Les
témoins du Livre
de Mormon
Richard Lloyd Anderson
À partir de la
première édition de 1830, le Livre de Mormon a
généralement contenu deux groupes de témoignages :
le « Témoignage de trois témoins »
et le « Témoignage de huit témoins ».
Quand Joseph Smith est entré en possession des plaques d'or,
il lui a été dit de ne les montrer à personne.
Pendant que la traduction avançait, lui et ceux qui l'aidaient
ont appris, dans les pages du livre et par révélation
supplémentaire, que trois témoins spéciaux
sauraient, par la puissance de Dieu, « que ces choses sont
vraies » et que plusieurs en plus de lui-même
verraient les plaques et témoigneraient de leur existence (Ét.
5:2-4 ; 2 Né. 27:12-13 ; D&A 5:11-13). Les
témoignages des témoins affirment que ces choses se
sont produites.
Les témoins
étaient des hommes connus pour leur honnêteté et
leur sérieux. Chacun des trois témoins fut par la suite
excommunié de l'Église (deux d’entre eux y
retournèrent), mais aucun d’eux ne renia ni ne rétracta
jamais son témoignage publié. Chacun d’eux
réaffirma à chaque occasion la véracité
de son témoignage et la réalité de ce qu'il
avait vu et éprouvé.
Une révélation
de juin 1829 confirma qu'Oliver Cowdery, David Whitmer et Martin
Harris seraient les trois témoins (D&A 17). Peu de temps
après, ils se retiraient avec Joseph Smith dans les bois près
de Fayette (New York) et prièrent pour avoir la manifestation
divine promise. Le « Témoignage de trois témoins »
résume l'événement surnaturel qui suivit quand
un ange apparut et leur montra les plaques et les inscriptions et
qu’ils entendirent le Seigneur déclarer que le Livre de
Mormon « a été traduit par le don et le
pouvoir de Dieu ». Ils dirent que la même voix
divine leur « a commandé d’en rendre
témoignage ».
La mère de Joseph
Smith raconta plus tard le grand soulagement de Joseph de ne plus
être le témoin unique des expériences divines du
Rétablissement. Le fait que d'autres aient également vu
un ange et devraient « témoigner de la véracité
de ce que j'ai dit car ils savent maintenant eux-mêmes »
le soulagea d'un grand fardeau (manuscrit préliminaire de Lucy
Smith, archives de l’Église).
Peu après, à
la ferme des Smith à New York, huit autres furent autorisés
à voir et à manipuler les plaques : Christian
Whitmer, Jacob Whitmer, Peter Whitmer, fils, John Whitmer, Hiram
Page, Joseph Smith, père, Hyrum Smith et Samuel H. Smith. Leur
« Témoignage de huit témoins »,
signé, déclare que Joseph Smith a montré à
ces huit hommes les plaques en métal, qu'ils les ont
« soupesées » tout en tournant les
« feuilles » une à une, et qu’ils
ont examiné les inscriptions, qui étaient « d’une
exécution habile ». Cinq de ces huit témoins
restèrent fermement dans l'Église ; John Whitmer
fut excommunié en 1838 et son frère Jacob Whitmer et
son beau-frère Hiram Page devinrent alors non pratiquants.
La plupart de ces onze
témoins étaient membres des grandes familles Smith et
Whitmer, des familles qui avaient aidé à garder et à
traduire les annales antiques. On ne s’étonnera pas que
d'autres membres de ces familles aient signalé un contact
indirect avec les plaques et la traduction. Le jeune William Smith
aida un jour son frère Joseph à porter les plaques
enveloppées dans un sarrau. Emma Smith, femme de Joseph, palpa
les plaques flexibles pendant qu'elle époussetait autour des
annales couvertes d’un tissu sur la table de traduction de son
mari. La maman Whitmer (femme de Peter Whitmer, père),
accablée de corvées quotidiennes à s'occuper de
sa famille et des visiteurs travaillant à la traduction, vit
les plaques que lui montra un messager céleste pour lui
assurer que l’œuvre était de Dieu.
