La religion et la science 

 
Points communs et différences
 
 
 
James L. Barker (1880-1958)
 
Linguiste et universitaire
Président de la Mission française de 1946 à 1950
 
  
 
 
Les nouvelles découvertes scientifiques sont généralement acceptées, bien que pas toujours, immédiatement après qu'elles ont été faites. Cent ans après que le prophète Joseph Smith eut commencé de révéler de nouvelles vérités religieuses au monde, son enseignement n'est accepté que par une petite fraction de la population de la terre ; et cent ans après sa mort, la mission de notre Seigneur Jésus-Christ n'avait pas rencontré beaucoup plus de ferveur. Pourquoi cette différence d'empressement entre l'acceptation des vérités scientifiques et celle des vérités religieuses ? Est-ce parce qu'on peut vérifier les vérités scientifiques – ce qui n'est pas le cas pour les vérités religieuses.
 
On admet généralement qu'il est possible de vérifier l'essentiel sinon la totalité des théories scientifiques. Est-il également possible de vérifier les croyances religieuses ? Si la vérification des croyances religieuses est possible, en quoi la méthode de cette vérification diffère-t-elle de celle qu'on emploie pour la vérification des données scientifiques, ou en quoi s'accorde-t-elle avec celle-ci ? Si la science et la religion sont en harmonie, le resteront-elles dans l'avenir ?
 
Certains ont moins de respect qu'autrefois pour la religion, parce qu'ils sont persuadés que ses croyances sont en conflit avec la science. D'autres croient voir un accord fondamental entre les faits de la religion et de la science. Quoi qu'il en soit, il ne suffit pas de faire ressortir un accord temporaire pour réconcilier la religion et la science ; il faut démontrer qu'il ne peut y avoir de conflit permanent, ni par conséquent, de désaccord vital entre l'une ou l'autre, aujourd'hui ni demain.
 
Un désaccord temporaire ne peut être fatal ni pour la religion, ni pour la science. En religion, il y a eu des conflits de croyances : pendant la vie de Jésus, on a cru que l'Évangile n'était que pour les enfants d'Israël ; après la vision de Pierre, I'Évangile fut prêché aux Gentils. Avant l'époque de Jésus, il y avait parfois des signes surnaturels pour démontrer la vocation divine des serviteurs de Dieu. La baguette d'Aaron fut changée en serpent ; les faux prophètes furent détruits par le feu. Au contraire, Jésus condamna ceux qui cherchaient des signes.
 
Dans le domaine de la science, le progrès se fait par une série de désaccords : une théorie ancienne se trouve en présence d'une théorie nouvelle différente et doit souvent s'effacer devant elle.
 
La croyance que la terre était plate disparut devant la théorie que la terre est ronde. La philosophie présentant l'univers comme composée de quatre éléments : la terre, l'eau, l'air et le feu, n'a plus aujourd'hui qu'un intérêt historique. La croyance en l'individualité de l'atome a été ruinée par la théorie des électrons, etc.
 
À I'intérieur d'une même science, des conflits s'élèvent constamment. Généralement, l'une des vues contradictoires est finalement acceptée et l'autre rejetée ; ou bien il peut arriver que ni l'une ni l'autre ne l'emportent, et qu'une troisième surgisse, laquelle à son tour cède le pas à une quatrième, et ainsi de suite au cours des siècles.
 
On voit aussi des conflits d'une science à l'autre. Auguste Comte considérait la résolution de ces conflits comme tâche principale de la philosophie. Voici, empruntée au savant Perrier, une citation montrant le conflit fondamental entre la bactériologie et la théorie de l'évolution impliquant la génération spontanée :
 
