Louis
Auguste Bertrand (1808-1875)
Un converti français traverse les plaines américaines au milieu du 19e siècle
1. Introduction
Louis Auguste Bertrand (Roquevaire,
Bouches-du-Rhône, 1808 - Salt Lake City, États-Unis,
1875), de son vrai nom Jean-François Élie Flandin, est
l'un des premiers Français à devenir membre de l'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours et à
faire partie des pionniers qui, à partir du milieu du
XIXe siècle, émigrent au lac Salé, dans les
montagnes Rocheuses, où est construite la ville de Salt Lake
City. Louis Bertrand y arrive en 1855. Quatre ans plus tard, Brigham
Young l'envoie présider la mission française de
l'Église. C'est au cours de son séjour comme président
de mission qu'il rédige ses Mémoires
d'un mormon (Pierre-Jules
Hetzel, éditeur, Paris, 1862).
2. Enfance
Louis Bertrand passe son enfance à
Roquevaire, près de Marseille. Son père, croyant
deviner en lui une vocation ecclésiastique, lui fait faire des
études sous la direction du Père jésuite
Loriquet, qui l'initiera au grec et au latin, probablement à
Marseille ou Aix. Mais bientôt cette vocation donne des signes
non équivoques d’indépendance, et l’amour
des lointains voyages le fait quitter de bonne heure le toit
paternel.
3. Voyages lointains
Dès l’âge de vingt ans, Louis
Bertrand a déjà parcouru toutes les contrées du
pourtour méditerranéen et part pour les Antilles où
il réside dans plusieurs îles. De là, il se rend
aux États-Unis où il passe sept ans. Il raconte :
« Ce séjour m'initia au mécanisme politique
de l’œuvre de Washington, aux tendances sociales des fils
des premiers colons, à la pratique de la liberté la
plus absolue et aux gigantesques progrès de la race
anglo-saxonne sur ce nouvel hémisphère »
(Louis Bertrand, Mémoires d'un
mormon, Avant-propos). Il réside
ensuite plus d'un an au Brésil où, à Rio, il
assiste au couronnement de l'empereur Don Pedro II. À propos
de l'Amérique latine, il fait ce commentaire : « Dans
ma pensée, l’inépuisable fécondité
du sol et l’extrême variété de ses produits
promettent à l’Amérique du sud un avenir plus
brillant encore que celui de sa rivale du Nord » (Louis
Bertrand, Mémoires d'un mormon,
Avant-propos). Il arrive à Paris pour la première fois
en 1842, tout juste pour assister aux funérailles de
Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc d’Orléans. Peu
après, il part de Bordeaux pour un voyage commercial de quatre
ans dans les « mers de l’Inde », et
pousse jusqu’en Chine, où il reste quatre mois, avant de
rentrer à Paris.
4. Engagement politique
Après ses lointains voyages, l’amour
de l’étude fixe Louis Bertrand à Paris. À
cette époque, les questions posées par le socialisme
attirent son attention, et il fréquente le cercle catholique
radical des disciples de Philippe Buchez. Le gouvernement de juillet
laisse alors toutes les opinions, même les plus avancées,
se manifester librement dans Paris. Étienne
Cabet tient régulièrement, dans les bureaux du journal
Le Populaire,
dont il est le directeur, des séances publiques où il
initie ses disciples à l’Icarie. L’égalité
la plus absolue est l’idéal que prêche le
dirigeant communiste. Louis Bertrand raconte : « La
philosophie matérialiste du XVIIIe siècle, cette
implacable négation du dogme catholique, ne pouvait avoir
d’attrait pour moi (Louis Bertrand, Mémoires
d'un mormon, Avant-propos). Il rêve
d'une alliance entre l’autorité du dogme et la liberté
politique, entre le catholicisme et la révolution. Dans le
monde des idées philosophiques, il finit par se rallier au
système de Josef Hoëné-Wronski, connu sous le nom
de Messianisme, qu'il considère alors comme étant la
plus haute manifestation scientifique du siècle. Il raconte :
« Épris de sa philosophie de l’absolu, j’ai
longtemps déploré la cécité morale de nos
contemporains, qui les privait de pouvoir apprécier les
sublimes spéculations de M. Wronski. À cette époque,
l’illustre géomètre était pour moi le
flambeau de l’humanité » (Louis Bertrand,
Mémoires d'un mormon,
Avant-propos). Il en est là quand la révolution de 1848
le jette dans les rangs de la démocratie militante.
