La
grandeur de Joseph, l'homme
William
E. Berrett
Le
jugement du temps
Au
sommet de sa puissance a Nauvoo, Joseph Smith reçut la visite
de Josiah Quincy, qui fut plus tard maire de Boston. Ce savant
gentleman fut à ce point frappé de son contact avec Ie
prophète mormon qu'il écrivit un récit de cette
visite et le publia plus tard dans son livre, Figures
of the Past.
Dans un chapitre intitulé « Joseph Smith »,
nous lisons :
« Il
n' est pas du tout impossible que quelque futur livre à
l'usage de générations non encore nées,
contienne une question de ce genre : Quel Américain
historique du dix-neuvième siècle a exercé
!'influence la plus puissante sur l esprit de ses compatriotes ?
Et il n' est pas du tout impossible que la réponse à
cette question puisse être écrite comme ceci :
Joseph Smith,
le prophète mormon.
Et
cette réponse, aussi absurde qu'elle paraisse sans doute à
la plupart des hommes qui vivent actuellement, sera peut-être
un lieu commun évident à leurs descendants. L'histoire
nous montre des surprises et des paradoxes aussi étonnants que
celui-ci. L'homme qui établit une religion en ce siècle
de libre débat, qui était et est encore aujourd'hui
accepté par des centaines de milliers d'individus comme
émissaire direct du Très-Haut – un être
humain aussi rare ne peut pas être expédié en
abreuvant sa mémoire d'épithètes
malsonnantes. »
L'influence
de Joseph Smith se fait en effet sentir dans des cercles de plus en
plus larges à mesure que les années passent.
Aujourd'hui (1936), plus de cent ans après sa mort, près
de trois millions de personnes révèrent sa mémoire
et témoignent que c'était un prophète du Dieu
vivant. Ses disciples représentent presque toutes les nations
civilisées de la terre. Probablement aucun homme, à
part Jésus de Nazareth, ne peut prétendre avoir des
disciples dans autant de pays.
L'esprit
missionnaire, qui se manifesta tellement à l'époque ou
vivait Joseph, n'a manifesté aucun signe de diminution. Au
bout d'un siècle, le mouvement missionnaire est plus
généralisé et mieux organisé que jamais
auparavant. Partout où l'Évangile est prêché,
le nom de Joseph Smith est connu. Il divise les hommes en deux camps,
ceux qui révèrent sa mémoire et ceux qui
ridiculisent et méprisent ses affirmations.
La
critique ne peut pas balayer avec indifférence quelqu'un qui a
exercé pendant sa vie une influence comme celle qu'eût
le prophète Joseph Smith. L'historien ne peut indéfiniment
se contenter d'effleurer l'histoire d'un homme dont l'influence
augmente avec les années. L'homme de religion ne peut jeter
longtemps l'ombre du ridicule sur un système de religion qui a
produit des résultats aussi remarquables.
Aujourd'hui,
comme du vivant de Joseph Smith des milliers et des dizaines de
milliers de personnes préfèreraient mourir que
d'abandonner la religion qu'il a fondée. Elles laisseraient
leurs foyers et leurs amis pour la religion qu'elles ont acquises. En
fait, beaucoup quittent leur foyer et leur famille dans toutes ces
parties du monde qui
continuent
à refuser aux disciples de cet homme le droit d'adorer le Dieu
vivant comme ses enseignements le proclamaient.
Lorsque
nous recherchons le secret de cette étonnante transformation,
de cet extraordinaire dévouement, de cette religion vivante
des saints des derniers jours, la recherche nous conduit sur des
chemins intéressants et nous fait connaître des vérités
révélatrices.
Tout
d'abord, il y avait l'homme lui-même. L'histoire de sa vie est
l'histoire d'une des plus grandes réalisations américaines
jamais écrites. Né d'humbles parents au fond des bois
du Vermont, et n'ayant pas la possibilité d'aller a l'école,
cet homme grava son nom en travers des siècles.
Ceux
qui visitaient le prophète à Nauvoo, et parmi eux des
hommes érudits de toutes origines, s'en allaient avec le
sentiment d'avoir rencontré un homme charmant et intelligent.
Ils étaient stupéfaits du pouvoir qu'il possédait
sur son peuple et la confiance illimitée que ce même
peuple lui accordait.
Un
non-mormon parle
Le
grand maître de l'ordre maçonnique de l'État
d'Illinois écrivit à l'Advocate
à propos de Joseph :
« Ayant
récemment eu l'occasion de rendre visite à la ville de
Nauvoo, je ne puis laisser passer l'occasion d'exprimer l'agréable
déception qui m'y attendait. J'avais pensé, d'après
ce que j'avais précédemment entendu, que j'y
rencontrerais une population appauvrie, ignorante et fanatisée,
complètement asservie par le cléricalisme et sous la
tyrannie de Joseph Smith, le grand prophète de ce peuple.
