Comment un père peut-il accorder la priorité à sa famille tout en magnifiant ses appels dans l'Église ?



George D. Durrant


Pendant que j’étais président de mission dans l’État du Kentucky, je dus faire face à un conflit ouvert entre une activité familiale et l’activité dans l’Église. La course de chevaux la plus célèbre du Kentucky, le Kentucky Derby, devait bientôt avoir lieu, et cela faisait des semaines que nous avions prévu d ’y assister. Trois jours avant cet événement, la conférence du pieu de Lexington fut avancée d’une semaine, ce qui amena la réunion des dirigeants du samedi à avoir lieu le jour de la course. Au cours de la semaine, l’Autorité générale qui devait être présente m’invita par téléphone à assister aux sessions en tant que président de mission.

Au cours de la conversation, je mis mon dirigeant au courant de mes plans et lui demandai ce qu’il en pensait. Il me répondit ceci : « Nous devons parfois choisir. » Ce fut tout ce qu’il me dit.

Qu’auriez-vous fait ? L’œuvre de l’Église exige souvent des pères qu’ils soient absents du foyer. Mais le père peut s’organiser en décidant de priorités, en planifiant et en déléguant. Il peut ainsi être efficace dans ses devoirs religieux et se retrouver plus souvent chez lui qu’il ne le pense possible.

Des pères qui passent un temps inutile dans les appels de l’Église s’enorgueillissent de ces longues heures passées loin de chez eux et les prennent pour un signe de dévouement. Il s’agit souvent de dévouement, mais parfois, c’est aussi un moyen de ne pas aller chez soi. Certains pères se sentent plus capables dans des activités hors du foyer que dans des activités familiales. Nous devrions nous livrer à un examen personnel pour voir si sous couvert de « dévouement », nous n’avons pas abandonné à notre épouse la plus importante de toutes les causes à laquelle nous devrions nous consacrer : notre famille.

Certains pensent que s’ils passent de nombreuses heures loin de leur famille pour se consacrer à leurs tâches religieuses, le Seigneur compensera en assurant que tout ira bien à la maison. Mais les pères qui sont fidèles dans l’Église peuvent avoir de graves difficultés au foyer, et en ont parfois ; une des raisons de ces problèmes peut être un manque de relations entre le père et sa famille.

D’un autre côté, le père qui réussit sa vie de famille ressort du foyer rempli de cet esprit d’amour. Il s’est réchauffé au feu familial et peut alors réchauffer le cœur et l’âme de ses frères et sœurs. L’homme qui accorde assez de temps et d’énergie aux activités familiales et se dévoue pareillement au Seigneur et à l’édification de son Église reçoit l’Esprit du Seigneur. C’est l’Esprit qui apporte le succès dans l’œuvre de l’Église et non des heures interminables passées à des activités de l’Église, loin de la famille.

À mon avis, certaines réunions de planification et de dirigeants sont beaucoup trop longues. Un jour, un dirigeant de l’Église me posa la question suivante : « Êtes-vous un dirigeant ponctuel lorsque vous dirigez des réunions ? »
— Oui, je commence toujours à l’heure.
— Mais dites-moi, êtes-vous ponctuel ?
Je répondis la même chose : « Nous commençons à l’heure. »

Il me reposa la même question. Devant mon air perplexe, il me dit : « Je sais que vous commencez vos réunions à l’heure, mais les terminez-vous à l’heure ? » Et il ajouta ceci : « Terminez vos réunions à l’heure prévue et laissez les gens rentrer dans leur foyer. Ceux qui négligent l’heure de fin prévue se trompent autant que ceux qui négligent l’heure du début. »

Un père s’excusera parfois de ne pas passer assez de temps chez lui, en disant : « L’important, c’est la qualité du temps passé à la maison et non la quantité. » Pour certains, cette affirmation peut contenir une certaine vérité, mais nous ne devons pas l’utiliser pour tranquilliser une conscience qui nous dit que nous passons trop de temps loin de notre famille.

