L’Évangile et la science à propos de la création de la terre

F. Kent Nielsen

Professeur d'histoire des sciences
à l'université Brigham Young




Un déluge si catastrophique qu’on l'appela simplement le déluge est l’une des histoires impressionnantes de la Bible.

La submersion totale de la terre par les eaux du temps de Noé a été prise comme un jalon historique par les juifs et les chrétiens pendant des milliers d’années ; des traditions semblables apparaissent chez les Grecs, chez les Mésopotamiens et chez certaines tribus indiennes d'Amérique. Cependant cette histoire est considérée avec scepticisme à l'heure actuelle dans notre monde laïque. La plupart des textes géologiques actuels ignorent le déluge, le ridiculisent ou s’en servent d’exemple de superstition préscientifique. C'est pourquoi les saints des derniers jours et d’autres chrétiens trouvent parfois que le conflit apparent entre leur foi aux Écritures et leur éducation est embarrassant.

Le récit du déluge de Noé est une illustration caractéristique des différences qui se trouvent entre les renseignements fournis par les Écritures et les enseignements laïcs modernes concernant l’histoire du monde.

Quel est le point de vue scientifique de l'origine de notre monde qui prévaut tant à notre époque ? Comment a-t-il été créé ? Où semblent apparaître des difficultés pour quelqu’un qui aime et qui croit les Écritures rapportant des événements de cette origine du monde ? Afin de mieux orienter la discussion et de nous permettre d'aider les autres et nos enfants, il peut s’avérer utile d’examiner certains aspects du développement de la pensée scientifique. Nous considérerons aussi les autres connaissances qui sont à notre disposition grâce à la révélation moderne et au contexte de l’Évangile.

Histoire de la science

Nos commentaires commenceront par une définition de la science. Beaucoup d’entre nous pensent qu’il s’agit d’une liste de matières comme la chimie, la géologie, la physique etc. Mais pour la plupart des hommes de science, c’est avant tout une méthode de recherche de la vérité et non pas les sujets étudiés à l’aide de cette méthode.

La plupart d’entre nous ont appris que cette méthode à trois étapes : (1) Imaginer comment quelque chose peut être ; (2) prédire ce que vous pourriez observer si le postulat était vrai ; et (3) vérifier ce qui se passe vraiment au moyen d’expériences ou d’autres méthodes. Quand les prédictions à propos du postulat sont en accord avec les preuves expérimentales, alors nous avons une loi ou une théorie qui est bonne et qui est considérée comme vraie : non pas vraie dans l’absolu, mais comme une explication qui sera valable jusqu’à ce que d’autres explications fassent leur apparition et ne soient plus en conformité avec le postulat, ou jusqu’à ce qu’une nouvelle théorie qui rend mieux compte du même phénomène voie le jour.

Bien que des changements mineurs surviennent constamment, une théorie scientifique ne change pas ou n’est pas abandonnée très souvent. Mais des changements radicaux ont lieu. C’est cette méthode qui empêche la science de devenir un jeu de réponses rigides et vieillies et qui en font une activité en perpétuelle mutation. Chaque homme de science a dû rêver de fournir de nouvelles données qui renverseront une vieille théorie en place. Isaac Newton (1642-1727) et Albert Einstein (1879-1955) sont respectés à juste titre parce que c’est ce qu’ils ont fait. En considérant l’univers d’une nouvelle manière, chacun nous a donné une nouvelle théorie et un ensemble de lois sur le déplacement et la gravitation.

Cependant, pour beaucoup, la science en est arrivée à signifier, non pas un mode de compréhension du fonctionnement réel de la nature, mais une philosophie particulière sur le fonctionnement que doit adopter la nature. Cette philosophie est devenue une sorte de superstructure, et toutes les théories ou les observations proposées qui ne cadrent pas avec la philosophie en cours sont automatiquement mises à l’écart. L’acceptation de la philosophie rigide, connue depuis la fin du dix-huitième siècle sous le nom de naturalisme, avait conduit beaucoup de monde à rejeter l'histoire du déluge et d’autres événements rapportés dans la Genèse.

