JÉSUS LE CHRIST
James
E. Talmage (1862-1933)
Président
de l'université d'Utah de 1894 à 1897
Membre
du Collège des Douze de 1911 à 1933
Note
de la Rédaction : L'ouvrage de James E. Talmage,
JÉSUS LE CHRIST, a été édité
pour la première fois 1915. L'édition que nous vous
présentons est une révision de l'édition de 1965
traduite par Marcel et Paulette Kahne. Lorsque l'auteur cite les
Écritures modernes, nous en donnons autant que possible la
traduction de 1998.
Page
de titre
Préface
Avertissement
des traducteurs
Table
des matières
JÉSUS
LE CHRIST
Étude
sur le Messie et sa mission selon les saintes Écritures
anciennes et modernes
par
James E. Talmage, membre du Collège des douze apôtres de
l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours
PRÉFACE
La
page de titre exprime l'envergure du sujet présenté
dans cet ouvrage. Le lecteur pourra constater sans peine que l'auteur
s'est éloigné de la méthode ordinairement suivie
par les écrivains qui traitent de la vie de Jésus-Christ,
méthode qui consiste généralement à
commencer par la naissance de l'enfant de Marie et à terminer
au moment où le Seigneur mis à mort et ressuscité
monte au ciel depuis le mont des Oliviers. Outre l'histoire de la vie
du Seigneur dans la chair, le traité développé
dans ces pages comprend l'existence et les activités
pré-mortelles du Rédempteur du monde, les révélations
et les manifestations en personne du Fils de Dieu, glorifié et
exalté, au cours de la période apostolique de jadis et
dans les temps modernes ; cette histoire nous assure que le
second avènement du Seigneur est proche et nous rapporte les
événements prédits au-delà - tout cela
dans la mesure où les saintes Écritures le révèlent.
Il
est particulièrement opportun que l'Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours - la seule Église
qui se réclame d'une autorité fondée sur des
révélations bien déterminées et se
prétende habilitée à utiliser le saint nom du
Seigneur dans son intitulé - expose ses enseignements
concernant le Messie et sa mission.
L'auteur
de cet ouvrage a entrepris, avec grand plaisir, son travail à
la demande des autorités présidentes de l'Église ;
l'œuvre terminée a été lue à la
Première Présidence et au Conseil des Douze et
approuvée par eux. Elle représente cependant la foi
personnelle et la plus profonde conviction de l'auteur quant à
la vérité de ce qu'il a écrit. Le livre est
publié par l'Église de Jésus-Christ des saints
des derniers jours.
Un
trait caractéristique de l'ouvrage, ce sont les directives qui
ont été fournies par les Écritures modernes et
l'explication de l'Écriture sainte des temps anciens à
la lumière de la révélation moderne, qui, comme
un rayon puissant et bien dirigé, illumine beaucoup de
passages ténébreux de composition ancienne.
L'esprit
de sainteté inhérent au sujet a été le
compagnon constant de l'auteur pendant toute la durée de son
agréable travail, et il l'invoque respectueusement pour servir
les lecteurs de cet ouvrage.
Salt
Lake City, Utah
Septembre
1915
James
E. Talmage
PRÉFACE
À LA SIXIÈME ÉDITION ANGLAISE
La
deuxième édition de cet ouvrage a paru en décembre
1915, et la troisième en mars 1916. La troisième
édition présentait plusieurs corrections mineures de
formule et contenait des notes et des références
supplémentaires. Les éditions suivantes, y compris la
cinquième qui a été imprimée sur papier
bible, et l'édition actuelle sont pratiquement semblables à
la troisième.
Salt
Lake City, Utah
Octobre
1922
James
E. Talmage
AVERTISSEMENT
DES TRADUCTEURS
Dans
la traduction nous avons employé la nouvelle version Segond
révisée de la Bible (Bible à la Colombe,
1978). Cependant quand le sens de la version du roi Jacques, utilisée
par l'auteur, diffère de la version française, nous
avons traduit le texte anglais littéralement. Pour les
citations des Articles de Foi, nous avons utilisé l'édition
de 1962.
TABLE
DES MATIÈRES
1.
INTRODUCTION
Historicité
de Jésus le Christ. - Étendue et objectif du présent
traité.
2.
PRÉEXISTENCE ET PRÉORDINATION DU CHRIST
Existence
pré-mortelle des esprits. - Le conseil primitif des cieux. -
Révolte de Lucifer. - Sa défaite et son expulsion. - Le
libre arbitre de l'homme est assuré. - Le Fils bien-aimé
choisi comme Sauveur et Rédempteur de l'humanité.
3.
BESOIN D'UN RÉDEMPTEUR
Esprits
de capacités diverses. - L'introduction du péché
dans le monde est prédite. - La prescience de Dieu n'est pas
une cause déterminante. - Création de l'homme dans la
chair. - Chute de l'homme. - L'Expiation est nécessaire. -
Jésus-Christ, seul Être éligible comme Rédempteur
et Sauveur. - La résurrection universelle est prévue.
4.
DIVINITÉ PRÉMORTELLE DU CHRIST
La
Divinité - Jésus-Christ, Parole de la puissance. -
Jésus-Christ, le Créateur. - Jéhovah. -
L'Éternel, Je Suis. - Proclamations sur Jésus-Christ
par le Père.
5.
PRÉDICTION DE L'AVÈNEMENT TERRESTRE DU CHRIST
Prophéties
bibliques. - Révélation à Énoch. -
Prédiction du prophète par Moïse. - Les sacrifices
sont des préfigurations. Prédictions du Livre de
Mormon.
6.
LE MIDI DES TEMPS
Signification
de cette expression. - Sommaire de l'histoire d'Israël. - Les
juifs, vassaux de Rome. -Scribes et rabbis. - Pharisiens et
Sadducéens. - Autres confessions et partis.
7.
GABRIEL ANNONCE JEAN ET JÉSUS
Visitation
angélique à Zacharie. - Naissance de Jean le
précurseur. - Annonciation à Marie la Vierge. - Marie
et Joseph. - Leurs généalogies. - Jésus-Christ
héritier du trône de David.
8.
L'ENFANT DE BETHLÉHEM
Naissance
de Jésus-Christ. - Sa présentation au temple. - Visite
des mages. - Les desseins mauvais d'Hérode. - L'Enfant emmené
en Égypte. - La naissance du Christ révélée
aux Néphites. - Date de la naissance.
9.
LE JEUNE GARÇON DE NAZARETH
Jésus
sera appelé Nazaréen. - Au temple à l'âge
de douze ans. - Jésus et les docteurs de la loi. - Jésus
de Nazareth.
10.
DANS LE DÉSERT DE JUDÉE
Jean-Baptiste.
- La voix dans le désert. - Baptême de Jésus. -
Proclamation du Père. - Descente du Saint-Esprit. - Le signe
de la colombe. - Tentation du Christ.
11.
DE JUDÉE EN GALILÉE
Témoignage
de Jean-Baptiste sur le Christ. - Premiers disciples. - Le Fils de
l'homme, signification du titre. - Le miracle de la transformation de
l'eau en vin. - Les miracles en général.
12.
PREMIERS INCIDENTS DU MINISTÈRE PUBLIC DE NOTRE SEIGNEUR
Première
purification du temple. - Jésus et Nicodème. - Les
disciples de Jean-Baptiste en conflit. - Jean fait l'éloge du
Christ et répète son témoignage à son
sujet.
13.
HONORÉ DES ÉTRANGERS, REJETÉ DES SIENS
Jésus
et la Samaritaine. - Parmi les Samaritains. - Pendant qu'il est à
Cana, le Christ guérit le fils d'un noble à Capernaüm.
- À Nazareth, le Christ prêche à la synagogue. -
Les Nazaréens essaient de le tuer. - Démons soumis à
Capernaüm. - Possession par les démons.
14.
SUITE DU MINISTÈRE DE NOTRE SEIGNEUR EN GALILÉE
Guérison
d'un lépreux. - La lèpre. - Un paralytique guéri
et pardonné. - Accusation de blasphème. - Les
publicains et les pécheurs. - Les vieux vêtements, les
vieilles outres et les nouvelles. - Appel préliminaire de
disciples. - Pêcheurs d'hommes.
15.
SEIGNEUR DU SABBAT
Le
sabbat tout particulièrement sacré pour Israël. -
Un invalide guéri le jour du sabbat. - Accusation des Juifs et
réponse du Seigneur. - Des disciples accusés
d'enfreindre le sabbat. - Guérison d'un homme à la main
sèche le jour du sabbat.
16.
LE CHOIX DES DOUZE
Leur
appel et leur ordination. - Les Douze examinés l'un après
l'autre. - Leurs caractéristiques en général. -
Disciples et apôtres.
17.
LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Les
béatitudes. - Dignité et responsabilité dans le
ministère. - La loi mosaïque remplacée par
L'Évangile du Christ. - La sincérité
d'intentions. - L'oraison dominicale. - La véritable richesse.
- Promesse et nouvelle assurance. - Écouter et agir.
18.
AVEC AUTORITÉ
Guérison
du serviteur du centurion. - Résurrection du jeune homme de
Naïn. - Message de Jean-Baptiste à Jésus. -
Commentaires du Seigneur à ce sujet. - Mort de Jean-Baptiste.
- Jésus dans la maison de Simon le Pharisien. - Une femme
pénitente pardonnée. - L'autorité du Christ
attribuée à Béelzébul. - Le péché
contre le Saint-Esprit. - Ceux qui cherchent un signe.
19.
« IL LEUR PARLA EN PARABOLES SUR BEAUCOUP DE CHOSES »
Le
semeur. - Le blé et l'ivraie. - La semence qui grandit en
secret. - Le grain de sénevé. - Le levain - Le trésor
caché. - La perle de grand prix. - Le filet de l'Évangile.
- La raison pour laquelle le Seigneur enseigne par paraboles. - Les
paraboles en général.
20.
« SILENCE ! TAIS-TOI ! »
Candidats
disciples. - Jésus calme la tempête. - Il apaise les
démons dans la région de Gadara. - Résurrection
de la fille de Jaïrus. - Rendre à la vie et ressusciter.
- Une femme guérie au milieu de la foule. - Les aveugles
voient et les muets parlent.
21.
LA MISSION APOSTOLIQUE ET LES ÉVÉNEMENTS QUI S'Y
RAPPORTENT
Jésus
retourne à Nazareth. Les Douze chargés de mission et
envoyés. - Leur retour. - Première multiplication des
pains. - Le miracle de la marche sur l'eau. - Les gens cherchent le
Christ pour avoir encore du pain et des poissons. - Le Christ, pain
de vie. - Beaucoup de disciples se détournent de lui.
22.
UNE PÉRIODE D'OPPOSITION CROISSANTE
Ablutions
cérémonielles. - Les Pharisiens réprimandés.
- Jésus sur le territoire de Tyr et de Sidon. - Guérison
de la fille d'une Syro-phénicienne. - Miracles accomplis sur
les côtes de la Décapole. - Deuxième
multiplication des pains. - Encore des chercheurs de signes. - Le
levain des Pharisiens, des Sadducéens et des Hérodiens.
- La grande confession de Pierre : « Tu es le
Christ ».
23.
LA TRANSFIGURATION
Visitation
de Moïse et d'Élie. - Le Père proclame de nouveau
le Fils. - Les apôtres reçoivent temporairement
l'interdiction de témoigner au sujet de la Transfiguration. -
Élias et Élie. - La moindre prêtrise et la
prêtrise supérieure.
24.
DU SOLEIL À L'OMBRE
Un
jeune démoniaque guéri. - Autre prédiction de la
mort et de la résurrection du Christ. - L'argent du tribut
fourni par un miracle. - L'humilité illustrée par un
petit enfant. - Parabole de la brebis perdue. - Au nom du Christ. -
Mon frère et moi. - Parabole du serviteur impitoyable.
25.
JÉSUS DE RETOUR À JÉRUSALEM
Départ
de Galilée. - À la fête des Huttes. - Autre
accusation de profanation du sabbat. - L'eau vive pour ceux qui ont
spirituellement soif. - Plans pour arrêter Jésus. -
Nicodème proteste. - Une femme prise en flagrant délit
d'adultère. - Le Christ, lumière du monde. - La vérité
affranchira les hommes. - Le Christ plus ancien qu'Abraham. - La vue
rendue un jour de sabbat. - La cécité physique et
spirituelle. - Berger et gardien de troupeaux. Le Christ, le bon
berger. - Son pouvoir inhérent sur la vie et la mort. - Des
brebis d'une autre bergerie.
26.
LE MINISTÈRE DE NOTRE SEIGNEUR EN PÉRÉE ET EN
JUDÉE
Jésus
rejeté en Samarie. - Jacques et Jean réprimandés
pour leur désir de vengeance. - Les soixante-dix chargés
de mission et envoyés. - Leur retour. - Question d'un docteur
de la loi. - Parabole du bon Samaritain. - Marthe et Marie. -
Demandez et vous recevrez. - Parabole de l'ami à minuit. -
Critique contre les Pharisiens et les docteurs de la loi. - Parabole
du mauvais riche. - Ceux qui ne se repentent pas périront. -
Parabole du figuier stérile. Une femme guérie le jour
du sabbat. - Y en aura-t-il beaucoup ou peu qui seront sauvés ?
- Jésus averti du dessein d'Hérode.
27.
SUITE DU MINISTÈRE PÉRÉEN ET JUDÉEN
Chez
l'un des principaux Pharisiens. - Parabole du grand banquet. - Le
calcul des frais. - Le salut même pour les publicains et les
pécheurs. - Répétition de la parabole de la
brebis perdue. - De la drachme perdue. - Du fils prodigue. - Du
serviteur paresseux. - Du riche et de Lazare. - Des serviteurs
inutiles. - Guérison de dix lépreux. - Parabole du
Pharisien et du publicain. - Sur le mariage et le divorce. - Jésus
et les petits enfants. - Le jeune homme riche. - Les premiers peuvent
être les derniers et les derniers les premiers. - Parabole des
ouvriers de la vigne.
28.
LE DERNIER HIVER
À
la fête de la Dédicace. - Les brebis connaissent la voix
du berger. - Le Seigneur se retire en Pérée. - Lazare
ressuscité des morts. - La hiérarchie juive agitée
par le miracle. - Prophétie de Caïphe, le souverain
sacrificateur. - Jésus se retire en Éphraïm.
29.
EN ROUTE POUR JÉRUSALEM
Jésus
prédit de nouveau sa mort et sa résurrection. - Demande
ambitieuse de Jacques et de Jean. - Un aveugle retrouve la vue près
de Jéricho. - Zachée, chef des péagers. -
Parabole des mines. - Le souper dans la maison de Simon le lépreux.
- Hommage de Marie oignant Jésus. - Protestation de
l'Iscariot. - L'entrée triomphale du Christ à
Jérusalem. - Certains Grecs cherchent un entretien avec Jésus.
- La voix du ciel.
30.
JÉSUS RETOURNE QUOTIDIENNEMENT AU TEMPLE
Malédiction
d'un figuier feuillu mais stérile. - Deuxième
purification du temple. - Des enfants crient Hosanna. - L'autorité
du Christ mise en question par les dirigeants. - Parabole des deux
fils. - De mauvais vignerons. - La pierre rejetée sera la
principale de l'angle. - Parabole des noces royales. - L'habit de
noce manque.
31.
FIN DU MINISTÈRE PUBLIC DE NOTRE SEIGNEUR
Conspiration
des Pharisiens et des Hérodiens. - César doit recevoir
son dû. - L'image sur la pièce de monnaie. - Les
Sadducéens et la résurrection. - Mariages, lévirat.
- Le grand commandement. - Jésus se fait questionneur. -
Dénonciation flétrissante des scribes et des Pharisiens
hypocrites. - Lamentation sur Jérusalem. - L'obole de la
veuve. - Le Christ quitte le temple pour la dernière fois. -
Prédiction de la destruction du temple.
32.
AUTRES ENSEIGNEMENTS AUX APÔTRES
Prophéties
relatives à la destruction de Jérusalem et à
l'avènement futur du Seigneur. - Veillez ! - Parabole des
dix vierges. - Des talents. - Le jugement inévitable. - Autre
prédiction précise de la mort imminente du Seigneur.
33.
LA DERNIÈRE CÈNE ET LA TRAHISON
Judas
Iscariot conspire avec les Juifs. - Préparation pour la
dernière Pâque du Seigneur. - La dernière cène
de Jésus avec les Douze. - Le traître est désigné.
- L'ordonnance du lavement des pieds. - Le sacrement de la Cène
du Seigneur. - Le traître sort dans la nuit. - Un discours
après la Cène. - La prière sacerdotale. -
L'agonie du Seigneur à Gethsémané. - La trahison
et l'arrestation.
34.
LE PROCÈS ET LA CONDAMNATION
Le
procès juif. - Le Christ devant Anne et Caïphe. - Le
jugement illégal pendant la nuit. - La session du matin. -
Faux témoins et condamnation injuste. - Pierre renie son
Seigneur. - Le Christ amené pour la première fois
devant Pilate. - Devant Hérode. Deuxième comparution
devant Pilate. - Pilate cède aux clameurs juives. - La
sentence de la crucifixion. - Suicide de Judas Iscariot.
35.
LA MORT ET L'ENSEVELISSEMENT
Sur
le chemin du Calvaire. - Le Seigneur s'adresse aux filles de
Jérusalem. - La crucifixion. - Événements qui se
déroulent entre la mort et l'ensevelissement du Seigneur. -
L'ensevelissement. - Le sépulcre gardé.
36.