5.
Rédacteur au journal Le Populaire
Louis Bertrand est communiste icarien et rédacteur
au journal socialiste Le Populaire
que dirige Étienne Cabet. Ayant vécu sept ans aux
États-Unis, il traduit aussi pour le journal certains articles
de la presse anglophone. C’est à cette occasion qu’il
s'intéresse à l'Église rétablie.
Dans le journal du 18 février 1849,
apparaît le premier article du Populaire
sur les saints des derniers jours, intitulé : « Mormons ».
L'article, dont le début est une traduction du journal anglais
Globe,
contient ce qui suit : « Si les renseignements qu'on
nous a communiqués sont exacts, cette colonie jouit d'une
pleine prospérité. Il n'est donc point étonnant
que les mormons d'Europe s'empressent de rejoindre leurs frères
d'Amérique » (Le
Populaire, N° 94, 18 février
1849). Il s'agit sans doute d'une allusion aux saints de Grande
Bretagne puisque William Howells, le premier missionnaire de l'Église en
France n'arrivera que le 9 juillet 1849. Une phrase retient
l'attention : « Les mormons mettent tout en commun et
sont étroitement unis par les liens de la fraternité et
du socialisme ». À l'époque, les Icariens du
Texas (du moins une partie d'entre eux) ont émigré en
Illinois où ils ont acheté, à bas prix, la ville
de Nauvoo, abandonnée malgré eux par les membres de l'Église. Dans
le même numéro du journal, on cite une lettre d'un
« socialiste américain » dont les
parents habitent près de Nauvoo et qui en fait la description.
On y parle de nouveau des saints qui, « animés
d'une nouvelle foi religieuse, aspiraient à créer une
religion nouvelle et un nouveau culte, et à donner d'autres
bases à la société ». On y fait leur
éloge quant au choix de la contrée pour la construction
de la ville : « Les mormons avaient des hommes très
pratiques à leur tête : le choix judicieux de cette
localité est une preuve évidente de leur discernement
et de leur sagesse. » Enfin, apparaissent quelques
renseignements sur le départ des saints de Nauvoo :
« Les mormons formaient une population de dix à
douze mille âmes à Nauvoo ; la ville était
belle et ornée d'un vaste temple au centre ; cet édifice
avait coûté des sommes considérables. En
abandonnant leur ville, ils vendirent leur propriété à
vil prix, et l'endroit est resté quelque temps à peu
près désert. Je pense qu'il
doit y avoir beaucoup de maisons non encore occupées ou que
l'on peut acquérir à bon marché. Conséquemment,
il est probable que le citoyen Cabet pourra se procurer là les
moyens d'y loger immédiatement les colons Icariens et les
mettre à l'abri de ces dangers inévitables qui
attendent l'émigrant dans un pays tout à fait neuf »
(Le Populaire,
N° 94, 18 février 1849).
L'affaire sera faite et annoncée dans Le
Populaire quelque temps après :
« Plusieurs journaux de Paris
ont annoncé d'après le Courrier
des Etats-Unis, que le Gérant
d'Icarie vient d'acquérir le célèbre temple de
Nauvoo, qui appartenait naguère aux mormons, et douze acres de
terrains (plus de cinq hectares) renfermant diverses constructions,
moyennant la somme de 4000 liv. st. (plus de 100 000 fr.) »
(Le Populaire,
N° 97, 20 mai 1849).
C'est dans ce même numéro que paraît,
le 20 mai, le premier article signé « L.A.B. »,
c'est à dire Louis A. Bertrand, qui présente les
saints des derniers jours de façon plus précise. Les renseignements de
Bertrand sont partiels et parfois erronés. Il fait naître
Joseph Smith à Cincinnati et en fait un « modeste
ouvrier typographe ». Son intérêt pour ce
qu'il qualifie d'une des « Sociétés
communistes américaines » tient au succès
des saints et à leurs progrès « rapides,
incessants et considérables », malgré
l'opposition qu'ils suscitent. Mais aussi, et surtout, parce que « le mormonisme… est basé sur les principes de la
Communauté,
qu'il puise sa force principale dans le dévouement et l'amour
fraternel de ses nombreux adeptes, et qu'enfin il légitime son
existence sur le texte même des Écritures et les
préceptes évangéliques ». Et de
conclure, « On voit par là combien il a d'analogie
avec la doctrine Icarienne » (Le
Populaire, N° 97, 20 mai 1849).