« Au
contraire, à ma surprise, je vis un peuple manifestement
heureux, prospère et intelligent. Tout le monde semblait
occupé à un métier ou à un autre. Je ne
vis ni oisiveté ni intempérance, ni bruit, ni trouble.
Tous semblaient heureux, n'ayant d'autre désir que de
s'occuper de leurs affaires. Je n'ai rien à voir avec la
religion de ces gens-là. S'ils peuvent se
contenter de la doctrine de leur nouvelle révélation,
c'est leur droit. La Constitution du pays leur garantit le droit
d'honorer Dieu selon les inspirations de leur conscience, et s'ils se
laissent contenter si facilement, pourquoi nous en plaindrions-nous,
nous qui ne sommes pas d'accord avec eux ?
« Pendant
mon séjour de trois jours, je fis plus amplement connaissance
avec leurs hommes principaux et plus particulièrement avec
leur prophète. Je vis qu'ils étaient hospitaliers,
polis, bien informés et libéraux. Je fus très
satisfait de Joseph Smith, qui m'offrit aimablement l'hospitalité
de sa maison. Bien entendu, nous étions tout à fait en
désaccord sur le sujet de la religion, mais il me semblait
tout aussi disposé à me permettre de jouir du droit
d'avoir mon opinion que nous devrions tous l'être, je pense, de
laisser les
mormons jouir du leur. Jugez de ma surprise de découvrir en
lui, au lieu du parvenu ignorant et tyrannique, un interlocuteur
sensé et intelligent et un homme bien élevé.
Lors de mes fréquentes conversations avec lui, il me donna
tous les renseignements que je désirais et semblait ravi de
pouvoir le faire. Il semble être beaucoup respecté de
tous ceux
qui l'entourent et a leur confiance entière. C'est un bel
homme, d'environ trente-six ans et il a une belle famille. »
(George Q. Cannon, Life of Joseph Smith, p. 345-346, 173)
Un
collaborateur du New
York Herald
avait rendu visite au prophète et ce journal dit en 1842 :
« Joseph
Smith est assurément une des plus grandes personnalités
de notre époque. Il montre autant de talent, d'originalité
et de courage moral que Mahomet, Odin ou n'importe lequel des grands
esprits qui ont jusqu'à présent produit la révélation
des siècles passés. À l'époque infidèle,
irréligieuse, idéologiste, géologiste, du
magnétisme animal que nous vivons, il faut un prophète
aussi singulier que Joseph Smith pour protéger le principe de
la foi et pour implanter de nouveaux germes de civilisations qui
viendront peut-être à maturité dans mille ans.
Alors
que la philosophie moderne, qui ne croit qu'en ce que l'on peut
toucher, envahit les États atlantiques, Joseph Smith crée
un système spirituel, combiné aussi à la morale
et à l'industrie, qui peut changer la destinée du genre
humain… Nous avons certainement besoin qu'un prophète
de ce genre paraisse, s'empare de l'esprit public et arrête le
courant
de matérialisme qui lance le monde dans l'infidélité,
la licence et le crime. » (George Q. Cannon, Life of
Joseph Smith, p. 337)
L'opinion
de ses amis
C'est
de ceux qui le connurent le mieux – de ceux qui mangèrent,
marchèrent et dormirent avec lui – que nous avons
l'évaluation la plus authentique de cet homme. Ce n'étaient
pas toujours des enthousiastes de la religion. Ils constituaient un
vaste éventail d'individus. John Taylor, le pasteur anglais,
raffiné et instruit qui devint troisième président
de l'Église, écrivit dans son journal :
« Au
milieu des difficultés, il était toujours le premier en
mouvement. Dans les circonstances critiques, on lui demandait
toujours conseil. Étant notre prophète, il s'adressait
à notre Dieu et recevait pour nous sa volonté. »
(Roberts, Life of John Taylor, p. 141)
Parley
P. Pratt, grand missionnaire et auteur, dit :
« Il
possédait une noble hardiesse et de l'indépendance de
caractère; ses manières étaient détendues
et familières ; sa réprimande aussi terrible que
le lion, sa bienveillance aussi illimitée que l'océan,
son intelligence universelle et sa langue abondante en une
éloquence
originale étudiée – non pas lissée et
adoucie par l'éducation et raffinée par l'art, mais
s'écoulant dans sa simplicité naturelle et abondant
luxurieusement en sujets divers. Il intéressait et édifiait
et en même temps il amusait son auditoire ; et aucun de
ses auditeurs ne se lassa jamais de son discours. Je l'ai même
vu maintenir ensemble une assemblée
d'auditeurs avides et anxieux pendant plusieurs heures au milieu du