D’où est issu le naturalisme ? Il commença avec les Grecs, mais nous pouvons le trouver au dix-septième siècle où l'antique discussion sur les relations de Dieu avec l’ordre de la nature prit un nouvel aspect. Dans la tradition culturelle occidentale, la pensée scientifique et la religion se sont toujours accordées à dire qu’il existe un ordre dans la nature et que ce n’est pas le hasard qui préside aux événements. Ainsi, science et religion se sont posé certaines questions : Dieu est-il responsable de la création de cet ordre ? Est-il responsable de le maintenir ? Est-ce qu’il peut interférer à cet ordre en causant des miracles, et le fait-il ?

La croyance traditionnelle de notre culture occidentale fondée sur la Bible fut toujours que l’ordre de la nature est assujetti à Dieu. Mais au dix-septième siècle, la philosophie mécaniste considéra la nature comme une vaste et parfaite machine créée par Dieu mais fonctionnant maintenant par elle-même. À partir de cette philosophie, il était facile d’adopter l’étape suivante au dix-neuvième siècle pour arriver à la version actuelle du naturalisme scientifique, qui prétend que les lois scientifiques existant indépendamment sont en elles-mêmes les causes de cet ordre, et pas Dieu. Cette philosophie se pose rarement la question de savoir pourquoi ce sont ces lois particulières qui existent plutôt que d’autres ; elle se contente de poser le principe que c’est ainsi qu’il se trouve que l’univers est, a toujours été et sera toujours. Ce point de vue laïc prétend que Dieu n’a aucune relation directe dans la nature. Dans cette perspective, s’il existe un Dieu, comme l’homme, il existe et agit au sein de la nature. Cette philosophie mécaniste prétend que les miracles n’existent pas et ne peuvent pas exister, et que la nature elle-même n’a pas d’intelligence, de volonté ni d’objectif.

Le naturalisme a eu une forte influence sur le développement de l’astronomie, de la géologie et de la biologie. Le marquis Pierre Simon de Laplace (1749-1827) fut une figure importante dans le changement de philosophie de l’astronomie. Il prétendit qu’il était inutile de recourir à des explications de caractère surnaturel (Dieu) pour rendre compte des origines de l’univers et à une explication naturaliste (lois scientifiques) pour son fonctionnement. Il proposa plutôt qu’une répartition fortuite de matière dans des nuages mis en mouvement selon les lois de Newton sur la gravitation et le mouvement, avec suffisamment de temps, produit quelque chose comme le système solaire. Ainsi, proposa-t-il, l’organisation apparente de la nature n’exigeait plus de Dieu comme partie essentielle de l’explication scientifique ; elle pouvait s’expliquer maintenant par le mélange du hasard inconscient et dénué d’objectif et de la nécessité. Le divorce entre la science et la religion, jadis si étroitement liées, était en cours d’accomplissement.

Nous pouvons remonter le même cheminement en géologie et en biologie. Vers les années 1820, les théories les plus communément acceptées exigeaient encore Dieu en leur sein. L’étude attentive des roches fossilifères par George Cuvier (1769-1832) avait établi que la plupart des fossiles représentaient des formes de vie maintenant en extinction, que les formes fossiles trouvées dans une couche ne se trouvaient généralement pas dans d’autres couches et qu’aucun fossile n’existait dans les couches les plus profondes. Cuvier en conclut que la terre était passée par une série d’ères géologiques, chacune caractérisée par des formes de vie uniques. Mais qu’était-il arrivé aux formes les plus anciennes et d’où venaient les plus récentes ? Il prétendit que chaque ère devait s’être terminée par une vaste catastrophe qui détruisait tout ou la plupart des êtres vivants et qui était suivie d’une nouvelle création. Cette suite de catastrophes et de nouvelles créations réclamait bien sûr un Créateur.