DANS LE ROYAUME DES ESPRITS DÉSINCARNÉS
Réalité
de la mort du Seigneur. - État des esprits entre la mort et la
résurrection. - Le Sauveur parmi les morts. - L'Évangile
prêché aux esprits en prison.
37.
LA RÉSURRECTION ET L'ASCENSION
Le
Christ ressuscité. - Les femmes au sépulcre. -
Communications angéliques. - Le Seigneur ressuscité vu
par Marie-Madeleine. - Et par les autres femmes. - La conspiration du
mensonge par les prêtres. - Le Seigneur et deux disciples sur
la route d'Emmaüs. - Il apparaît à des disciples à
Jérusalem et il mange en leur présence. - Thomas
l'incrédule. - Le Seigneur apparaît aux apôtres au
lac de Tibériade. - Autres manifestations en Galilée. -
La dernière directive aux apôtres. - L'ascension.
38.
LE MINISTÈRE APOSTOLIQUE
Ordination
de Matthias à l'apostolat. - Le Saint-Esprit est donné
à la Pentecôte. - La prédication des apôtres.
- Emprisonnés et mis en liberté. - Recommandation de
Gamaliel au conseil. - Étienne, son martyre. - Saul de Tarse,
sa conversion. - Il devient Paul l'apôtre. - Le livre de Jean
le Révélateur. - Fin du ministère apostolique.
39.
LE MINISTÈRE DU CHRIST RESSUSCITÉ SUR LE CONTINENT
AMÉRICAIN
La
mort du Seigneur signalée par de grandes calamités sur
le continent américain. - On entend la voix du Seigneur
Jésus-Christ. - Ses visites aux Néphites. - Les douze
Néphites. - Le baptême parmi les Néphites. -
Accomplissement de la loi de Moïse. - Le discours aux Néphites
comparé au sermon sur la montagne. - Le sacrement du pain et
du vin institué parmi les Néphites. - Nom de l'Église
du Christ. - Les trois Néphites. - Croissance de l'Église.
- Apostasie finale de la nation néphite.
40.
LA LONGUE NUIT DE L'APOSTASIE
La
grande apostasie prédite. - Apostasie individuelle depuis
l'Église. - Apostasie de l'Église. - Constantin fait du
christianisme la religion d'État. - Prétentions papales
à l'autorité séculière. - La tyrannie de
l'Église. - L'âge des ténèbres. - La
révolte inévitable. - La Réforme. - Naissance de
l'Église anglicane. - Le catholicisme et le protestantisme. -
Affirmation de l'apostasie. - La mission de Colomb et des Pères
Pèlerins prédite dans les Écritures anciennes. -
Accomplissement des prophéties. - L'établissement de la
nation américaine prévu.
41.
MANIFESTATIONS PERSONNELLES DE DIEU, LE PÈRE ÉTERNEL,
ET DE SON FILS, JÉSUS-CHRIST, DANS LES TEMPS MODERNES
Une
nouvelle dispensation de l'Évangile. - La perplexité de
Joseph Smith à propos des luttes des Églises. - Le Père
éternel et son Fils Jésus-Christ apparaissent à
Joseph Smith et l'instruisent personnellement. - Les apparitions de
Moroni. - Le Livre de Mormon. - Rétablissement de la Prêtrise
d'Aaron par Jean-Baptiste, - Rétablissement de la Prêtrise
de Melchisédek par Pierre, Jacques et Jean. - L'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours. -
Manifestations divines dans le temple de Kirtland. - Apparition du
Seigneur Jésus-Christ. - L'autorité appropriée
des anciennes dispensations de l'Évangile conférée
par Moïse, Élias et Élie. - La sainte prêtrise
opère maintenant sur la terre.
42.
JÉSUS LE CHRIST REVIENDRA
Prédictions
anciennes du second avènement du Seigneur. - La révélation
moderne affirme la même chose. - Aujourd'hui et demain. - Le
jour grand et redoutable est proche. - Le royaume de Dieu et le
royaume des cieux. - Le millénium. - La fin céleste.
CHAPITRE
1 : INTRODUCTION
C'est
un fait historique que, au commencement ou vers le commencement de ce
que l'on a appelé, depuis, l'ère chrétienne,
l'homme Jésus, surnommé le Christ, naquit à
Bethléhem en Judée [1]. Les données
principales de sa naissance, de sa vie et de sa mort sont tellement
bien attestées qu'il serait déraisonnable de les mettre
en doute ; ce sont des faits consignés par écrit,
que le monde civilisé en général accepte comme
essentiellement authentiques. Il y a, il est vrai, des diversités
d'interprétation provenant de ce que l'on a découvert
de prétendues divergences dans les documents du passé
sur des détails secondaires ; mais ces différences
sont d'une importance strictement mineure, car aucune d'elles ni leur
ensemble ne jette la moindre ombre de doute rationnel sur
l'historicité de l'existence terrestre de l'homme que l'on
appelle dans la littérature Jésus de Nazareth.
Quant
au point de savoir qui et ce qu'il était, des dissensions
profondes et importantes séparent les opinions des hommes ;
et ces divergences de conception et de foi sont les plus prononcées
dans les domaines les plus importants. Les témoignages
solennels de millions de morts et de millions de vivants s'accordent
pour le proclamer divin, Fils du Dieu vivant, Rédempteur et
Sauveur du genre humain, juge éternel des âmes des
hommes, l'Élu et l'Oint du Père - bref, le Christ. Il
en est d'autres qui nient sa divinité tout en exaltant ses
qualités humaines sans pareilles.
Pour
l'historien, cet homme d'entre les hommes se tient premier, sublime
et seul : personnalité directrice dans le progrès
du monde. Jamais l'humanité n'a produit de chef de son
envergure. Si on le considère exclusivement comme personnage
historique, il est unique. Estimé à l'étalon du
jugement humain, Jésus de Nazareth est suprême parmi les
hommes en raison de l'excellence de sa personnalité, de la
simplicité, de la beauté et de la valeur réelle
de ses préceptes, ainsi que de l'influence de son exemple et
de ses enseignements sur le progrès du genre humain. À
ces caractéristiques distinctives d'une grandeur sublime,
l'âme chrétienne pieuse ajoute un attribut qui surpasse
de loin la somme de tous les autres : la divinité de
l'origine du Christ et la réalité éternelle de
son état de Seigneur et de Dieu.
L'incroyant
et le chrétien reconnaissent sa suprématie comme homme
et respectent l'importance historique de sa naissance. Le Christ
naquit au midi des temps [2] et sa vie sur la terre marqua
immédiatement le point culminant du passé et
l'inauguration d'une ère qui allait se distinguer par
l'espoir, l'effort et les réalisations humaines. Son avènement
détermina un nouvel ordre dans le calcul des années ;
et par consentement commun, les siècles qui ont précédé
sa naissance ont été comptés en rétrogradant
à partir de l'événement pivot et sont désignés
en conséquence. L'accession des dynasties au pouvoir et leur
chute, la naissance et la dissolution des nations, tous les cycles de
l'histoire : guerres et paix, prospérité et
adversité, santé et épidémies, périodes
d'abondance et de famine, tremblements de terre et tempêtes
terribles, triomphes de l'invention et de la découverte, les
importantes périodes où l'homme a progressé vers
le divin et les longues périodes où il est tombé
dans l'incroyance - tous les événements qui font
l'histoire - sont enregistrés dans toute la chrétienté
par rapport à l'année précédant ou
suivant la naissance de Jésus-Christ.
Sa
vie terrestre couvrit une période de trente-trois ans ;
et il n'en passa que trois comme maître reconnu ouvertement
engagé dans les activités du ministère public.
Il subit une mort violente avant de parvenir à ce que nous
considérons maintenant comme la force de l'âge. Peu le
connurent personnellement, et sa célébrité de
personnage mondial ne devint générale qu'après
sa mort.
Un
bref récit de quelques-unes de ses paroles et de ses oeuvres
nous a été conservé ; et ce document,
quelque fragmentaire et incomplet qu'il soit, est estimé à
bon droit comme le plus grand trésor du monde. L'histoire la
plus ancienne et la plus étendue de son existence mortelle se
trouve dans la compilation des Écritures que l'on appelle le
Nouveau Testament ; en effet les historiens laïques de son
temps ne disent pas grand-chose de lui. Mais si peu nombreuses et si
brèves que soient les allusions que font sur lui les écrivains
non scripturaires de l'époque qui suivit immédiatement
celle de son ministère, on en trouve suffisamment pour
confirmer le document sacré en ce qui concerne la réalité
et la période de l'existence terrestre du Christ.
Aucune
biographie adéquate de Jésus enfant ou homme n'a été
ni ne peut être écrite, pour la bonne raison que nous
n'avons pas toutes les données. Néanmoins il n'a jamais
vécu d'homme à propos duquel on ait parlé et
chanté davantage, à qui une plus grande proportion de
la littérature du monde ait été consacrée.
Il est exalté par les chrétiens, les musulmans et les
juifs, par les sceptiques et les infidèles, par les plus
grands poètes, philosophes, hommes d'État, savants et
historiens du monde. Même le pécheur impie acclame, dans
le sacrilège misérable de son juron, la suprématie
divine de celui dont il profane le nom.
Le
but du présent traité est d'examiner la vie et la
mission de Jésus en sa qualité de Christ. Dans cette
entreprise nous serons guidés par la lumière des
Écritures anciennes et modernes ; et ainsi conduits, nous
découvrirons, dès les premiers stades de notre
itinéraire, que la parole de Dieu révélée
à notre époque éclaire d'une manière
efficace les Écritures saintes des temps anciens, et ce, dans
beaucoup de domaines du plus profond intérêt [3].
Au
lieu de commencer notre étude par la naissance terrestre du
saint Enfant de Bethléhem, nous allons examiner le rôle
que joua le Premier-Né de Dieu dans les conseils primitifs des
cieux, à l'époque où il fut élu et
ordonné Sauveur de la race à naître des mortels,
Rédempteur d'un monde qui était alors dans les stades
formatifs de son développement. Nous allons l'étudier
en ses qualités de Créateur du monde, Parole de la
Puissance par l'intermédiaire de laquelle les objectifs du
Père éternel furent réalisés dans la
préparation de la terre pour servir de demeure à ses
myriades d'enfants spirituels au cours de la période désignée
pour l'épreuve mortelle. Jésus-Christ était et
est Jéhovah, le Dieu d'Adam et de Noé, le Dieu
d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu d'Israël, le Dieu au nom
duquel les prophètes de tous les temps ont parlé, le
Dieu de toutes les nations et celui qui régnera sur la terre
comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
Sa
naissance étonnante, et cependant naturelle, sa vie immaculée
dans la chair et sa mort volontaire, sacrifice consacré pour
les péchés de l'humanité, réclameront
notre respectueuse attention, de même que le service rédempteur
qu'il a rendu au monde des esprits désincarnés, sa
résurrection littérale de la mort corporelle à
l'immortalité, ses diverses apparitions aux hommes sur deux
continents et son ministère constant en tant que Seigneur
ressuscité, le rétablissement de son Église
grâce à sa présence personnelle et à celle
du Père éternel dans les derniers jours (« les
derniers jours », expression scripturale ; voir Actes
2:17 ; 2 Tim. 3:1 ; 2 P. 3:3, ndlr), et son
apparition dans son temple à notre époque. Tous ces
événements du ministère du Christ sont déjà
du passé. Les recherches que nous nous proposons de faire nous
conduiront encore plus loin, dans l'avenir sur lequel les écrits
nous donnent la parole de la révélation divine. Nous
examinerons les conditions qui régneront lors du retour du
Seigneur en puissance et en gloire pour inaugurer la domination du
royaume des cieux sur la terre, et pour introduire le millénium
de paix et de justice qui a été prédit. Et nous
le suivrons plus loin encore, à travers le conflit
post-millénaire entre les puissances du ciel et les puissances
de l'enfer, jusqu'à la fin de sa victoire sur Satan, le péché
et la mort, au moment où il présentera la terre
glorifiée et ses armées sanctifiées, sans tache
et célestialisées au Père.
L'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours affirme qu'elle
possède l'autorité divine d'utiliser le nom sacré,
Jésus-Christ, comme partie essentielle de son intitulé.
Étant donné cette prétention sublime, il est
pertinent de demander quel message spécial ou particulier
l'Église a pour le monde à propos du Rédempteur
et du Sauveur du genre humain, et ce qu'elle peut dire pour justifier
son affirmation solennelle, ou pour prouver son nom et son titre. À
mesure que nous progresserons dans notre étude, nous verrons
que l'on trouve, parmi les enseignements particuliers de l'Église
concernant le Christ, ce qui suit :
1)
Sa mission est constante et identique à toutes les époques :
cela implique nécessairement sa préexistence et sa
préordination ; 2) il était Dieu dans sa vie
prémortelle ; 3) sa naissance dans la chair fut le
résultat naturel de l'union d'un être divin et d'un être
mortel ; 4) il mourut et ressuscita littéralement,
événement dont le résultat est que le pouvoir de
la mort sera finalement vaincu ; 5) l'expiation qu'il accomplit
fut littérale et indique que si l'individu veut parvenir au
salut, il est absolument nécessaire qu'il se soumette aux lois
et aux ordonnances de son Évangile ; 6) sa prêtrise
a été rétablie ainsi que son Église à
notre époque ; 7) il reviendra assurément sur la
terre dans un proche avenir, en puissance et avec grande gloire,
régner en personne dans son corps comme Seigneur et Roi.
[1]
Pour l'année où le Christ est né, voir chapitre
8.
[2]
Voir chapitre 6.
[3]
La sainte Bible, le Livre de Mormon, Doctrine et Alliances et la
Perle de grand prix constituent les ouvrages canoniques de l'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Nous les
citerons au même titre comme Écritures dans les pages
suivantes, car c'est ce qu'ils sont.
CHAPITRE
2 : PRÉ-EXISTENCE ET PRÉ-ORDINATION DU CHRIST
Nous
affirmons, en vertu des saintes Écritures, que l'être
qui est connu parmi les hommes sous le nom de Jésus de
Nazareth, et par tous ceux qui reconnaissent sa divinité comme
Jésus-Christ, existait avec le Père avant sa naissance
dans la chair ; et que dans l'état pré-existant il
fut choisi et ordonné pour être le seul et unique
Sauveur et Rédempteur du genre humain. Pour qu'il y ait
pré-ordination, la condition essentielle est qu'il y ait
préexistence ; c'est pourquoi les Écritures qui se
rapportent à l'une se rapportent également à
l'autre ; en conséquence, dans notre présentation
nous n'essayerons pas de séparer les preuves qui s'appliquent
à la préexistence du Christ ou à sa
pré-ordination.
Jean,
le Révélateur, contempla en vision certaines des scènes
qui s'étaient produites dans le monde spirituel avant le
commencement de l'histoire humaine. Il vit des luttes et des
querelles entre la loyauté et la révolte, les armées
qui défendaient la première conduites par Michel,
l'archange, et les forces rebelles gouvernées par Satan, que
l'on appelle également le diable, le serpent et le dragon.
Nous lisons : « Il y eut une guerre dans le ciel.
Michel et ses anges combattirent le dragon. Le dragon combattit, lui
et ses anges. » [1]
Dans
ce combat entre armées non incarnées, les forces
étaient inégalement réparties ; Satan
n'attira sous sa bannière que le tiers des enfants de Dieu,
qui sont symbolisés par le titre les « étoiles
du ciel » [2] ; la majorité combattit
avec Michel, ou du moins s'abstint de toute opposition active,
accomplissant ainsi l'objectif de leur « premier état » ;
tandis que les anges qui se rangeaient aux côtés de
Satan « ne gardèrent pas leur premier état » [3]
et se disqualifièrent ainsi pour obtenir des possibilités
glorieuses d'un état avancé ou « second
état » [4]. La victoire sourit à Michel
et à ses anges ; et Satan ou Lucifer, qui était
jusqu'alors un « fils du matin », fut chassé
du ciel, oui, « il fut précipité sur la
terre, et ses anges furent précipités avec lui » [5].
Le prophète Ésaïe, à qui ces événements
capitaux avaient été révélés
quelque huit siècles avant l'époque des écrits
de Jean, se lamente en une douleur inspirée sur la chute d'un
être si grand et indique que la cause en fut l'ambition
égoïste : « Quoi donc ! tu es tombé
du ciel, (Astre) brillant, fils de l'aurore ! Tu es abattu à
terre, toi le dompteur des nations ! Tu disais en ton cœur :
je monterai au ciel, j'élèverai mon trône
au-dessus des étoiles de Dieu, je siégerai sur la
montagne de la Rencontre (des dieux) au plus profond du nord ;
je monterai sur le sommet des nues, je serai semblable au Très-Haut.
Mais tu as été précipité dans le séjour
des morts au plus profond d'une fosse [6] »
On
verra pourquoi nous citons ces Écritures dans le cadre de
notre présente étude, si l'on examine la cause de cette
grande lutte : la situation qui amena cette guerre dans les
cieux. D'après les paroles d'Ésaïe, il est clair
que Lucifer, qui possédait déjà un rang exalté,
chercha à s'agrandir sans tenir compte des droits et de la
liberté des autres. Le problème est présenté,
en des termes sur lesquels nul ne peut se méprendre, dans une
révélation donnée à Moïse et répétée
par l'intermédiaire du premier prophète de notre
époque : « Et moi, le Seigneur Dieu, je parlai
à Moïse, disant : Ce Satan que tu as commandé
au nom de mon Fils unique, est celui-là même qui était
dès le commencement, et il vint devant moi disant : Me
voici, envoie-moi, je serai ton fils et je rachèterai toute
l'humanité, de sorte que pas une âme ne sera perdue, et
je le ferai certainement ; c'est pourquoi donne-moi ton honneur.
