Les procès de Joseph Smith



Joseph I. Bentley

Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme
(Macmillan Publishing Company, 1992)
Traduction : Marcel Kahne
Source : www.idumea.org
avec autorisation


 
Joseph Smith croyait que ses ennemis détournaient la procédure judiciaire et s’en servaient comme outil de persécution religieuse contre lui, tout comme elle avait été utilisée contre beaucoup d’apôtres du Christ et d’autres martyrs passés. Il était souvent rapidement acquitté, mais les nombreux procès « vexatoires et méchants » lui coûtaient cher en temps et en argent, lui valurent plusieurs incarcérations et finirent par causer son martyre. Cela commença peu après le début de son ministère et continua sa vie durant et cela lui valut de devoir subir quelque trente procès au pénal et au moins autant de procès au civil pour recouvrement de dettes ou en rapport avec des entreprises financières avortées.
 
La première accusation portée contre lui pour trouble à l’ordre public concernait une recherche de trésor moyennant salaire à South Bainbridge (New York), en 1826, et venait d’un prédicateur méthodiste mécontent, parent de Josiah Stowell, l’employeur de Joseph. Quand Stowell refusa de témoigner contre lui au procès, Joseph fut libéré. En juillet 1830, dans la même juridiction, Joseph fut jugé et acquitté par un autre magistrat de l’accusation de « trouble à l’ordre public, de mettre le comté sens dessus dessous en prêchant le Livre de Mormon, etc. » (HC 1:88). Le procès finit à minuit. Le lendemain, il fut saisi et jugé dans le comté voisin de Broome pour la même accusation, assortie de l’accusation d’avoir chassé un démon et d’avoir recours à de prétendues visitations d’anges pour soutirer des biens aux autres. Après un procès de vingt-trois heures où l’on entendit une quarantaine de témoins, Joseph fut de nouveau acquitté (HC 1:91-96).
 
Après l’installation de l’Église à Kirtland (Ohio) en 1831, plusieurs actions de nature religieuse furent intentées contre Smith et d’autres dirigeants, mais furent rejetées pour les raisons données après chaque accusation : coups et blessures (légitime défense), accomplissement de mariages sans licence valide (on en obtint une), tentative de meurtre ou conspiration (absence de preuves) et servitude involontaire sans rémunération pendant la croisade militaire du camp de Sion au Missouri (gagné en appel). Pour leur part, les dirigeants de l’Église intentèrent un procès, qu’ils gagnèrent, et furent indemnisés pour des dommages subis lors d’agressions qui se produisirent tandis qu’ils agissaient à titre religieux. Cependant, la panique financière de 1837 inonda le prophète et d’autres de litiges civils pour des recouvrements de dettes. Pires encore furent les procès pour violation des lois de l’Ohio sur les opérations bancaires quand la Kirtland Safety Society Anti-Banking Company fit faillite peu après avoir été organisée en 1836 sans charte d’état. Des accusations de fraude et d’enrichissement personnel furent lancées mais pas prouvées ; il y eut appel d’une condamnation par jury, mais Joseph Smith quitta l’Ohio pour le Missouri avant l’audition.
 
Au Missouri, la plupart des actions contre les saints des derniers jours furent extralégales, intentées par des comités de vigilance non mormons montés contre les saints à cause de l’opposition de ceux-ci à l’esclavage, de leur afflux massif et des enseignements religieux de Smith au sujet de la révélation moderne et de l’établissement territorial de Sion dans le comté de Jackson. Les magistrats civils refusèrent systématiquement de délivrer des ordres de maintien de la paix pour les mormons ou d’accorder réparation pour leurs blessures ou leurs dégâts matériels. Par exemple, malgré le fait qu’il avait été battu, enduit de goudron et de plumes et avait vu détruire son imprimerie, l’imprimeur de l’Église reçut moins que ses honoraires légaux et l’évêque président reçut « un penny et un grain de poivre ». Les trois pouvoirs du gouvernement de l’État semblaient paralysés ou en faveur de l’action des émeutiers, et les saints furent à diverses reprises dépossédés et expulsés de comté en comté.
 
Finalement, le 6 août 1838, des violences éclatèrent un jour d’élections entre mormons et non-mormons à Gallatin (comté de Daviess, Missouri). Joseph Smith et d’autres firent appel au juge de paix Adam Black pour obtenir de sa part une « convention de paix » pour qu’il défende la loi et ne s’attache à aucun groupe d’émeutiers. Cela eut comme conséquence que Joseph Smith et Lyman Wight furent arrêtés sur la base d’une déclaration sous serment selon laquelle ils se seraient rendus coupables d’émeute et d’agression pendant qu’ils obtenaient les mandats de Black (HC 3:61). Smith et Wight comparurent devant le juge Austin King et furent cités à comparaître à l’audience suivante du jury d’accusation dans le comté de Daviess (HC 3:73).
 