Martin Harris, un fermier
prospère de Palmyra (New York), qui avait longtemps cherché
une religion qui accomplissait les prophéties bibliques, aida
à la traduction avant son expérience comme témoin.
En 1828, il passa deux mois à écrire pendant que Joseph
Smith dictait la première grande section de la traduction du
Livre de Mormon, 116 pages manuscrites. Après avoir perdu ces
pages, Martin n’écrivit plus pour le prophète,
mais il finança plus tard la publication du livre.
Oliver Cowdery fut le
secrétaire principal pour le Livre de Mormon. Instituteur, il
apprit l’existence des plaques d'or et de la traduction tandis
qu’il était en pension chez les parents de Joseph Smith
près de Palmyra (New York). Au début d'avril 1829,
Oliver se rendit à pied de chez les Smith jusqu’à
Harmony (Pennsylvanie), où Joseph Smith traduisait. En route,
il rendit visite à son ami David Whitmer, qui se prit, lui
aussi, d’un intérêt intense pour la nouvelle
Écriture. Quand les persécutions augmentèrent à
Harmony, David arriva comme on le lui avait demandé et
déménagea Joseph et Oliver jusque dans sa ferme
familiale près de Fayette (à plus de 150 kilomètres
de là), vers le 1er juin.
Joseph Smith parla plus
tard des supplications insistantes de Harris, de Whitmer et de
Cowdery lorsqu’ils apprirent que trois personnes seraient
autorisées à voir les plaques. La révélation
de juin 1829 confirma qu'ils seraient les trois Témoins et
qu'ils devraient alors témoigner tant par leur connaissance de
première main que par « le pouvoir de Dieu »
afin que « mon serviteur, Joseph Smith, fils, ne soit pas
détruit » (D&A 17:3-4). Sur les quelque deux
cents interviews enregistrées avec les trois témoins,
un pourcentage important met l’accent sur l'intensité
spirituelle des témoins quand ils décrivaient l'ange et
les plaques. À eux seuls, la réputation et les
affirmations du prophète étaient vulnérables,
mais le témoignage d’autres témoins honorables et
formels, qui faisaient part d’une expérience divine,
apportaient de la crédibilité.
L'autobiographie de Lucy
Smith rapporte l’immense gratitude des trois témoins
quand ils revinrent à la maison des Whitmer après avoir
connu cette expérience. C’est la propre histoire de
Joseph Smith qui donne les détails les plus complets de
l'événement : des prières répétées
suivies d'une vision donnée simultanément au prophète,
à Cowdery et à Whitmer, et peu après une vision
presque identique vécue par le prophète avec Harris.
Selon Joseph, la gloire intense de Dieu enveloppa les environs
naturels, et dans cette lumière divine l'ange apparut, exposa
soigneusement les plaques, recommanda expressément à
David Whitmer – le seul des trois à ne pas revenir
finalement dans l’Église – à persévérer
jusqu’à la fin et la voix de Dieu déclara le
livre divin (HC 1:54-56).
Au début de 1838,
des désaccords sur les règles de l’Église
furent à l’origine du mécontentement et de
l'excommunication de chacun des trois témoins, et ils se
séparèrent ; Cowdery mourut en 1850, Harris en
1875 et Whitmer en 1888. Sa vie durant, chacun des témoins
répondit sans hésiter aux questions concernant son
expérience directe de l'ange et des plaques. Ne se basant
manifestement pas sur le récit de Joseph Smith, qui ne fut
écrit qu’au cours des mois qui suivirent leur
excommunication, chacun d’eux parla spontanément et
indépendamment et cependant les détails s’accordaient
entre eux et avec l'histoire de Joseph Smith.
L'aliénation des
témoins par rapport à l'Église découla en
grande partie de conflits concernant l'autorité. Ayant reçu
une révélation, les trois témoins estimaient
qu'ils avaient une part égale à celle de Joseph Smith
dans les expériences fondatrices et leur certitude d’avoir
eu une vision dans le passé contribua à leur
inflexibilité vis-à-vis de futures révélations.