Mais, voici, mon Fils bien-aimé, qui était mon
Bien-aimé et mon Élu depuis le commencement, me dit :
Père, que ta volonté soit faite, et que la gloire
t'appartienne à jamais. C'est pourquoi, parce que Satan
s'était révolté contre moi, qu'il avait cherché
à détruire le libre arbitre de l'homme, que moi, le
Seigneur Dieu, je lui avais donné, et aussi parce qu'il
voulait que je lui donne mon pouvoir, par le pouvoir de mon Fils
unique, je le fis précipiter du ciel ; et il devint
Satan, oui, à savoir le diable, le père de tous les
mensonges, pour tromper et aveugler les hommes, et mener captifs à
sa volonté tous ceux qui ne voudraient pas écouter ma
voix. » [7]
Nous
voyons ainsi qu'avant que l'homme ne soit placé sur la terre,
combien de temps avant, nous ne le savons pas, le Christ et Satan, en
même temps que les armées des enfants spirituels de
Dieu, existaient en tant qu'individus intelligents [8],
possédant la faculté et le pouvoir de choisir la voie
qu'ils poursuivraient et les dirigeants qu'ils se donneraient et
auxquels ils obéiraient [9]. Il ne fait pas de doute que,
dans cette grande assemblée d'intelligences spirituelles, on
discuta du plan du Père selon lequel ses enfants devaient être
avancés à leur deuxième état. La
possibilité qui fut ainsi placée à la portée
des esprits qui devaient avoir l'avantage de prendre un corps sur la
terre était si transcendantalement glorieuse que ces
multitudes célestes éclatèrent en chants
d'allégresse et poussèrent des cris de joie [10].
Le
plan dictatorial de Satan, aux termes duquel tous seraient amenés
sains et saufs à travers la vallée de la mortalité,
privés de la liberté d'agir et du libre arbitre de
choisir, tellement limités qu'ils seraient obligés de
faire le bien - qu'aucune âme ne serait perdue - fut rejeté ;
et l'humble offre de Jésus, le Premier-Né, d'assumer la
mortalité et de vivre parmi les hommes pour être leur
Exemple et leur Maître, respectant la sainteté du libre
arbitre de l'homme mais enseignant aux hommes à utiliser
correctement cet héritage divin, fut accepté. Cette
décision amena la guerre, qui eut pour résultat la
défaite de Satan et de ses anges, lesquels furent chassés
et privés des avantages sans limites afférents à
l'état mortel ou deuxième état.
L'être
qui naquit plus tard dans la chair, Fils de Marie, Jésus, joua
un rôle important dans cet auguste conseil des anges et des
Dieux, et c'est là qu'il fut ordonné par le Père
pour être le Sauveur de l'humanité. Du point de vue du
temps, le terme étant utilisé dans le sens de toute la
durée du passé, c'est la première mention que
nous ayons de la présence du Premier-Né parmi les fils
de Dieu ; pour nous qui lisons, cela marque le début de
l'histoire écrite de Jésus le Christ [11].
Bien
que les Écritures de l'Ancien Testament abondent en promesses
que le Christ viendra réellement dans la chair, elles sont
moins claires au sujet de son existence pré-mortelle. Vivant
encore sous la loi et n'étant pas encore prêts à
recevoir l'Évangile, les enfants d'Israël considéraient
le Messie comme quelqu'un qui naîtrait dans le lignage
d'Abraham et de David, ayant le pouvoir de les libérer de
leurs fardeaux personnels et nationaux et de vaincre leurs ennemis.
En général le peuple ne se rendait que très
vaguement compte, à supposer qu'il pût même le
concevoir, que le Messie était bel et bien le Fils élu
de Dieu, qui était avec le Père depuis le commencement.
Être déjà revêtu de puissance et de gloire
dans son existence pré-mortelle ; et bien que la grande
vérité fût révélée [12]
à des prophètes spécialement commissionnés
dans les responsabilités et les droits de la sainte prêtrise,
ceux-ci la transmettaient au peuple plutôt dans le langage de
l'image et de la parabole qu'en des paroles claires et directes.
Néanmoins les témoignages des évangélistes
et des apôtres, l'attestation du Christ lui-même tandis
qu'il était dans la chair et les révélations
données à notre époque nous fournissent des
preuves scripturaires en suffisance.
Dans
les lignes introductrices de l'évangile de Jean, l'apôtre,
nous lisons : « Au commencement était la
Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était
Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été
fait par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été
fait sans elle... La Parole a été faite chair, et elle
a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ;
et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du
Fils unique venu du Père. » [13]
Ce
passage est simple, précis et sans équivoque. Nous
pouvons raisonnablement donner à l'expression « Au
commencement » la même signification qui y est
attachée dans la première ligne de la Genèse ;
et pareil sens doit indiquer une époque antérieure aux
stades les plus reculés de l'existence humaine sur la terre.
Le passage affirme clairement que la Parole est Jésus-Christ,
qui était avec le Père dans ce commencement et qui
était revêtu lui-même du pouvoir et du rang de la
Divinité, qu'il vint dans le monde et demeura parmi les
hommes. Ces déclarations sont confirmées par une
révélation donnée à Moïse dans
laquelle il lui fut permis de voir un grand nombre d'entre les
créations de Dieu et d'entendre la voix de Dieu commenter les
choses qui avaient été faites : « Et je
les ai créées par la parole de mon pouvoir, qui est mon
fils unique, lequel est plein de grâce et de vérité. » [14]
Jean
l'apôtre affirme à plusieurs reprises la préexistence
du Christ et son autorité et sa puissance dans l'état
prémortel [15]. Le témoignage de Paul [16] et
celui de Pierre sont formulés dans le même sens.
Instruisant les saints du fondement de leur foi, le dernier apôtre
nommé souligna qu'ils n'assureraient pas leur rédemption
par des choses corruptibles ni par l'observance extérieure de
rites prescrits par la tradition, « mais par le sang pré
cieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache ;
il a été désigné d'avance, avant la
fondation du monde, et manifesté à la fin des temps, à
cause de vous » [17].
Il
y a quelque chose de plus impressionnant et d'encore plus concluant :
les témoignages personnels du Sauveur sur sa vie pré-mortelle
et la mission dont il avait été chargé parmi les
hommes. Nul ne peut accepter que Jésus est le Messie et
rejeter logiquement ces preuves de sa nature éternelle. Un
jour que les Juifs se disputaient entre eux dans la synagogue et
murmuraient parce qu'ils ne parvenaient pas à comprendre
correctement ce qu'il disait sur lui-même, et en particulier ce
qui touchait sa parenté avec le Père, Jésus leur
dit : « car je suis descendu du ciel pour faire, non
ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. »
Poursuivant ensuite la leçon qu'il basait sur le contraste
entre la manne avec laquelle leurs pères avaient été
nourris dans le désert et le pain de vie qu'il avait à
offrir, il ajouta : « Moi, je suis le pain vivant
descendu du ciel », et il déclara encore :
« Le Père qui est vivant m'a envoyé. »
Un grand nombre de ses disciples furent incapables de comprendre ses
enseignements, et leurs plaintes lui arrachèrent les paroles :
« Cela vous scandalise ? Et si vous voyiez le Fils de
l'homme monter où il était auparavant ? » [18]
À
certains Juifs corrompus, enveloppés du manteau de l'orgueil
racial, qui se vantaient de descendre d'Abraham et qui cherchaient à
excuser leurs péchés en se servant mal à propos
du nom du grand patriarche, notre Seigneur proclama ainsi sa propre
prééminence : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût,
moi, je suis » [19]. Nous traiterons plus loin du
sens profond de cette remarque. Qu'il nous suffise pour les besoins
présents de considérer que cette Écriture est
une affirmation claire et nette de l'antériorité et de
la suprématie du Seigneur par rapport à Abraham. Mais
comme la naissance d'Abraham avait précédé celle
du Christ de plus de dix-neuf siècles, cette antériorité
devait se rapporter à un état d'existence précédant
celui de la mortalité.
Lorsque
le moment approcha où il devait être trahi, dans le
dernier entretien qu'il eut avec les apôtres avant son
expérience déchirante de Gethsémané,
Jésus les consola en disant : « Car le Père
lui-même vous aime, parce que vous m'avez aimé, et que
vous avez cru que je suis sorti d'auprès de Dieu. Je suis
sorti du Père et je suis venu dans le monde ; maintenant,
je quitte le monde et je vais vers le Père » [20].
En outre, lorsqu'il déversa son cœur en prières
pour ceux qui avaient été fidèles à leur
témoignage de sa mission messianique, il fit au Père
une invocation solennelle : « Or, la vie éternelle,
c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu
as envoyé, Jésus-Christ. Je t'ai glorifié sur la
terre ; j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donnée
à faire. Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès
de toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi,
avant que le monde fût. » [21]
Les
Écritures du Livre de Mormon prouvent en termes tout aussi
clairs que le Christ eut une existence pré-mortelle et qu'il
fut pré-ordonné à sa mission. Nous ne citerons
ici qu'une des nombreuses preuves que l'on y trouve. Un ancien
prophète, que le document appelle le frère de
Jared [22], implora un jour le Seigneur en une supplication
ardente : « Et le Seigneur lui dit : Crois-tu
aux paroles que je dirai ? Et il répondit : Oui,
Seigneur, je sais que tu dis la vérité, car tu es un
Dieu de vérité, et tu ne peux mentir. Et quand il eut
dit ces mots, voici, le Seigneur se montra à lui et dit :
Parce que tu sais ces choses, tu es racheté de la chute ;
c'est pourquoi tu es ramené en ma présence ; c'est
pourquoi, je me montre à toi. Voici, je suis celui qui fut
préparé depuis la fondation du monde pour racheter mon
peuple. Voici, je suis Jésus-Christ. Je suis le Père et
le Fils. En moi, toute l'humanité aura la lumière, et
cela éternellement, même ceux qui croiront en mon nom ;
et ils deviendront mes fils et mes filles. Et je ne me suis jamais
montré à l'homme que j'ai créé, car
jamais l'homme n'a cru en moi comme toi. Vois-tu que tu es créé
à mon image ? Oui, même tous les hommes furent
créés au commencement à ma propre image. Voici,
ce corps, que tu vois maintenant, est le corps de mon esprit ;
et j'ai créé l'homme selon le corps de mon esprit ;
et j'apparaîtrai à mon peuple dans la chair exactement
comme je t'apparais dans l'esprit » [23]. Les faits
principaux que cette Écriture atteste et qui portent
directement sur notre sujet actuel sont que le Christ se manifesta
tandis qu'il se trouvait encore dans son état prémortel
et qu'il déclara avoir été choisi pour être
le Rédempteur, avant la fondation du monde.
La
révélation qui nous a été transmise par
les prophètes de Dieu à notre époque abonde en
passages prouvant que le Christ fut désigné et ordonné
dans le monde originel ; et le contenu tout entier de Doctrine
et Alliances peut être cité comme témoin. Les
exemples suivants sont particulièrement opportuns. Dans une
révélation qu'il fit à Joseph Smith, le
prophète, en mai 1833, le Seigneur déclara qu'il était
celui qui était venu précédemment dans le monde
venant du Père, et dont Jean avait témoigné
qu'il était la Parole ; et il répète la
vérité solennelle que lui, Jésus-Christ, « était
au commencement, avant que le monde fût », et en
outre qu'il était le Rédempteur qui était « venu
dans le monde, parce que le monde avait été fait par
lui », et qu'en lui étaient la vie et la lumière
des hommes. On l'appelle encore le « Fils unique du Père,
plein de grâce et de vérité, savoir l'Esprit de
vérité qui vint demeurer dans la chair ». Au
cours de la même révélation, le Seigneur dit :
« Et maintenant, en vérité, je vous le dis,
j'étais au commencement avec le Père et je suis le
Premier-né » [24]. Selon ce qu'atteste le
prophète moderne, lors d'une précédente
occasion, l'un de ses compagnons et lui furent éclairés
par l'Esprit de telle sorte qu'ils furent à même de voir
et de comprendre les choses de Dieu. Il précise : « À
savoir ce qui était dès le commencement avant que le
monde fût, qui fut institué par le Père, par
l'intermédiaire de son Fils unique, qui était dès
le commencement dans le sein du Père, de qui nous rendons
témoignage ; et le témoignage que nous rendons est
la plénitude de l'Évangile de Jésus-Christ, qui
est le Fils, que nous avons vu et avec qui nous avons conversé
dans la vision céleste » [25].
Le
témoignage d'Écritures composées dans les deux
hémisphères, celui des documents anciens et modernes,
les paroles inspirées de prophètes et d'apôtres
et les paroles du Seigneur lui-même proclament d'une seule voix
la préexistence du Christ et son ordination comme Sauveur et
Rédempteur de l'humanité choisi au commencement, oui,
avant même la fondation du monde.
[1]
Ap 12:7, voir aussi versets 8 et 9.
[2]
Ap 12:4, voir aussi D&A 29:36-38 et 76:25-27.
[3]
Jude 6 (version du roi Jacques).
[4]
PGP, Abr 3:26.
[5]
Ap 12:9.
[6]
Es 14:12-15, comparer avec D&A 29:36-38 et 76:23-27.
[7]
PGP, Moïse 4:1-4, voir aussi Abr 3:27,28.
[8]
On trouvera une étude plus approfondie de la préexistence
des esprits dans les Articles de Foi, de l'auteur, p. 234-238.
[9]
Note 1, fin du chapitre.
[10]
Jb 38:7 (version du roi Jacques).
[11]
Note 2, fin du chapitre.
[12]
Ps 25:14 ; Am 3:7.
[13]
Jn 1:1-3,14 ; voir aussi 1 Jn 1:1, 5:7 ; Ap 19:13 ;
cf. D&A 93:1-17,21.
[14]
PGP, Moïse 1:32,33 ; voir aussi 2:5.
[15]
1 Jn 1:1-3, 2:13,14, 4:9 ; Ap 3:14.
[16]
2 Tm 1:9,10, Rm 16:25 ; Ep 1:4,3:9,11 ; Tt 1:2. Voir
surtout Rm 3:25.
[17]
1 P 1: 19,20.
[18]
Jn 6:38, 51, 57, 61, 62.
[19]
Jn 8:58 ; voir aussi 17:5,24 et comparer avec Ex 3:14.
[20]
Jn 16:27,28 ; voir aussi 13:3.
[21]
Jn 17:3-5 ; voir aussi versets 24,25.
[22]
Note 3, fin du chapitre.
[23]
LM, Eth 3:11-16. Voir aussi 1 Né 17:30, 19:7 ; 2 Né
9:5, 11:7, 25:12, 26:12 ; Mos 3:5, 4:2, 7:27, 13:34, 15: 1 ;
AI 11: 40 ; HéI 14:12 ; 3 Né 9:15.
[24]
D&A 93:1-17,21.
[25]
D&A 76:13,14.
NOTES
DU CHAPITRE 2
1.
Intelligences hiérarchisées dans l'état
prémortel : Une révélation divine à
Abraham montre très clairement que les esprits des hommes
existaient sous forme d'intelligences personnelles, à divers
degrés de capacité et de force, avant l'inauguration de
l'état mortel sur cette terre et même avant la création
du monde comme demeure pouvant convenir aux êtres humains :
« Or, le Seigneur m'avait montré, à moi,
Abraham, les intelligences qui furent organisées avant que le
monde fût ; et parmi toutes celles-là, il y en
avait beaucoup de nobles et de grandes ; et Dieu vit ces âmes,
il vit qu'elles étaient bonnes, et il se tint au milieu
d'elles et dit : De ceux-ci je ferai mes gouverneurs. Car il se
tint parmi ceux qui étaient esprits et il vit qu'ils étaient
bons ; et il me dit : Abraham, tu es l'un d'eux ; tu
fus choisi avant ta naissance » (PGP, Abraham 3:22,23).
Les
passages de la révélation qui suivent immédiatement
celui que nous venons de citer montrent que le Christ et Satan se
trouvaient parmi les intelligences exaltées, et que le Christ
fut choisi tandis que Satan fut rejeté, comme futur Sauveur de
l'humanité : « Il y en avait un parmi eux qui
était semblable à Dieu, et il dit à ceux qui
étaient avec lui : Nous descendrons, car il y a de
l'espace là-bas, nous prendrons de ces matériaux, et
nous ferons une terre sur laquelle ceux-ci pourront habiter ;
nous les mettrons ainsi à l'épreuve, pour voir s'ils
feront tout ce que le Seigneur, leur Dieu, leur commandera ;
ceux qui gardent leur premier état recevront davantage ;
ceux qui ne gardent pas leur premier état n'auront point de
gloire dans le même royaume que ceux qui gardent leur premier
état ; et ceux qui gardent leur second état
recevront plus de gloire sur leur tête pour toujours et à
jamais. Le Seigneur dit : Qui enverrai-je ? Un, qui était
semblable au Fils de l'Homme, répondit : Me voici,
envoie-moi. Et un autre répondit et dit : Me voici,
envoie-moi. Le Seigneur dit : J'enverrai le premier. Le second
fut irrité, et il ne conserva pas son premier état ;
et ce jour-là beaucoup d'autres le suivirent »
(versets 24-28).
2.