Cette phrase, à elle seule, pourrait expliquer sa conversion à
venir.
Enfin, paraît le premier article signé
Bertrand en toutes lettres, le 4 novembre 1849. Il est inspiré
par un article d'un journal anglais qui titrait, « Cabet
défendu en Angleterre ». De nouveau, le 2 décembre,
un autre article intitulé, « Solidarité
entre tous les Socialistes », de la plume de Bertrand.
L'intérêt de l'article vient justement de la façon
dont Bertrand développe ses opinions politiques, en
particulier sa critique corrosive de Proudhon qui vient de publier
ses Confessions d'un révolutionnaire
où il condamne véhémentement
Robespierre. Bertrand ne mâche pas ses mots à l'encontre
de celui qu'il nomme « le grand sceptique »
qui, « comme aveuglé par une puissance
surnaturelle, vient de tomber dans le
fétichisme le plus abject : il s'adore lui-même.
Jamais, non jamais énergumène ne poussa si loin la
frénésie de l'orgueil et le délire de
l'égoïsme ! ... Il est évident que son but
unique est de faire obstacle à l'avènement du
Socialisme, sous le drapeau même du Socialisme. Le fils du
tonnelier, en prêchant l'individualisme et la concurrence, en
niant les principes du Christianisme qui ne sont autres que ceux du
Communisme, ne travaille que pour le maintien indéfini,
perpétuel, des privilèges, et, par suite, de
l'exploitation de l'homme par l'homme » (Le
Populaire, N° 103, 2 décembre
1849).
D'autres articles suivent dans le même
numéro, tel celui sur l'Algérie qui précède
un autre, non signé, intitulé « Mormons »
et qui est une traduction du New York
Tribune. On y parle du Territoire du
Deseret et du désir des saints de faire partie de la
Confédération. Dès le numéro suivant on
retrouve A.B. signataire de la « Revue du mois ».
L'âpreté avec laquelle il parle de la politique
gouvernementale, ne peut que le rendre impopulaire, surtout lorsqu'il
parle du président Louis Napoléon Bonaparte, « le
héros de Strasbourg et de Boulogne, ce fervent Socialiste de
Ham que vous savez, se sent déjà tellement
dépopularisé, qu'il n'ose plus s'aventurer à
passer en revue les tronçons de la garde nationale parisienne
... Un avenir prochain lui apprendra ce qu'il en coûte pour
fouler aux pieds tout sentiment d'honneur
national, se faire à Rome, le restaurateur du pape et de
l'inquisition, ailleurs, le complice des despotes européens,
et à l'intérieur, le promoteur des lois les plus
oppressives » (Le Populaire,
N° 104). Il n'est pas étonnant que Bertrand sera surveillé
par la police. Il se montre farouchement anti-royaliste, attaché
aux acquis de la Révolution française et résolument
anti-bonapartiste. Il rejoint un autre des collaborateurs les plus
coutumiers du journal de Cabet, Louis Krolikowski, qui exprime les
mêmes opinions (B. H. Roberts, Life
of John Taylor, Bookcraft, Salt Lake
City, Utah, 1963, pp. 225-227). Il y a à
cette époque un changement de ton du journal, probablement dû
à l’absence de Cabet, parti en 1849, et qui ne reviendra
qu'à l'été 1851 pour défendre sa cause
devant la justice. Pourtant, dans tous ses articles, Bertrand est
enthousiaste vis à vis du « Père du
Communisme ».
Le Populaire se
fait l'écho du terrible orage survenu à Nauvoo le 27
mai 1850 et qui avait dévasté le temple, déjà
endommagé par un incendie en octobre 1848 et que les Icariens
se proposaient de restaurer : « C'est le Temple ...
le Temple dont nous préparions si activement et si résolument
la réédification, le Temple que nous comptions couvrir
cette année et dans lequel nous devions établir nos
réfectoires, nos salles de réunion, nos écoles,
c'est le Temple, ce colossal monument, qui est devenu la première
victime des fureurs de l'ouragan ! » (Le
Populaire, N° 112). Ainsi, ce
célèbre édifice dont les Icariens avaient fait
leur « maison commune » en octobre 1849 se
trouvait irrémédiablement à l'état de
ruine.
