par l'Esprit, ils étaient partis de Paris le
samedi soir, n'y ayant passé qu'un jour, et ils s'étaient
rendus là où leur présence était plus
nécessaire. Ma joie était extrême ; j'avais
prévu une réunion pour 2 heures, mais en m'y rendant,
je trouvai sept personnes qui aussi désiraient le baptême.
Par l'esprit de la grâce de Dieu, je l'avais prédit,
même contre toute probabilité. Nous nous mîmes en
route dans un omnibus pour les eaux de Gournay, au nombre de onze
personnes, y compris les frères Pack et de la Mare. Et la
réunion fut remise au soir. L'arc-en-ciel nous montra de
nouveau le chemin et brilla tout le temps du baptême. Non loin
se tenait une nombreuse compagnie de paysans et de paysannes gardant
un respectueux silence ; elle fut témoin de cette
ordonnance administrée selon les méthodes de l'Église
primitive.
Le vendredi j'eus encore le plaisir de baptiser un excellent homme,
plein de foi et de bonnes oeuvres. Je le baptisai dans la Seine.
Parmi ces baptisés je trouvai une mère avec tous ses
enfants. Heureuse mère ! Quelle bénédiction
de Dieu inattendue est entrée dans sa maison !
Après une collation, nous nous réunîmes dans la
soirée. L'auguste et touchante cérémonie de
l'imposition des mains eut lieu, et l'Église fut organisée
avec frère Hart pour président. L'Esprit du Dieu vivant
se fit sentir, des larmes de joie furent versées, la paix,
l'harmonie et un amour parfait régnèrent dans
l'assemblée.
Quelle différence entre de telles réunions par tant de
soi-disant chrétiens. Ceux qui ont obéi à
l'Évangile de Jésus-Christ peuvent seuls en rendre un
vrai témoignage. Le royaume de Dieu est un royaume de lumière
et d'intelligence. Ceux qui en sont citoyens s'ils sont fidèles
à observer les lois de Dieu, à se souvenir à
tout moment de l'alliance sacrée qu'ils ont faite devant leur
Père céleste, et s'ils vivent par l'éternité,
selon les paroles du prophète Joseph, obtiendront abondamment
les bénédictions de Dieu. Ils ne se sentaient plus de
ce monde. Ils marchent dans la lumière. Ils apprennent de jour
en jour, par l'Esprit de Dieu, les grandes vérités
touchant leur position envers leur Père céleste et leur
destinée future. Les peines et les soucis du monde ne pèsent
que légèrement sur eux. Si des afflictions leur
arrivent, semblables à de petits enfants, ils se reposent sur
les bras de Jéhovah, sachant que le Seigneur châtie ceux
qu'il aime et que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu
(Romains 8:28).
Frère Taylor avait désigné frère Hart
depuis longtemps pour la présidence du Havre. J'attendis son
arrivée, tenant de fréquentes réunions et
donnant des instructions et des paroles de consolation aux saints.
Frère Hart arriva le mardi 11 novembre. Nous nous réunîmes
le lendemain soir et là nous donnâmes la prêtrise
à deux jeunes hommes. Je quittai le Havre jeudi, y laissant un
excellent esprit d'union et d'amour et le désir de garder les
commandements de Dieu. Que le Dieu d'Israël bénisse ces
chers frères et soeurs et qu'il leur fasse la grâce de
les conduire dans le droit chemin et de les sauver dans son royaume
céleste où nous serons tous réunis pour ne plus
nous séparer.
Sources :
• L'Étoile du Deseret, décembre 1851
• L'Étoile, avril 1979, Nouvelles de l'Église, p. 4-6.