Le conseil primitif des cieux : « Le Livre de la
Genèse dit clairement que Dieu déclara : « Faisons
l'homme à notre image selon notre ressemblance » ;
une autre fois encore, lorsque Adam eut pris le fruit défendu,
le Seigneur dit : « Maintenant [ ... ] l'homme
est devenu comme l'un de nous » ; et on peut en
conclure directement que dans tout ce qui avait rapport à
l'œuvre de la création du monde il y a eu consultation ;
et bien que ce soit Dieu qui ait parlé comme la Bible le
rapporte, il est cependant évident qu'il consultait d'autres
personnages. Les Écritures nous disent qu'il y a « beaucoup
de dieux et beaucoup de seigneurs, néanmoins pour nous, il n'y
a qu'un seul Dieu, le Père » (1 Co 8:5). Et pour
cette raison, bien que d'autres personnes aient été
impliquées dans la création des mondes, celle-ci nous
est rapportée dans la Bible sous la forme où elle se
trouve ; car la plénitude de ces vérités
n'est révélée qu'à des personnes
hautement favorisées pour certaines raisons que Dieu connaît ;
comme les Écritures nous le disent : « La
pensée secrète de l'Éternel est pour ceux qui le
craignent, et (cela) pour leur faire connaître son alliance »
(Psaumes 25:14).
« Il
est logique de croire que dans ce conseil des cieux on examina comme
il se devait le plan qui devait être adopté à
propos des fils de Dieu qui étaient alors esprits et n'avaient
pas encore obtenu de tabernacles. Car à ce moment-là,
nous dit-on, à la perspective de la création du monde
et de son peuplement par des hommes pour leur permettre d'obtenir des
tabernacles, d'obéir dans ces tabernacles aux lois de la vie,
et d'être avec eux à nouveau exaltés parmi les
Dieux, « Ies étoiles du matin éclataient en
chants de triomphe, et [...] tous les fils de Dieu lançaient
des acclamations ». La question se posa alors de savoir
comment et selon quel principe le salut, l'exaltation et la gloire
éternelle des fils de Dieu seraient réalisés. Il
est évident que certains plans avaient été
proposés et discutés à ce conseil, et qu'après
une discussion complète de ces principes et la déclaration
de la volonté du Père relativement à son
dessein, Lucifer se présenta au Père avec un plan à
lui, disant : « Me voici, envoie-moi, je serai ton
fils et je rachèterai toute l'humanité, de sorte que
pas une âme ne sera perdue, et je le ferai certainement ;
c'est pourquoi donne-moi ton honneur. » Mais quand Jésus
entendit cette déclaration de Lucifer, il dit : « Père,
que ta volonté soit faite, et que la gloire t'appartienne à
jamais. » Nous déduisons naturellement, à
partir des remarques faites par le Fils bien-aimé, que dans la
discussion de ce sujet, le Père avait révélé
sa volonté et exposé son plan et son dessein, et tout
ce que son Fils bien-aimé voulait faire c'était mettre
à exécution la volonté de son Père,
laquelle, semble-t-il, avait été exprimée
précédemment. Il voulait aussi que la gloire en fût
donnée à son Père qui, en sa qualité de
Dieu le Père et d'auteur et de créateur du plan, avait
droit à tout l'honneur et à toute la gloire. Lucifer
voulait introduire un plan contraire à la volonté de
son Père, et voulait ensuite son honneur et dit : « Je
rachèterai toute l'humanité, de sorte que pas une âme
ne sera perdue, c'est pourquoi donne-moi ton honneur. » Il
voulait s'opposer à la volonté de son Père et
chercha présomptueusement à priver l'homme de son libre
arbitre, faisant de lui un serf, et le mettant ainsi dans une
position dans laquelle il lui serait impossible d'obtenir
l'exaltation que Dieu prévoyait pour l'homme, par l'obéissance
à la loi qu'il avait proposée ; en outre Lucifer
voulait l'honneur et la puissance de son Père, pour mettre à
exécution des principes qui étaient contraires au désir
du Père. » - John Taylor - Mediation and Atonement,
p. 93, 94.
3.
Les Jarédites : « Des deux nations dont
l'histoire constitue le Livre de Mormon, la première, dans
l'ordre chronologique, est le peuple de Jared, qui suivit son chef
depuis la tour de Babel à l'époque de la confusion des
langues. Son histoire fut écrite sur vingt-quatre plaques d'or
par Éther, le dernier de ses prophètes qui, prévoyant
la destruction de son peuple à cause de ses iniquités,
cacha les annales historiques. Celles-ci furent
retrouvées, [ultérieurement], vers 123 avant
Jésus-Christ, par une expédition envoyée par le
roi Limhi, un souverain néphite. Les annales gravées
sur ces plaques furent abrégées [par la suite] par
Moroni, et ce dernier annexa ensuite le récit condensé
aux annales du Livre de Mormon ; il apparaît dans la
traduction moderne sous le nom de Livre d'Éther.
« Le
premier et principal prophète des Jarédites n'est pas
mentionné par son nom dans les annales telles qu'elles ont été
transmises ; il est connu seulement sous le nom de frère
de Jared. Au sujet de son peuple, nous apprenons que, au milieu de la
confusion de Babel, Jared et son frère [prièrent
avec insistance] le Seigneur pour qu'il leur épargnât, à
eux, à leurs parents et à leurs amis, la dislocation
imminente. Leur prière fut entendue et le Seigneur les
conduisit avec un groupe important de personnes qui, comme
eux, [n'étaient pas touchées par la] corruption de
l'idolâtrie, loin de chez eux, promettant de les guider dans un
pays de choix, supérieur à tous les autres pays. Leur
itinéraire n'est pas donné avec exactitude, nous
apprenons seulement qu'ils atteignirent l'océan et qu'ils y
construisirent huit navires appelés barques, dans lesquels ils
s'engagèrent sur les eaux. Ces navires étaient petits
et sombres à l'intérieur ; mais le Seigneur rendit
certaines pierres lumineuses et celles-ci donnèrent de la
lumière aux voyageurs emprisonnés. Après une
navigation de trois cent quarante-quatre jours, la colonie débarqua
sur les rivages de l'Amérique du Nord, probablement à
un endroit situé au sud du golfe de Californie et au nord de
l'isthme de Panama.
« [Et
ils] devinrent une nation florissante ; mais cédant, avec
le temps, à des dissensions [intestines], ils se
divisèrent en factions, qui se firent la guerre entre elles
jusqu'à leur destruction totale. Cette destruction, qui eut
lieu près de la colline de Ramah, appelée plus tard
Cumorah par les Néphites, eut probablement lieu à
l'époque du débarquement de Léhi, vers 590 av.
J.-C. » - L'auteur, Articles de Foi, p. 322-323.
CHAPITRE
3 : LE BESOIN D'UN RÉDEMPTEUR
Jusqu'à
présent nous avons montré que le genre humain tout
entier existait sous forme d'êtres d'esprit dans le monde
primitif, et que cette terre fut créée afin de leur
permettre de connaître les expériences de la mortalité.
Alors qu'ils n'étaient que des esprits, ils étaient
dotés des facultés du libre arbitre ou du choix ;
et le plan divin prévoyait qu'ils naîtraient libres dans
la chair, héritiers du droit inaliénable par la
naissance de la liberté de choisir par eux-mêmes dans la
mortalité. Il est indéniable qu'il est essentiel à
la progression éternelle des enfants de Dieu qu'ils soient
soumis aux influences du bien et du mal, qu'ils soient mis à
l'épreuve, « pour voir s'ils feront tout ce que le
Seigneur, leur Dieu, leur commandera » [1]. Le libre
arbitre est un élément indispensable de cette mise à
l'épreuve.
Le
Père éternel comprenait très bien les natures
diverses et les capacités variées de ses enfants
d'esprit. Sa prescience infinie lui montrait clairement, dès
le début, que dans l'école de la vie certains de ses
enfants réussiraient et d'autres échoueraient ;
les uns seraient fidèles, les autres trahiraient ; les
uns choisiraient le bien, les autres le mal, les uns chercheraient le
chemin de la vie tandis que les autres décideraient de suivre
le chemin de la destruction. Il prévit en outre que la mort
entrerait dans le monde et que ses enfants ne posséderaient
leur corps personnel que pendant un temps très réduit.
Il vit que l'on désobéirait à ses commandements
et que l'on violerait sa loi ; et que les hommes, exclus de sa
présence et laissés à eux-mêmes,
s'enfonceraient plutôt qu'ils ne s'élèveraient,
reculeraient plutôt qu'ils n'avanceraient et seraient perdus
pour les cieux. Il était nécessaire qu'un moyen de
rédemption fût prévu, rédemption qui
permettrait à l'homme pécheur de faire amende honorable
et de parvenir, en se soumettant à la foi établie, au
salut et finalement à l'exaltation dans les mondes éternels.
Le pouvoir de la mort devait être vaincu, de sorte que, même
si les hommes devaient nécessairement mourir, ils vivraient de
nouveau, leur esprit revêtu d'un corps immortel sur lequel la
mort ne pourrait plus prévaloir.
Ne
permettons pas à l'ignorance et au manque de réflexion
de nous faire supposer erronément que la prescience du Père
de ce qui serait, dans des conditions données, allait
déterminer que ces choses devaient être. Il ne rentrait
pas dans ses desseins que les âmes des hommes fussent perdues ;
au contraire son oeuvre et sa gloire étaient de « réaliser
l'immortalité et la vie éternelle de l'homme » [2].
Néanmoins il vit le mal dans lequel ses enfants tomberaient
assurément ; et avec un amour et une miséricorde
éternels, il prévit les moyens de détourner les
effets terribles, à condition que le transgresseur décide
d'en profiter [3]. L'offre du Premier-Né d'établir
l'Évangile de salut par son ministère parmi les hommes
et de se sacrifier, par le travail, l'humiliation et la souffrance
jusqu'à la mort, fut acceptée et devint le plan
pré-ordonné grâce auquel l'homme serait racheté
de la mort, serait finalement sauvé des effets du péché
et pourrait être exalté par une vie d'activité et
de justice.
Conformément
au plan adopté dans le conseil des Dieux, l'homme fut créé
sous forme d'esprit incarné ; son tabernacle de chair fut
composé des éléments de la terre [4]. Il
reçut des commandements et des lois et fut libre d'obéir
ou de désobéir avec la stipulation juste et inévitable
qu'il bénéficierait ou souffrirait des résultats
naturels de son choix [5]. Adam, le premier homme [6] placé
sur la terre en exécution du plan établi, et Ève,
qui lui fut donnée comme épouse et partenaire
indispensable pour pouvoir s'acquitter de la mission dont il avait
été chargé, peupler la terre, désobéirent
aux commandements formels de Dieu et réalisèrent ainsi
la « chute de l'homme », par laquelle l'état
mortel, dont la mort est un élément essentiel,
commença [7]. Nous n'avons pas l'intention d'examiner ici
dans les détails la doctrine de la chute ; pour nos
besoins il nous suffit d'établir cet événement
capital et ses importantes conséquences [8]. La femme fut
trompée et, en violation directe du commandement, prit de la
nourriture qui avait été interdite ; il résulta
de cet acte que son corps dégénéra et devint
sujet à la mort. Adam se rendit compte de la différence
qui était intervenue entre sa femme et lui, et sachant dans
une certaine mesure ce qu'il faisait, la suivit, devenant ainsi
dégénéré comme elle. Remarquez à
ce propos les paroles de Paul l'apôtre : « Ce
n'est pas Adam qui a été séduit, c'est la femme
qui, séduite, s'est rendue coupable de transgression. » [9]
L'homme
et la femme étaient maintenant devenus mortels ; en
absorbant une nourriture qui ne convenait pas à leur nature et
à leur état et contre laquelle ils avaient été
clairement avertis, et comme résultat inévitable de
leur désobéissance à la loi et aux commandements
divins, ils devinrent sujets aux maladies physiques et aux faiblesses
corporelles dont l'humanité hérite naturellement depuis
ce temps-là [10]. Ces corps étaient maintenant
sujets à la dissolution finale ou à la mort. Le maître
tentateur qui trompa Ève par ses sophismes, ses demi-vérités
et ses mensonges infâmes, n'était autre que Satan, ou
Lucifer, ce « fils du matin » rebelle et déchu,
dont la proposition, qui impliquait la destruction de la liberté
de l'homme, avait été rejetée dans le conseil
des cieux et qui avait été « chassé
sur la terre » avec tous ses anges, sous la forme
d'esprits non incarnés, destinés à ne jamais
recevoir de corps à eux [11]. Rejeté du conseil,
battu par Michel et les armées célestes, expulsé
ignominieusement du ciel, Satan, par un acte de représailles
diabolique, se fixa pour but de détruire les corps dans
lesquels les esprits fidèles - ceux qui avaient conservé
leur premier état - naîtraient ; et la manœuvre
de tromperie à laquelle il se livra sur la personne d'Ève
n'était que le début de ce plan infernal.
La
mort est devenue l'héritage universel ; elle peut venir
chercher sa victime dans la tendre enfance ou la jeunesse, dans la
force de l'âge, ou son appel peut être différé
jusqu'à ce que les cheveux soient blanchis par les ans ;
elle peut se produire à la suite d'un accident ou d'une
maladie, par la violence ou, comme nous disons, à la suite de
causes naturelles ; mais elle doit venir, comme Satan le sait
bien ; et c'est cette connaissance qui fait son triomphe actuel
et temporaire. Mais les objectifs de Dieu sont, comme ils l'ont
toujours été et comme ils le seront toujours,
infiniment supérieurs aux desseins les plus profonds des
hommes ou des démons ; et les machinations sataniques
pour rendre la mort inévitable, perpétuelle et suprême
avaient été contrecarrées avant même que
le premier homme eût été créé dans
la chair. L'expiation qui devait être faite par Jésus-Christ
fut prévue pour vaincre la mort et fournir un moyen de payer
la rançon qui libérerait les hommes du pouvoir de
Satan.
Comme
le châtiment de la chute s'abattit sur le genre humain à
la suite de l'acte d'une seule personne, il serait manifestement
injuste et par conséquent impossible dans le cadre du plan
divin d'en faire subir les résultats à tous les hommes
sans prévoir leur délivrance [12]. En outre,
puisque le péché était entré dans le
monde et que la mort était devenue le lot de tous par la
transgression d'un seul homme, il est conforme à la raison que
l'expiation ainsi rendue nécessaire fût accomplie par un
seul homme [13]. « C'est pourquoi, de même que
par un seul homme le péché est entré dans le
monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort a
passé sur tous les hommes, parce que tous ont péché...
Ainsi donc, comme par une seule faute la condamnation s'étend
à tous les hommes, de même par un seul acte de justice,
la justification qui donne la vie s'étend à tous les
hommes [14]. » C'est ce qu'enseignait Paul, qui
ajoutait : « Car, puisque la mort est venue par un
homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection
des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous
revivront en Christ. » [15]
Il
est clair que l'Expiation devait être un sacrifice par
procuration, volontaire et inspiré par l'amour chez le
Sauveur, universel dans son application à l'humanité
dans la mesure où les hommes accepteraient le moyen de
délivrance ainsi placé à leur portée.
Seul quelqu'un qui était sans péché pouvait être
éligible pour une telle mission. Même les victimes de
l'autel dans l'ancien Israël offertes à titre de
propitiation provisoire pour les offenses du peuple sous la loi de
Moïse devaient être pures et exemptes de défauts ou
de taches ; sinon elles étaient inacceptables, et essayer
de les offrir constituait un sacrilège [16]. Jésus-Christ
était le seul Être qui répondait aux exigences du
grand sacrifice :
1.
Étant le seul et unique homme sans péché ;
2.
Étant le Fils unique du Père et par conséquent
le seul être né sur la terre possédant dans leur
plénitude les attributs de la Divinité et du genre
humain ;
3.
Étant celui qui avait été choisi dans les cieux
et pré-ordonné à ce service.
Quel
autre homme a été sans péché, et par
conséquent pleinement exempt de la domination de Satan, et à
qui la mort, salaire du péché, n'est pas naturellement
due ? Si Jésus-Christ avait trouvé la mort comme
les autres hommes - à la suite du pouvoir que Satan a acquis
sur eux par leurs péchés - sa mort n'aurait été
qu'une expérience individuelle, qui n'expierait absolument
aucune autre faute ou offense que les siennes. L'innocence absolue du
Christ le rendait éligible, son humilité et sa bonne
volonté le rendaient acceptable au Père, pour être
le sacrifice expiatoire par lequel la propitiation pourrait être
faite pour les péchés de tous les hommes.
Quel
autre homme a vécu avec le pouvoir de résister à
la mort, sur lequel la mort ne pouvait pas prévaloir s'il ne
s'y soumettait lui-même ? Et pourtant il était
impossible de tuer Jésus-Christ avant que son « heure
soit venue », à savoir, l'heure à laquelle
il abandonnerait volontairement sa vie et permettrait sa propre mort
par un acte de volonté. Né d'une mère mortelle,
il héritait de la capacité de mourir ; engendré
par un Seigneur immortel, il possédait en héritage le
pouvoir de résister indéfiniment à la mort. Il
donna littéralement sa vie ; c'est ce qu'il affirme
lui-même : « Le Père m'aime, parce que
je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l'ôte,
mais je la donne de moi-même ; j'ai le pouvoir de la
donner et j'ai le pouvoir de la reprendre » [17]. Et
encore : « En effet comme le Père a la vie en
lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en
lui-même » [18]. Seul un Être comme
celui-là pouvait vaincre la mort ; ce n'est qu'en Jésus
le Christ qu'était réalisée la condition
nécessaire pour être Rédempteur du monde.
Quel
autre homme est venu sur la terre avec une telle mission, revêtu
de l'autorité d'une telle pré-ordination ?