Si la doctrine de la nouvelle Église
intéresse Bertrand, il n'en dit mot. Il se contente d'écrire :
« Nous ajournons cet examen, nous réservant, s'il
est utile, d'exposer leurs dogmes lors de la publication en français
de leur livre sacré ou code religieux, publication qui aura
lieu prochainement à Paris sous le titre : Livre
de Mormon ». Quelques mois
plus tard, il sera lui-même l'un des principaux artisans de
cette traduction et publication. La suite de l'article paraîtra
le 1er novembre 1850 et citera pour l'essentiel un article paru dans
les journaux américains et anglais et qui est le récit
de voyage d'un new-yorkais. Bertrand trouve-t-il plus prudent de
citer une autre source plutôt que de partager ses sentiments
personnels en faveur des saints ? Toujours est-il qu'à
l'époque, son attirance pour la nouvelle Église est
certaine puisqu'un mois plus tard, jour pour jour, il sera plongé
dans les eaux du baptême, dans la Seine.
À partir de septembre 1850, Le
Populaire a pour sous-titre « Journal
de réorganisation, soutenu depuis sa fondation par le
dévouement des travailleurs » et arbore cette
devise : « Chacun pour tous, tous pour chacun ;
de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ».
Le 4 octobre, Bertrand signe un autre article sur
les les saints des derniers jours dans la rubrique « Variétés ».
Celui-ci est précieux pour reconstituer les événements.
En effet, il déclare : « La visite récente
et inattendue de trois mormons dans les bureaux du Populaire
nous ayant mis à même d'obtenir de nouveaux
renseignements sur quelques particularités de leur émigration
et sur l'état actuel de leur colonie, nous croyons faire
plaisir à nos nombreux Amis en les publiant » (Le
Populaire, N° 118, 4 octobre 1850).
Suit un récit sur les grandes étapes de la migration
des saints vers la vallée du lac Salé avec un grand
nombre de statistiques. Il estime, d'après ses sources, à
18 000 le nombre de saints dans la Vallée. Il y ajoute
« 5000 actuellement sur les pistes et 20000 à
Council Bluffs attendant leur départ ». Enfin, les
îles Britanniques compteraient à l'époque 30 000
saints, sachant que depuis 1841, environ 13000 avaient déjà
émigré au départ de Liverpool seulement
(Christian Euvrard, Louis Auguste
Bertrand (1808-1875), journaliste socialiste et pionnier mormon,
ISBN 2-9523565-0-5, chapitre VI : « Journaliste, père
de famille et révolutionnaire »,
p. 103-117).
6. Conversion
C’est dans les bureaux du journal Le
Populaire où il travaille comme
rédacteur qu'en 1850 Louis Bertrand rencontre les
missionnaires John Taylor (alors membre du collège
des douze apôtres) et Curtis Bolton. Il raconte : « Dès
mes premiers entretiens avec eux, je fus frappé par la portée
extraordinaire de l’œuvre qu’ils étaient
chargés d’introduire en France. Ma connaissance de
l’anglais me permettant de m’initier moi-même aux
doctrines de la nouvelle Église, je trouvai dans leurs écrits,
mais surtout dans l’ouvrage intitulé Divine
Authenticity of the Book of Mormon, par
Orson Pratt, la démonstration complète de la divinité
de cette œuvre. Ces deux premiers apôtres qui touchèrent
le sol de France étaient MM. John Taylor et Curtis Bolton.
Toutes les questions, toutes les objections que je leur posai furent
éclaircies ou réfutées à mon entière
satisfaction. Après trois mois d’étude et de
sérieuses réflexions, j’acceptai le baptême »
(Louis Bertrand, Mémoires d'un
mormon, Avant-propos).
Le 1er décembre 1850 John Taylor baptise
Louis Bertrand dans la Seine à l'île de Saint-Ouen. Le 8
décembre de la même année, Louis Bertrand est
ordonné prêtre. Le 20 décembre 1851, il est
ordonné grand-prêtre et devient président du
district de Paris et premier conseiller du président de la
mission française, Curtis Bolton puis Andrew L. Lamoreaux.
