Vicenzo di Francesca


Prédicateur protestant devenu membre de l'Église après l'avoir recherchée toute sa vie





Vicenzo di Francesca, né le 23 septembre 1888 en Sicile, devient ministre protestant et émigre à New York où, en une froide matinée de février 1910, le sacristain de la chapelle protestante italienne lui apporte un mot de la part du pasteur. Ce dernier est alité, malade et demande à Vicenzo de venir le voir chez lui, pour discuter d'affaires importantes concernant la paroisse.

Vicenzo descend la rue près du port lorsqu'il remarque sur un tonneau plein de cendres un livre dont le vent marin tourne les pages. À l'aspect des pages et de la reliure, il pense qu'il doit s'agir d'un livre religieux.

Poussé par la curiosité, il s'approche, ramasse le livre et le tape contre le tonneau pour le débarrasser des cendres. Le livre est imprimé en anglais, mais lorsqu'il veut lire la page de titre, il s'aperçoit qu'elle est déchirée.

La force du vent fait tourner les pages, et il lit rapidement les noms d'Alma, Mosiah, Mormon, Moroni, Ésaïe, etc. À l'exception d'Ésaïe, ce sont tous des noms qu'il n'a jamais entendus auparavant.

Il enveloppe le livre dans un journal qu'il a acheté près de là, et poursuit son chemin vers la maison du pasteur.

En retournant chez lui, il se demande qui peuvent être ces gens aux noms étranges. Et qui est cet Ésaïe. Est-ce celui de la Bible ou bien s'agit-il d'un autre Ésaïe ?

Arrivé chez lui, il s'assoit devant la fenêtre, curieux de savoir ce que contient le livre. Il feuillette les pages déchirées et lit les paroles d'Ésaïe. Il a la conviction qu'il s'agit d'un ouvrage religieux qui parle d'événements à venir. Mais il ne connaît pas le nom de l'Église qui enseigne cette doctrine, puisque la couverture et la page de titre ont été arrachées. La déclaration des témoins lui donne l'assurance qu'il s'agit d'un livre authentique.

Il achète un produit nettoyant et du coton à la droguerie du quartier et se met à nettoyer les pages. Pendant plusieurs heures, il lit le reste des pages, ce qui l'éclaire et l'enseigne et le fait se demander quelle est la source de cette nouvelle révélation. Il lit et relit, et a le sentiment que le livre est un cinquième évangile du Rédempteur.

À la fin de la journée, il ferme à clé la porte de sa chambre, s'agenouille en tenant le livre, et lit le chapitre dix du livre de Moroni. Il prie Dieu, le Père éternel, au nom de son Fils, Jésus-Christ, de lui dire si le livre est de Dieu, s'il est vrai, et s'il doit le citer dans ses sermons comme il cite les quatre évangiles.

Il sent son corps devenir froid comme le vent marin. Son coeur se met alors à battre plus vite, et un sentiment d'allégresse, comme lorsqu'on trouve quelque chose de précieux et d'extraordinaire, réconforte son âme. Il éprouve une joie indescriptible. C'est la confirmation que Dieu a répondu à sa prière et que le livre est de la plus grande valeur pour lui et pour tous ceux qui voudront écouter son contenu.

Il continue à officier dans la paroisse, mais il mêle à ses sermons des extraits du livre. Les membres de l'assemblée sont si intéressés qu'ils ne trouvent plus de satisfaction à écouter les sermons de ses collègues. Pendant leurs sermons, les paroissiens commencent à quitter la chapelle alors qu'ils restent quand Vicenzo est en chaire, et ses collègues commencent à lui en vouloir.

La vraie discorde commence la veille de Noël 1910. Dans son sermon, ce soir-là, Vicenzo raconte l'histoire de la naissance et de la mission de Jésus-Christ selon son nouveau livre. À la fin de son sermon, certains de ses collègues réfutent publiquement tout ce qu'il a dit. Ils le dénoncent et demandent à la commission de censure de prendre des mesures disciplinaires à son encontre.

Les membres de la commission, lorsqu'il comparaît devant eux, lui donnent ce qu'ils pensent être un conseil paternel. Ils lui conseillent de brûler le livre qui, disent-ils, est du diable, puisqu'il a provoqué tant d'ennuis et a détruit l'harmonie des frères pasteurs. Vicenzo répond : « Je refuse de brûler le livre, par crainte de Dieu. Je lui ai demandé s'il était vrai, et j'ai reçu une réponse affirmative et sans aucune ambiguïté, et la ressens maintenant de nouveau en mon âme, en défendant sa cause. » Il a alors le sentiment que le jour viendra où il connaîtra la source du livre et où il pourra bénéficier des effets de la foi qui l'a fait résister solennellement à la commission de censure.

Il n'est pas appelé à recomparaître devant la commission avant 1914. Un dirigeant de l'Église lui parle sur un ton amical, lui laissant entendre que les paroles vives de la précédente audience ont pu l'irriter, ce qui est regrettable, car ils l'aiment tous. Cependant, il ne doit pas oublier que l'obéissance est de règle et qu'il doit brûler le livre.

Vicenzo ne peut nier les paroles du livre ni le brûler. S'il le faisait, il offenserait Dieu. Il dit qu'il attend avec impatience et joie le jour où il connaîtra l'Église à laquelle le livre appartient et où il pourra s'y joindre.

« Ça suffit ! » crie le dirigeant. Puis il lit à Vicenzo la décision de la commission : il perd son poste de pasteur de l'Église ainsi que tous les droits et toutes les prérogatives dont il a bénéficié jusque-là.

