Pourquoi le Livre de Mormon dit que Jésus naîtrait à Jérusalem

 

 

 

D. Kelly Ogden

 

Directeur adjoint du Centre d'Études du Proche-Orient

 

 

  

 

     Considérons d'un peu plus près les paroles d'Alma : « Il naîtra de Marie, à Jérusalem, qui est le pays de nos ancêtres » (Alma 7:10). Notons que Jérusalem est mentionnée comme un pays et non comme une ville.

 

   Dans les temps anciens, les villes et les villages entourant les grands centres démographiques ou politiques étaient considérés comme appartenant à ces grands centres. Pour un centre urbain aussi important que Jérusalem, être appelé non seulement une ville mais aussi un pays était pratique courante.

 

   La lettre n° 287, d'El Amarna, texte antique du Proche-Orient, mentionne le « pays de Jérusalem » plusieurs fois [1]. Et, comme Alma, l'auteur de la lettre n° 290 d'El Amarna mentionne même Bethléhem comme faisant partie du pays de Jérusalem. Cette lettre contient la plainte d'Abdu-Kheba, de Jérusalem, adressée au pharaon Akhenaton, que « de pays du roi est passé du côté des Apiru [Hébreux]. Et maintenant, même une ville du pays de Jérusalem, appelée Bit-Lahmi [Bethléhem], s'est rangée du côté du peuple de Keilah » [2]. Hébron, à près de trente kilomètres de Jérusalem, était aussi considérée comme faisant partie du « pays de Jérusalem » [3].

 

   Le Livre de Mormon fait preuve de cohésion interne en se servant constamment du terme « pays de Jérusalem » pour mentionner l'endroit d'où étaient partis Léhi et sa famille, où le Seigneur s'est manifesté dans la chair et où retournera finalement le peuple de Juda [4]. La révélation moderne reçue par le prophète Joseph Smith perpétue l'expression et son ancienne signification. Dans Doctrine et Alliances 133:24, nous lisons que lorsque les continents seront rassemblés et redeviendront une seule terre, « le pays de Jérusalem et le pays de Sion seront remis en leur propre lieu ».

 

   Plusieurs autres villes des Écritures sont aussi appelées parfois pays. Ammonihah était une ville (voir Alma 8:6), mais c'était aussi un pays (voir Alma 14:23). La région entourant la ville d'Ur était aussi désignée sous le nom d'Ur. Nous lisons qu'il existait un sanctuaire près de la colline de Potiphar, qui « se trouvait dans le pays d'Ur, de Chaldée » (Abraham 1:20). Et dans Abraham 2:4 nous apprenons qu'Abraham et sa famille ont quitté « le pays d'Ur en Chaldée » pour aller s'installer dans le « pays » de Charan (Harân). La Règle de Damas, aussi connue sous le titre de Document Zadokite faisant partie des manuscrits de la mer Morte, mentionne deux fois le « pays de Damas » [5].

 

   Le fait que Léhi et sa famille ont probablement vécu en dehors de Jérusalem même est indiqué dans le récit de la tentative, par ses fils, d'obtenir les plaques d'airain en échange d'une partie des richesses qu'ils avaient abandonnées : « Et il arriva que nous descendîmes au pays de notre héritage et que nous réunîmes notre or, et notre argent, et nos choses précieuses. Et après avoir rassemblé ces choses, nous remontâmes à la maison de Laban » (1 Néphi 3:22-23). Léhi aurait pu habiter à quelques kilomètres de là tout en vivant toujours à Jérusalem, de même que Jésus, né à quelques kilomètres de là, à Bethléhem, serait quand même né à Jérusalem.

 

   Bien sûr, Joseph Smith savait que Jésus était né à Bethléhem. S'il avait été l'auteur du Livre de Mormon c'est ce qu'il aurait indiqué, puisque toute déviation du lieu bien connu aurait très certainement entraîné des objections et des accusations. Cependant, Joseph Smith traduisait tout simplement la note géographique d'un ancien auteur, note qui, en elle-même, est une autre preuve que le Livre de Mormon provient d'une source sémitique.

 

   Ainsi donc, l'annonce prophétique par Alma du lieu de la naissance du Sauveur n'est ni erronée ni contradictoire. Elle est compatible avec les termes semblables employés dans la Bible et autres écrits anciens, ce qui constitue une preuve de l'authenticité de l'origine antique de ce passage.  

 


Notes :

 

[1] Voir James B. Pritchard, éditeur des Ancient Near Eastem Texts Relating to the ald Testament, 3e édition, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1969, p. 488.

 

[2] Op. cit., p. 489 ; traduction par W. F. Albright et George E. Mendenhall. Voir aussi Yohanan Aharoni et Michael Avi-Yonah, The Macmillan Bible Atlas, New York, Macmillan Publishing Co., 1974, carte n° 39.

 

[3] Voir Yohanan Aharoni, The Land of the Bible - A Historical Geography, Londres, Burns and Oates, 1974, p. 195.

 

[4] Il est rapporté au moins trente-trois fois dans le Livre de Mormon que Léhi et Néphi sont sortis du « pays de Jérusalem » (1 Néphi 2:11 ; 3:9, 10 ; 5:6 ; 7:2, 7 ; 16:35 ; 17:14, 20, 22 ; 18:24 ; 2 Néphi 1:1, 3, 9, 30 ; Jacob 2:25, 31, 32 ; Omni 1:6 ; Mosiah 1:11 ; 2:4 ; 7:20 ; 10:12 ; Alma 3:11 ; 9:22 ; 10:3 ; 22:9 ; 36:29 ; Hélaman 5:6; 7:7 ; 8:21 ; 3 Néphi 5:20 ; Éther 13:7). La scène d'événements majeurs du ministère de notre Sauveur est indiquée quatre fois comme « le pays de Jérusalem » (Hélaman 16:19 ; 3 Néphi 16:1 ; Mormon 3:18, 19). Le lieu où le peuple de Juda retournera et qu'il recevra comme héritage est identifié quatre fois comme « le pays de Jérusalem » (2 Néphi 25:11 ; 3 Néphi 20:29, 33, 46).

 

[5] Geza Vermes, The Dead Sea Scrolls in English, 2e édition, Harmondsworth, Middlesex, Angleterre, Penguin Books Ltd., 1975, 6:102-3.   

 


Source : L’Étoile, décembre 1985, p. 14,16