7. Traduction
du Livre de Mormon
Sous la direction de John Taylor et de Curtis
Bolton, Louis Bertrand est le principal traducteur du Livre de Mormon
en français édité en 1852. Une deuxième
retraduction complète ne sera effectuée que pour
l'édition de 1998, par Marcel Kahne.
8. Émigration
En 1854-55, Louis Bertrand émigre aux
États-Unis où il rejoint les saints des derniers jours
au Grand Lac Salé. Il y restera quatre ans avant d'être
appelé comme président de la mission française
par Brigham Young, président de l'Église.
9. Président de la mission française
Le 10 décembre 1859, Louis Bertrand revient
à Paris pour présider la mission française de
l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours.
Il est le premier Français missionnaire
de l'Église et le premier Français président de
mission.
Le 23 janvier 1863, il écrit à
Brigham Young une lettre dans laquelle il mentionne la création
d'« une petite branche florissante à Bordeaux ».
Il est cependant découragé par le peu de succès
de sa mission : « Une expérience de plus de
trois ans m'a appris qu'il n'y avait rien à espérer des
Français incroyants : ils sont spirituellement morts »
(Bernadette Rigal-Cellier, Être
Français dans une Église d'origine américaine :
Les mormons de France, p. 7).
L'année suivante, sur le point de terminer
sa mission, il écrit à Brigham Young, à la date
du 26 juin 1864 : « Le manque de liberté
religieuse a été le grand empêchement de mes
travaux en France. Voici une toute nouvelle preuve de mes dires :
Frère Renart, le président de la branche de Bordeaux, a
été récemment condamné à six jours
d'emprisonnement et sa magnifique presse a été détruite
par la police de cette ville importante. Telle est la liberté
dont nous jouissons actuellement sous la dynastie impériale »
(Bernadette Rigal-Cellier, Être
Français dans une Église d'origine américaine :
Les mormons de France, p. 7). La
mission est fermée la même année et ne sera
rouverte qu'en 1912.
10. Deuxième voyage jusqu'au lac Salé
En juin 1864, Louis Bertrand quitte la France pour
rentrer chez lui en Utah où il mourra en 1875.
11. Auteur
Épisodes
de chasse au cap de Bonne-Espérance
En 1846 ou 1847, après son séjour en
Chine, Louis Bertrand publie quelques pages de son autobiographie,
sous le titre : Épisodes de
chasse au cap de Bonne-Espérance.
Il fera mention de cette publication dans l'Avant-propos de son
ouvrage Mémoires d'un mormon,
mais sans donner le nom de l'éditeur.
Presse
En tant que rédacteur pour le journal
socialiste Le Populaire
que dirige Étienne Cabet, Louis Bertrand rédige divers
articles sur la politique de l'époque. Lorsqu'en 1861 Jules
Rémy publie Voyage au pays des
mormons, Louis Bertrand répond à
ce livre par la publication de plusieurs articles dans La
Revue contemporaine.
Mémoires
d'un mormon
En 1862, Louis Bertrand rassemble ses articles
publiés dans La
Revue contemporaine sous le
titre Mémoires
d’un mormon.
Dans Mémoires
d'un mormon, Louis Bertrand interpelle
ses compatriotes français. L'ouvrage révèle
l'éclectisme, la verve, l'indépendance d'esprit et la
personnalité intrépide de l'auteur. Son ouvrage
démontre à quel point il a su pénétrer le
cœur de la nouvelle Église. La singularité de son témoignage
est de la décrire de l'intérieur.
L'ouvrage est édité par Pierre-Jules
Hetzel, éditeur d’Honoré de Balzac, de Victor
Hugo et d’Émile Zola.
Détails
de l'édition
Page de titre : Mémoires d’un
mormon, par L.A. Bertrand, Collection Hetzel, E. Dentu, libraire,
Palais-Royal, Galerie d'Orléans, 15 et 17.
Imprimeur : Paris - Imprimerie A.
Wittersheim, 8, rue Montmorency.
Table des
matières
Avant
propos
I. -
Naissance du prophète. - Ses premières visions
racontées par lui-même. - Son mariage. - Martin Harris
et le professeur Anthon. - Oliver Cowdery. - Analyse du Livre de
Mormon. - L’Amérique, problème insoluble pour la
science contemporaine.
