La doctrine de l'expérience
Henry Eyring (1901-1980)
Chimiste théoricien,
auteur
de la théorie du complexe activé
et de l'équation d'Eyring
Pour
moi, le centre réel de l’Évangile est la doctrine
de l’expérience. Le Sauveur nous a dit de mettre sa
parole à l’épreuve pour voir « si ma
doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon propre chef »
(Jean 7:17).
Et
c’est là aussi, bien sûr, l’essence de la
science : la doctrine de l’expérience, de l’essai
et de la démonstration. C’est la manière de
procéder qui fait de la science ce qu’elle est. C’est
pourquoi l’on peut être un saint des derniers jours en
même temps qu'un scientifique.
C’est
pourquoi, je ne me suis pas senti trop gêné quand on m’a
dit un jour : « Henry, tu vois cet homme là-bas ?
C’est un membre de ton Église et je n’envie pas sa
situation. » J’acquiesçai, mais ajoutai :
« Tu devrais voir ce que ce serait pour lui sans
l’Évangile. »
Peut-être
l’Évangile ne nous permet-il pas de tirer de la farine
d’un sac de son, mais il rendra meilleur quiconque le vit. Je
l’ai essayé. Il résiste à l’expérience.
De
mon point de vue, il faut s’attendre à une religion
révélée. Je ne peux imaginer l’absence
d’une direction divine universelle, d’un Dieu
attentif, compatissant et qui peut communiquer avec nous.
Mais
quand une personne me demande de « prouver
l’existence d’un Dieu », je me demande ce
qu’elle veut dire. Je suppose qu’elle veut que je le
prouve par la logique. Mais la vérité ne peut être
établie par la logique seule, parce que même la
saine logique ne mène pas toujours à de justes
conclusions. Au Moyen-Age, certains pensaient que le monde était
plat. Pour eux, c’était parfaitement logique ;
et bien que leur logique fût parfaite, leurs conclusions
étaient fausses parce qu’ils partaient de fausses
hypothèses.
La
clef réside en ceci qu’en religion, en science et en
tout ce qui compte vraiment, seules des hypothèses
correctes peuvent mener à de bonnes conclusions.
Les
hypothèses sont les convictions que nous avons concernant le
monde ; elles viennent de nos expériences et de nos
essais et des expériences et des essais des autres.
Si
l’on me demandait de discuter de mes convictions ou de mes
hypothèses, je commencerais ainsi : je pars du principe
qu’il y a une Intelligence suprême dans l’univers.
Je ne pense pas que qui conque puisse dire que c’est
illogique. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est ne pas
être d’accord.
Si
l’on me demandait comment j’en suis venu à cette
conclusion, je dirais : « D’après mes
expériences et les expériences des autres ».
Sur la base de ce qui est arrivé à Paul et à
Joseph Smith et de la découverte de merveilleuses lois
scientifiques jour après jour, je me sens obligé de
demander : « Qu’y a-t-il derrière tout
cela ? » Chacun d’entre nous répond à
cette situation à sa manière, bien sûr.
Je
conclus qu’il y a une Intelligence suprême, Dieu, que
j’adore. Cela signifie que je continuerai à prier parce
que je crois que Dieu, l’être le plus sage de l’univers,
est compatissant et connaît mes pensées les plus
intimes.
Certains
concluent en disant que les injustices qui existent dans le monde
prouvent qu'il n’y a pas de Dieu. Au contraire, je conclus que
Dieu, étant à la fois juste et miséricordieux,
veut et peut redresser toutes les injustices de la vie après
la mort.
J’utilise
nécessairement le même esprit et la même
méthode de preuve et d’expérience pour aboutir à
mes convictions scientifiques que j’utilise pour aboutir à
ma foi religieuse.
J’aimerais
maintenant faire un retour en arrière dans mon histoire
personnelle. C’était un vendredi soir de septembre 1919.
J’avais transporté du foin pendant toute la journée
à Pima (Arizona). Il avait fait très chaud et nous
avions bu beaucoup d’eau. Le lundi, je devais commencer mes
classes à l'université d’Arizona où je
devais étudier la technique minière. Le soir, mon père,
comme les pères le font souvent, pensa qu’il aimerait
avoir une dernière conversation avec son fils. Il voulait être
sûr que je ferais toujours ce qui est juste. Il dit :
« Henry, veux-tu venir t’asseoir ? Je veux te
parler. »
Eh
bien, je préférais faire cela que de charger du foin.