Lorsque je fus appelé au poste de président de mission, je craignis qu’à un moment très important de la vie de mes huit enfants, je ne puisse plus avoir le temps d’être un bon père. J’avais décidé que la paternité était un appel du Seigneur aussi important que celui de président de mission. Cela signifiait que tout en me consacrant à la mission, je devrais me consacrer deux fois plus à ma tâche de père.

C’est en pensant à cela que l’une de mes tâches importantes fut d’accrocher un gros cordage à une haute branche de l’énorme arbre qui se trouvait dans notre jardin, pour faire une balançoire. Cette dernière attira instantanément des amis du voisinage pour nos jeunes enfants.

Quelques mois après notre arrivée, nous assistâmes à un séminaire de présidents de mission. Chacun dut donner la meilleure idée jusqu’ici mise en pratique dans sa mission.
Lorsque mon tour vint, je dis : « La meilleure chose que j’ai faite jusqu’à présent, c’est une balançoire. » Tout le monde se mit à rire. Je décrivis la balançoire. J’expliquai que j’avais pour but principal d’être un bon père et que cette balançoire était le symbole de cette priorité. Notre dirigeant me soutint.

J’ai découvert que je passe plus de temps en famille si je me rappelle que jouer avec les enfants, c’est œuvrer dans l’Église. Pendant ma mission, je me rendais souvent en famille dans un beau parc de distractions. Je m’y promenais, un sourire aux lèvres, en tenant mes enfants par la main et en mangeant de la barbe à papa.

De temps en temps, je me disais : « C’est toi, le président de mission. Il faudrait que tu retournes au travail. » Et puis je souriais et je me disais : « Eh bien, je fais ici du travail pour l’Église. Je suis avec mes enfants et ma femme. Nous nous amusons et, ce soir, je pourrai écrire dans mon journal qu’aujourd’hui, j’ai accompli six heures d’un merveilleux travail pour l’Église. » Je mangeais un peu de barbe à papa et je me laissais guider par les enfants qui me conduisaient où ils voulaient aller.

L’œuvre de l’Église accompli en famille ne signifie pas que vous ne faites pas l’autre travail. Cela signifie simplement que vous faites les deux, et vous pouvez y arriver. Parfois, vous pouvez passer toute une journée avec vos enfants. Et parfois, il ne s’agira que d’un assaut de lutte de dix minutes ou de la construction d’un seul avion de papier après le repas du soir.

Il y a des années, j’ai été évêque. En même temps, je préparais mon doctorat en faculté et je travaillais à temps plein. J’étais très tendu. Je craignais vraiment d’échouer comme père à cause de mon désir de réussir dans tant de domaines.

Un dimanche soir, je dus rester tard à l'église pour terminer un travail. J’entrai dans la salle de culte pour y éteindre les lumières avant de rentrer chez moi et je me sentis soudain très seul. J’eus l’impression de ne plus pouvoir porter les lourds fardeaux qui étaient les miens.

Je tombai à genoux près de la chaire et j’implorai le Seigneur. Je lui ouvris tout grand mon âme et lui décrivis en détail ces tâches qui me semblaient insurmontables. Je restai agenouillé à la fin de ma prière. Et c’est alors que j’entendis l’Esprit qui parlait en mon cœur. Cette réponse fut tout ce dont j’avais besoin. Elle ne contenait que trois points : Continue. Fais de ton mieux. Aime ta famille. Lorsque je me relevai, j'étais un homme régénéré.

Depuis, chaque fois qu’il y a eu conflit entre ma famille et mon travail dans l’Église, je me suis souvenu de ces paroles et j’ai suivi le conseil reçu d'un grand dirigeant de l’Église, il y a des années dans le Kentucky : « Il faut parfois choisir. » La seule erreur que nous commettions, c’est peut-être de toujours choisir la même voie.

Source : L'Étoile, août 1982, p. 22-25