L'érudition
nuit-elle à la foi ?
John
A. Widtsoe (1872-1952)
Président
de l'université d'Utah de 1916 à 1921
Membre
du Collège des Douze de 1921 à 1952
On
s'accorde généralement pour classer dans l'instruction
supérieure toutes les écoles secondaires et
supérieures. Mais puisque le but de l'enseignement, primaire
ou supérieur, est le même, nous pourrions rédiger
notre question comme suit : « L'instruction tend-elle
à diminuer la foi ? »
En
vérité, les encouragements répétés
de l'Église en faveur de l'instruction, pendant une période
de plus de cent ans, devraient être une réponse
suffisante à la question. L'histoire mormone contient de
nombreuses références sur les écoles et
universités. Aujourd'hui, l'Église dépense plus
pour l'éducation que pour n'importe quelle autre chose. En
proportion du nombre, aucun groupe ne possède autant de
personnes lettrées et de bacheliers. L'Église a
toujours eu conscience de cet aphorisme « La gloire de
Dieu, c'est l'intelligence ». Son grand objectif est de
pousser les hommes à devenir de plus en plus comme Dieu.
L'Église
ne pourrait agir autrement. Les révélations du prophète
Joseph Smith sont pleines d'exhortations invitant les saints à
acquérir des connaissances. En voici quelques-unes que j'ai
triées du grand nombre :
« Et
comme tous n'ont pas la foi, cherchez diligemment et enseignez-vous
les uns aux autres des paroles de sagesse ; oui, cherchez des
paroles de sagesse dans les meilleurs livres ; cherchez la
connaissance par l'étude et aussi par la foi. »
(D&A 88:118)
« …mettre
en ordre les Églises, étudier, apprendre et te
familiariser avec tous les bons livres, et avec les langues, les
langages et les peuples. »
(D&A 90:15)
« Enseignez
diligemment, et ma grâce vous accompagnera, afin que vous soyez
instruits plus parfaitement de la théorie, des principes, de
la doctrine, de la loi de l'Évangile, de tout ce qui a trait
au royaume de Dieu, qu'il est opportun que vous compreniez ; des
choses qui se trouvent dans le ciel, sur la terre et sous la terre ;
des choses qui ont été, des choses qui sont, des choses
qui doivent arriver sous peu ; des choses qui se passent au
pays, des choses qui se passent à l'étranger ; des
guerres et des perplexités des nations, et des jugements qui
sont sur le pays ; et aussi d'une connaissance des pays et des
royaumes, afin que vous soyez préparés en tout, lorsque
je vous enverrai de nouveau magnifier l'appel auquel je vous ai
appelés et la mission dont je vous ai chargés.
» (D&A 88:78-80)
Dans
un de ses sermons, Brigham Young déclare : « Nous
cueillerons du fruit de l'arbre de la connaissance et nous en
goûterons, afin que nos yeux soient ouverts pour voir, nos
oreilles pour entendre et nos cœurs pour comprendre…
Nous acquerrons de la sagesse par la lecture et par l'étude.
Nous veillerons à ce que l'on emploie les meilleurs manuels
dans nos écoles, pour l'instruction et l'avancement de nos
enfants… Toutes les découvertes dans le domaine des
sciences ou des arts ont été données par
révélation directe de Dieu, quoique peu de personnes le
concèdent. Les champs et les montagnes, les arbres et les
fleurs, tout ce qui vole, tout ce qui nage ou se meut sur la terre,
sont des leçons dans la grande école que notre Père
céleste a instituée pour le bénéfice de
ses enfants. Explorons ce grand champ d'information que sont les
livres et les grands laboratoires de la nature… L'instruction
est la servante du travail honnête. » (Journal of
Discourses, vol. 19, p. 369-370)
Si
l'instruction minait réellement la foi, on ne l'aurait pas
recommandée de telle façon. L'Église accepte
intégralement les véritables objectifs de
l'instruction, à savoir : l'acquisition de connaissances et la
sagesse de les utiliser pour le bien-être de l'humanité
en général. C'est pourquoi la perte quelconque de la
foi chez les érudits n'est pas le résultat de leur
savoir, mais plutôt d'autres facteurs.