Ils prirent le parti des détracteurs du prophète qui
réagirent négativement lors de la faillite de la
Kirtland Safety Society et ils s’opposèrent au
leadership doctrinal et administratif vigoureux de Joseph Smith.
Après leur excommunication, chacun eut un sentiment de rejet
profond, ce qui eut pour résultat prévisible de dures
critiques à l’égard des dirigeants de l’Église.
Même dans ces circonstances, chacun des trois témoins
continua à défendre vigoureusement l'authenticité
de son témoignage publié. Aucun d’eux n'exprima
le moindre doute vis-à-vis de ce dont ils avaient témoigné.
Oliver Cowdery et Martin Harris revinrent à l'Église à
la fin de leur vie ; David Whitmer resta religieusement
indépendant, mais défendit agressivement le Livre de
Mormon jusqu’au bout.
Les sceptiques ont écarté
le « Témoignage de trois témoins »
en l’imputant à de la connivence ou de la tromperie. Or,
chacun des trois fut un membre respecté et indépendant
d’une société qui n’était pas
mormone et fut actif dans sa communauté. Leur vie, pleinement
documentée, démontre clairement leur honnêteté
et leur intelligence. David Whitmer réagit à diverses
reprises contre les accusations de possibilité d’
« illumination ». Il répondit à
un sceptique : « C’est évident que nous
étions dans l'esprit quand nous avons eu la vision…
mais nous étions dans le corps également et tout était
aussi naturel pour nous qu’à n’importe quel autre
moment » (Anderson, p. 87). On peut aller jusqu’à
dire que leur aliénation ultérieure les rend bien plus
crédibles comme témoins, parce qu’aucune
connivence n’aurait pu résister aux années
passées loin de l’Église et les uns des autres.
Les témoignages
des trois et des huit témoins équilibrent le surnaturel
et le naturel, l’un mettant l’accent sur l'ange et la
voix céleste, l'autre sur l'existence d'un document tangible
sur des plaques d'or. Jusqu’à la fin de sa vie, chacun
des trois a déclaré qu'il avait vu les plaques, et
chacun des huit a insisté sur le fait qu'il les avait
manipulées. La plupart des huit témoins et les trois
témoins ont réitéré leur témoignage
du Livre de Mormon juste avant de mourir. Avec Joseph Smith ils
accomplissent la prophétie de Néphi : « Ils
témoigneront de la vérité du livre et des choses
qui s’y trouvent » (2 Né. 27:12).
Bibliographie
Les apports des trois
témoins à la traduction du Livre de Mormon sont
détaillés dans Lucy Mack Smith, Biographical Sketches
of Joseph Smith the Prophet and His Progenitors for Many Generations,
Liverpool, 1853, réimprimé en 1902 à Salt Lake
City sous le titre History of Joseph Smith by his Mother Lucy Mack
Smith. On trouve les souvenirs de Joseph Smith concernant les
événements de 1829 dans Dean C. Jessee, dir. de publ.,
The Papers of Joseph Smith, vol. 1, Salt Lake City, 1989 (voir les
transcriptions de l’avant-projet de 1839 et de l’histoire
manuscrite de 1839). Voir aussi la History of the Church publiée
par Joseph Smith.
Pour les témoignages
des témoins et leur vie en dehors de l’Église,
voir Richard Lloyd Anderson, Investigating the Book of Mormon
Witnesses, éd. corr., Salt Lake City, 1989. Les documents
primaires concernant leurs témoignages apparaissent dans
Preston Nibley, Witnesses of the Book of Mormon, éd. corr.
Salt Lake City, 1953. On trouvera des notices biographiques dans
Andrew Jenson, Latter-day Saints Biographical Encyclopedia, vol. 1,
Salt Lake City, 1901. Le profil de la plupart des témoins se
trouve aussi dans Lyndon Cook, Revelations of the Prophet Joseph
Smith, Salt Lake City, 1985.
Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme, Macmillan Publishing Company, 1992, traduction Marcel Kahne, source www.idumea.org, avec autorisation