Une période de mise à l’épreuve

 

(1878-1900)

 

   


      Pendant qu’il travaillait, au début des années 1830, à la traduction de la Bible, Joseph Smith fut intrigué par le fait qu’Abraham, Jacob, David et d’autres dirigeants de l’Ancien Testament avaient plus d’une femme. Le prophète pria pour comprendre la chose et apprit qu'à certains moments, dans des buts précis, selon des lois données par Dieu, le mariage plural était approuvé et commandé par Dieu. Il apprit aussi qu'avec l'approbation divine, certains saints des derniers jours seraient bientôt choisis par l'autorité de la prêtrise pour épouser plus d'une femme. Un certain nombre de saints des derniers jours pratiquèrent le mariage plural à Nauvoo, mais il n'y eut d'annonce publique de cette doctrine et de cette pratique qu'à la conférence générale d'août 1852, à Salt Lake City. Lors de cette conférence, Orson Pratt, sur ordre du président Young, annonça que la pratique pour un homme d'avoir plus d'une femme faisait partie du rétablissement de toutes choses par le Seigneur (voir Actes 3:19-21).  

 

      Beaucoup de dirigeants politiques et religieux d'Amérique s'insurgèrent quand ils apprirent que les saints des derniers jours vivant en Utah encourageaient un système de mariage qui était considéré comme immoral et antichrétien. Une grande croisade politique fut lancée contre l'Église et ses membres. Le Congrès américain vota une loi qui limitait la liberté des saints des derniers jours et lésait économiquement l'Église. Cette loi amena finalement les autorités à arrêter et à emprisonner les hommes qui avaient plus d'une femme et à leur refuser le droit de vote, le droit à l'intimité au foyer et la jouissance de leurs autres libertés civiques. Des centaines de saints des derniers jours fidèles et un petit nombre de femmes furent condamnés à des peines de prison en Utah, en Idaho, en Arizona, au Nebraska, au Michigan et dans le Dakota du Sud.  

 

      Les persécutions devinrent intenses aussi pour beaucoup de personnes qui acceptaient un appel à prêcher l'Évangile, surtout dans le sud des États-Unis. Par exemple, en juillet 1878, Joseph Standing fut brutalement assassiné pendant qu'il oeuvrait près de Rome (Géorgie). Son compagnon, le futur apôtre Rudger Clawson, n'échappa que de peu à la mort. Les saints de Salt Lake City furent profondément affligés par la nouvelle du meurtre de frère Standing. Des milliers de personnes assistèrent à ses funérailles au tabernacle de Salt Lake City.  

 

      Les frères John Gibbs, William Berry, William Jones et Henry Thompson parcoururent une grande partie du Tennessee pour essayer de modifier la perception que le public avait de l'Église. Ils se reposaient un matin de sabbat d'août 1884 chez James Condor, près de Cane Creek, au Tennessee. Alors que frère Gibbs étudiait les Écritures à la recherche d'un texte pour son sermon, des émeutiers jaillirent de la forêt et commencèrent à tirer. Les frères Gibbs et Berry furent tués. Frère Gibbs, instituteur, laissait une femme et trois enfants. Sœur Gibbs resta veuve quarante-trois ans et devint sage-femme pour élever ses enfants. Elle mourut fidèle à l'Évangile, dans l'espoir de joyeuses retrouvailles avec son mari. Brigham Henry Roberts, qui faisait fonction de président de mission à l'époque des meurtres, risqua sa vie pour aller, sous un déguisement, exhumer les corps de Gibbs et de Berry. Il ramena les corps en Utah, où beaucoup de paroisses organisèrent des services de commémoration en l'honneur des deux missionnaires. Des missionnaires d'autres régions furent battus jusqu'à ce que le sang leur coule le long du dos, et beaucoup conservèrent jusqu'à leur mort les cicatrices de ces flagellations.  

 

      Beaucoup de dirigeants de l'Église passèrent dans la clandestinité pour éviter d'être arrêtés par les autorités fédérales qui recherchaient les hommes ayant plus d'une femme. Les familles craignaient les intrusions des policiers tard le soir. George Q. Cannon, Lorenzo Snow, Rudger Clawson, Brigham Henry Roberts, George Reynolds et d'autres furent envoyés en prison, où ils passèrent leur temps à écrire des livres, à donner des cours et à rédiger des lettres à leur famille. John Taylor fut obligé de vivre en exil à Kaysville (Utah), à une trentaine de kilomètres au nord de Salt Lake City, où il mourut le 25 juillet 1887.  

 

      Wilford Woodruff était président du Collège des douze apôtres lorsque John Taylor mourut et fut soutenu, presque deux ans plus tard, comme président de l'Église. Pendant son ministère, la croisade politique contre les saints des derniers jours s'intensifia. 

      

       Vers la fin des années 1880, le gouvernement des États-Unis décréta d'autres lois privant ceux qui pratiquaient le mariage plural du droit de vote et de participation à un jury et limita radicalement la quantité de biens que l'Église pouvait posséder. Les familles de l'Église souffrirent parce qu'un nombre plus grand encore de pères durent se cacher. Le président Woodruff supplia le Seigneur de le guider. Le soir du 23 septembre 1890, le prophète, agissant sous l'inspiration, écrivit le Manifeste, document qui mettait fin au mariage plural pour les membres de l'Église. Le Seigneur donna une vision au président Woodruff, lui montrant que si la pratique du mariage plural ne prenait pas fin, le gouvernement américain s'emparerait des temples, mettant ainsi fin à l'œuvre du temple pour les vivants et pour les morts.  

 

      Le 24 septembre 1890, la Première Présidence et le Collège des douze apôtres soutinrent le Manifeste. Les saints l'approuvèrent à la conférence générale d'octobre 1890. Ce document constitue aujourd'hui la Déclaration officielle n°1 de Doctrine et Alliances.  

 

      Après la décision prise par l'Église, les autorités fédérales accordèrent la grâce aux saints des derniers jours condamnés pour avoir enfreint les lois contre la polygamie, et une grande partie des persécutions prit fin. Mais, comme l'expliquait le président Woodruff : « J'aurais laissé tous les temples nous échapper, je serais allé moi même en prison et aurais laissé tous les autres hommes y aller, si le Dieu du ciel ne m'avait pas commandé de faire ce que j'ai fait ; et lorsque vint l'heure où il me fut commandé de faire cela, c'était tout à fait clair pour moi. J'allai devant le Seigneur, et j'écrivis ce que le Seigneur me dit d'écrire » (« Extraits de trois discours du président Wilford Woodruff concernant le Manifeste », inclus après la Déclaration officielle n°1). Ce fut Dieu et non le Congrès américain qui décida de l'abandon officiel du mariage plural.  

 

 

Source : Our Heritage : A Brief History of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1996, chapitre 8