La
foi en l'Évangile est un organisme vivant. Pour être
saine et vigoureuse, il faut qu'elle soit nourrie. Si elle n'est pas
alimentée, elle s'atrophie, faiblit et meurt. La perte de la
foi provient toujours d'une négligence, d'un mauvais
traitement ou du péché.
La
nourriture nécessaire à la foi est simple mais
impérieuse. II faut entretenir une connaissance de l'Évangile
et l'augmenter par une étude systématique. De plus,
cette connaissance doit être vivifiée par une obéissance
active aux pratiques et observances de l'Église.
L'intelligence réelle, ou sagesse, qui est le but véritable
de l'instruction, est un composé de savoir et d'application de
ce savoir à des fins altruistes, c'est-à-dire selon le
plan de l'Évangile.
Si,
faute d'une étude soutenue, on a négligé
l'entretien de connaissances pratiques sur les principes de
l'Évangile, qu'on n'en a pas appliqué les préceptes
dans sa vie quotidienne, la perte de la foi est inévitable. Il
est pathétique de voir un homme obtenir un titre académique
ou universitaire après de longues années d’étude
mais qui pendant ces années n'a accordé qu'une
attention passagère à l'Évangile. C'est une
supposition erronée de sa part, indigne de son érudition,
de croire qu'une connaissance de l’Évangile s'acquiert
toute seule, alors qu'il faut du travail et de la persévérance
pour obtenir du savoir.
On
se demande quel peut bien être le degré d'intelligence
d'un individu qui ne comprend pas que seul l'homme qui prie peut se
prononcer avec compétence sur les mérites de la prière,
celui qui suit la loi de sagesse sur les vertus de celle-ci, celui
qui donne sa dîme sur ce commandement divin, celui qui étudie
régulièrement l’Évangile sur son contenu
et sa signification, et ainsi de suite pour toutes les observances de
l'Évangile. Des personnes soi-disant érudites se
rendent ridicules en émettant leur opinion sur des questions
spirituelles alors qu'elles suivent un code de vie purement matériel.
Pour être érudit en matière de religion, ce qui
veut dire dans la science de la conduite de l'homme, il faut plus
d’études et d'application que pour obtenir un doctorat
dans une des facultés généralement enseignées
dans nos universités. Et l'on ne peut pas se replier sur des
connaissances antérieures. Le passé s'efface avec le
progrès du temps. Chaque personne doit avoir son répertoire
au bout de ses doigts, en religion aussi bien qu'en science, sans
quoi cette personne risque fort d’être mise au rancart.
L’étudiant
qui, chaque jour, parlera de ses besoins à Dieu, consacrera
disons dix minutes à l'étude de l’Évangile
et se conformera aux observances de cet Évangile, verra sa foi
se fortifier au fur et à mesure que ses connaissances
augmenteront. Sa compréhension de la valeur réelle de
tous ses efforts deviendra plus claire et plus nette.
Les
étudiants des universités ne sont pas gênés
pour trouver des excuses pour leur négligence dans les devoirs
religieux. Il n'y a pas d’église dans le voisinage de
l'institution. Il s'ensuit que le dimanche perd toute sa
signification. Les exigences du travail ou l'urgence des études
font que les prières ne se disent plus qu'à intervalles
irréguliers. Un budget modeste dispense de l’obéissance
à la loi du sacrifice. Toutes ces excuses sont spécieuses,
mais elles prennent des aspects de réalité si on
continue à les entretenir.