Jésus-Christ ne prit pas sur lui d'expier pour les hommes. Il
s'était offert, il est vrai, lorsque l'appel fut fait dans les
cieux ; il avait été accepté, cela est
également vrai, et vint en son temps sur la terre pour mettre
à exécution les termes de cette acceptation ; mais
il fut choisi par quelqu'un de plus grand que lui. Lorsqu'il
affirmait son autorité, la teneur de ses déclarations
était toujours qu'il agissait sous la direction du Père,
comme en témoignent les paroles suivantes : « Car
je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la
volonté de celui qui m'a envoyé » [19].
« Ma nourriture est de faire la volonté de celui
qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre » [20].
« Moi, je ne peux rien faire par moi-même :
selon ce que j'entends, je juge ; et mon jugement est juste,
parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté
de celui qui m'a envoyé. » [21]
Grâce
au sacrifice expiatoire accompli par Jésus-Christ - un service
rédempteur, rendu par procuration en faveur des hommes qui se
sont tous éloignés de Dieu par les effets du péché
tant hérités que commis individuellement - le chemin
d'une réconciliation est ouvert, réconciliation qui
permettra à l'homme de rentrer en communion avec Dieu et
d'être rendu apte à demeurer de nouveau et éternellement
dans la présence de son Père éternel. D'une
manière pratique, on peut considérer que l'effet de
l'Expiation est double :
1.
La rédemption universelle du genre humain de la mort provoquée
par la chute de nos premiers parents ; et
2.
Le salut, qui fournit le moyen de nous libérer des résultats
de nos péchés personnels.
La
victoire sur la mort se manifesta dans la résurrection du
Christ crucifié ; il fut le premier à passer de la
mort à l'immortalité, et c'est pourquoi il est connu à
juste titre comme « Ies prémices de ceux qui sont
décédés » [22].
Les
preuves scripturaires abondent pour montrer que la résurrection
des morts ainsi inaugurée doit s'étendre à tous
ceux qui ont vécu ou auront vécu. À la suite de
la résurrection du Seigneur, d'autres qui avaient dormi dans
la tombe se levèrent et beaucoup les virent, non pas comme des
apparitions d'esprits mais comme des êtres ressuscités
possédant des corps immortalisés : « Les
tombeaux s'ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui étaient
décédés ressuscitèrent. Ils sortirent des
tombeaux, entrèrent dans la ville sainte, après la
résurrection (de Jésus) et apparurent à un grand
nombre de personnes » [23].
Ceux
qui ressuscitèrent ainsi dès le début sont
appelés « les saints » ; et
d'autres Écritures confirment le fait que seuls les justes
seront ressuscités dans les premiers stades de la résurrection
qui n'a pas encore eu lieu ; mais la parole révélée
fait disparaître tous les doutes quant au fait que tous les
morts reprendront, quand leur tour viendra, leur corps de chair et
d'os. L'affirmation directe du Sauveur devrait être
concluante : « En vérité, en vérité,
je vous le dis, l'heure vient - et c'est maintenant - où les
morts entendront la voix du Fils de Dieu ; et ceux qui l'auront
entendue vivront... Ne vous en étonnez pas ; car l'heure
vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa
voix. Ceux qui auront fait le bien en sortiront pour la résurrection
et la vie, ceux qui auront pratiqué le mal pour la
résurrection et le jugement » [24]. Les
apôtres d'autrefois [25], ainsi que les prophètes
néphites [26] enseignèrent la doctrine de la
résurrection universelle ; et celle-ci est confirmée
par la révélation moderne [27]. Même les
païens qui n'ont pas connu Dieu seront ressuscités de
leur tombe ; et étant donné qu'ils ont vécu
et sont morts dans l'ignorance de la loi salvatrice, un moyen est
prévu pour leur faire connaître le plan de salut.
« Alors les nations païennes seront rachetées
et ceux qui n'ont pas connu de loi auront part à la première
résurrection » [28].
Jacob,
prophète néphite, enseigna que la résurrection
serait universelle et expliqua pourquoi un rédempteur était
absolument nécessaire, car sans lui les desseins poursuivis
par Dieu en créant l'homme seraient rendus futiles. Ses
paroles constituent un résumé concis et puissant de la
vérité révélée portant directement
sur notre sujet actuel :
« De
même que la mort a passé sur tous les hommes pour
accomplir le dessein miséricordieux du grand Créateur,
il est nécessaire qu'il y ait un pouvoir de résurrection ;
et la résurrection doit venir aux hommes par suite de la
chute ; et la chute est venue de la transgression, et parce que
l'homme est tombé, il a été retranché de
la présence du Seigneur. C'est pourquoi il faut qu'il y ait
une expiation infinie ; et si l'expiation n'était pas
infinie, cette corruption ne pourrait pas revêtir
l'incorruptibilité, et le premier jugement qui a frappé
l'homme aurait eu nécessairement une durée éternelle.
Et s'il en avait été ainsi, notre chair serait rendue à
la terre pour y pourrir et y tomber en poussière sans jamais
se relever. O la sagesse de Dieu, sa miséricorde et sa grâce !
Car voici, si la chair ne devait plus se relever, notre esprit serait
devenu esclave de cet ange qui est tombé de la présence
du Dieu éternel, et qui est devenu le diable, pour ne jamais
se relever. Notre esprit serait devenu semblable à lui, et
nous serions devenus des diables, des anges du diable, pour être
retranchés de la présence de notre Dieu, et pour
demeurer avec le père du mensonge dans la misère, comme
lui ! oui comme cet être qui trompa nos premiers parents,
qui se transforme presque en un ange de lumière, qui porte les
enfants des hommes à des combinaisons secrètes pour
commettre des meurtres et toute espèce d'œuvres secrètes
de ténèbres. O, combien grande est la bonté de
notre Dieu, qui prépare une voie pour nous soustraire aux
griffes de ce monstre horrible ; oui de ce monstre, la mort et
l'enfer, que j'appelle la mort du corps et aussi la mort de l'esprit.
Et à cause du moyen de délivrance de notre Dieu, le
Très-Saint d'Israël, cette mort dont j'ai parlé,
qui est la mort temporelle, rendra ses morts ; laquelle mort est
le tombeau. Et cette mort dont j'ai parlé, qui est la mort
spirituelle, rendra ses morts ; et cette mort spirituelle est
l'enfer. Ainsi, la mort et l'enfer doivent rendre leurs morts ;
l'enfer doit rendre ses esprits captifs ; et le tombeau doit
rendre ses corps captifs ; et le corps et l'esprit des hommes
seront rendus l'un à l'autre ; et cela se fera par le
pouvoir de la résurrection du Très-Saint d'Israël.
O, que le plan de notre Dieu est grand ! Car, d'un autre côté,
le paradis de Dieu doit rendre les esprits des justes, et le tombeau
les corps des justes ; et l'esprit et le corps sont rendus l'un
à l'autre ; et tous les hommes deviennent incorruptibles
et immortels, et ils sont des âmes vivantes, ayant une
connaissance parfaite comme nous dans la chair, seulement avec cette
différence que notre connaissance sera parfaite » [29].
Les
Écritures attestent d'une manière concluante que
l'Expiation s'applique aux transgressions de chaque individu,
permettant aux pécheurs d'obtenir l'absolution à
condition qu'ils se conforment aux lois et aux ordonnances de
l'Évangile de Jésus-Christ. Comme il est impossible
d'obtenir le pardon des péchés d'une autre façon,
étant donné qu'il n'y a dans le ciel ni sur la terre
d'autre nom que celui de Jésus-Christ par lequel le salut
puisse être apporté aux enfants des hommes [30],
toutes les âmes ont besoin de la médiation du Sauveur,
puisque toutes sont pécheresses. « Car il n'y a pas
de distinction : tous ont péché et sont privés
de la gloire de Dieu », disait Paul autrefois [31] et
Jean l'apôtre ajouta son témoignage en ces termes :
« Si nous disons que nous n'avons pas de péché,
nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité
n'est pas en nous » [32].
Qui
doutera de la justice de Dieu, qui refuse le salut à tous ceux
qui ne se conformeront pas aux conditions prescrites auxquelles il
est affirmé que l'on peut l'obtenir ? Le Christ est
« pour tous ceux qui lui obéissent l'auteur d'un
salut éternel » [33], et Dieu « rendra
à chacun selon ses œuvres : la vie éternelle
à ceux qui, par la persévérance à bien
faire, cherchent la gloire, l'honneur et l'incorruptibilité ;
mais la colère et la fureur à ceux qui, par esprit de
dispute, désobéissent à la vérité
et obéissent à l'injustice. Tribulation et angoisse
pour toute âme humaine qui pratique le mal » [34] !
Tel
est donc le besoin d'un Rédempteur, car sans lui l'humanité
resterait éternellement dans un état déchu et
aurait inévitablement perdu toute possibilité de
progresser éternellement [35]. L'épreuve mortelle
nous est donnée comme une occasion d'avancement ; mais
les difficultés et les dangers sont tels, l'influence du
diable est tellement forte dans le monde, et l'homme est si faible à
y résister que, sans l'aide d'une puissance supérieure
à celle de l'homme, aucune âme ne pourrait retourner à
Dieu dont elle vient. Le besoin d'un Rédempteur réside
dans l'incapacité de l'homme à s'élever du plan
temporel au plan spirituel, du royaume inférieur au royaume
supérieur. Dans cette conception les analogies ne manquent pas
dans le monde naturel. Nous reconnaissons une distinction
fondamentale entre la matière inanimée et la matière
vivante, entre l'inorganique et l'organique, entre le minéral
sans vie d'une part et la plante ou l'animal vivant d'autre part. Le
minéral mort grandit, dans les limites de son ordre, par
l'acquisition de substances et peut parvenir à un état
relativement parfait de structure et de forme, comme on peut le
constater pour le cristal. Mais la matière minérale,
même si les forces de la nature - la lumière, la
chaleur, l'énergie électrique et autres - agissent
favorablement sur elle, ne peut jamais devenir un organisme vivant ;
et il est impossible aux éléments morts de
s'introduire, par un processus quelconque de combinaison chimique
dissocié de la vie, dans les tissus de la plante pour en
devenir des parties essentielles. Mais la plante, qui appartient à
un ordre supérieur, plonge ses racines dans la terre, étend
ses feuilles dans l'atmosphère et absorbe par ses organes les
solutions du sol, aspire les gaz de l'air, et à partir de
cette matière sans vie fabrique le tissu de sa merveilleuse
structure. Aucune particule minérale, aucune substance
chimique morte n'est jamais devenue partie constituante d'un tissu
organique autrement que par l'action de la vie. Nous pouvons
peut-être pousser avec profit l'analogie une étape plus
loin. Il est impossible à la plante de faire progresser son
tissu jusqu'au niveau animal. Bien que l'ordre reconnu de la nature
soit que le « règne animal » dépend
du « règne végétal » pour
se nourrir, la substance de la plante ne peut devenir partie
intégrante de l'organisme de l'animal que lorsque ce dernier
descend de son plan supérieur et incorpore, par son action
vitale propre, les éléments végétaux aux
siens. À son tour, la matière animale ne peut jamais
devenir, même temporairement, partie intégrante d'un
corps humain, sans que l'homme vivant ne l'assimile et élève
provisoirement, par les processus vitaux de son être, la
substance de l'animal qui lui a donné la nourriture au plan
supérieur de sa propre existence. La comparaison employée
ici, nous le reconnaissons, est faible si on la porte au-delà
des limites raisonnables de son application ; car l'élévation
de la matière minérale au niveau de la plante, du tissu
végétal au niveau de l'animal, et l'élévation
de l'un ou de l'autre au plan humain, n'est qu'un changement
temporaire ; avec la dissolution des tissus supérieurs,
la matière qui les constitue retombe au niveau de l'inanimé
et de ce qui est mort. Mais l'analogie peut ne pas être
entièrement sans valeur pour servir d'illustration.
Ainsi
donc, pour permettre à l'homme de passer de son état
déchu et relativement dégénéré
actuel à l'état supérieur de la vie spirituelle,
il a besoin de la coopération d'un pouvoir supérieur au
sien. L’homme peut être touché et élevé
par l'opération des lois qui règnent dans le royaume
supérieur ; il ne peut se sauver par son seul effort sans
aide [36]. Un Rédempteur et Sauveur de l'humanité
est indubitablement essentiel à l'accomplissement du plan du
Père éternel, « réaliser
l'immortalité et la vie éternelle de l'homme » [37] ;
et ce Rédempteur et Sauveur est Jésus le Christ, en
dehors de qui il n'y a et il ne peut y avoir personne d'autre.
[1]
PGP, Abr 3:25. On trouvera une étude plus approfondie du libre
arbitre de l'homme dans les Articles de Foi, de l'auteur, p. 71-74 et
les nombreuses références qui y sont données.
[2]
PGP, Moïse 1:39, cf. 6:59. Note 1, fin du chapitre.
[3]
Note 2, fin du chapitre.
[4]
Gn 1:26,27 ; cf. PGP, Moise 2:26,27 ; 3:7, Abr 4:26-28,
5:7.
[5]
Gn 1:28-31, 2:16,17 ; cf. PGP, Moise 2:28-31, 3:16,17 ; Abr
4:28-31, 5:12,13.
[6]
Gn 2:8 ; cf. le passage du verset 5, disant qu'avant ce
moment-là il n'y avait « point d'homme pour
cultiver le sol ». Voir aussi PGP, Moïse 3:7 ;
Abr 1:3 ; LM, 1 Né 5:11.
[7]
Gn, chapitre 3 ; cf. PGP, Moïse, chap 4.
[8]
Voir Articles de Foi, p. 83-90. 1 Tm 2:14 ; voir aussi 2 Co
11:3. Note 3, fin du chapitre.
[9]
1 Tm 2:14 ; voir aussi 2 Co 11:3.
[10]
Note 3, fin du chapitre.
[11]
Voir chap. 2.
[12]
Note 4, fin du chapitre.
[13]
Note 5, fin du chapitre.
[14]
Rm 5:12,18.
[15]
1 Co 15:21,22.
[16]
Lv 22:20 ; Dt 15:21,17:1 ; M 1:8,14 ; cf. Hé
9:14 ; 1 P 1:19.
[17]
Jn 10:17,18.
[18]
Jn 5:26.
[19]
Jn 6:38.
[20]
Jn 4:34.
[21]
Jn 5:30 ; voir aussi verset 19 ; aussi Mt 26:42 ; cf.
D&A 19:2, 20:24.
[22]
1 Co 15:20 ; voir aussi Ac 26:23 ; Co 1:18 ; Ap 1:5.
[23]
Mt 27:52,53.
[24]
Jn 5:25,28,29. Une Écriture moderne, qui atteste la même
vérité, dit : « Ceux qui ont fait le
bien pour la résurrection des justes et ceux qui ont fait le
mal pour la résurrection des injustes. » - D&A
76:17.
[25]
Exemples, voir Ac 24:15, Ap 20:12,13.
[26]
Exemples, voir LM, 2 Né 9:6, 12, 13, 21, 22, Hél
14:15-17 ; Mos 15:20-24 ; AI 40:2-16 ; Morm 9:13,14.
[27]
Exemples, voir D&A 18:11,12 ; 45:44,45 ; 88:95-98.
[28]
D&A 45:54.
[29]
LM, 2 Né 9:6-13 ; lire tout Ie chapitre.
[30]
PGP, Moise 6:52 ; cf. LM, 2 Né 25:20 ; Mos 3:17,
5:8 ; D&A 76: 1. f Rm 3:23 ; voir aussi verset 9 ;
Ga 3:22.
[31]
1 Jn 1:8.
[32]
Hé 5:9.
[33]
Rm 2:6-9
[34]
Rm 2:6-9
[35]
Nous n'avons pas essayé ni eu l'intention d'essayer d'étudier
spécialement, dans ce chapitre, la Chute, l'Expiation ou la
Résurrection. Le lecteur qui désire trouver pareille
étude est prié de se reporter aux ouvrages de doctrine
qui traitent de ces sujets. Voir « Articles de Foi »
de l'auteur, chap. 3, 4, et 21.
[36]
Dans sa dissertation « Biogenesis », que le
lecteur pourra étudier avec profit, Henry Drummond traite en
détail une comparaison semblable à celle que nous
donnons dans le texte.
[37]
PGP, Moïse 1:39.
NOTES
DU CHAPITRE 3
1.
La prescience de Dieu n'est pas une cause déterminante :
« Quant à la prescience de Dieu, qu'il ne soit pas
dit que cette omniscience divine est en soi une cause déterminante
qui amène inévitablement le déroulement des
événements. Un père mortel qui connaît les
faiblesses et les défauts de son fils peut, en raison de cette
connaissance, voir à l'avance avec tristesse les calamités
et les souffrances qui attendent son enfant égaré. Il
peut prévoir, dans la vie future de ce fils, la perte de
bénédictions qu'il aurait pu gagner, la perte de son
état, de son respect de soi, de sa réputation et de son
honneur ; même les recoins sombres de la cellule d'un
criminel et les ténèbres de la tombe d'un ivrogne
peuvent apparaître en visions attristantes à l'âme
aimante de ce père ; néanmoins, convaincu par
expérience de l'impossibilité d'amener ce fils à
se réformer, il prévoit les conséquences
redoutées et ne [tire] que chagrin et angoisse [de]
sa connaissance. Peut-on dire que la prescience du père est la
cause de la vie pécheresse du fils ? Le fils, [quand
il atteint l'âge adulte, est] maître de sa destinée ;
il dispose librement de lui-même. Le père est impuissant
à contrôler par la force ou à diriger par une
discipline arbitraire ; et, tandis qu'il serait heureux de faire
n'importe quel effort ou sacrifice pour sauver son fils du destin qui
l'attend, il craint ce qui semble être une terrible certitude.
