La nouvelle de l'assassinat de Joseph et de Hyrum Smith

dans le presse américaine

 

 

 Larry C. Porter


Directeur du centre d'histoire de l'Église et d'études religieuses

à l'université Brigham Young

 

 

 

      Comme nous le savons, un double assassinat a été commis pendant le chaud après-midi du jeudi 27 juin 1844 à Carthage (Illinois). Le prophète Joseph Smith et son frère Hyrum furent abattus par une foule hostile et armée comprenant cent à deux cents hommes enragés. Les agresseurs étaient surtout des membres de la milice de Warsaw (illinois), aidés par certains membres des Carthage Greys, une milice composée de volontaires, qui avaient été chargés de garder les missionnaires.

 

      Les journaux de tous les États et de tous les territoires des États-Unis mentionnèrent ces meurtres à leurs lecteurs. Même un examen rapide des textes dénote un énorme retentissement dans la presse. Le télégraphe par Morse ne fonctionnait alors que depuis un mois et uniquement entre les villes de Washington et de Baltimore (Maryland). Mais les dépêches de l'Ouest transmirent la nouvelle de l'assassinat avec une rapidité étonnante. La nouvelle atteignit les journaux de Saint-Louis (Missouri) deux jours après ; de Cincinnati, six jours après ; de New York et de Washington (D.C.), douze jours après. Le village de Palmyra (État de New York), près du site de la colline Cumorah, eut vent des préliminaires des meurtres treize jours après. Les journaux du comté de Winder (Vermont), lieu de naissance de Joseph et de Hyrum, firent le compte rendu de leur mort quinze jours après l'événement.

 

      Bien sûr, les villes les plus proches de Nauvoo furent informées de la nouvelle le plus rapidement. Un journal de Quincy (Illinois), à 65 kilomètres au sud de Nauvoo, signala la nouvelle à ses lecteurs le 26 juin, un jour après le meurtre. Les habitants de Warsaw (Illinois), à une trentaine de kilomètres en aval de Nauvoo sur le Mississippi, reçurent le récit détaillé de l'événement deux jours après.

 

      Bien que tous les habitants de Nauvoo fussent au courant des meurtres, une édition spéciale du Nauvoo Neighbor, datée du dimanche 30 juin à 15 h, traita en détail dans cette ville de ce qui s'était passé. Une déclaration d'une seule page avait été faite dans la ville la veille par le général de brigade m. R. Doming de la milice d'État de l'Illinois ; elle invitait les citoyens du comté de Hancock à rester chez eux et à coopérer à l'établissement d'une atmosphère de calme. Cette déclaration fut publiée simultanément dans le Nauvoo Neighbor et dans d'autres journaux de la région. Mais elle ne contenait aucun détail sur le meurtre si ce n'est une remarque sur le transfert des corps des victimes.

 

      Les saints d'Europe n'avait pas de câble transatlantique et reçurent bien sûr la triste nouvelle avec retard. Orson Hyde écrivit aux frères et sœurs d'Angleterre de la ville de New York le 10 juin 1844, et le message mit dix-huit à vingt et un jours pour traverser l'océan. La lettre de frère Hyde, ainsi que d'autres articles, furent imprimés dans Supplement to the Millenial Star d'août 1844.

 

      Beaucoup des premiers récits des meurtres comportaient de faux enseignements sur le déroulement réel des événements dans la prison. Le 29 juin, le Quincy Herald publia un récit inexact des meurtres et ce récit provenait du Warsaw Signal. The Daily National Intelligence (Wahington) et d'autres journaux reprirent l'article du Quincy Herald le 8 juillet en reproduisant les erreurs contenues dans l'original. Voici le texte que les lecteurs du The Daily National Intelligence eurent sous les yeux : « II semble que Joe / Joseph et Hiram / Hyrum / Smith ainsi qu'un certain nombre d'autres dirigeants mormons se trouvaient en prison à Carthage à la suite de quelques infractions à la loi de l'État. Les Carthage Greys, un corps de volontaires, assuraient la garde autour de la prison. Vers six heures du soir, le 27, des mormons à l'extérieur tentèrent de faire échapper les prisonniers. Un jeune d'environ dix-neuf ans (un mormon) commença la lutte en tirant sur la sentinelle à la porte et en la blessant gravement à l'épaule. Parallèlement à cette tentative, les mormons qui se trouvaient à l'intérieur de la prison, parmi lesquels les Smith, pointèrent leur pistolet par la fenêtre et par la porte de la prison et tirèrent sur les gardes à l'extérieur en blessant, mortellement pense-ton, quatre des anciens citoyens de Hancock. Il est inutile de dire que cette tentative sanguinaire de la part des mormons déclencha une réaction certaine. Joe / Joseph / Smith et son frère Hiram, et Williams Richards, le secrétaire de Joe / Joseph / Smith ne tardèrent pas à être tués et nous croyons qu'ils furent les seules victimes. Avant l'affrontement, Carthage était plein de mormons. Les mormons semblaient se rassembler autour de la prison dans le but de tenter de libérer leur dirigeant. »

 

      On peut comprendre que ces données inexactes et de nombreuses autres furent imprimées au milieu de la confusion qui entourèrent les événements réels de Carthage. Certaines erreurs furent corrigées à mesure que parvenaient des renseignements plus fiables. Mais certains des comptes rendus erronés demeurèrent sans correction dans les numéros suivants du journal, maintenant ainsi le récit erroné des faits.