Le rapport avec la Genèse était clair pour ceux qui soutenaient ce point de vue. Le déluge était précisément un cataclysme de ce genre (les catastrophistes n’acceptaient cependant pas toute la Genèse. Ils n’acceptaient pas l’idée d’une « chute » après une vie sans mort ni mortalité, par exemple, puisque les créatures qui ne sont pas mortelles ne laissent pas de fossiles. Et la Genèse ne parle que d’une seule création et pas d’une série de créations).

Malgré tout, le catastrophisme posa le fondement de la plupart des réconciliations entre science et religion au dix-neuvième siècle. Puis Charles Lyell (1797-1875), fondateur réel de la géologie moderne, proposa une autre théorie dans les années 1830 qui soutenait mieux le naturalisme. Appuyant ses théories en partie sur les premiers écrits de James Hutton et de John Plaufair, Lyell parla en faveur de l’uniformisme, idée selon laquelle les changements géologiques actuels sont la clé pour comprendre toutes celles du passé : pas de catastrophes, pas de créations, pas d’interventions divines. Le processus géologique de cette théorie inclut la sédimentation (formation de couches rocheuses fossilifères au fond des mers profondes), l’émersion (soulèvement des couches au-dessus de la mer), l’érosion graduelle de ces couches et le retour de couches non érodées sous le niveau de la mer où la sédimentation a repris. Cette théorie prétend que des changements brusques dans les couches rocheuses s’expliquent non par des catastrophes, mais par de longues périodes de temps où aucune autre roche ne s’est formée. Comme l’astronomie de Laplace, la géologie de Lyell présentait une théorie naturaliste qui ne requérait plus Dieu comme élément de l’hypothèse.

Les conséquences de tout cela pour le récit biblique étaient évidentes. Le processus géologique est si lent que ces explications demandent un temps énorme (Thomas Chrowder Chamberlin, cité par Joe Burchfield, Lord Kelvin and the Age of the Earth, New York, Science History Publications, 1975, p. 11). Les six mille ans de l’histoire terrestre dont parle la Bible ne convenaient pas aux géologues uniformistes. Ainsi ils se délestèrent de la création, ainsi que du déluge, de la chute, des miracles, des ères enregistrées par les patriarches et de tous les événements non uniformistes.

Il ne restait plus à Darwin et à ses successeurs qu’à produire une théorie naturaliste sur les origines des animaux et des humains, et tout le récit de la Genèse fut alors considéré comme un mythe et non pas comme de l’histoire. Et pour eux, si Adam et la chute n’avaient pas existé, la résurrection et la rédemption offertes par le Christ ne pouvaient être considérées que comme aussi peu historiques puisque ces événements n’étaient pas considérés comme des choses naturalistes et uniformes, pas plus, à leur avis, que les événements des derniers jours prédits dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament ou que les prophéties et la révélation, puisqu’elles impliquent toutes l'intervention surnaturelle de Dieu dans l’ordre naturel des modes d’éducation de l’homme. Il en résulta que l’on mit tout à fait de côté l’impact de Dieu dans la vie et les affaires de la terre et de ses habitants.

Ces conclusions sont très troublantes pour ceux qui croient en la Bible dans les civilisations occidentales ; elles ont été renforcées par le criticisme, une école du dix-neuvième siècle d’étude biblique qui trouva des explications naturalistes pour les Écritures, rejetant les explications impliquant la révélation, les prophéties ou les miracles. Et les théories naturalistes pour les origines des sociétés et des institutions humaines, y compris les religions elles-mêmes, suivirent rapidement.

Le naturalisme scientifique semble avoir balayé tout devant lui. Et dans son sillage, la plupart des hommes de science et des théologiens qui s’étaient longtemps fiés à un soutien mutuel, furent terriblement troublés. Il fallait trouver une place, pensaient-ils, pour la foi en Dieu qui était passée si rapidement de la position d’élément indispensable au monde scientifique à celle d’être non seulement inutile, mais même gênant. Des théologies et des points de vue scientifiques furent ainsi mis au point qui considéraient encore Dieu comme le Créateur et l’horloger de l’ordre naturel, et l’évolutionnisme comme la manière dont Dieu opérait. Ces points de vue pouvaient soutenir l’idée de Dieu partout où cela ne faisait pas de différence, c’est-à-dire, tant qu’il ne gênait pas le fonctionnement réel de la nature.

