« C’était
la vérité ! »
La
fondation de l'Église en Jamaïque
par
Elizabeth Maki, le 23 juillet 2015
Si
vous deviez demander à plusieurs membres de l'Église
américains expatriés à la Jamaïque au cours
des années 1970 quel était d’une manière
générale l'essentiel de leur séjour là-bas,
ils vous répondraient probablement le plus souvent : Victor
Nugent.
Originaire
de la Jamaïque, Victor Nugent a été amené à
les rencontrer quand, à l’âge de trente-et-un ans,
alors qu’il était déjà marié et
père de deux enfants, il en a eu assez de son mode de vie
l'amenant à sortir la nuit et à boire beaucoup. Dégoûté
de lui-même, il a tourné le regard vers les cieux.
Il
se souvient de sa prière : « Oh Dieu, s’il y a un
Dieu, s’il te plaît, aie pitié de moi. Aide-moi !
»
Ayant
été immédiatement encouragé, Victor
Nugent a saisi ce moment de prise de conscience pour en faire le
début d’une nouvelle vie pour sa famille. Au cours des
années suivantes, il a abandonné ses vices et commencé
à rechercher intensément la vérité, ce
qui l’a conduit à se remettre à étudier
sérieusement la Bible. Il la lisait avec enthousiasme et
souvent ; il y consacrait même son heure de déjeuner.
Paul
Schmeil, un collègue de travail américain, n’a
pas tardé à remarquer la piété de Victor
Nugent. En lui demandant quelle était sa religion et en
apprenant qu’il n’en avait aucune, Paul Schmeil l’a
invité à découvrir son Église.
Quelques
années plus tôt, Paul Schmeil s’était fait
baptiser dans l’Église de Jésus-Christ des saints
des derniers jours en Jamaïque ; il appartenait lui-même à
un groupe d’expatriés américains en séjour
sur l’île et tous étaient des membres de l’Église
fervents et aimants. Victor Nugent avait souvent refusé ce
genre d’invitation mais cette fois, il a accepté en
expliquant plus tard qu’il devait son changement de cœur
à Paul Schmeil lui-même, qu’il décrivait
comme la personne la plus chrétienne qu’il ait jamais
rencontrée à ce moment de sa vie.[1]
Peu
de temps après, Paul Schmeil est allé chez les Nugent
et leur a enseigné l’Évangile, y compris un
principe qui s’est avéré pour Victor un écueil
majeur :
Plus
tard, il a écrit : « Ce premier soir, Paul m’a
parlé de la position des noirs dans l’Église
mormone », se référant à la restriction de
l’autorité de la prêtrise pour les personnes de
descendance africaine.
Pour
Victor Nugent, qui est noir, c’était le seul obstacle.
Il se souvient que tout le reste « était parfait ».
Il
a écrit : « Je n’oublierai jamais ce soir-là.
C’était comme si un messager de Dieu m’avait rendu
visite. Le message qu’il m’avait apporté
correspondait exactement à ce que je cherchais. J’ai lu
avidement les brochures et je suis allé dans mon jardin pour
méditer et réfléchir à ce qui avait été
dit. »
Cependant
les restrictions concernant la prêtrise étaient
perturbantes.
Il
a écrit : « J’ai été intimement
blessé mais j’ai ressenti profondément que le
message était vrai et qu’il y avait autre chose que de
l’orgueil et de la vanité. J’ai interrogé
le Seigneur et la réponse a été claire et
distincte. C’était la vérité ! J’avais
reçu un témoignage de la vérité par
l’Esprit. »
Les
Nugent ont continué d’apprendre l’Évangile
avec Paul Schmeil et d’autres membres de la branche de l’Église
de Mandeville. Ils sont allés aux réunions de soirées
familiales, ont lu le Livre de Mormon, ont prié, sont allés
à l’Église et ont été rapidement
intégrés dans le groupe des saints de la Jamaïque.
Évoquant
ses souvenirs, frère Nugent a dit : « Plus j’en
apprenais, plus ma joie augmentait à l’idée que
j’avais enfin trouvé ce que je recherchais. Nous étions
convaincus que c’était la vérité et notre
conviction est devenue plus forte. »[2]
Le
20 janvier 1974, Victor Nugent, sa femme, Verna, et leur fils aîné,
Peter, se sont fait baptiser dans l’Église.
Richard
Millett, qui a connu Victor Nugent quelques années plus tard,
quand il était président de la Mission de Fort
Lauderdale (Floride), a écrit : « J’ai rarement
rencontré une personne avec une foi aussi résolue dans
le Seigneur et ses serviteurs. Victor Nugent fait partie de ces rares
personnes qui non seulement comprennent l’Évangile mais
essaient de tout leur cœur d’en vivre les préceptes.