Je vins donc m’asseoir avec lui.
« Nous
sommes d’assez bons amis, n’est-ce pas ? »
« Oui,
dis-je, je crois. »
« Henry,
nous avons chevauché en semble et nous avons travaillé
ensemble à la ferme. Je crois que nous nous comprenons. Bien,
j’aimerais te dire cela : je suis convaincu que le
Seigneur utilisa le prophète Joseph Smith pour rétablir
son Église. Pour moi, c’est une réalité.
Je n’en doute pas le moins du monde. Or, il y a beaucoup
d’autres sujets qui sont beaucoup moins clairs pour moi.
Mais dans cette Église, tu n’es pas obligé de
croire ce qui n’est pas vrai. Tu vas à l’université
d’Arizona pour apprendre tout ce que tu peux, et tout ce qui
est vrai fait partie de l’Évangile. Le Seigneur dirige
vraiment cet univers. Je suis convaincu qu’il a inspiré
le prophète Joseph Smith et je veux te dire autre chose :
si tu vas à l’université et que tu n’es pas
profane, si tu vis de telle sorte que tu te sentes à l’aise
en compagnie de personnes agréables et si tu vas à
l’Église et fais les autres choses que nous avons
toujours faites, je ne crains pas que tu t’éloignes du
Seigneur. »
Cela
se passait il y a environ soixante ans. Je n’ai pas encore
toutes les réponses, et aucun autre homme ne les a. Mais
je suis encore convaincu qu’il existe un Dieu qui s’est
servi du prophète Joseph Smith pour rétablir l’Évangile
tout comme il transforma le persécuteur des saints qu’était
Paul en l’un des missionnaires les meilleurs de tous les
temps. Pourquoi ? Parce que le Seigneur avait besoin de lui et
le Seigneur l’a utilisé.
Pourquoi
fit-il la même chose avec le prophète Joseph Smith ?
Pour la raison que Joseph Smith avait la capacité
presqu’unique d’écouter. Il y a des quantités
de personnes intelligentes dans le monde. Certaines sont si
intelligentes qu'on ne peut rien leur dire. L’une des
merveilleuses caractéristiques des hommes qui ont mis en
forme l’Église rétablie est qu’ils avaient
l’humilité d’écouter. Et c’est très
important pour chacun d’entre nous. Dieu nous utilisera pour
ses objectifs, mais il faut écouter d’une certaine
manière.
Je
crois que ce qui compte vraiment, c’est que Dieu puisse nous
parler. Si nous avons l’humilité de l’approcher en
prière avec l’attitude correcte, il peut parler
directement à notre intelligence.
Donc,
si en essayant et en mettant à l’épreuve comme
Jésus l’a recommandé, vous partagez mon hypothèse
que le Seigneur est un révélateur, qu’il est
omniscient et qu’il peut parler à qui il veut et
peut leur dire ce qu’il veut leur dire, alors vous avez utilisé
la méthode scientifique pour vous approcher de Dieu.
La
science, par ses limites, nous rend humbles, ce qui nous aide à
écouter. Quand la science sert dans ce but, elle devient
terriblement importante.
En
résumé, l'Évangile nous enseigne à mettre
les paroles du Sauveur à l’épreuve, à
faire comme fait l’homme de science, à bâtir
des théories, à prédire, à prendre des
mesures, à les comparer aux prédictions et à
aboutir à des conclusions sur ce qui est vrai.
J’ai
suivi ce procédé pour arriver à la conclusion
que cet Évangile est vrai, qu’il existe une Intelligence
suprême, qu’il existe un Dieu attentif, qui parle à
ses enfants, qui a parlé à Joseph Smith et qui parle de
nos jours.
C’est
un message que beaucoup de grands hommes ont cru tout au long des
siècles et il est aussi important de nos jours qu'il l’a
toujours été.
Source :
L'Étoile,
août 1979,
p. 38-41