Mais ces arrangements laissaient un reste de gêne. Les générations suivantes sentirent souvent que c’était plus honnête de rejeter le point de vue de la Bible comme une survivance anachronique issue d’un passé plus ignorant.

Le message de Joseph Smith

C’est ainsi qu’au milieu de ces tensions montantes et de ces différences non conciliées, l’Évangile de Jésus-Christ fut rétabli au dix-neuvième siècle. Sous l’inspiration des vérités révélées de nouveau par le prophète Joseph Smith, les prophètes modernes renversèrent avec puissance la question antique : puisque Dieu avait accompli des miracles et appelé des prophètes, pourquoi se serait-il arrêté ? Le témoignage de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, c’était et c’est maintenant que Dieu appelle vraiment des prophètes, qu'il donne vraiment des révélations et qu’il accomplit des miracles en faveur de ceux qui croient actuellement, tout comme jadis. C’est le message des prophètes modernes qu’en résultat de la révélation moderne et par le témoignage du Saint-Esprit, les réalités des anciennes révélations peuvent se vérifier.

Les révélations données par l’intermédiaire des prophètes modernes confirment en réalité les vérités de la Genèse et des autres Écritures: il y a eut une création, une chute, un déluge, et un sacrifice était nécessaire. Il a été à nouveau révélé que les prophètes qui enregistrèrent les anciennes Écritures pouvaient voir au-delà de leur époque et enregistrer les événements à venir. L’Évangile rétabli enseigne que Dieu est intimement associé à la nature en tant que son Créateur et en tant que son « Horloger ». Et les miracles sont la manifestation de son pouvoir sur l’ordre naturel.

Le prophète Joseph Smith a enseigné attentivement aux anciens de Kirtland que « la foi est... le principe... de puissance » par lequel « les mondes furent organisés par la parole de Dieu » (Lectures on Faith, 1:13, 14). C’est par l’intermédiaire de la foi que « toute la création visible » fut non seulement organisée, mais c’est par elle qu’elle continue « également sous sa forme organisée et par laquelle les planètes roulent dans leur gloire » (7:5). C’est pourquoi, « quiconque en a vu un, ou le moindre d’entre eux [les royaumes], a vu Dieu se mouvant dans sa majesté et son pouvoir », bien qu’il puisse ne pas reconnaître comment l’ordre de l’univers se maintient car « la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne la comprennent pas » (D&A 88:47,49). C’est par ce pouvoir que toutes choses « existent, c’est par lui qu'elles sont soutenues, c’est par lui qu’elles sont changées ou par lui qu’elles restent, agréables selon la volonté de Dieu » (Lectures on Faith, 1:24).

En d’autres termes, le point de vue enseigné par les prophètes modernes montre que l'ordre de la nature n'est pas simplement un don, comme les naturalistes scientifiques le prétendent. Il explique plutôt que cet ordre existe en raison de certaines lois que Dieu a établies et qu’il soutient : « Il a donné une loi à toutes choses, par laquelle elles se meuvent » (D&A 88:42). Sa puissance, ou la lumière du Christ, « sort de la présence de Dieu pour remplir l’immensité de l’espace » et elle « est la loi par laquelle tout est gouverné » car « il n’est point d’espace dans lequel il n’y » ait pas de royaume et « tous les royaumes ont reçu une loi » (D&A 88:12, 13, 36, 37). Les lois qui maintiennent l’ordre naturel constituent « la vérité », qui est « indépendante » seulement « dans la sphère dans laquelle Dieu l’a placée » (D&A 93:30). Ainsi, en tant que saints des derniers jours, nous comprenons que la science peut découvrir des vérités sur notre ordre actuel. Autrement dit, en tant que saints des derniers jours, nous reconnaissons qu’il existe des limites à la portée de l’uniformité dans notre ordre mortel actuel de la nature.