froid ou du soleil, de la pluie ou du vent, et ils riaient puis
pleuraient l'instant d'après. Même ses ennemis les plus
acharnés lui étaient généralement gagnés
du moment qu'il pouvait obtenir leur attention. »
(Autobiography of Parley Parker Pratt, p. 47)
Brigham
Young, successeur du prophète, un homme qui le connaissait
intimement, dit vers la fin de sa vie alors que ses propres grandes
réalisations l'avaient rendu célèbre :
« Qui
peut dire quoi que ce soit contre Joseph Smith ? Je l'ai mieux
connu que quiconque. Je ne crois pas que son père et sa mère
l'aient connu comme moi. Je ne crois pas qu'il vive sur la terre un
seul homme qui l'ait mieux connu que moi ; et je n'hésite
pas à dire que, à part Jésus-Christ, il n'a
jamais vécu et il ne vit sur cette terre de meilleur homme. Je
suis
son témoin. Je suis persécuté pour cette raison,
comme le sont tous les justes à notre époque. »
(Journal of Discourses, vol. 9, p. 332)
Parmi
ceux qui admiraient le prophète et auraient donné leur
vie pour lui, il y avait deux des hommes ]es plus rudes, du moins en
apparence, qui soient devenus membres de l'Église. Tous les
deux avaient un coeur
d'or
et la tolérance que manifestait le prophète vis-à-vis
de leur rudesse extérieure est caractéristique de sa
capacité de regarder au-delà des apparences pour voir
ce qu'il y a dans le coeur humain. Lyman Wight fut attiré à
l'Église par le magnétisme de la personnalité du
prophète. C'était un rude homme de frontière, un
tireur qui ne ratait jamais son coup, dont le courage téméraire
était bien connu sur la frontière. Tant que le prophète
vécut, Wight fut comme de la pâte à modeler entre
ses mains, aussi doux qu'un agneau. Après la mort de son
« Joseph bien-aimé », nul ne put le
gouverner. On ne le toléra dans l'Église qu'a cause de
son ancien dévouement au prophète. Ses entreprises
missionnaires indépendantes et ses enseignements tronqués
produisirent finalement son excommunication.
Orrin
Porter Rockwell, dont nous avons mentionné le dévouement,
était un personnage du même genre. En 1841, il fut
accusé en même temps que Joseph Smith d'avoir tenté
d'assassiner I'ancien gouverneur Boggs du Missouri. Un certain temps
il échappa à l'arrestation en allant dans l'Est.
Pensant que l'on avait découvert la fausseté des
accusations et qu'on avait laissé tomber I'affaire, il se mit
en route pour retourner à
Nauvoo. Il s'était trompé. À St-Louis
(Missouri), il fut arrêté, emmené à
Independence et jeté
en prison. On l'y garda pendant presque un an et on le traita
honteusement. On le mit aux fers. Une fois il s'enfuit, fut pris et
presque lynché. La raison pour laquelle on garda si longtemps
Rockwell sans le juger, c'était que l'on pensait l'utiliser
comme appât pour amener le prophète à traverser
la frontière du Missouri. « Port, dit le sheriff
Reynolds, Joe Smith a une confiance illimitée en vous. Il
viendra à la frontière si vous le lui demandez. Faites
cela pour nous, et nous vous laisserons aller ; et vous pouvez
annoncer votre prix. » Rockwell répondit :
« Allez au diable. »
La
progression qui produisit un prophète
À
notre époque, si éloignée de la vie du prophète,
il est facile d'oublier le processus par lequel il devint un prophète
de Dieu – le chemin épineux qu'il parcourut
jusqu'au sommet. Rien ne montre aussi clairement le chemin par lequel
le jeune Joseph devint prophète que son propre enseignement.
« Toute
bénédiction repose sur une loi irrévocablement
décrétée avant la fondation de ce monde ;
et lorsque nous recevons une bénédiction quelconque de
Dieu, c'est par l'obéissance à loi sur laquelle elle
repose. » (voir Doctrine et Alliances 130:20- 21)
La
Première Vision résulta de l'obéissance à
une loi divine et il en alla de même de toute la connaissance
de Dieu que Joseph Smith acquit. Le fondateur de Nauvoo était
un homme incomparablement plus grand que le Joseph Smith qui organisa
l'Église dix ans plus tôt. La plus belle qualité
de cet homme était sa volonté de progresser. Il avait
ce rare génie qui reconnaissait les défauts en lui-même
et avait le courage de s'en repentir. Des expressions telles que :
« Je me sentais souvent condamné à cause de
ma faiblesse et
de mes imperfections » (Joseph Smith, Histoire, 2:29 ;
voir aussi Hirtory of the Church, vol.