« Le plus embarrassant des problèmes avec lesquels ait lutté l'esprit humain est celui de l'origine de I'humanité. Avant même que la science ne fut née, des penseurs audacieux avaient essayé d'en donner une explication... Tant que I'homme imagina un Créateur à forme humaine il supposa que c'étaient les dieux qui avaient créé tous les êtres vivants... Avec le temps on en vint à croire que les forces naturelles elles-mêmes étaient capables de causer la germination, sous l'action des rayons du soleil, soit dans les abîmes de l'océan, soit au sein de la terre, qu'on considéra longtemps comme la mère universelle. Ainsi, des éléments seraient nés les premiers organismes. À cette doctrine de la génération spontanée, Joly, Archimède et Musset cherchèrent à donner une forme scientifique. C'est la doctrine qui avait déjà été avancée par Aristote ; elle avait été acceptée par Lamark ; défendue contre Pasteur par des savants comme Musset, Joly et Pouchet, favorisée par les médecins, prônée par les philosophes matérialistes, elle avait finalement pris, au XIXe siècle, un air quasi-scientifique.
 
« Il faut reconnaître que les remarquables recherches expérimentales de Pasteur, bien qu'elles eussent ouvert a la médecine et à la chirurgie des perspectives inattendues, et qu’elles eussent fourni à l'art de guérir de nouvelles précisions et de nouvelles méthodes pleines de possibilités inépuisables, furent, en même temps, la source d'interminables difficultés pour la philosophie scientifique de I'époque... Les nouveaux penseurs soutenaient que, si le protoplasme existait en fait... on pourrait le produire artificiellement par les procédés chimiques... Les expériences de Pasteur menacèrent de détruire ce beau rêve d'un seul coup... Rejeter la théorie de la génération spontanée, c'était mettre en danger toute la doctrine de l'évolution qui semblait si satisfaisante à la raison humaine, et qu'on croyait épaulée par de nombreux faits substantiels.
 
« De tels conflits prennent naissance non pas dans les faits établis par les différentes sciences, mais dans les déductions qu'on en tire. Les expériences de Pasteur démontrèrent que la génération spontanée n'a aucune base dans les faits. Cette conclusion fut la source d'interminables difficultés pour la philosophie scientifique de I'époque... Rejeter la théorie de la génération spontanée, c'était mettre en danger toute la doctrine de l'évolution... »
 
Des conflits de ce genre doivent cesser d'exister lorsque les théories rivales sont mises à l'épreuve de I'expérience. Lorsqu'on en reste à une déduction, logique en apparence, mais non confirmée, la contradiction peut se perpétuer indéfiniment. Bien que le désaccord dans les conclusions crée une gêne pour l'esprit, le conflit est beaucoup plus sérieux lorsqu'il réside dans les méthodes mêmes conduisant aux conclusions. Ce conflit de méthodes existe entre la science du Moyen-âge et la science d'aujourd'hui ; entre la science et la plupart des Églises actuelles.
 
La scolastique s'appuyait sur la tradition, l'autorité des déductions logiques est contrôlée par I'expérience. Les traditions transmises depuis le temps de l'Église Apostolique en l'Écriture faisaient autorité en théologie. Du XIIIe siècle à la Renaissance, l'Église considérait Aristote comme le Père de la dialectique, le modèle de la pensée métaphysique et l'encyclopédie scientifique (voir H. E. Cushman, Histoire de la Philosophie). Des opinions isolées d'accord avec la méthode scientifique moderne étaient irréconciliablement en conflit avec les méthodes des scolastiques. Pour exemple, la thèse qu'en 1348 le bachelier en théologie Nicolas d'Autrichurie eut l'audace de présenter en Sorbonne : « On ne pourra atteindre vite et facilement une science certaine qu'en abandonnant Aristote et ses commentaires, et en se consacrant à l'étude directe de la nature. »
 
Rober Bacon dénonça « la stérilité de la logomachie scolastique », et recommanda d'observer la nature et d'étudier les langues. Et il reconnut, plus clairement encore que le Bacon du XVIIe siècle, I'importance capitale de la déduction mathématique comme auxiliaire de la méthode expérimentale.
 
« Les deux maximes de la méthode de Galilée, lit-on dans Cushman, étaient : Primo, que la science doit être indépendante de toute autre autorité que la science ; Secundo, que toute inférence doit procéder de I'observation et des recherches expérimentales. »
 
La religion de Luther et celle de l'Église catholique adoptaient la méthode de la science scolastique, c'est-à-dire étaient en conflit avec la méthode religieuse de l'Église Apostolique et avec la méthode scientifique de Galilée, de Bacon et de tous les précurseurs de la science moderne.
 