La première limitation est que le même ordre ou jeu de lois ne s'étend pas nécessairement à d’autres « sphères ». Un monde sanctifié, millénaire ou un monde céleste glorifié, ou un monde paradisiaque avant la chute fonctionne évidemment sous un ordre différent de nature. Son ordre, « parfaitement naturel » dans son cadre ne semblerait « pas naturel » pour notre monde mortel. Imaginez, par exemple, la biologie d’un monde où il n’y aurait pas de mort. Ou essayez de faire entrer la deuxième loi de thermodynamique (qui dit que tous les processus énergétiques de l’univers s’épuisent) dans un monde de progression éternelle. En clair, Dieu nous a mis dans une seule « sphère », mais il est possible qu’il y ait n’importe quel autre genre de « sphères » pour que nous apprenions à les connaître par la suite.

La seconde limitation que met l’Évangile au concept d’uniformité est que ce même Dieu qui « maintient notre monde dans son orbite et qui soutient tous les mondes et toutes choses par son pouvoir » peut accomplir des miracles, faire ce qui nous paraît comme des exceptions temporaires à l'ordre naturel tel que nous le comprenons si c’est sa volonté de le faire (Enseignements du prophète Joseph Smith, p. 279). Ces miracles sont cependant peut-être le résultat de lois supérieures pour notre « sphère » et que nous ne comprenons pas. Ainsi, puisque Dieu a promis qu’il exercera vraiment son pouvoir si nous le recherchons avec foi, il nous encourage à rechercher son aide. Mormon reprit le peuple de son temps parce qu’il pensait que les miracles avaient cessé. Il écrivit : « Le Christ a dit : Si vous avez foi en moi, vous aurez le pouvoir de faire tout ce qu’il est expédient de faire pour moi. Car c’est par la foi que se font les miracles… C’est pourquoi, si ces choses ont cessé, malheur aux enfants des hommes, car c’est à cause de l’incrédulité » (Moroni 7:33, 37). Son fils, Moroni, renforça le message en demandant à ses futurs lecteurs : « Et maintenant, ô vous tous, qui vous êtes imaginé un Dieu qui ne peut faire de miracles, je vous demande : Est-ce que toutes les choses dont je vous ai parlé se sont accomplies ? La fin est-elle déjà venue ? Voici, je vous dis que non ; et Dieu n’a pas cessé d’être un Dieu de miracles » (Mormon 9:15).

Pour les saints des derniers jours, l’image de Dieu en tant que « grand horloger » mettant au point un ordre naturel inaltérable, contredit la connaissance que l’on a de lui en tant que Père plein d’amour qui veut que ses enfants le recherchent avec prière et avec foi pour que s’accomplissent, même par un miracle, leurs justes désirs.

La troisième explication que donne l’Évangile est un rappel que le temps changera l’ordre naturel, même dans notre monde mortel actuel. Quand la terre était « nouvelle », avant la chute, elle était dans un état paradisiaque et « si Adam n’avait pas transgressé… toutes les choses qui ont été créées auraient dû… demeurer toujours et ne pas avoir de fin » (2 Néphi 2:22). L’homme et les animaux mangeaient d’autres plantes (voir Genèse 1:29,30). Adam et Ève n’auraient pas eu d’enfants (voir 2 Néphi 2:23). Il semble qu’alors la terre ne produisait pas de chardons ni de broussailles (voir Genèse 3:18) pour contrarier l’homme. Il n’y a que trois différences entre cet état de la terre et notre état actuel. En raison de la chute, « jusqu’à ce jour, la création entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement », en attendant « avec un ardent désir » d’être « libérée de la servitude de la corruption » quand la rédemption amènera la fin de son état actuel (Romains 8:22, 19, 21).