 

      Les journaux qui choisirent de commenter ces meurtres au lieu de se contenter de rapporter « les faits transmis par les courriers de l'ouest » condamnèrent généralement les agresseurs et les traitèrent, à juste titre, de meurtriers. La réaction dans la presse dans le Manufacturers and Farmers Journal de Providence (Rhode Island), le 15 juillet, est caractéristique du sentiment national général : « II n'est pas de mot trop fort pour exprimer la condamnation avec laquelle chaque bon citoyen des États-Unis doit regarder le massacre de ces mormons, et cet acte entache l'honneur de notre nation d'une manière ineffaçable s'il ne reçoit pas une punition réelle et rapide.

 

      Malgré ces exceptions notoires, à savoir le Warsaw Signal et le Quincy Whig, les journaux locaux dénoncèrent avec vigueur cet acte contraire à la loi. Le 29 juin 1844, le Lee County Democrat (Fort Madison, dans l'Iowa) fit paraître un article récapitulant les points de vue à propos des meurtres d'une cruauté gratuite, exprimés dans la presse de la région :

 

      « Le C.S. Democrat dit à propos du meurtre récent de Carthage : ‘ D'après tous les faits qui nous sont soumis maintenant, nous considérons que ces meurtres ont été perpétués de sang froid : meurtre contre la parole engagée par le principal magistrat de l'Illinois, meurtre d'un caractère si détestable et si njustifiable que la responsabilité entière en retombe sur ceux qui l'ont commis, ceux qui y ont contribué, sur les complices et sur ceux qui l'ont défendu. ‘

 

      « Le Republican dit : ‘ Le comportement de la foule de Carthage est injustifiable. ‘

 

      « Le Reville dit : ‘ Joe / Joseph / Smith a été lynché alors qu'il se trouvait sous la protection du gouverneur Ford et de la loi ! ‘

 

      « Le New Era dit : ‘ Le meurtre de prisonniers sans armes est un acte cruel et lâche quand ces derniers se sont rendus et mis entre les mains de la loi. ‘

 

      « En fait, la presse de Saint-Louis dénonce unanimement cet acte sanguinaire. Nous nous rangeons à l'opinion de la presse de Saint-Louis et nous disons que ce fut un meurtre prémédité et que les coupables devraient être poursuivis et subir la loi dans toute sa rigueur. »

 

      La presse nationale ne fit certainement pas l'éloge de l'Église ni de son prophète, mais elle n'approuva pas non plus le meurtre, que sa motivation ait été d'ordre politique ou qu'elle soit le développement d'une certaine intolérance religieuse.

 

      Ce n'est pas sans raison que le Warsaw Signal (Warsaw, Illinois) tenta longuement de justifier ces meurtres. Son rédacteur en chef, Thomas Sharp, participa très personnellement à ces assassinats. Avec huit autres hommes, il fut inculpé de ces meurtres. Dans le numéro du 12 juin du Signal, quinze jours avant les meurtres, Thomas Sharp avait réagi avec violence à la destruction du Nauvoo Expositor par le conseil de la ville à Nauvoo. Il s'était écrié qu'on ne pouvait éviter une guerre contre les saints des derniers jours et leur extermination. Incitant ensuite ses lecteurs à l'action, il déclara : « Le temps n'est plus aux discours : que chaque homme fasse le sien, avec de la poudre et un fusil !!! » Thomas Sharp était présent à la prison de Carthage pour assister à l'accomplissement de son propre décret.

 

      Dans un numéro suivant du Signal, le 24 juillet 1844, Sharp tenta de justifier devant l'opinion publique la nécessité de la mort des frères Smith. Après avoir commenté en longueur les prétendues « agressions et attentats contre la paix et la sécurité de la société » commis par les mormons et les conditions de l'emprisonnement du prophète Joseph Smith et de Hyrum, il avoua :

 

      « Mais quelle satisfaction cela pouvait-il apporter aux anciens citoyens de Hancock de savoir que Joseph Smith était en prison ? Ils savaient et le monde doit savoir pour les raisons mentionnées précédemment qu'ils ne pouvaient jamais être accusés d'aucun crime. Nous nous étions mis bien en peine pour affirmer et conserver la suprématie de la loi, mais si l'affaire s'arrêtait là, la justice risquait de désespérer d'avoir gain de cause. C'est cette conviction qui entraîna leur exécution. Méritaient-ils la mort ? Il ne peut y avoir le moindre doute dans l'esprit d'une personne intelligente et au courant de leur histoire. »

 

      Thomas Sharp et les huit hommes accusés avec lui furent acquittés quant à la mort de Joseph Smith lors d'un procès qui se déroula à Carthage (Illinois). Le jury plaida « non coupable » le 30 mai 1845.

 

      Au midi des temps, le Sauveur avait averti ses anciens apôtres : « L'heure vient où quiconque vous fera mourir pensera offrir un culte à Dieu » (Jean 16:2). Quelles qu'aient été leurs motivations personnelles, ces criminels satisfaits affirmèrent certainement qu'un bon service avait été rendu à Carthage. Mais le temps venge toujours les prophètes, pas leurs détracteurs.

 

 

(L’Étoile, septembre 1984)