Les manuscrits de la mer Morte

vus par les saints



Robert A. Cloward



 
Comme beaucoup de juifs et comme d'autres chrétiens, les saints des derniers jours ont été profondément intéressés par l'annonce que des manuscrits antiques, datant de l’époque du Nouveau Testament, avaient été découverts en 1947 en Palestine. L'ardeur initiale a donné lieu à quelques traitements superficiels, à du sensationnalisme et à des malentendus. Mais dans les décennies qui ont suivi les premières découvertes, les saints des derniers jours qui ont suivi les analyses plus soigneuses en sont venus à apprécier plusieurs apports des manuscrits de la mer Morte, notamment des aperçus de la diversité littéraire et religieuse du judaïsme du temps de Jésus, de nouveaux éléments relatifs à l'histoire et à la conservation du texte biblique, des avancées dans la science de la datation des documents hébraïques et araméens sur la base des changements dans l’écriture et les ajouts précieux à la collection des textes et des genres littéraires juifs.
 
Certains aspects des rouleaux ont particulièrement intéressé les saints des derniers jours. Par exemple, les Esséniens de Qumran acceptaient les notions de révélation continue et de canon ouvert comme le font les saints des derniers jours, contrairement à l'enseignement courant de la plupart des chrétiens et juifs. Les commentaires de Qumran sur les livres de Habacuc, de Nahum et d'autres prophètes de l'Ancien Testament contiennent de nouvelles interprétations prophétiques esséniennes des événements mondiaux des derniers jours, et le Rouleau du Temple de Qumran se dit être une révélation directe donnée à Moïse. De même, les saints des derniers jours croient que la Bible ne contient pas toute la parole de Dieu, mais qu'il a révélé sa volonté aux prophètes dans le Livre de Mormon et à Joseph Smith et qu’il continue à révéler de nouvelles vérités aux prophètes modernes.
 
Les saints des derniers jours font remarquer que la Bible n’exige pas l’exclusivité. Maintenant la bibliothèque de Qumran a montré que certains des juifs les plus pieux et les plus pratiquants des environs de la période du Christ consultaient non seulement des textes extra-bibliques mais aussi une variété de textes différents des livres bibliques. Pour les Esséniens, le caractère sacré de l'Écriture n'imposait pas un texte fixe ou standard. Par exemple, leur bibliothèque contient plusieurs versions du livre d'Ésaïe, avec des différences mineures dans les mots. Ils utilisaient les versions longue et courte de Jérémie. Ils avaient des collections variables des Psaumes. Cette ouverture d'esprit à l’égard des paroles et des éditions des Écritures est semblable à celle des saints (voir, par exemple, les divers récits de la création chez les saints). Les manuscrits de la mer Morte montrent que les concepts théologiques successifs (1) d'un texte faisant autorité, (2) d'un texte fixe, et finalement (3) d’un texte infaillible ont commencé avec le judaïsme pharisaïque ou rabbinique.
 
Certains ont fait grand cas des comparaisons entre les pratiques des Esséniens et celles de l'Église du Nouveau Testament, ou entre ces deux-là et des éléments du mormonisme. Par exemple, les rituels de purification des Esséniens sont, par certains côtés, semblables aux baptêmes du Nouveau Testament et les repas rituels des Esséniens peuvent être interprétés comme sacramentels. Certains voient l'idée chrétienne de la conversion dans la doctrine des Esséniens qu'une personne est élue dans la communauté par un choix et une initiation délibérés plutôt que par la naissance et la circoncision des nourrissons. Certains relient le conseil communautaire des Esséniens, avec ses douze hommes et ses trois prêtres, à l'appel, par Jésus, de douze apôtres et à la préférence accordée parmi eux à Pierre, Jacques et Jean ou à l'organisation des saints des derniers jours avec douze apôtres et une Première Présidence composée de trois membres. Le rôle des évêques du Nouveau Testament ou des évêques mormons modernes semble correspondre à beaucoup de fonctions du maskil qumranique ou « tuteur ».
 
Pour les saints des derniers jours, l'apparition de tels parallèles n'a rien d’étonnant. Les alliances de l’Ancien et du Nouveau Testament ont plus de ressemblances que de différences. Elles procèdent du même Dieu. Cependant, les similitudes sont contrebalancées par des différences radicales entre les pratiques esséniennes et les enseignements de Jésus-Christ, de Paul ou de l'Église dans les temps modernes. Notamment, les Esséniens enseignaient à leurs adhérents à haïr leurs ennemis. Leur secte était stricte et exclusive. Leurs idées de pureté rituelle revenaient à interdire aux femmes l’accès au temple et à Jérusalem, ville du temple. Ces points de doctrine esséniens vont à l’encontre des enseignements chrétiens et mormons ultérieurs. Il convient donc d’expliquer les ressemblances entre l’essénisme et les concepts chrétiens ou mormons comme une dispersion d’idées parmi des groupes qui ont en commun des connexions antiques plutôt que comme la preuve de rapports plus intrinsèques.
 
Les manuscrits de la mer Morte ont encore beaucoup à nous apprendre. Beaucoup de fragments et certains rouleaux ne sont toujours pas publiés ou ne sont pas encore entièrement compris. Beaucoup de lumière peut encore être versée sur les formes du culte des juifs antiques, sur la littérature apocalyptique, sur l'angélologie et sur le sectarisme au-delà de ce qui nous est accessible dans les récits bibliques. 

Bibliographie

On trouvera une déclaration générale plus ample dans S. Kent Brown, "The Dead Sea Scrolls : A Mormon Perspective", BYU Studies 23, hiver 1983, p. 49-66.

Hugh Nibley fait un traitement dans les grandes lignes dans An Approach to the Book of Mormon, Since Cumorah, et The Prophetic Book of Mormon, dans CWHN, vols. 6-8.

On trouvera une liste des éditions des rouleaux dans Robert A. Cloward, The Old Testament Apocrypha and Pseudepigrapha et The Dead Sea Scrolls : A Selected Bibliography of Text Editions and English Translations, Provo, Utah, 1988.