Entretien entre John Taylor et Louis Krolikowski

 

 


      Au cours de son séjour à Paris, John Taylor reçut la visite du philosophe Louis Krolikowski, disciple du philosophe Charles Fourier et éditeur du journal Le Populaire qui défendait les idées du socialiste Étienne Cabet. La société à laquelle Krolikowski appartenait avait envoyé Cabet à Nauvoo avec les Icariens français pour y créer une communauté fondée sur les principes de Fourier. Sur la demande de Krolikowski, John Taylor lui expliqua les principes fondamentaux de l'Évangile. À la fin de cette explication eut lieu entre eux la conversation suivante :

 

Krolikowski : M. Taylor, ne proposez-vous pas d’autre plan pour améliorer la condition de l'humanité que le baptême pour la rémission des péchés ?

 

Taylor : C'est tout ce que je propose.

 

Krolikowski : Eh bien je vous souhaite bien du succès, mais je crains que vous ne réussissiez pas.

 

Taylor : Monsieur Krolikowski, vous avez envoyé M. Cabet à Nauvoo il y a quelque temps. Il était considéré comme votre chef, l'homme le plus talentueux que vous aviez. Il est allé à Nauvoo peu après que nous l'ayons abandonné. On pouvait se procurer maisons et terrains pour une bouchée de pain. De riches fermes étaient abandonnées et des milliers d'entre nous y avaient laissé leur maison et leur mobilier, et presque tout ce qui peut favoriser le bonheur de l'homme qui s'y trouvait. Il aurait été impossible d'aller quelque part dans des circonstances plus favorables. Outre tous les avantages d'avoir tout à disposition sous la main, M. Cabet avait une compagnie de colons triés sur le volet. Lui et son groupe allèrent à Nauvoo. Quel a été le résultat ? Je lis dans tous vos rapports, ceux qui sont publiés dans votre propre journal ici, à Paris, un cri continuel pour recevoir de l’aide. On réclame encore et encore de l’argent ! Nous avons besoin d'argent pour nous permettre de mener à bien nos projets !

 

      Alors que votre colonie à Nauvoo avec tous les avantages de nos champs et de nos maisons abandonnés - il leur suffisait d'y entrer - y traîne une existence misérable, les saints des derniers jours, bien que dépouillés de tout ce qu'ils avaient et bannis de la société civilisée dans les vallées des montagnes Rocheuses pour chercher parmi les sauvages cette protection que la civilisation chrétienne nous refusait, là notre peuple a construit des maisons, clôturé des terrains, cultivé des jardins, construit des écoles et a organisé un gouvernement et est prospère dans toutes les bénédictions de la vie civilisée. Non seulement cela, mais il a envoyé des milliers et des milliers de dollars en Europe pour aider les pauvres affligés à aller en Amérique où ils pourraient trouver asile.

 

      La société que je représente, M. Krolikowski, vient avec la crainte de Dieu, le culte du grand Élohim ; nous offrons le plan simple ordonné par Dieu, à savoir : la repentance, le baptême pour la rémission des péchés et l'imposition des mains pour le don du Saint-Esprit. Notre peuple n'a recherché ni l'influence du monde, ni le pouvoir du gouvernement, mais il a obtenu les deux. Tandis que vous, avec votre philosophie, indépendante de Dieu, vous avez tenté d’édifier un système communiste et un gouvernement qui, selon vous, doit ouvrir le règne millénaire. D’après vous, qu’est-ce qui vaut mieux, notre religion ou votre philosophie ?

 

Krolikowski : Eh bien, Mr Taylor, je n'ai rien à répondre.

 

 

Sources :

B. H. Roberts, Life of John Taylor, p. 226-227

Les présidents de l'Église, Département des séminaires et des instituts de religion, Francfort-sur-le-Main, Allemagne, 1978, p. 21