Ces conflits entre les méthodes sont beaucoup plus fondamentaux et, en conséquence, beaucoup plus importants que le simple conflit des conclusions résultant de l'application des méthodes. De même, des différences de croyances et de dogmes, bien que regrettables, sont moins sérieuses qu'un conflit de méthodes. Le conflit de méthode est si fondamental, qu'un conflit de résultats obtenus par I'application d'une méthode fausse n'aurait qu'un intérêt de curiosité. Bien que les Pharisiens et les Sadducéens fussent en désaccord au sujet de la résurrection, la différence entre eux était négligeable en comparaison de l'abîme qui les séparait de Jésus. Ils ne différaient entre eux que par la doctrine et la manière de vivre, se refusant les uns et les autres à I'autorité de la tradition et des Écritures ; mais entre eux et Jésus, il y avait la différence fondamentale sur la manière d'arriver à la vérité. Pierre et Paul avaient vu le Christ ressuscité, avaient eu la vision et reçu les révélations du Saint-Esprit. Ils parlaient au nom d'une expérience directe, et par conséquent, comme le Maître, parlaient « avec autorité ».
 
Dans l'ensemble, les méthodes des Églises sont restées « scolastiques », dépendant de la tradition (de I'autorité de l'Église ou de l'Écriture) et de la déduction logique. La science a abandonné la méthode de Galilée. Cependant, à la fois la science et la religion ont tendance à aller au-delà des faits connus et à tirer des conclusions qui n'ont pas été confirmées par les recherches expérimentales ou par I'expérience directe.
 
De même que la science avait connaissance de la méthode expérimentale avant l'époque scolastique, de même, à diverses époques, correspondant à I'Ancien ou au Nouveau Testament, la religion avait elle aussi pris pour base I'expérience directe. Seules la science et la religion basées sur l'expérience peuvent être définitivement considérées comme vraies ; la religion et la science basées sur la tradition, l'autorité et la déduction logique, non contrôlées par I'expérience, sont si sujettes à l'erreur qu'ont peut les tenir pour figées ou fausses ; elles existent généralement à une époque stérile.
 
Si la vraie religion, aussi bien que la vraie science, est basée sur I'expérience, la croyance religieuse peut-elle être vérifiée comme les théories de la science, ou y a-t-il une différence ? Quelle est cette différence, s'il y en a une, et peut-elle expliquer la lenteur que les croyances religieuses mettent à se faire accepter, comparativement avec les théories scientifiques ? Regardons d'un peu plus près les influences de la science et de la religion.
 
En matière de science, comme en matière de religion, la vérité nouvelle est généralement annoncée au monde par un seul individu. En publiant des recherches, il expose ses observations et ses expériences, ses résultats et ses conclusions. Les lecteurs de cette publication ayant la compétence nécessaire et prenant intérêt à la question, peuvent reprendre les observations et répéter les expériences. Si les résultats sont les mêmes, ils acceptent la vérité de la découverte ; s'ils n'obtiennent pas de résultat ou si les résultats sont différents, ils inclinent à conclure qu'il s'est introduit quelque erreur ou quelque omission dans la répétition des observations et des expériences. Mais si un certain nombre d'observateurs et d'expérimentateurs comparent les résultats obtenus, jusqu'à ce que toute possibilité d'erreur dans les expériences soit éliminée, et que les résultats annoncés ne se produisent pas, la conclusion s'impose qu'aucune vérité nouvelle n'a été découverte.
 
Une découverte scientifique est acceptée d'abord par le public sur le témoignage de l'inventeur. Ensuite, cette acceptation prend la forme de connaissance précise pour ceux qui répètent personnellement les expériences acquises et obtiennent les mêmes résultats. Pour les autres, l'acceptation reste une connaissance appuyée sur des témoignages.
 