Il n’y a aucun doute dans mon esprit que sœur Nugent, sa
famille et lui font partie des élus du Seigneur. »[3]
Pendant
près de trois ans, la petite branche de la Jamaïque a été
florissante grâce aux familles américaines qui
séjournaient dans la région. Mais avec le temps, les
circonstances ont fait que ces familles sont parties et n’ont
pas été remplacées. Comme Victor Nugent ne
pouvait pas détenir la prêtrise, il n’y avait plus
d’autorité de l’Église sur l’île.
Quand
le moment est venu pour leurs enfants de recevoir les ordonnances
comme le baptême et la bénédiction de bébés,
les Nugent les ont emmenés au bureau de la mission en Floride.
En dehors de cela, ils étaient livrés à
eux-mêmes.
Pourtant,
ils ont réussi à rester fidèles. Avec un autre
Jamaïcain, Amos Chin, qui s’était joint à
l’Église à Montréal, les Nugent se
réunissaient toutes les semaines pour lire les Écritures
et tenir du mieux possible un service religieux sans la prêtrise.
Grâce à l’exemple et aux efforts de Victor Nugent,
une autre famille s’est même jointe à eux en
février 1978 : Errol et Josephine Tucker, et leurs enfants.
Blaine
Nichols, un des américains qui avaient contribué à
amener les Nugents dans l’Église, a dit que les familles
de membres qui avaient créé une union dans leur branche
jamaïcaine se demandaient parfois ce que l’Église
allait devenir dans leur pays.
Il
écrira plus tard : « Considérant les grandes
difficultés auxquelles les membres locaux étaient
confrontés, nous nous demandions quel pourrait bien être
le résultat des semences qu’il nous avait été
permis de semer dans le sol jamaïcain. »
Mais
ces questions n’allaient pas rester longtemps sans réponse.
Comme l’a écrit frère Nichols : « Une
bonne semence avait été semée et il ne restait
plus à la pluie que de tomber. »[4]
C’est
ce qui s’est passé en juin 1978 lorsque les restrictions
concernant la prêtrise ont été levées
ouvrant de ce fait la porte à un monde totalement nouveau de
pionniers jamaïcains.
À
propos de ce jour-là, Victor Nugent a dit : « J’étais
à mon bureau à Alpart. Il était deux heures de
l’après-midi, quatorze heures et six minutes d’après
l’enregistrement sur mon répondeur téléphonique
[message reçu de Richard Millett], que j’ai rappelé.
Il a dit : ‘Frère Nugent, êtes-vous assis ?’
J’ai répondu que oui. Il m’a fait part de la
nouvelle et j’arrivais à peine à y croire. Si
elle n’était pas venue directement du président
de mission, je n’y aurais probablement pas cru. J’étais
tout simplement sous le choc parce que c’était la
dernière chose que je m’attendais à entendre. […]
Je veux dire que pendant un bon moment je n’ai pas pu dire quoi
que ce soit. J’étais tout simplement abasourdi. C’était
la dernière chose à laquelle je m’attendais. J’ai
simplement dit : ‘Qu’est-ce que c’est ?’ Bien
sûr, je savais exactement ce que cela voulait dire, et j’ai
commencé à trembler. Je me suis mis à pleurer.
»[5]
Très
vite, frère Nugent a reçu la Prêtrise et obtenu,
lui et sa famille, une recommandation à l’usage du
temple. Ils ont été scellés dans le temple de
Salt Lake City en septembre 1978.
Frère
Nugent a dit : « C’était un sentiment totalement
irréel ! Quand j’ai franchi les portes du temple, je
n’arrivais toujours pas à croire où j’étais.