1, p. 10) apparaissent fréquemment dans son journal personnel
et nous donnent une belle idée de l'âme de cet homme.
Dans les révélations qu'il reçut du Seigneur, il
n'hésitait
pas à écrire les parties qui condamnaient ses propres
actes. Nous trouvons des passages
tels que celui-ci :
«Et
voici, combien de fois n'as-tu pas transgressé les
commandements et les lois de Dieu et ne t'es-tu pas laissé
influencer par les persuasions des hommes ? »
(Doctrine et Alliances 3:6)
Et
encore :
« Tu
n'es pas excusable dans tes transgressions ; néanmoins, va ton
chemin et ne pèche plus. » (Doctrine et Alliances
24:2)
Son
énergie semblait jaillir d'une fontaine inépuisable.
Quand on pense aux épreuves et aux persécutions qui
poursuivirent le prophète à tous les tournants et aux
tâches multiples qu'il affrontait pour façonner
l'Église, ses réalisations en deviennent d'autant plus
stupéfiantes. Pendant les quatorze années qui
s'écoulèrent entre la fondation de l'Église et
son martyre, il n'eut guère un moment de paix. Pendant ce
temps-la, il fut chassé de trois États, emprisonné
par l'un d'eux et martyrisé dans un autre. Il fut en plus
d'une occasion la victime de la violence de la populace. Trente-huit
fois ses ennemis l'arrêtèrent sur de fausses accusations
et le traînèrent devant les tribunaux.
Les
accusations allaient du vol à la trahison. Les tribunaux,
aussi bien que les accusateurs, étaient ordinairement hostiles
à son égard, mais dans chaque cas porté devant
le tribunal, il fut acquitté.
Outre
les persécutions de ceux qui ne faisaient pas partie de son
organisation religieuse, il devait faire face à l'apostasie et
au mécontentement qui existaient dans les rangs. Le courage
qu'il montra à attaquer toutes les formes d'injustice et à
rayer des rôles de l'Église, sans s'occuper de savoir ou
la hache tombait, ceux qui ne suivaient pas un niveau de vie élevé,
protégea l'Église de la corruption, mais décupla
ses problèmes et responsabilités personnels.
Pendant
ces quatorze années, il créa une organisation qui a
résisté à l'épreuve du temps et n'a pas
aujourd'hui son égale en efficacité. Il a formulé
une philosophie religieuse qui a satisfait les besoins d'un monde
changeant. Son oeuvre était si complète et il était
tellement en avance sur son peuple qu'à la fin d'un siècle
on n'avait guère ajouté quoi que ce soit à
l'organisation ou à la doctrine de l'Église.
Pendant
ces mêmes années, il avança la cause de
l'éducation, plongea dans les dédales de la loi et de
la politique, dessina des villes, organisa un corps militaire, fut le
maire d'une ville prospère et s'intéressa à la
manufacture et à l'industrie.
Il
n'est peut-être aucun domaine ou la progression de Joseph Smith
soit aussi visible que dans la qualité littéraire de
ses ecrits. Les plus anciens fragments que nous avons de son écriture
révèlent des erreurs d'orthographe et de grammaire. Ses
écrits ultérieurs révèlent une forme
littéraire et une beauté d'expression rares. Joseph
Smith n'était pas un homme parfait, loin de là, mais il
ne se contentait jamais de ses imperfections. Il les reconnaissait et
cherchait à les vaincre.
L'ensemble
de ses œuvres littéraires remplit de nombreux volumes et
les sermons et les éditoriaux que l'on n'a pas réunis
en rempliraient des dizaines d'autres encore. Son plus bel apport fut
de traduire le Livre de Mormon, une grande tâche en soi. Mais
en outre, il y a le Livre de Moïse, le Livre d'Abraham et
Doctrine et Alliances. Son journal personnel est maintenant imprimé
avec des annotations en six grands volumes et est le plus beau
document
historique de l'Église. Sans les avantages d'une instruction
officielle, il acquit une bonne connaissance de cinq langues,
jonglait avec le contenu de la Bible, était versé dans
l'histoire générale et se transforma en un
interlocuteur intéressant sur bien des
sujets courants.
Source :
William E. Berrett, L'Église rétablie, chapitre 25