La
perte de la foi peut résulter de l'adoption d'habitudes
contraires aux principes de l’Évangile, par imitation de
camarades d’études ou de professeurs. Ceux qui en sont
coupables n'ont pas le courage de leurs propres convictions. Ces
esprits faibles et timorés ne seront jamais des dirigeants,
des chefs. Ils fument, ils boivent, ils font la noce parce que ce
sont là les habitudes du groupe auquel ils s'associent. Un
homme érudit est-il un fumeur ? un autre prend-il
l’apéritif ? Un autre encore se moque-t-il de la
foi ? Ils les imitent, ne comprenant pas qu'un homme peut être
très versé dans un domaine quelconque en dépit
de grandes faiblesses. Ils oublient aussi que celui qui lutte pour le
droit gagne toujours l'estime de ses semblables, quelles que soient
leurs opinions.
La
décroissance de la foi qui résulte de libertés
prises avec des choses défendues ne peut être rejetée
sur l'érudition. Quelques étudiants, tandis qu'ils
thésaurisent la vérité, prennent des habitudes
immorales. À moins d'un repentir immédiat et sincère,
ils tomberont sûrement dans l’incrédulité.
La vie impure empoisonne la foi. Presque invariablement, la personne
qui a perdu la foi par suite de l’impureté sexuelle
devient ennemie acharnée de la vérité et cherche
à nuire à l’Église. Ce type de
justification de soi est vicieux.
Puis
il y a ces petits esprits, étudiants ou professeurs. qui
déclarent que les connaissances universitaires sont en conflit
avec les enseignements de l’Évangile. Ils sont enivrés
de l'abondance des nouveaux faits et théories, et ne sont pas
capables de discerner, sur l'instant, entre un fait et l'explication
avancée de ce fait. L'âge de la terre, par exemple
(ignorée de tous, mais conjecturée par beaucoup)
devient une question de première importance dans leur esprit,
une pierre d'achoppement contre la religion. Ils oublient que jusqu’à
présent la science s'est bornée à rassembler les
nouveaux faits et, en ce jour de connaissances accrues, n'a pas
encore pu consacrer beaucoup d'attention à la conduite de
l'homme, à son mode d'existence.
Ils
ne se rappellent pas que l’Évangile traite premièrement
de la conduite de l'homme, et qu'il justifie toutes les études,
authentiques bien entendu, se rapportant à l'application que
l'homme en a fait. Bref, ceux qui voient une opposition entre la
religion et les enseignements séculaires, possèdent des
connaissances insuffisantes, une éducation mal équilibrée
ou un raisonnement peu mûr. En poursuivant leurs études
ils s'apercevront qu'il n'y a pas, qu'il n'y a jamais eu, de
contradiction dans le domaine de la vérité. Il n'y a
qu'harmonie. L’Évangile accepte et incorpore toute
vérité dès lors qu'elle est authentique et pas
fictive ou théorique.
Voici
donc quatre facteurs qui ont contribué à la perte de la
foi chez une petite partie des érudits : (1) atrophie de
la foi par le manque d’études et de pratique des
enseignements de l’Évangile ; (2) imitation servile
de personnes n'ayant pas de règle de vie ; (3)
immoralité ; (4) inaptitude de comprendre la parenté
réelle de la religion avec toute vérité.
Ce
sont les causes principales de l’incrédulité chez
les érudits. L'incroyance et les jugements bon marché
émis par ceux qui font partie de l'une ou l'autre de ces
catégories ne méritent pas d’être discutés.
Que l'on mette de l'ordre dans sa maison avant de prétendre
passer en jugement la règle de vie d'autrui.
Derrière
toutes ces causes, il y a pourtant un désir et une volonté
de croire. Mais sans un puissant désir, la cause est inutile.
II n'y a pas de progrès individuel, dans n'importe quelle
activité scientifique ou religieuse, sans un vif désir
d'apprendre accompagné d'une ferme volonté d’agir.
L'instruction,
primaire ou supérieure, ne nuit pas à la foi. C'est la
vie et l'attitude de ceux qui recherchent l’érudition
qui détermine la nature et le degré de leur foi.
Source : L'Étoile, novembre 1939