J’avais l’impression d’être au ciel avec des
anges qui allaient et venaient autour de moi. »[6]
Frère
Nugent a facilement assumé ses nouvelles responsabilités
dans la prêtrise. Quelques mois après son ordination, il
a ordonné à son tour Errol Tucker à la Prêtrise
de Melchisédek. Frère Millett a dit que dans sa manière
de faire, il avait la dignité de quelqu’un qui «
pratiquait depuis de nombreuses années ». M. Russell
Ballard, qui venait de consacrer la Jamaïque à la
prédication de l’Évangile, et qui assistait à
l’ordination, évoquera à plusieurs reprises par
la suite « la manière dont frère Nugent avait
accompli l’ordination de frère Tucker. Il a dit : ‘On
aurait dit que frère Nugent était membre de l’Église
depuis cinquante ans par la façon dont il a ordonné
frère Tucker et par la bénédiction qu’il
lui a donnée’. »[7]
À
propos de cette famille vaillante, frère Millett dira plus
tard que les Nugent étaient « la raison même de la
progression de l’Église dans toute la Jamaïque. »
«
Partout où la famille Nugent a vécu, l’Évangile
a prospéré et le nombre de membres de l’Église
de leur unité a progressé. Où que l’on
aille, on voit rarement pareil exemple et pareil engagement envers le
Seigneur. »[8]
En
effet, la force de l’Église à ses débuts à
la Jamaïque tenait en grande partie aux Nugent. Une heure avant
les réunions de l’Église le dimanche, Victor
prenait souvent sa fourgonnette à quinze places et passait
prendre des gens aux alentours pour les emmener à l’Église.
Ensuite, il les raccompagnait chez eux[9]. Joseph B. Wirthlin a
raconté qu’il s’est rendu à la Jamaïque
en 1980, deux ans après l’ouverture officielle de la
mission dans ce pays, a rencontré la famille Nugent et a reçu
des rapports avec cent pour cent pour l’enseignement au foyer
et les visites d’enseignement de la branche. L’assistance
aux réunions de Sainte-Cène était également
parfaite et tous les membres payaient une dîme complète.[10]
La
famille de Victor et Verna Nugent a continué d’être
un des fondements de l’Église à la Jamaïque
pendant plus de vingt ans avant d’émigrer en 2000 aux
États-Unis permettant à leurs cinq enfants d’obtenir
leur diplôme de l’Université Brigham Young.[11]
En
repensant à la période qu’ils ont passée à
la Jamaïque, pour Jay et Shirley Bills, deux membres expatriés
de l’Église qui ont contribué à donner aux
Nugent les fondements de l’Évangile, une chose est très
claire :
Jay
Bills a dit : « Je pourrais passer des jours à vous
raconter tout ce qui a été fait pour que l’Église
soit fermement établie à la Jamaïque et que Victor
Nugent devienne membre. Et puis une fois que cela s’est
produit, tout le monde est parti. »[12]
NOTES
[1]
Histoire orale de Victor Nugent, propos recueillis lors d’un
entretien avec Clinton D. Christensen, 2003, p. 4. Programme
d’histoire orale James Moyle, Division des archives,
département d’Histoire de l’Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours, Salt Lake City
(Utah).
[2]
Victor Nugent, « More Than Pride and Vanity », dans No
More Strangers, tome 3, Hartman et Connie Rector, éditeurs,
(Salt Lake City : Bookcraft, Inc., 1976), p. 57-58.
[3]
Richard Leonard Millett, « A history of The Church of
Jesus-Christ of Latter-day Saints in the Caribbean, 1977-1980 »,
1992, Archives de l’Église, p. 113.
[4]
Blaine Nichols, « Blaine Nichols’ Account of the
Original, Expatriate, LDS Saints in Jamaica », Archives de
l’Église.
[5]
Histoire orale de Victor Nugent, propos recueillis lors d’un
entretien avec Clinton D. Christensen, 2003, p. 11-12. Programme
d’histoire orale James Moyle, Division des archives,
département d’Histoire de l’Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours, Salt Lake City
(Utah).
[6]
Histoire orale de Victor Nugent, propos recueillis lors d’un
entretien avec Clinton D. Christensen, 2003, p. 13. Programme
d’histoire orale James Moyle, Division des archives,
département d’Histoire de l’Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours, Salt Lake City
(Utah).
[7]
Richard Leonard Millett, « A history of The Church of
Jesus-Christ of Latter-day Saints in the Caribbean, 1977-1980 »,
1992, Archives de l’Église, p. 120-121.
[8]
Richard Leonard Millett, « A history of The Church of
Jesus-Christ of Latter-day Saints in the Caribbean, 1977-1980 »,
1992, Archives de l’Église, p. 113.
[9]
Chris Morales, « Jamaican student fulfills father’s wish
», LDS Church News, 1er décembre 2007.
[10]
Joseph B. Wirthlin, « Que chacun s’informe de son devoir
» Conférence générale d’octobre
1980.
[11]
Tad Walch, « Jamaican’s dream soon to come true at BYU »,
Deseret News, 26 novembre 2007.
[12]
Histoire orale de Jay P. et Shirley N. Bills, propos recueillis lors
d’un entretien avec Clinton D. Christensen, 2003, p. 35.
Programme d’histoire orale James Moyle, Division des archives,
département d’Histoire de l’Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours, Salt Lake City
(Utah).