En matière de science appliquée, il est possible de faire une démonstration à des personnes indifférentes ou même sceptiques, par exemple pour le phonographe, l'ampoule électrique, la radio, ou le film hydraulique s'exerçant sur les quatre roues. Il peut arriver que l'auditoire pousse trop loin I'incrédulité. Ainsi, lorsque le phonographe a été présenté à l'Académie des Sciences de Paris, il y eut des exclamations traitant l'invention de « charlatanisme » et d'« abus de confiance ». II fallut que certains membres de la compagnie puissent examiner personnellement l'appareil pour se convaincre qu'ils n'étaient pas les victimes d'un habile ventriloque peu scrupuleux.
 
Lorsqu'il s'agit d'accepter une découverte de pure science, I'intelligence seule est en jeu. La personne qui doit en décider n'est influencée par aucune considération économique ou autre. Sa réputation, ses préjuges, sa volonté n'ont rien à voir à l'affaire. Si la volonté entre en jeu, en matière de science, l'acceptation est lente comme dans le cas de certaines découvertes de Pasteur. En matière de science appliquée, les intérêts économiques (donc la volonté) peuvent être mis en éveil ; souvent les inventions nouvelles ne sont franchement acceptées que lorsque le brevet est périmé. Les différentes marques de freins pour automobiles, de radios, de machines à laver, sont-elles également bonnes, ou les fabricants ignorent-ils quelles sont les meilleures ? Pourquoi, certains constructeurs d'automobiles ont-ils annoncé que le démarreur électrique, les freins sur quatre roues, etc., étaient prématurés et d'efficacité incertaine ? N'était-ce pas parce que leur voiture n'avait pas ces perfectionnements nouveaux, ou parce qu'ils pensaient que la nouvelle invention, appliquée à d'autres machines, ferait baisser la vente de la leur ? Chaque fois que la volonté intervient dans le domaine de la science pure (ce qui est rare) ou dans le domaine de la science appliquée (ce qui est la règle), l'acceptation est lente. Chaque fois que c'est I'intelligence, à I'exclusion de la volonté, qui entre en ligne, l'acceptation est rapide, souvent sans qu'on s'applique à y regarder de près.
 
Les nouvelles vérités religieuses se répandent d'abord, quoique pas toujours, d'après l'expérience directe d'une personne. Pierre seul avait vu le linceul plein d'insectes immondes tomber du ciel ; Paul seul avait eu la vision du sort du navire en se rendant à Rome, et lui seul avait vu et entendu tout ce que représentait la vision sur le chemin de Damas. Joseph Smith seul eut la Première Vision ou se présentèrent à lui le Père et le Fils. Moïse seul eut la vision sur le Sinaï. Moïse porta témoignage de la volonté de Dieu et les autres durent accepter ou repousser son témoignage ; pour confirmer le témoignage, des signes furent donnés aux bons et aux mauvais sans distinction, la volonté n'étant que peu ou pas du tout engagée. Le témoignage de Pierre est confirmé par l'Écriture et par les autres apôtres : « Nous sommes témoins de toutes les choses qu'il fit dans le pays des Juifs et à Jérusalem ; lui qu'ils ont tué, cloué sur la croix ; et Dieu l'a élevé à lui le troisième jour, ouvertement non pas aux yeux de tout le peuple, mais de témoins choisis d'avance par Dieu, c’est-à-dire à nos yeux à nous, qui avons mangé et bu avec lui après qu'il fut ressuscité ; et il nous commanda de prêcher au peuple et de témoigner que c'est lui qui a été ordonné par Dieu pour juger les vivants et les morts » (Actes 10:39-42). Ce témoignage fut accepté par une grande partie de la multitude assemblée le jour de la Pentecôte, puisqu ils se sentirent touchés au coeur et dirent à Pierre et aux autres apôtres : « Hommes et pères, que devons-nous faire ? »
 