Le 25 octobre 1838, Moses Rowland, un homme de la milice de l’État du Missouri, fut tué lors de la bataille de la Crooked River au cours d’un affrontement avec une compagnie de saints qui essayaient de sauver trois frères enlevés. En apprenant cette escarmouche, ajoutée à d’autres rapports, Lilburn W. Boggs, gouverneur de l’état, publia son ordre infâme d’extermination. Joseph et d’autres dirigeants des saints furent arrêtés et comparurent, du 12 au 29 novembre 1838, en audience préliminaire devant le juge Austin King à Richmond (Missouri). Joseph Smith et quelques autres défendeurs furent enfermés pendant quatre mois et demi à la prison de Liberty en attendant leur mise en examen par un jury d’accusation pour des raisons telles que meurtre, incendie criminel, vol, rébellion et trahison. Tandis qu’ils étaient en route pour être jugés par une instance plus impartiale, on laissa Joseph et d’autres s’échapper pour éviter à l’État de se trouver dans une situation publiquement embarrassante.

En 1838-1839, les saints s’installèrent à Nauvoo (Illinois) après leur expulsion injustifiée du Missouri. Pour éviter les persécutions « légales » subies dans les États précédents, ils obtinrent une charte libérale pour la ville de Nauvoo, qui accordait des pouvoirs étendus de habeas corpus aux tribunaux locaux. Ceux-ci aidèrent à libérer Joseph Smith et d’autres saints des derniers jours quand ils étaient recherchés par des policiers agissant sur mandat, qui n’étaient pas de Nauvoo. En 1841, Stephen A. Douglas, juge ayant juridiction au niveau de l’état, écarta un mandat du Missouri visant à extrader Joseph pour des accusations toujours en cours là-bas et, en 1843, un juge fédéral fit la même chose pour une requête semblable après la tentative d’assassinat supposée de l’ex-gouverneur Boggs. Cependant, l’utilisation croissante du mandat d’habeas corpus par les magistrats de Nauvoo, qui bloquait même l’autorité de l’État et l’autorité fédérale, ne fit qu’augmenter la méfiance parmi les non-mormons, qui estimaient que Joseph Smith se considérait comme étant au-dessus de la loi.

La dernière fois que le prophète eut recours à l’habeas corpus fut après son arrestation en juin 1844 par un agent de police du comté pour incitation à une « émeute » en commandant la suppression du Nauvoo Expositor. Cette action fut le point culminant d’une série de procès entre le prophète et plusieurs apostats, qui l’avaient accusé de parjure et d’adultère ; il avait contre-attaqué en les accusant de parjure, de coups, de diffamation et de refus de se laisser arrêter. Un jugement avait statué sur les mérites de l’affaire et Joseph avait été acquitté à Nauvoo. À la suite de cela, le gouverneur persuada le prophète de se laisser arrêter et d’être à nouveau jugé pour « émeute », cette fois à Carthage, où il fut incarcéré sans caution pour une nouvelle accusation de « trahison » pour avoir déclaré la loi martiale et avoir fait appel à la milice de Nauvoo pour maintenir la paix. Les ennemis de Joseph Smith l’accusèrent de lancer une offensive contre les citoyens de l’Illinois. Deux jours plus tard, son frère Hyrum et lui étaient tués par des émeutiers déguisés.
 
Même après la mort, les procès relatifs au prophète continuèrent. Sur soixante assassins potentiels cités devant un jury d’accusation, neuf furent mis en examen et cinq furent jugés à Carthage pour le meurtre de Joseph (un procès distinct allait suivre pour le meurtre de Hyrum). Après six jours de procès, tous les accusés furent acquittés en juin 1845 pour manque de preuves. L’injustice judiciaire finale à l’égard de Joseph Smith et de l’Église en Illinois fut une série de décrets des tribunaux fédéraux en 1851 et 1852 qui liquidèrent tous les avoirs personnels et appartenant à l’Église détenus par Joseph Smith de son vivant, afin d’exécuter un jugement rendu par défaut en 1842. Il avait garanti un billet à ordre au gouvernement fédéral lors d’une transaction d’affaires dans les premiers temps de Nauvoo ; quand le billet resta impayé, il s’ensuivit une succession de procès, empêchant une déclaration de faillite et donnant lieu à des accusations de fraude et d’inconduite. Bien que mal conseillé et jouant de malchance dans le domaine des affaires, le prophète ne fut jamais déclaré coupable d’aucune inconduite.

 
Bibliographie

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