II. -
Fondation de l’Église. - Importantes conquêtes. -
Kirtland. - Persécution contre les saints dans le Missouri. -
Fondation de Nauvoo. - Progrès du mormonisme. - Assassinat du
prophète. - Nouvelle persécution dans l’Illinois.
- Expulsion des mormons des États-Unis. - Prise et sac de
Nauvoo. - Réquisition d’un bataillon mormon. - Le
colonel Kane. - Fondation de Kanesville. - Départ des
pionniers. - État du Deseret transformé en territoire
d’Utah. - Progrès rapide de la colonisation. -
Nomination de Brigham Young aux fonctions de gouverneur d’Utah.
- Le colonel Stepoe refuse de le remplacer.
III. -
Coup d’œil général sur le territoire
d’Utah. - Ses ressources naturelles. - Great Salt Lake City. -
Le lac Salé. - Rapport du juge Drummond. - Expédition
militaire contre l’Utah. - Les troupes militaires fédérales
son vaincues sans combat.
IV. -
Rareté du sel dans le camp fédéral. - Mission
secrète du colonel Kane. - Envoi de deux commissaires
fédéraux. - Conclusion de la paix. - Entrée des
troupes fédérales. - Le juge Cradlebaugh. - Carson
Valley proclame son indépendance. - Départ des troupes
d’Utah. - Le gouverneur Cumming.
V. -
Caractère éclectique de la nouvelle religion. -
Théogonie des mormons. - La terre soumise aux mêmes
purifications que l’homme. - Age d’or de mille ans. -
Doctrine des mormons sur le jugement universel et les degrés
divers de rémunération. - Hiérarchie religieuse.
- Unanimité des suffrages religieux et politiques. -
Initiation de l’Endowment House. Réfutation des
calomnies débitées à ce sujet.
VI. - De
la polygamie ou mariage patriarcal. - Véritable caractère
de cette institution. - Formalités de ce mariage. - Ménages
polygames. - Promulgation de la loi sur la polygamie. - MM. de
Gasparin et Remy.
VII. -
L’immigration. - Caisse du fonds perpétuel. -
Organisation des compagnies. - Corral. - Aspect des prairies. -
Bisons. - Rencontre avec les Sioux. - Détails sur les Indiens.
- Miracle de courage.
VIII. -
Utopies socialistes. Notions sociales des mormons. - Loi de la
consécration. Loi de la dîme. - Lois civiles et
criminelles. - Toute-puissance morale de Brigham Young.
IX. -
Épisodes de mon séjour à la ville du Lac Salé.
- Je suis appelé à la direction de la mission
française. Principaux incidents de mon retour en Europe. -
Situation des succursales de Suisse et de France.
X. -
Conjectures des principaux publicistes français sur l’avenir
politiques des mormons. - Cataclysme américain. - Résumé.
- Conclusion.
Commentaire
de l'éditeur :
« Plusieurs
expositions ou apologies du mormonisme ont déjà paru en
Amérique, en Angleterre et dans d’autres pays. Mais
l’ouvrage que nous publions aujourd’hui est le premier
livre français, émanant d’un de nos compatriotes,
adepte fervent de la foi nouvelle. Aucun des écrivains qui ont
parlé chez nous des mormons n’était placé
dans une condition semblable pour rendre compte de ce qui se passe
chez eux ; presque tous avaient emprunté leurs
renseignements à des transfuges, ou à des ennemis
déclarés des disciples de Joseph Smith. Il peut donc
être intéressant et même utile d’entendre
sur ce sujet la voix d’un homme convaincu, et d’admettre,
ne fût-ce qu’à titre de curiosité, le
témoignage naïf d’un croyant. L’auteur de ces
Mémoires a vécu plusieurs années parmi ses
coreligionnaires ; il a été le témoin
oculaire d’une partie des événements qu’il
raconte, et quelque jugement qu’on porte sur ses convictions
religieuses et politiques, on ne saurait refuser à son récit
un caractère marqué de candeur et de loyauté.
Nous faisons donc appel en sa faveur à l’attention
impartiale du public français. C’est ici le cas
d’appliquer le principe sacré de la libre défense
des accusés, et d’accorder au moins une fois la parole à
un mormon, pour qu’il nous expose à son point de vue des
faits qui ne nous étaient connus jusqu’ici que par des
appréciations railleuses et hostiles. »
12. Rencontre
avec Victor Hugo
En 1852, Victor Hugo, en exil, arrive à
Jersey. À l'époque, le siège de la mission
française de l'Église de Jésus-Christ des saints
des derniers jours est à Jersey et Louis Bertrand est
conseiller du président de mission, Andrew L. Lamoreaux.