Or ici, tout comme en matière de science, les affirmations de ceux qui avaient eu l'expérience directe pouvaient être acceptées par les autres, mais ceux qui avaient ainsi accepté leur témoignage ne pouvaient pas savoir avant d'avoir eux-mêmes la même expérience directe. De même que le savant indique la manière dont ses résultats peuvent être obtenus, ainsi Pierre indiqua comment on pouvait obtenir le don du Saint Esprit : « Repentez-vous et faites-vous baptiser au nom du Christ pour la rémission de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit » (Actes 2:37,38). Comme les Douze avaient déjà fait ces choses, on leur avait dit : « Vous recevrez le pouvoir après que Saint Esprit sera descendu sur vous ; et vous serez témoins de moi à Jérusalem, en Judée et en Samarie et jusqu'aux confins extrêmes de la terre » (Actes 1:8). C'est par le même moyen du repentir, etc., que les auditeurs de Pierre reçurent le Saint-Esprit, changeant leur croyance en connaissance, selon les paroles de Pierre : « Et nous sommes les témoins de cette chose comme l'est le Saint Esprit, que Dieu donne à ceux qui lui obéissent. » (Actes 5:32)
 
En matière de religion, la volonté est engagée encore plus constamment et plus complètement qu'en matière de science. Cela est reconnu par les Écritures : Gloire dans les cieux à Dieu, et sur terre paix aux hommes de bonne volonté » (Vulgate, Luc 2:13, 14). Et l'Évangile de Jésus ne pouvait donner la paix à aucun autre : il n'a pas pu donner la paix à Judas.
 
Quand on demanda au jeune homme riche de vendre tout ce qu'il possédait, de le donner aux pauvres et de suivre Jésus, la volonté de ce jeune homme fut fortement engagée. Mais c'est peut-être exactement ce que Pierre, Jacques et Jean, et le reste des Douze, avaient déjà fait. Dans le cas du Sauveur, la volonté fut engagée jusqu'à la mort.
 
C'est surtout dans la manière d'arriver à la vérité qu'il y a une différence considérable entre la science et la religion. Comme nous l'avons vu, en matière de science pure, la volonté est moins engagée qu'en matière de science appliquée, mais dans l'un comme dans l'autre cas, il est possible de vérifier la vérité, même avec l'intention de la nier. Par exemple, un constructeur d'automobiles pourrait vérifier la qualité de nouveaux freins comparés aux siens, les trouver supérieurs, et continuer d'annoncer au public que ses voitures sont munies des meilleurs freins du monde. Sa bonne ou mauvaise volonté ou l'usage qu'il se propose de faire de sa constatation, n'affectent pas I'expérience.
 
En religion, le repentir est une partie essentielle de I'expérience. Il faut corriger ses erreurs, surmonter ses faiblesses, et soumettre sa volonté à la volonté de Dieu le Père, avant de pouvoir connaître la vérité religieuse. La volonté est engagée dans la manière même d'arriver à la vérité.
 
Si notre volonté n'était pas engagée, notre décision concernant le bien ou le mal n'aurait guère de valeur morale. S'il était possible sans faire le bien, sans obéir à la volonté de Dieu, sans accepter de sacrifice, de savoir que Jésus est le Christ et que Dieu est notre Père, nous aurions tendance à calculer égoïstement quelle ligne de conduite nous serait la plus agréable et avantageuse, et à agir en conséquence.
 
Le fameux pari de Pascal, dans les « Pensées », semble indiquer que cette tendance n'est pas une simple supposition : Pascal pensait que s'il pariait que Dieu existe et agissait en conséquence, il ferait un pari avantageux, car, s'il perdait le pari que Dieu n'existât pas, il ne perdrait rien ; mais, s'il gagnait le pari que Dieu existe, il gagnerait beaucoup. Un tel pari n'a pas de valeur morale.
 
Pour la même raison, on comprend pourquoi il a fallu des témoins pour la résurrection du Christ, pour le Livre de Mormon, etc. On comprend aussi pourquoi une entente entraîna deux individus à décider que celui qui mourrait le premier revienne visiter l'autre, ne peut pas s'exécuter et pourquoi le spiritisme, qui cherche à surprendre les secrets de l'autre monde par des méthodes différentes de celles qui touchent à la volonté, ne peut pas être de Dieu. Si Jésus avait imposé au monde la connaissance qu'il est le Christ en apparaissant dans sa splendeur et dans sa puissance aux yeux de tous, s'il avait été possible que Joseph Smith eut fait connaître qu'il était prophète de Dieu en permettant à tous de voir les plaques, s'il était possible d'obtenir connaissance des choses divines d'une manière qui n'engage pas la volonté, la condition essentielle de notre venue sur la terre, le souvenir de notre vie antérieure étant aboli, serait détruite, et notre choix du bien n'aurait pas la valeur morale qu'il a aujourd'hui.
 