Mais certainement, ce père attentionné, adonné à
la prière et aimant, ne contribue pas à l'égarement
de son fils par sa connaissance. Tenir un autre raisonnement
consisterait à dire qu'un père négligent, qui ne
prend pas la peine d'étudier la nature et le caractère
de son fils, qui ferme les yeux sur ses tendances pécheresses
et qui reste d'une indifférence négligente quant à
l'avenir probable, aura, par son manque de cœur même, un
effet bienfaisant sur son enfant, parce que son manque de prévision
ne peut pas intervenir comme élément concourant à
la déchéance.
« Notre
Père céleste est pleinement conscient de la nature et
des dispositions de chacun de ses enfants, conscience acquise à
la suite d'une longue observation [et d'une longue] expérience
dans l'éternité passée de notre première
enfance ; [conscience, comparée à laquelle,
celle que des parents terrestres acquièrent par l'expérience
terrestre, est infime]. En raison de cette connaissance supérieure,
Dieu lit dans l'avenir de chacun de ses enfants, des hommes au niveau
individuel ou au niveau collectif en tant que communautés et
nations ; il sait ce que chacun fera dans des conditions données
et voit la fin dès le début. Sa prescience est basée
sur l'intelligence et sur la raison ; il voit l'avenir comme un
état qui arrivera naturellement et sûrement ; non
pas comme un état qui doit arriver parce qu'il en a
arbitrairement décidé ainsi » (La Grande
apostasie, de l'auteur, p. 20-22).
2.
L'homme libre de choisir par lui-même : « Le
Père des âmes a doté ses enfants de l'héritage
divin du libre arbitre ; il ne veut pas exercer et n'exerce pas
de contrôle sur eux par la force arbitraire ; il ne pousse
aucun homme dans le sens du péché ; il ne
contraint aucun à la justice. L'homme a reçu la liberté
d'agir pour lui-même ; et, associé à cette
indépendance, est le fait de la responsabilité stricte
et l'assurance de la responsabilité individuelle. Dans le
jugement que nous subirons, toutes les conditions et circonstances de
notre vie seront prises en considération. Les tendances innées
dues à l'hérédité, l'effet de
l'environnement, faste ou néfaste, les enseignements sains de
la jeunesse ou l'absence d'une bonne [éducation], ces
éléments et tous les éléments [qui
interviennent] doivent être pris en considération pour
rendre un verdict juste quant à la culpabilité ou à
l'innocence de l'âme. Néanmoins, la sagesse divine
explique clairement le résultat, étant donné les
conditions affectant la nature et les dispositions connues des
hommes ; alors que chacun est libre de choisir le bien ou le mal
dans les limites des nombreuses conditions qui existent et qui
influent » (La Grande apostasie, p. 22 ; voir
également Articles de Foi, p. 71-76).
3.
La Chute, processus de dégénérescence physique :
Une révélation moderne donnée à l'Église
en 1833 (D&A section 89) prescrit les règles de vie
correcte, en particulier en ce qui concerne l'usage de stimulants, de
produits toxiques et d'aliments qui ne conviennent pas au corps. En
ce qui concerne les causes physiques qui provoquèrent la chute
et les rapports étroits entre ces causes et les violations
actuelles de la Parole de sagesse contenues dans la révélation
mentionnée ci-dessus, il convient de citer la déclaration
suivante. « Cette révélation [la Parole
de sagesse], comme les autres qui ont été données
à notre époque, n'est pas entièrement nouvelle.
Elle est aussi vieille que le genre humain. Le principe de la Parole
de sagesse fut révélé à Adam. Tous les
éléments essentiels de la Parole de sagesse lui furent
révélés dans son état immortel, avant
qu'il eût absorbé les aliments qui en firent une chose
de la terre. Il fut mis en garde contre cette pratique même. On
ne lui dit pas de traiter son corps comme quelque chose que l'on
devait torturer. On ne lui dit pas de le considérer comme le
fakir des Indes considère son corps, ou professe le
considérer, comme une chose à mépriser
entièrement ; mais on lui dit qu'il ne devait pas lui
faire ingérer certaines choses qu'il avait sous la main. Il
fut averti que, s'il le faisait, son corps perdrait la force qu'il
avait de vivre éternellement, et qu'il serait assujetti à
la mort. On lui fit remarquer, comme on vous l'a fait remarquer,
qu'il y a beaucoup de bons fruits à cueillir, à manger,
à savourer. Nous croyons que nous devons savourer la bonne
nourriture. Pensons que ces bonnes choses nous sont données
par Dieu. Nous croyons que nous devons tirer de la nourriture tout le
plaisir que nous pouvons ; c'est pourquoi, nous devons éviter
la gloutonnerie, et nous devons éviter des extrêmes dans
le manger ; et ce qui a été dit à Adam nous
est dit également : Ne touche pas à ces choses ;
car le jour où tu en mangeras, ta vie sera raccourcie et tu
mourras.
« Qu'il
me soit permis de dire ici que c'est en cela qu'a consisté la
chute : le fait de manger des choses qui ne convenaient pas,
l'ingestion de choses qui ont fait de ce corps une chose de la
terre ; et je profite de l'occasion pour élever la voix
contre la fausse interprétation de l'Écriture, que
certaines personnes ont adoptée, et qui est courante dans leur
esprit, et dont on parle à mi-voix et d'une manière à
moitié secrète, que la chute de l'homme a consisté
en quelque offense contre les lois de la chasteté et de la
vertu. Pareille doctrine est une abomination. Quel droit avons-nous
de détourner les Écritures de leur sens et de leur
signification propres ? Quel droit avons-nous de déclarer
que Dieu ne voulait pas dire ce qu'il a dit ? Cela a été
un processus naturel, résultant de l'incorporation dans le
corps de nos premiers parents des choses qui venaient d'une
nourriture qui ne leur convenait pas, par la violation du
commandement de Dieu concernant ce qu'ils devaient manger. N'allez
pas chuchoter partout que la chute consiste en ce que la mère
du genre humain a perdu sa chasteté et sa vertu. Ce n'est pas
vrai ; le genre humain n'est pas né de la fornication.
Ces corps qui nous sont donnés le sont de la manière
que Dieu a prévue. Qu'on ne nous dise pas que le patriarche du
genre humain, s'il se tenait auprès des dieux avant de venir
sur cette terre, et son épouse tout aussi royale, se sont
rendus coupables d'une infraction vile de cette sorte. L'adoption de
cette croyance a amené beaucoup de gens à excuser leurs
écarts de conduite qui les éloignent du sentier de la
chasteté et de la vertu, en disant que c'est le péché
du genre humain, qu'il est aussi vieux qu'Adam. Il n'a pas été
introduit par Adam. Il n'a pas été commis par Ève.
C'est le démon qui l'a introduit, et ce afin de semer les
germes d'une mort précoce dans le corps des hommes et des
femmes, afin que le genre humain dégénère comme
il a dégénéré toutes les fois que les
lois de la vertu et de la chasteté ont été
transgressées.
« Nos
premiers parents étaient purs et nobles, et quand nous
passerons derrière le voile, nous apprendrons peut-être
quelque chose de leur situation élevée, plus que nous
n'en savons maintenant. Mais que l'on sache qu'ils étaient
purs ; ils étaient nobles. Il est vrai qu'ils ont désobéi
à la loi de Dieu en mangeant des choses qu'on leur avait dit
de ne pas manger ; mais qui parmi vous peut se lever et
condamner ? » (Tiré d'un discours de l'auteur
à la 84e conférence générale d'octobre de
l'Église, le 6 octobre 1913 ; publié dans le
procès-verbal de la conférence, p. 118,119).
4.
Le Christ nous a rachetés de la chute : « Le
Sauveur devient ainsi maître de la situation - la dette est
payée, la Rédemption accomplie, l'alliance remplie, la
justice satisfaite, la volonté de Dieu faite, et tout pouvoir
est maintenant remis entre les mains du Fils de Dieu - le pouvoir de
la résurrection, le pouvoir de la rédemption, le
pouvoir du salut, le pouvoir de décréter des lois pour
exécuter et accomplir son dessein. Par conséquent la
vie et l'immortalité sont révélées,
l'Évangile est introduit et il devient l'auteur de la vie
éternelle et de l'exaltation. Il est le Rédempteur, le
Ressusciteur, le Sauveur de l'homme et du monde ; et il a
désigné la loi de l'Évangile comme moyen auquel
il faut se soumettre en ce monde ou dans l'au-delà, comme il
s'est soumis à la loi de son Père ; en conséquence
« celui qui croira sera sauvé et celui qui ne
croira pas sera damné ». Le plan, l'arrangement,
l'accord, l'alliance ont été faits, contractés
et acceptés avant la fondation du monde ; ils ont été
préfigurés par des sacrifices et ont été
mis à exécution et consommés sur la croix. C'est
pourquoi, étant le médiateur entre Dieu et l'homme, il
devient de plein droit le dictateur et le gouverneur sur la terre et
dans le ciel pour les vivants et pour les morts, pour le passé,
le présent et l'avenir, en ce qui concerne l'homme associé
avec cette terre ou les cieux, dans le temps ou l'éternité,
Capitaine de notre salut, Apôtre et Grand prêtre que nous
professons, Seigneur et Donneur de vie » (John Taylor
Mediation and Atonement, p. 171).
5.
La rédemption des effets de la chute : « Le
‘mormonisme’ accepte la doctrine de la chute et
l'histoire de la chute en Eden racontée par la Genèse ;
mais il affirme que nul autre qu'Adam n'est ou ne sera responsable de
la désobéissance d'Adam ; que l'humanité en
général est absolument absoute de toute responsabilité
pour ce « péché originel » et que
chacun rendra compte de ses transgressions personnelles uniquement ;
que la chute était connue de Dieu à l'avance, qu'elle
fut transformée en une source de bien puisqu'elle introduisait
la condition nécessaire de la mortalité, et qu'un
Rédempteur était prévu avant que le monde ne
fût, que le salut général, dans le sens de rachat
des effets de la chute, est apporté à tous sans qu'ils
le demandent ; mais que chacun doit rechercher lui-même le
salut individuel ou la libération des effets des péchés
personnels par la foi et les bonnes œuvres grâce à
la rédemption accomplie par Jésus-Christ »
(Tiré de The Story and Philosophy of « Mormonism »,
de l'auteur, p. 111).
CHAPITRE
4 : DIVINITÉ PRÉMORTELLE DU CHRIST
Notre
but sera maintenant de nous informer de la place et de la situation
de Jésus, le Christ, dans le monde prémortel, depuis la
période du conseil solennel dans les cieux, pendant lequel il
fut choisi pour être le futur Sauveur et Rédempteur de
l'humanité, jusqu'au moment où il naquit dans la chair.
Nous
nous reposons sur l'autorité des Écritures lorsque nous
affirmons que Jésus-Christ fut et est Dieu le Créateur,
le Dieu qui se révéla à Adam, à Énoch,
et à tous les patriarches et prophètes antédiluviens
jusqu'à Noé, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le
Dieu d'Israël lorsqu'il était un peuple uni, et le Dieu
d'Éphraïm et de Juda après le démembrement
de la nation hébraïque, le Dieu qui se révéla
aux prophètes, de Moïse à Malachie, le Dieu de
l'Ancien Testament et le Dieu des Néphites. Nous affirmons que
Jésus-Christ était et est Jéhovah, l'Éternel.
Les
Écritures distinguent trois personnages dans la Divinité :
(1) Dieu, le Père éternel, (2) son Fils, Jésus-Christ,
et (3) le Saint-Esprit. Ils constituent la Sainte Trinité, qui
comporte trois individus physiquement séparés et
distincts, qui composent à eux trois le conseil président
des cieux [1]. Deux d'entre eux, au moins, apparaissent comme
participant à l'œuvre de la création ; ce
fait est démontré par la pluralité exprimée
dans la Genèse : « Dieu dit : Faisons
l'homme à notre image selon notre ressemblance » ;
et plus loin, au cours d'une consultation concernant la transgression
d'Adam : « L'Éternel Dieu dit :
Maintenant [...] l'homme est devenu comme l'un de nous » [2].
Les paroles de Moïse, révélées de nouveau à
notre époque, nous instruisent d'une manière plus
complète sur les Dieux qui s'occupaient activement de la
création de cette terre : « Et moi, Dieu, je
dis à mon Fils unique, qui était avec moi depuis le
commencement : Faisons l'homme à notre image, selon notre
ressemblance. » Puis, plus loin, à propos de l'état
d'Adam après la chute : « Et moi, le Seigneur
Dieu, je dis à mon Fils unique : Voici, l'homme est
devenu comme l'un de nous » [3]. Dans le récit
de la création écrit par Abraham, « les
Dieux » sont mentionnés de multiples fois [4].
Comme
nous l'avons montré jusqu'ici dans un autre ordre d'idées,
le Père a agi dans l'œuvre de la création par
l'intermédiaire du Fils, qui est devenu ainsi l'exécutif
par l'intermédiaire duquel la volonté, le commandement
ou la parole du Père étaient mis en vigueur. C'est donc
avec beaucoup d'exactitude que l'apôtre Jean pouvait dire du
Fils, Jésus-Christ, qu'il était la Parole ;
c'est-à-dire, « la Parole de mon pouvoir » [5].
Le rôle que Jésus-Christ joua dans la création,
un rôle si important que c'est à juste titre que nous
l'appelons le Créateur, est exposé dans un grand nombre
d'Écritures. L'auteur de l'épître aux Hébreux
fait ainsi une nette distinction entre le Père et le Fils, les
traitant comme des êtres séparés bien
qu'associés : « Après avoir autrefois,
à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé
à nos pères par les prophètes, Dieu nous a parlé
par le Fils en ces jours qui sont les derniers. Il l'a établi
héritier de toutes choses, et c'est par lui qu'il a fait les
mondes » [6]. Paul est encore plus explicite dans sa
lettre aux Colossiens, où, parlant de Jésus, le Fils,
il dit : « Car en lui tout a été créé
dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est
invisible, trônes, souverainetés, principautés,
pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour
lui. Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui » [7].
Et il convient d'ailleurs de répéter ici le témoignage
de Jean, que toutes les choses ont été faites par la
Parole qui était avec Dieu, et qui était Dieu dès
le commencement ; « et rien de ce qui a été
fait n'a été fait sans elle » [8].
Le
fait que le Christ qui devait venir était en réalité
Dieu le Créateur fut clairement révélé
aux prophètes du continent américain. Samuel, le
Lamanite converti, prêchant aux Néphites incrédules,
justifia son témoignage comme suit : « Et afin
que vous soyez au courant de la venue de Jésus-Christ, le Fils
de Dieu, le Père du ciel et de la terre, le Créateur de
toutes choses depuis le commencement ; et afin que vous
connaissiez les signes de sa venue pour que vous croyiez en son
nom » [9].
À
ces citations des Écritures anciennes, il convient tout
particulièrement d'ajouter le témoignage personnel du
Seigneur Jésus lorsqu'il fut devenu un être ressuscité.
Dans sa visitation aux Néphites, il proclama : « Voici,
je suis Jésus-Christ le Fils de Dieu. J'ai créé
les cieux et la terre, et toutes les choses qu'ils contiennent.
J'étais avec le Père dès le commencement. Je
suis dans le Père et le Père est en moi ; et en
moi, le Père a glorifié son nom » [10].
Aux Néphites qui ne comprenaient pas le rapport entre
l'Évangile que le Seigneur ressuscité leur annonçait
et la loi mosaïque qu'ils considéraient par tradition
être en vigueur, et qui s'étonnaient de ce qu'il disait
que les choses anciennes étaient passées, il expliqua
de la manière suivante : « Voici, je vous dis
que la loi qui fut donnée à Moïse est accomplie.
Voici, c'est moi qui ai donné la loi et c'est moi qui ai fait
alliance avec mon peuple, Israël ; c'est pourquoi, la loi
est accomplie en moi, parce que je suis venu pour accomplir la loi ;
c'est pourquoi, elle est finie » [11].
La
voix de Jésus-Christ, Créateur du ciel et de la terre,
s'est fait entendre de nouveau par la révélation à
notre époque qui est dernière : « Prête
l'oreille, ô peuple de mon Église, à qui le
royaume a été donné ; écoute et
prête l'oreille à celui qui a posé les fondations
de la terre, qui a fait les cieux et toutes leurs armées et
par qui fut fait tout ce qui a la vie, le mouvement et l'être » [12].
Et encore : « Voici, je suis Jésus-Christ, le
Fils du Dieu vivant, qui a créé les cieux et la terre ;
une lumière qui ne peut être cachée dans les
ténèbres » [13].
La
divinité de Jésus-Christ est indiquée par les
noms et les titres précis qui lui ont été
appliqués par l'autorité. D'après le jugement de
l'homme, on ne peut attacher de grande importance aux noms ;
mais dans la nomenclature des Dieux, tout nom est un titre de
puissance ou de position. Dieu a un zèle juste pour la
sainteté de son nom [14] et des noms donnés sur
son ordre. Dans le cas des enfants de promesse, des noms ont été
prescrits avant leur naissance ; cela est vrai de notre Seigneur
Jésus et du Baptiste, Jean, qui fut envoyé préparer
la voie au Christ. Des noms de personnes ont été
changés sur commandement divin, lorsqu'ils ne constituaient
pas des titres suffisamment définis pour dénoter les
services particuliers auxquels leurs porteurs étaient appelés,
ou les bénédictions particulières qui leur
étaient conférées [15].