L’état présent de la terre prendra fin quand le Christ viendra régner en personne sur la terre et lui rendre sa gloire paradisiaque (voir 10e Article de foi). Car « de même que Dieu fit le monde en six jours et, le septième jour, termina son œuvre, la sanctifia... de même, au commencement du septième millénaire, le Seigneur Dieu sanctifiera la terre » (D&A 77:12). Cette future sanctification de notre sphère ne sera pas le résultat de notre ordre naturel actuel continuant uniformément dans son cours. Au lieu de cela, l’ordre changera beaucoup en raison de l’intervention directe de son Créateur et Horloger. Toutes les choses vivantes et même les éléments de la terre, « tout deviendra neuf afin que ma connaissance et ma gloire demeurent sur toute la terre » (D&A 101:24, 25).

Les prophètes, anciens et modernes nous ont donné un aperçu de l’ampleur de ces changements. Le mont des Oliviers « se fendra en deux, la terre tremblera et chancellera » (D&A 45:48). La voix du Seigneur « renversera les montagnes, et on ne retrouvera point les vallées. Il commandera au grand abîme, et celui-ci sera repoussé dans les pays du nord, et les îles deviendront une seule terre… et la terre sera telle qu’elle était à l’époque où elle n’était pas encore divisée. Et le Seigneur, à savoir le Sauveur, se tiendra au milieu de son peuple. » (D&A 133:22-25).

La véritable paix viendra alors que « l’inimitié de toute chair cessera de devant ma face » (D&A 101:26). La mort et le chagrin prendront fin tous les deux. Les enfants vivront « comme l’âge d’un arbre» et à la mort, chacun « sera changé en un clin d’œil » (D&A 101:30, 31). La mortalité continuera pendant mille ans sur la terre dans ces conditions très changées et de nouveaux esprits continueront à recevoir des corps de chair en naissant, tandis que les parents justes auront la merveilleuse promesse que « leurs enfants grandiront sans péché au salut » (D&A 45:58).

Cependant même les conditions du millénium sont sujettes à changement selon le plan et la volonté de Dieu. À la fin de la période de mille ans, la terre subira un changement encore plus grand, « mourant » pour mettre fin à son existence temporelle et étant « revivifiée » pour devenir un monde céleste afin de demeurer pour toujours dans les conditions de cette gloire par laquelle elle sera vivifiée. Elle deviendra ainsi l’héritage des justes qui ont aussi été vivifiés par une plénitude de gloire céleste. Le Christ, ayant réalisé le salut de cette terre et de ses habitants, la présentera immaculée au Père.

Les conditions du nouvel ordre naturel de la terre seront alors si différentes que bien que certains prophètes aient essayé de le décrire, il nous est simplement dit que « l’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu et n’est pas monté au cœur de l’homme tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Corinthiens 2:9, traduction littérale de la version du roi Jacques).

En résumé, les conditions ultimes de l’uniformité que nous observons dans la nature dans notre sphère actuelle sont sévèrement limitées. La durée qui s’écoule de la chute jusqu’à la fin du millénium doit être, dit-on, de sept mille ans (voir D&A 77:6). Et bien que sept mille ans soient longs en regard d’une vie humaine, dans l’optique de l’éternité (et aussi dans l’optique des théories modernes de l’astronomie et de la géologie), c’est extrêmement court. En sept mille ans, aucune étoile ni aucune planète ni aucune espèce biologique ne change assez, d’après les principes naturalistes, pour avoir un sens.

Il est donc utile de se rappeler, lorsqu’on médite le million d’années que les sécularistes proposent pour expliquer la formation de la terre, que tous les processus actuels de datation géologique sont fondés sur le postulat que l’ordre actuel de la nature nous a précédé uniformément et continuera uniformément après nous. Cette vision séculariste prétend aussi que Dieu, s’il existe, n’est jamais intervenu et ne le fera jamais. Cependant, les révélations qu’ont les saints des derniers jours à propos de la terre et des relations de Dieu avec elle ne nous permettent simplement pas de poser de tels postulats. En tant que saints des derniers jours, nous ne rejetons pas l’histoire de la Genèse, comme l’ont fait tant de sécularistes, et nous ne considérons pas les efforts honnêtes des hommes de science pour apprendre la vérité comme l’œuvre de l’adversaire (bien que l’adversaire utilise, bien sûr, ces visions pour arriver à ses fins). Au lieu de cela, nous ferions mieux d’attendre patiemment, ayant foi dans les Écritures, que le Seigneur accomplisse sa promesse de révéler, au début du millénium, « ce qui est passé… les choses de la terre par lesquelles elle fut faite » qui, nous est-il assuré, feront encore partie de « ce qui est caché et que nul ne connaissait » (D&A 101:32, 33). Quand on connaîtra la vérité, tous les conflits qui proviennent de vérités partielles disparaîtront. En attendant, les hommes de science (y compris beaucoup de saints des derniers jours) peuvent continuer à nous apporter des connaissances utiles sur notre sphère mortelle actuelle ou même des idées sur la manière dont les choses auraient pu survenir dans le passé si les processus considérés étaient réellement uniformes sur toute la durée concernée.