Pendant un séjour à Jersey, Louis Bertrand rend visite
à Victor Hugo et aux autres réfugiés. Ceux-ci
semblent l'écouter avec attention, mais être trop
préoccupés par les questions politiques et la
révolution à venir pour penser à l'Évangile
de Jésus-Christ (Christian Euvrard, Louis
Auguste Bertrand (1808-1875), journaliste socialiste et pionnier
mormon, ISBN 2-9523565-0-5, chapitre
XIII : « Rencontre avec Victor Hugo à
Jersey », p. 193-208). Cependant, Victor Hugo réside
à Jersey durant une période où l'Église rétablie
connaît un réel succès (le 24 Juillet 1853, une
conférence tenue à Saint-Hélier, à
Jersey, réunit 337 membres de l'Église dont 48 de France, les autres des
îles Anglo-normandes) et les dimensions de l'île
favorisent le contact entre ses habitants. Ce contact avec les
saints laissera quelques traces dans l'oeuvre de Victor Hugo. C'est
à l'époque de son séjour à Jersey qu'il
écrit :
« Pour
les Anglais, je suis shocking, excentric, improper. Je mets ma
cravate sans correction. Je me fais raser chez le barbier du coin, ce
qui, au XVIIe siècle, à Valladolid, m'eût donné
l'air d'un grand d'Espagne et, au XIXe, en Angleterre, me donne l'air
d'un workman (travailleur, ce qui est le plus méprisé
en Angleterre) ; je heurte le cant ; j'attaque la peine
mort, ce qui n'est pas respectable. Je dis 'Monsieur' à un
lord, ce qui est impie ; je ne suis point catholique, point
anglican, point luthérien, point calviniste, point juif, point
méthodiste, point wesleyen, point mormon : donc athée.
De plus, Français, ce qui est odieux ; républicain,
ce qui est abominable ; proscrit, ce qui est repoussant ;
vaincu, ce qui est infâme ; poète, pour couronner
la chose. De là, peu de popularité... »
(Alain Decaux, Victor Hugo, Librairie académique
Perrin, Paris, 1984, p. 855).
Dans son
poème sur Dieu où il fait l'énumération
des images de Dieu où il ne le reconnaît point, Victor
Hugo écrit :
« Est-ce
du Dieu qu'on voit à Versailles monter
Aux
carrosses du roi, bien né, suivant les modes,
Rendant
aux Montespans les Bossuets commodes,
Dieu de
cour, Dieu de ville, avec soin expurgé
De toute
humeur brutale et de tout préjugé ;
...
Ou
parles-tu du Dieu jugeur ? rare lubie !
Dieu
chancelier, portant perruque in folio,
Vidant le
procès Homme et l'Être imbroglio !
Dieu
président, siégeant dans l'univers grand'chambre,
Jugeant
l'âme, et baillant, sous un ciel de décembre,
Entre
l'avocat ange et l'avocat démon ?
Dis,
est-ce le Dieu guèbre, est-ce le Dieu mormon
Qu'il te
faut ? Ou le Dieu qui fit rouer Labarre ?
(Victor
Hugo, Dieu, Oeuvres complètes, Ed. Rencontre, Lausanne,
1968, vol. 25, p. 226-227).
Sources
et bibliographie :
•
Louis
Bertrand, Mémoires
d'un mormon
(Collection Hetzel, E. Dentu, libraire, Palais Royal, Paris, 1862)
•
Richard
D. McClellan, Louis
A. Bertrand, One
of the most singular and romantic figures of the age,
mémoire, Brigham Young University, juillet 2000
•
Bernadette
Rigal-Cellier, Être
Français dans une Église d'origine américaine :
Les mormons de France
(Université du Québec à Chicoutimi, 2000)
•
Christian
Euvrard, Louis
Auguste Bertrand (1808-1875), Journaliste socialiste et Pionnier
mormon,
mémoire de DEA, École Pratique des Hautes Études,
Section V, la Sorbonne, Paris, septembre 2001 ; édition
2005, ISBN 2952356505
Article
mis en ligne le 05/01/2008
Mise
à jour : 28/09/2019