Jésus
est le nom personnel du Sauveur, et, tel qu'on l'écrit, vient
du grec ; son équivalent hébreu était
Yehoshua ou Yeshua ou, comme nous le rendons en français,
Josué. Dans l'original on comprenait parfaitement bien que le
nom voulait dire « auxiliaire de Jéhovah »,
ou « Sauveur ». Bien que le nom fût aussi
courant que Jean, Henri ou Charles aujourd'hui, il fut, comme nous
l'avons déjà dit, divinement prescrit. C'est ainsi que
l'ange dit à Joseph, le fiancé de la Vierge : « Et
tu lui donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son
peuple de ses péchés » [16].
Christ
est un titre sacré, non pas une appellation ordinaire ou un
nom quelconque ; il vient du grec et il a le même sens que
son équivalent hébreu Messiah ou Messias, signifiant
l'Oint [17]. On trouve dans les Écritures d'autres titres
possédant chacun une signification précise, comme
Emmanuel, Sauveur, Rédempteur, Fils unique, Seigneur, Fils de
l'Homme ; mais la chose la plus importante pour nous
actuellement est que ces divers titres expriment l'origine et la
nature divine de notre Sauveur, Comme on le voit, les noms ou titres
essentiels de Jésus, le Christ, furent communiqués
avant sa naissance et furent révélés à
des prophètes qui le précédèrent dans
l'état mortel [18].
Jéhovah
est la forme anglicisée de l'hébreu Yahveh ou Jahveh,
signifiant Celui qui existe par lui-même ou l'Éternel.
La version anglaise de l'Ancien Testament traduit généralement
ce nom par LORD (Seigneur) [19]. L'hébreu Ehyeh
signifiant Je suis, a un sens apparenté au terme Yahveh ou
Jéhovah dont il est dérivé ; voici en quoi
réside la signification de ce nom sous lequel le Seigneur se
révéla à Moïse quand ce dernier reçut
la mission d'aller en Égypte délivrer les enfants
d'Israël de l'esclavage : « Moïse dit à
Dieu : J'irai donc vers les Israélites, et je leur
dirai : le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous.
Mais s'ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ?
Dieu dit à Moïse : je suis celui qui suis. Et il
ajouta : c'est ainsi que tu répondras aux Israélites :
(Celui qui s'appelle) ‘Je suis’ m'a envoyé vers
vous » [20]. Dans le verset suivant, le Seigneur
déclare qu'il est « le Dieu d'Abraham, le Dieu
d'Isaac et le Dieu de Jacob ». Pendant que Moïse
était en Égypte, le Seigneur se révéla
encore davantage, disant : « Je suis l'Éternel
(le SEIGNEUR dans la version anglaise, ndt) Je suis apparu à
Abraham, à Isaac et à Jacob, comme le Dieu
Tout-Puissant ; mais je n'ai pas été reconnu par
eux sous mon nom : l'Éternel (JEHOVAH dans la version
anglaise, ndt) » [21]. Le fait central indiqué
par ce nom, le Suis, ou Jéhovah, les deux ayant
essentiellement la même signification, c'est l'idée
d'une existence ou d'une durée qui n'aura pas de fin, et qui,
jugée suivant tous les critères de jugement humain,
peut ne pas avoir eu de commencement ; ce nom est apparenté
à d'autres titres tels que Alpha et Oméga, le premier
et le dernier, le commencement et la fin [22].
Un
jour, alors que certains Juifs, qui considéraient que, du fait
qu'ils descendaient d'Abraham, ils étaient certains d'être
préférés de Dieu, assaillaient Jésus de
questions et de critiques, il répondit à leurs insultes
par la déclaration : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût,
moi, je suis » [23]. Le vrai sens de cette parole
serait exprimé plus clairement si la phrase était
tournée comme suit : « En vérité,
en vérité, je vous le dis : Avant Abraham, était
Je suis » [24]. C'est comme s'il avait dit :
Avant Abraham, j'étais, moi, Jéhovah. Les juifs
chicaneurs furent si grandement offensés de l'entendre
utiliser un nom que, par une interprétation erronée
d'une Écriture plus ancienne [25], ils considéraient
ne pas devoir être prononcé sous peine de mort, qu'ils
saisirent immédiatement des pierres dans l'intention de le
tuer. Les juifs considéraient Jéhovah comme un nom
ineffable, qui ne devait pas être prononcé ; ils
l'avaient remplacé par le nom sacré bien que non
interdit pour eux d'Adonaï, qui veut dire le Seigneur.
L'original des termes Éternel et Dieu tels qu'ils apparaissent
dans l'Ancien Testament était soit Yahveh soit Adonaï ;
et comme le montrent les Écritures citées, l'Être
divin désigné par ces noms sacrés était
Jésus, le Christ. Jean, évangéliste et apôtre,
identifie formellement Jésus-Christ avec Adonaï, ou le
Seigneur qui parla par la voix d'Ésaïe [26], et avec
Jéhovah qui parla par Zacharie [27].
Le
nom Élohim se rencontre fréquemment dans les textes
hébreux de l'Ancien Testament, bien qu'on ne le trouve pas
dans les versions anglaises. La forme du mot est celle d'un nom
hébreu au pluriel [28] ; mais il représente
un pluriel de majesté ou d'intensité plutôt que
la pluralité numérique. Il exprime l'exaltation et la
puissance absolues. Élohim, tel qu'on le comprend et qu'on
l'utilise dans l'Église rétablie de Jésus-Christ,
est le nom titre de Dieu, le Père éternel, dont le
Premier-Né dans l'esprit est Jéhovah : le Fils
unique dans la chair, Jésus-Christ.
Jésus
de Nazareth, qui en un témoignage solennel déclara être
le Je suis ou Jéhovah, qui était Dieu avant qu'Abraham
vécût sur la terre, était ce même Être
qu'on proclame à maintes reprises comme le Dieu qui fit
alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, le Dieu qui fit sortir Israël
de l'esclavage d'Égypte dans la liberté de la terre
promise, le seul et unique Dieu que les prophètes hébreux
en général connaissaient par la révélation
directe.
Les
prophètes néphites savaient que Jésus-Christ
était identique au Jéhovah des Israélites, et la
véracité de leurs enseignements fut confirmée
par le Seigneur ressuscité lorsqu'il se manifesta à eux
peu après son ascension d'entre les apôtres à
Jérusalem. Voici le passage : « Et le Seigneur
leur parla, disant : Levez-vous et venez à moi afin de
mettre les mains dans mon côté, et aussi toucher la
marque des clous dans mes mains et mes pieds, afin que vous sachiez
que je suis le Dieu d'Israël et le Dieu de toute la terre, et
que j'ai été mis à mort pour les péchés
du monde » [29].
Il
ne nous paraît pas nécessaire de présenter
davantage de citations pour étayer notre affirmation que
Jésus-Christ était Dieu avant même de prendre un
corps de chair. Au cours de cette période prémortelle,
il y avait une différence essentielle entre le Père et
le Fils en ce que le premier avait déjà traversé
les expériences de la vie mortelle, y compris la mort et la
résurrection, et était de ce fait un être doté
d'un corps parfait et immortalisé de chair et d'os, tandis que
le Fils n'était pas encore incarné. Par sa mort et sa
résurrection, Jésus, le Christ, est actuellement un
être semblable au Père dans toutes les caractéristiques
essentielles.
Un
examen général des données scripturaires nous
amène à la conclusion que Dieu le Père éternel
s'est manifesté en très peu d'occasions aux prophètes
ou révélateurs terrestres, et quand il l'a fait,
c'était surtout pour attester l'autorité divine de son
Fils, Jésus-Christ. Comme nous l'avons montré
précédemment, le Fils était l'exécuteur
actif de l'œuvre de la création ; dans toutes les
scènes de la création le Père apparaît
surtout comme celui qui dirige ou que l'on consulte. Le Père
se révéla à Adam, à Énoch, à
Noé, à Abraham et à Moïse, attestant la
divinité du Christ, et le fait que le Fils était le
Sauveur élu de l'humanité [30]. Lors du baptême
de Jésus, on entendit la voix du Père dire :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis
toute mon affection » [31] ; et lors de la
transfiguration le Père donna un témoignage
semblable [32]. Plus tard encore, tandis que Jésus
priait, l'âme pleine d'angoisse, se soumettant pour que les
desseins du Père s'accomplissent et que le nom du Père
soit glorifié, « une voix vint alors du ciel :
je l'ai glorifié, et je le glorifierai de nouveau » [33].
Le Père annonça le Christ ressuscité et glorifié
aux Néphites sur le continent américain en ces termes :
« Voici mon Fils bien-aimé, en qui je me complais,
en qui j'ai glorifié mon nom - écoutez-le [34] »
À partir du dernier événement cité, la
voix du Père ne s'est plus fait entendre parmi les hommes, du
moins d'après les Écritures, jusqu'au printemps de
1820, date à laquelle le Père et le Fils apparurent au
prophète Joseph Smith, le Père disant : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé. Écoute-le [35] ! »
Tels sont les cas enregistrés où le Père éternel
s'est manifesté à l'homme séparément du
Fils, soit en s'exprimant personnellement, soit par une autre
révélation. Dieu le Créateur, le Jéhovah
d'Israël, le Sauveur et Rédempteur de toutes les nations,
tribus et langues, ne font qu'une seule personne, qui est Jésus,
le Christ.
[1]
Voir « Dieu et la Divinité », dans les
Articles de Foi, de l'auteur, chap. 2.
[2]
Gn 1:26 et 3:22.
[3]
PGP, Moïse 2:26 et 4:28.
[4]
PGP, Abraham, chapitres 4 et 5.
[5]
Voir chap. 2 du présent ouvrage ; Jean 1:1 ; PGP, Moïse
1:32.
[6]
Hé 1:1, 2, version du roi Jacques, ndt ; voir aussi 1 Co
8:6. 9
[7]
Col 1: 16, 17.
[8]
Jean 1: 1-3.
[9]
LM, Hélaman 14:12 ; voir aussi Mosiah 3:8, 4:2 ;
Alma 11:39.
[10]
LM, 3 Néphi 9:15.
[11]
LM, 3 Néphi 15:4, 5.
[12]
D&A 45:1.
[13]
D&A 14:9 ; voir aussi 29:1,31 ; 76:24.
[14]
Ex 20:7 ; Lv 19:12 ; Dt 5: 11.
[15]
Note 1, fin du chapitre.
[16]
Mt 1:21 ; voir aussi versets 23, 25 ; Luc 1:31.
[17]
Jean 1:41, 4:25.
[18]
Luc 1:31, 2:21 ; Mt 1:21, 25 ; voir aussi verset 23 et cf.
Es 7:14 ; Luc 2:11. Voir en outre PGP, Moïse 6:51, 57,
7:20, 8:24. LM, 1 Néphi 10:4, 2 Néphi 10:3, Mosiah 3:8.
[19]
Ce nom apparaît ainsi dans Gn 2:5 ; voir aussi Ex 6:2-4 et
lire à titre de comparaison Gn 17:1, 35: 11.
[20]
Ex 3:13, 14 ; cf. à propos de la durée éternelle
exprimée par ce nom, Es 44:6, Jean 8:58, Col 1:17 ; Hé
13:8, Ap 1:4 ; voir aussi PGP, Moïse 1:3 et les références
qui y sont données.
[21]
Ex 6:2, 3. Note 2, fin du chapitre.
[22]
Ap 1:11, 17, 2:8, 22:13 ; cf. Es 41:4, 44:6, 48:12.
[23]
Jean 8:58.
[24]
Dans le texte anglais, la nuance réside uniquement dans une
question de ponctuation. La Version du roi Jacques dit :
« Before Abraham was, I am. » L'auteur supprime
la ponctuation de cette phrase : « Before Abraham was
I am » (ndt).
[25]
Lv 24:16. Note 3, fin du chapitre.
[26]
Es 6:8-11 ; cf. Jean 12:40, 41.
[27]
Za 12: 10 ; cf. Jean 19:37.
[28]
Le singulier « Eloah » n'est employé
qu'en poésie.
[29]
LM, 3 Néphi 11: 13, 14 ; 1 Néphi 17:40 également
et notez - verset 30 - que le Rédempteur est appelé le
Dieu qui a racheté Israël. Voir en outre Mosiah 7:19.
Chapitre 39, infra.
[30]
PGP, Moïse 1:6, 31-33, 2:1, 4:2, 3, 6:57 ; cf. 7:35, 39,
47, 53-59, 8:16, 19, 23, 24 ; Abraham 3:22-28. Voir chapitre 5,
infra.
[31]
Mt 3:17 ainsi que Marc 1:11 et Luc 3:22.
[32]
Mt 17:5, Luc 9:35.
[33]
Jean 12:28.
[34]
LM, 3 Néphi 11:7.
[35]
PGP, Joseph Smith 2:17.
NOTES
DU CHAPITRE 4
1.
Noms donnés par Dieu : L'importance des noms quand ils
sont donnés par Dieu trouve son illustration dans beaucoup
d'exemples scripturaires. Voici quelques exemples : « Jésus »
signifiant Sauveur (Mt 1:21 ; Luc 1:31) ; « Jean »,
signifiant don de Jéhovah, appliqué expressément
au Baptiste, qui fut envoyé sur la terre préparer la
voie pour la venue de Jéhovah dans la chair (Luc 1: 13) ;
« Ismaël », signifiant Dieu l'entendra (Gn
16: 11) ; « Isaac », signifiant rire (Gn
17:19, comparer avec 18:10-15). Voici quelques exemples de noms
changés par l'autorité divine pour exprimer un surcroît
de bénédictions ou des appels particuliers :
« Abram », qui voulait dire noblesse ou
exaltation et, comme on le traduit habituellement, Père
d'élévation, fut changé en « Abraham »,
Père d'une multitude, qui exprimait la raison du changement
apporté à l'époque : « Car je te
rends père d'une foule de nations » (Gn 17:5).
« Saraï », le nom de la femme d'Abraham,
dont le sens précis est incertain, fut remplacé par
« Sara » qui signifiait la princesse (Gn
17:15). « Jacob », nom donné au fils
d'Isaac et faisant allusion à un événement qui
se produisit lors de sa naissance, et signifiant celui qui supplante,
fut remplacé par « Israël » voulant
dire un soldat de Dieu, un prince de Dieu ; comme l'expriment
les mots qui effectuèrent le changement : « Jacob
ne sera plus le nom qu'on te donnera, mais tu seras appelé
Israël ; car tu as lutté avec Dieu et avec des
hommes, et tu as été vainqueur » (Gn 32:28 ;
comparer avec 35:9, 10). « Simon », signifiant
celui qui écoute, nom de l'homme qui devint l'apôtre
principal de Jésus-Christ, fut changé par le Seigneur
en « Céphas » (araméen) ou
« Pierre » (grec) signifiant un roc (Jean
1:42 ; Mt 16:18 ; Luc 6:14). À Jacques et à
Jean, les fils de Zébédée, le Seigneur conféra
le nom ou titre « Boanergès » signifiant
fils du tonnerre (Marc 3:17).
L'extrait
suivant est instructif : « Le nom, dans les
Écritures, n'est pas seulement ce par quoi on désigne
une personne, mais souvent tout ce que l'on sait appartenir à
la personne ainsi désignée, et la personne elle-même.
Ainsi de nom de Dieu » ou « de Jéhovah »,
etc. indique son autorité (Dt 18:20 ; Mt 21:9, etc.), sa
dignité et sa gloire (Ésaïe 48:9, etc.), sa
protection et sa faveur (Pr 18:10, etc.), sa personnalité (Ex
34:5, 14, comparer avec 6, 7, etc.), ses attributs divins en général
(Mt 6:9, etc.), etc. On dit que le Seigneur pose son nom là où
la révélation ou la manifestation de ses perfections
est donnée (Dt 12:5, 14:24, etc.). Croire au nom du Christ
c'est le recevoir et le traiter conformément à la
révélation que les Écritures donnent de lui
(Jean 1:12 ; 2:23), etc. » - Comprehensive Dictionary
of the Bible, Smith, article « Name ».
2.
Jésus-Christ, Dieu d'Israël : « Tous les
écrits inspirés, et la Bible plus que tous, montrent
que Jésus-Christ était ce même être qui fit
sortir Abraham de son pays natal, qui conduisit Israël hors
d'Egypte avec des miracles et des prodiges puissants, qui lui révéla
sa loi au milieu du tonnerre du Sinaï, qui le délivra de
ses ennemis, qui le châtia de sa désobéissance,
qui inspira ses prophètes, et dont la gloire remplit le temple
de Salomon. »
Ses
lamentations sur Jérusalem prouvent que, dans son humanité,
il n'avait pas oublié sa position exaltée antérieure :
« Jérusalem, Jérusalem, qui tues les
prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés,
combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants... et vous ne
l'avez pas voulu ! » (Mt 23:37). C'est ce Créateur
du monde, ce Gouverneur puissant, ce Régulateur des destinées
de la famille humaine qui, dans ses derniers moments, s'écria
dans l'agonie de son âme : « Mon Dieu, mon
Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Marc
15:34.) - tiré de Compendium of the Doctrines of the Gospel,
Franklin D. Richards et James A. Little.
3.