L'intervention de la volonté dans l’expérience religieuse explique le fait que les membres d'une Église, fondée sur l'expérience personnelle directe, ont des expériences différentes, des témoignages différents. L'un est sûr qu'il sait, etc. Un jeune homme peut être baptisé et dire qu'il n'a pas de témoignage, aucune expérience directe n'étant venue confirmer sa croyance. S'il était aussi facile de modifier sa volonté que de tourner les boutons de la radio, tout serait facile. On va à la radio et on met le courant, ce qui produit le bourdonnement caractéristique de l'appareil entrant en action ; on tourne le clarificateur et on commence à entendre des paroles indistinctes ; on règle la longueur d'ondes et la station avec laquelle on veut entrer en relation parle, quoique d'une façon un peu confuse ; encore un tour de bouton, cette fois de I'amplificateur, et l'émission devient claire et distincte. Si la station est très loin et si on ne peut la retrouver, on peut douter de l'avoir entendue.
 
Dans I'expérience religieuse, c'est la volonté qui tient lieu de bouton de contrôle : « Paix sur terre aux hommes de bonne volonté » ; « est également témoin du Saint Esprit, que Dieu donne à ceux qui lui obéissent. » Progressivement le croyant passe du doute à l'incertitude, puis à la clarté, dans la mesure où il engage sa volonté, dans la mesure où il renonce à ce qui est contraire à la volonté de Dieu et obéit à toutes les conditions de fidèle observateur des lois divines.
 
Ce qui doit nous émerveiller dans la certitude qu'on connue Joseph Smith, Wilford Woodruff, Paul, c'est I'exercice de la volonté qui a rendu I'expérience (le témoignage) possible. Cette volonté en action a été celle de Paul : « Je vous certifie, frères, que l'Évangile que je prêche n'est pas de moi. Ce n'est pas de I'homme que je l'ai reçu ; ce n'est pas un homme qui me l'a enseigné ; je le tiens d'une révélation de Jésus-Christ. » (Galates 1:11-12)
 
Il existe des hommes qui s'arrêtent vite dans la recherche de I'expérience religieuse. Leur bonne volonté n'est pas en action, et I'expérience religieuse qui leur donnerait le « témoignage », est impossible.
 
En matière de science, c'est l'intelligence qui est surtout engagée ; la volonté n'a rien à faire avec l'acquisition de la vérité ; elle n'intervient que pour la reconnaître, ensuite. En religion, la volonté est enseignée dans la recherche même de la vérité ; l'expérience religieuse n'est possible que dans la mesure ou existe la « bonne volonté ». Le moyen d'arriver à la vérité – I'expérience – est la même dans l'un et l'autre cas, mais la science qui doit servir à tous les desseins, bons ou mauvais, tend à se faire accepter par tous. En religion, c'est nous qui jugeons : « leur condamnation sera qu'ils ont préféré les ténèbres à la lumière. » (Jean 3:19)
 
La vie humaine est si courte que l'expérience (et, par conséquent, le savoir) ne peut qu'être incomplète et que les expériences parfois, les déductions souvent, semblent contradictoires. Cependant il n'y a de véritable conflit qu'entre la fausse et la vraie science, la fausse et la vraie religion, la vraie religion et la fausse science, la vraie science et la fausse religion.
 
Mais entre la science et la religion vraiment fondées sur I'expérience, il ne peut pas y avoir de conflit. Dans l'un et l'autre domaine, on peut rechercher la vérité en ayant soin de distinguer celle qui découle de la connaissance expérimentale de celle appuyée sur I'expérience personnelle directe, en ayant la conviction que la vérité est une.
 
Source : L'Étoile, septembre 1949, p. 12-21