Il vaut également la peine de remarquer que malgré les limites mentionnées que la révélation moderne fixe à l’uniformité, il existe encore une grande uniformité supérieure impliquée dans tout ce que les révélations nous ont dit à propos de notre terre et des mondes similaires. Il semble qu’il y ait un ordre divin par lequel les mondes et leurs habitants progressent.

Comme l’a enseigné Brigham Young, « il n’y a jamais eu un temps où il n’existait aucun monde comme celui-ci et... il n’y aura jamais de temps où il n’existera aucun monde organisé et préparé pour que des êtres intelligents l’habitent » (Journal of Discourses, 8:81). « Et ils sont continuellement créés et passent par la même expérience que celle que nous traversons... et chaque terre et les peuples qui l’habitent, à leur tour et en leur temps, reçoivent tout ce que nous recevons et traversent toutes les épreuves que nous traversons » (Journal of Discourses, 14:71-72).

C’est peut-être ainsi que le problème de l’uniformité telle que les hommes de science la connaissent ne vient que du fait de généraliser trop tôt, à partir d’un échantillonnage trop réduit. Si, au lieu de prendre en compte une période de quelques centaines d’années, la période de base était de suffisamment de millénaires pour inclure tout le cycle d’un monde comme le nôtre, de la création à la glorification, laissant la place aux manifestations de la puissance de Dieu pour apporter les changements tout au long de cette période, alors le principe d’uniformité pourrait être considéré comme parfaitement sain, au moins dans la mesure où cela nous apparaît à partir des révélations modernes.

Dans cette vision élargie d’une uniformité céleste, le déluge universel du temps de Noé, si gênant pour une vision séculière restreinte, cadre facilement. C’est le baptême de la terre. Brigham Young a montré que la terre « respecte les lois de sa création, a été baptisée d’eau, sera baptisée de feu et du Saint-Esprit et bientôt préparée pour que les fidèles y habitent » (Journal of Discourses, 8:83).

La loi pour un monde comme le nôtre est en parallèle étroit avec la loi pour ses habitants. Comme chacun d’entre nous, la terre a existé un temps en présence de Dieu dans un état prémortel, non corrompu. Comme chacun d’entre nous, elle est entrée dans un état déchu et mortel. Comme nous, elle doit être sanctifiée en renaissant de nouveau, d’abord d’eau puis d’Esprit. La terre a été purifiée par l’eau du baptême, et sa purification par le feu associée aux derniers jours permettra au Saint-Esprit de demeurer dans la terre pendant le millénium quand la terre, pas encore glorifiée, sera sanctifiée. Pour la terre, comme pour nous, ce n’est que par la mort que peut s’accomplir l’œuvre du salut. Cette mort l’établira sur des principes célestes afin qu’elle puisse demeurer à jamais dans cette gloire.

Comme l’a exprimé Orson Pratt : « Qui, regardant la terre monter dans l’échelle de l’univers, ne souhaite pas conserver la même allure ?... Ô homme, souviens-toi de la destinée et de la gloire futures de la terre et préserve ton héritage éternel sur la terre afin que quand elle sera glorieuse, tu sois glorieux toi aussi » (Journal of Discourses, 1:333-34).

Source : L'Étoile, novembre 1983, p. 49-61