En novembre 1914, Vicenzo est de retour en Italie. Il est mobilisé dans l'armée italienne et part se battre en France. Un jour, il raconte à des hommes de sa compagnie l'histoire du peuple d'Ammon – de ces gens qui ont refusé de verser le sang de leurs frères et qui ont enterré leurs armes plutôt que de se rendre coupables de si grands crimes. L'aumônier le dénonce au chef de corps, et le lendemain on l'amène sous escorte à son bureau. Le chef de corps lui demande de lui répéter l'histoire qu'il a racontée. Il lui demande ensuite comment il est entré en possession du livre. Comme punition, il est condamné à dix jours au pain et à l'eau, avec ordre de ne plus parler du livre.

À la fin de la guerre, Vicenzo retourne à New York, où il rencontre un vieil ami, pasteur de son ancienne Église, qui intercède pour lui auprès du synode, et il est finalement admis comme membre laïque de l'assemblée. On lui permet, à titre expérimental, d'accompagner l'un des pasteurs dans une mission en Nouvelle-Zélande et en Australie.

En Australie, ils rencontrent des immigrants italiens qui leur posent des questions sur les erreurs de certaines traductions de la Bible. Les réponses de son collègue ne les satisfont pas. Lorsqu'ils l'interrogent, il raconte de nouveau l'histoire de l'apparition du Christ au peuple en Amérique. Quand ils lui demandent où il a appris cela, il leur parle du livre qu'il a trouvé. L'histoire leur plaît mais pas à son collègue qui le dénonce au synode et il est une nouvelle fois exclu de l'Église.

Il revient en Italie peu après. Puis, en mai 1930, en cherchant un terme dans un dictionnaire français, il voit soudain le mot « mormon », l'un des noms qu'il a lus dans le livre dont les premières pages manquent. Il lit attentivement le dictionnaire et s'aperçoit qu'une Église mormone a été fondée en 1830 et qu'elle gère une université à Provo. Il écrit au président de l'université pour lui demander de lui envoyer des renseignements sur le livre aux pages manquantes.

Deux semaines plus tard, il reçoit une réponse l'informant que sa lettre a été transmise au président de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours.

Le 16 juin 1930, le président Heber J. Grant répond à la lettre de Vicenzo et lui envooie un exemplaire du Livre de Mormon en italien. Il l'informe également qu'il transmet sa demande à John A. Widtsoe, président de la mission européenne, dont le siège est à Liverpool.

Quelques jours plus tard, frère Widtsoe écrit à Vicenzo et lui envoie une brochure qui contient l'histoire du prophète Joseph Smith, des plaques d'or et de la parution du Livre de Mormon. Vicenzo peut enfin connaître le reste de l'histoire du livre déchiré qu'il a trouvé sur un tonneau couvert de cendres.

Le 5 juin 1932, frère Widtsoe arrive à Naples pour le baptiser, mais une révolution a éclaté en Sicile, et à Palerme la police refuse de laisser Vicenzo quitter l'île.

L'année suivante, frère Widtsoe lui demande de traduire le témoignage de Joseph Smith en italien et d'en publier 1000 exemplaires. Vicenzo apporte sa traduction à un imprimeur, Joseph Gussio, qui la montre à un évêque catholique. L'évêque ordonne à l'imprimeur de détruire le document. Alors Vicenzo attaque en justice l'imprimeur qui ne reçoit du tribunal qu'un ordre lui enjoignant de rendre à Vicenzo la brochure originale.

En 1934, quand frère Widtsoe est relevé de son appel de président de mission, Vicenzo commence à correspondre avec son successeur, Joseph F. Merrill qui lui fait envoyer le magazine Millenial Star qu'il reçoit jusqu'en 1940, lorsque l'abonnement est interrompu à cause de la Seconde Guerre mondiale.

En janvier 1937, Richard R. Lyman, successeur de frère Merrill, écrit à Vicenzo qu'il sera à Rome avec Hugh B. Brown un certain jour et qu'il pourra l'y rencontrer et être baptisé. Mais la lettre est retardée à cause de la guerre, et il ne la reçoit pas à temps.

De 1937 à 1949, Vicenzo ne reçoit aucune nouvelle de l'Église, mais il reste fidèle à l'Église rétablie dont il prêche l'Évangile. Il dispose d'exemplaires des ouvrages canoniques dont il traduit des chapitres en italien qu'il envoie à des amis avec cette mention : « Salutations. L'aube paraît – L'Éternel parle de nouveau ! »

Le 13 février 1949, il adresse une lettre à frère Widtsoe au siège de l'Église à Salt Lake City. Frère Widtsoe répond à sa lettre le 3 octobre 1950, lui expliquant qu'il a été en Norvège. Vicenzo lui répond par une longue lettre où il lui demande de l'aider à se faire baptiser rapidement, car il a le sentiment d'avoir montré qu'il était un fils et un serviteur fidèle de Dieu, en observant les lois et les commandements de son royaume. Frère Widtsoe demande à Samuel E. Bringhurst, président de la mission de Suisse-Autriche, de se rendre en Sicile pour baptiser Vicenzo.

Le 18 janvier 1951, frère Bringhurst arrive dans l'île et baptise Vicenzo à Imerese. C'est apparemment le premier baptême accompli en Sicile.

Cinq ans plus tard, le 28 avril 1956, Vicenzo entre dans le temple de Berne où il reçoit sa dotation. Il repense alors à la promesse de Dieu reçue 46 ans plus tôt, qu'il connaîtrait la source du livre et pourrait bénéficier des effets de sa foi.

Vicenzo di Francesca meurt le 18 novembre 1966, fort dans la foi, après avoir accompli l'oeuvre du temple pour lui-même et beaucoup d'autres.

(Source : L'Étoile, juin 1988, p. 15-18)