« Jéhovah », nom que les juifs ne
prononçaient pas : Longtemps avant le temps du Christ,
certaines écoles parmi les Juifs, infatigablement zélées
à observer la lettre de la loi, sans toutefois en mépriser
l'esprit, avaient enseigné que le simple fait de prononcer le
nom de Dieu était blasphématoire, et que le péché
de celui qui le faisait constituait un crime capital. Cette
conception extrême naquit de l'interprétation acceptée
quoique non inspirée de Lv 24:16: « Celui qui
blasphémera le nom de l'Éternel sera puni de mort :
toute la communauté le lapidera. Qu'il soit immigrant ou
autochtone, il mourra, pour avoir blasphémé le Nom (de
Dieu). » Le Comprehensive Dictionary of the Bible, de
Smith, indique à l'article « Jéhovah » :
« La vraie prononciation de ce nom [Yehovah], par
lequel Dieu était connu des Hébreux, a été
entièrement perdue, les juifs eux-mêmes évitant
scrupuleusement de jamais le mentionner et le remplaçant par
l'un ou l'autre des mots avec les points-voyelles avec lesquels il
peut s'écrire [Adonaï, Seigneur, ou Élohim,
Dieu]... Selon la tradition juive, il n'était prononcé
qu'une fois par an par le grand prêtre, le jour des expiations,
lorsqu'il entrait dans le saint des saints ; mais il règne
un certain doute à ce sujet. »
CHAPITRE
5 : PREDICTION DE L'AVÈNEMENT TERRESTRE DU CHRIST
La
venue du Christ sur la terre pour entrer dans un tabernacle de chair
n'était ni inattendue ni imprévue. Des siècles
avant le grand événement, les juifs professaient
attendre l'avènement de leur Roi ; et dans les rites
prescrits du culte comme dans les dévotions privées, la
venue du Messie promis était l'un des sujets principaux des
supplications d'Israël à Jéhovah. Il y avait, il
est vrai, beaucoup de divergences dans les opinions laïques et
dans les exposés rabbiniques quant au temps et à la
manière dont il apparaîtrait ; mais la certitude du
fait était profondément enracinée dans les
croyances et les espoirs de la nation hébraïque.
Les
documents que nous appelons les livres de l'Ancien Testament, de même
que d'autres écrits inspirés considérés
autrefois comme authentiques mais exclus des compilations ultérieures
comme n'étant pas strictement canoniques, étaient
courants parmi les Hébreux à l'époque de la
naissance du Christ et longtemps avant. Ces Écritures tirent
leur origine de la proclamation de la loi par Moïse [1],
qui écrivit celle-ci et remit le texte écrit à
la garde officielle des prêtres avec le commandement formel de
le lire dans les assemblées du peuple à des époques
prescrites. Au cours des siècles, on ajouta à ces
premiers écrits les déclarations de prophètes
divinement nommés, les notes d'historiens officiels et les
cantiques de poètes inspirés ; de sorte qu'à
l'époque du ministère de notre Seigneur, les Juifs
possédaient une grande accumulation d'écrits qu'ils
acceptaient et respectaient comme faisant autorité [2].
Ces documents sont riches en prédictions et en promesses
relatives à l'avènement terrestre du Messie, comme le
sont d'autres Écritures auxquelles l'Israël d'autrefois
n'avait pas accès.
Adam,
le patriarche du genre humain, se réjouit lorsqu'il fut mis au
courant du ministère dont le Sauveur avait été
chargé, assuré qu'il était que s'il l'acceptait,
il pourrait, lui, le transgresseur, obtenir la rédemption. Une
brève mention du plan de salut, dont l'auteur est
Jésus-Christ, apparaît dans la promesse donnée
par Dieu après la chute : certes le diable, représenté
par le serpent en Eden, aurait le pouvoir de blesser le talon de la
postérité d'Adam, mais par la postérité
de la femme viendrait la puissance qui écraserait la tête
de l'adversaire [3]. Il est significatif que cette assurance de
la victoire finale sur le péché et son effet
inévitable, la mort, qui furent tous deux introduits sur la
terre par l'intermédiaire de Satan, l'ennemi juré de
l'humanité, devait être assurée par la postérité
de la femme ; la promesse ne fut pas faite formellement à
l'homme, ni au couple. Le seul cas où la postérité
de la femme est dissociée de la paternité mortelle est
la naissance de Jésus, le Christ, qui était le fils
terrestre d'une mère mortelle, engendré par un Père
immortel. Il est le seul engendré du Père éternel
dans la chair et naquit d'une femme.
Des
Écritures autres que celles qui se trouvent dans l'Ancien
Testament nous informent d'une manière plus complète de
la révélation de Dieu à Adam concernant la venue
du Rédempteur. Conséquence naturelle et inévitable
de sa désobéissance, Adam avait perdu la grande
bénédiction dont il bénéficiait
précédemment : celle d'être en rapport
direct et personnel avec son Dieu ; néanmoins dans son
état déchu il reçut la visite d'un ange du
Seigneur, qui lui révéla le plan de la rédemption :
« Et après de nombreux jours, un ange du Seigneur
apparut à Adam, et lui dit : Pourquoi offres-tu des
sacrifices au Seigneur ? Et Adam lui dit : je ne le sais,
si ce n'est que le Seigneur me l'a commandé. Alors l'ange
parla, disant : C'est une similitude du sacrifice du Fils unique
du Père, qui est plein de grâce et de vérité.
C'est pourquoi tu feras tout ce que tu fais au nom du Fils, tu te
repentiras, et invoqueras dorénavant Dieu au nom du Fils. Ce
jour-là, le Saint-Esprit, qui rend témoignage du Père
et du Fils, tomba sur Adam, disant : je suis le Fils unique du
Père, depuis le commencement, dorénavant et à
jamais, afin que de même que tu es tombé, tu puisses
être racheté, ainsi que toute l'humanité, à
savoir tous ceux qui le veulent » [4].
La
révélation du Seigneur à Adam communiquant le
plan officiel selon lequel le Fils de Dieu devait se munir de chair
au midi des temps, et devenir le Rédempteur du monde, fut
attestée par Énoch, fils de Jéred et père
de Metuschélah. Les paroles d'Énoch nous apprennent que
le nom par lequel le Sauveur serait connu parmi les hommes lui fut
révélé aussi bien qu'à son grand ancêtre,
Adam, en ces termes : « Jésus-Christ, le seul
nom qui sera donné sous les cieux par lequel le salut viendra
aux enfants des hommes » [5]. L'alliance écrite
de Dieu avec Abraham, et sa répétition et sa
confirmation avec Isaac et ensuite avec Jacob - que par leur
postérité toutes les nations de la terre seraient
bénies - présageait la naissance du Rédempteur
par ce lignage élu [6]. Son accomplissement est
l'héritage béni des siècles.
En
donnant sa bénédiction patriarcale à Juda, Jacob
prophétisa : « Le bâton (de
commandement) ne s'écartera pas de Juda, ni l'insigne du
législateur d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le
Chilo et que les peuples lui obéissent [et c'est auprès
de lui que le peuple se rassemblera - Version du roi Jacques,
ndt] » [7]. On a la preuve que Chilo désignait
le Christ parce que la stipulation décrite dans la prédiction
s'accomplit dans l'État de la nation juive à l'époque
de la naissance de notre Seigneur [8].
Moïse
proclama la venue d'un grand prophète en Israël, dont le
ministère devait être tellement important que tous les
hommes qui ne l'accepteraient pas seraient sous la condamnation ;
et des Écritures ultérieures prouvent d'une manière
concluante que cette prédiction ne pouvait se rapporter qu'à
Jésus-Christ. Ainsi parla le Seigneur à Moïse :
« Je leur susciterai du milieu de leurs frères un
prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche, et
il leur dira tout ce que je lui commanderai. Et si quelqu'un n'écoute
pas mes paroles qu'il dira en mon nom, c'est moi qui lui en
demanderai compte » [9]. Le système de
sacrifices formellement imposé dans le code mosaïque
était essentiellement un prototype de la mort sacrificatoire
que le Sauveur devait accomplir sur le Calvaire. Le sang
d'innombrables victimes sur l'autel, tuées par les prêtres
d'Israël au cours des rituels prescrits, coula pendant tous les
siècles qui séparèrent Moïse du Christ
comme un flot prophétique à la ressemblance du sang du
Fils de Dieu qui devait être versé comme sacrifice
expiatoire pour la rédemption du genre humain. Mais, comme
nous l'avons déjà montré, l'institution du
sacrifice sanglant pour représenter la mort future de
Jésus-Christ remonte au commencement de l'histoire humaine,
depuis que l'offrande de sacrifices d'animaux par l'effusion de sang
fut requise d'Adam, à qui l'importance de l'ordonnance, « une
similitude du sacrifice du Fils unique du Père »,
fut expressément définie [10].
L'agneau
pascal, tué pour chaque foyer israélite lors de la fête
annuelle de la Pâque, était un type particulier de
l'Agneau de Dieu qui serait sacrifié en son temps pour les
péchés du monde. La crucifixion du Christ se produisit
à l'époque de la Pâque ; et la consommation
du Sacrifice suprême, dont les agneaux de la Pâque
n'avaient été que des prototypes secondaires, amena
Paul l'apôtre à affirmer plus tard : « Car
Christ, notre Pâque, a été immolé » [11].
À
l'époque de ses cruelles afflictions, Job se réjouit du
témoignage qu'il pouvait rendre du futur Messie et déclara
avec une conviction prophétique : « Je sais
que mon Rédempteur est vivant, et qu'il se lèvera le
dernier sur la terre. » « [Je sais que mon
Rédempteur vit, et qu'il se tiendra sur la terre au dernier
jour - Version du roi Jacques, ndt] » [12]. Les
cantiques de David, le psalmiste, abondent en allusions répétées
à la vie terrestre du Christ, dont beaucoup de circonstances
sont décrites en détails et sont confirmées dans
les Écritures du Nouveau Testament [13].
Ésaïe,
dont l'office prophétique fut honoré du témoignage
personnel du Christ et des apôtres, manifesta en de nombreux
passages sa conviction que le Sauveur viendrait exercer son ministère
sur la terre. Avec la force de la révélation directe,
il parla de la maternité divine de la Vierge, de qui naîtrait
Emmanuel, et sa prédiction fut répétée
par l'ange du Seigneur, plus de sept siècles plus tard [14].
Contemplant les siècles futurs, le prophète vit
l'accomplissement des desseins divins comme si c'était déjà
fait et chanta triomphalement : « Car un enfant nous
est né, un fils nous est donné, et la souveraineté
(reposera) sur son épaule ; on l'appellera Admirable,
Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la
paix. Renforcer la souveraineté et donner une paix sans fin au
trône de David et à son royaume, l'affermir et le
soutenir par le droit et par la justice dès maintenant et à
toujours » [15].
Immédiatement
avant sa réalisation, la promesse bénie fut répétée
par Gabriel, envoyé de la présence de Dieu à la
Vierge élue de Nazareth [16]. Comme cela avait été
révélé au prophète et proclamé par
lui, le Seigneur futur était le Rameau vivant qui jaillirait
de la racine immortelle représentée par la famille
d'Isaï [17], la Pierre de fondement assurant la stabilité
de Sion [18], le Berger de la maison d'Israël [19], la
Lumière du monde [20], pour le Gentil aussi bien que pour
le Juif ; le Chef et Dominateur de son peuple [21]. La même
voix inspirée prédit l'avènement du précurseur
qui crierait dans le désert : « Ouvrez le
chemin de l'Éternel, nivelez dans la steppe une route pour
notre Dieu » [22].
Il
fut permis à Ésaïe de lire dans le parchemin de
l'avenir les nombreuses conditions spéciales qui
accompagneraient l'humble vie et la mort expiatoire du Messie. Le
prophète vit en lui quelqu'un qui serait méprisé
et rejeté des hommes, un Homme de douleur, accoutumé à
la souffrance, quelqu'un qui serait blessé et meurtri pour les
transgressions du genre humain, sur qui serait placée notre
iniquité à tous : un sacrifice patient et
volontaire, silencieux dans l'affliction, comme un agneau amené
à l'abattoir. La mort du Seigneur, avec des pécheurs,
et son ensevelissement dans le tombeau du riche furent annoncés
de même avec une certitude prophétique [23].
Jérémie
reçut clairement la parole du Seigneur, déclarant la
venue certaine du Roi qui assurerait la sécurité de
Juda et d'Israël [24] ; le Prince de la Maison de
David, par l'intermédiaire duquel la promesse divine faite au
fils d'Isaï serait réalisée [25].
Ézéchiel [26], Osée [27] et
Michée [28] prophétisèrent dans le même
esprit. Zacharie s'arrêta au milieu d'une prédiction
sinistre pour chanter le cantique joyeux d'actions de grâce et
de louange en contemplant en vision la procession toute simple de
l'entrée triomphale du Roi dans la ville de David [29].
Puis le prophète se lamenta sur la douleur de la nation
frappée par sa conscience, par qui, comme il avait été
prévu, le Sauveur de l'humanité serait percé,
jusqu'à en mourir [30] ; il montra que, une fois
soumis par la contrition, son propre peuple demanderait :
« Qu'est-ce que ces blessures que tu as aux mains ? »,
le Seigneur répondrait : « C'est dans la
maison de ceux qui m'aimaient que j'ai été
frappé » [31]. Même le prix qui serait
payé pour trahir le Christ et le livrer à la mort fut
prédit comme dans une parabole [32].
Il
ne fait aucun doute que ces prédictions des prophètes
de l'Ancien Testament concernaient Jésus-Christ et lui seul :
le Seigneur ressuscité l'affirme lui-même. Il dit aux
apôtres assemblés : « C'est là ce
que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous ; il
fallait que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la
loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes.
Alors il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Écritures.
Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ
souffrirait, qu'il ressusciterait d'entre les morts le troisième
jour » [33].
Jean-Baptiste,
dont le ministère précéda immédiatement
celui du Christ, proclama la venue de Quelqu'un qui serait plus
puissant que lui, de Quelqu'un qui baptiserait du Saint-Esprit, et
reconnut formellement Jésus de Nazareth comme étant ce
Quelqu'un, le Fils de Dieu, l'Agneau qui prendrait sur lui le fardeau
des péchés du monde [34].
Les
prédictions que nous avons citées jusqu'à
présent et qui ont trait à la vie, au ministère
et à la mort du Seigneur Jésus sont les paroles
prononcées par des prophètes qui, à l'exception
d'Adam et d'Énoch, vécurent et moururent au
Moyen-Orient. À l'exception de Jean-Baptiste, ils
appartiennent tous à l'Ancien Testament, et Jean-Baptiste,
contemporain du Christ dans la mortalité, apparaît dans
les premiers chapitres des évangiles. Il est important de
savoir que les Écritures des Amériques déclarent
d'une manière tout aussi explicite la grande vérité
que le Fils de Dieu naîtrait dans la chair. Le Livre de Mormon
contient l'histoire d'une colonie d'Israélites, de la tribu de
Joseph, qui quitta Jérusalem en 600 av. J.-C. durant le règne
de Sédécias, roi de Juda, à la veille de la
conquête de Juda par Nebucadnetsar et de la captivité
babylonienne. Cette colonie fut conduite par la direction divine vers
les Amériques, où elle s'accrut pour former un peuple
nombreux et puissant ; toutefois, divisé par la
dissension, celui-ci donna naissance à deux nations opposées,
les Néphites et les Lamanites. Ceux-là cultivèrent
les arts de l'industrie et du raffinement et conservèrent un
document écrit contenant à la fois de l'histoire et des
Écritures, tandis que ceux-ci dégénérèrent
et s'avilirent. L'extinction des Néphites se produisit vers
400 ap. J.-C., mais les Lamanites continuèrent à
exister dans leur état dégénéré.
Leurs descendants sont aujourd'hui les Amérindiens [35].
Dès
leur début, et jusqu'à l'époque de la naissance
de notre Seigneur, les annales néphites prédisent et
promettent abondamment la venue du Christ ; et cette chronique
est suivie d'un récit rapportant la visite en personne du
Sauveur ressuscité aux Néphites et l'établissement
de son Église parmi eux. Le Seigneur révéla à
Léhi, chef de la colonie, l'époque, le lieu et la
manière dont se produirait l'avènement alors futur du
Christ, en même temps que beaucoup de faits importants de son
ministère et l'œuvre préparatoire de Jean le
Précurseur. Cette révélation fut donnée
tandis que le groupe voyageait dans le désert d'Arabie avant
de traverser les grandes eaux.
Voici
comment Néphi, fils de Léhi et son successeur à
l'appel prophétique, formule la prophétie : « Et
aussi, que six cents ans après le départ de mon père
de Jérusalem, le Seigneur Dieu susciterait un prophète
parmi les juifs, même un Messie, ou, en d'autres termes, un
Sauveur du monde. Et il leur parla aussi des prophètes, leur
montrant combien était considérable le nombre de ceux
qui avaient rendu témoignage de ce Messie, ou de ce Rédempteur
du monde dont il avait parlé. Et que tout le genre humain
était dans un état de chute et de perdition et le
serait toujours, à moins qu'il n'ait recours à ce
Rédempteur. Et il parla aussi d'un prophète qui devait
précéder le Messie afin de préparer la voie du
Seigneur. Et qui irait, criant dans le désert : Préparez
la voie du Seigneur ; aplanissez ses sentiers, car il y en a un
parmi vous que vous ne connaissez point ; et il est plus
puissant que moi ; et je ne suis pas digne de délier la
courroie de ses chaussures. Et mon père parla beaucoup de
cela. Mon père dit que celui-là baptiserait à
Béthabara, au-delà du Jourdain ; et il dit aussi
qu'il baptiserait d'eau ; et même qu'il baptiserait d'eau
le Messie. Et que lorsqu'il aurait baptisé d'eau le Messie, il
verrait et rendrait témoignage d'avoir baptisé l'Agneau
de Dieu, qui allait effacer les péchés du monde. Et
lorsque mon père eut dit ces paroles, il parla à mes
frères de l'Évangile qui serait prêché
parmi les Juifs, et aussi de l'incrédulité dans
laquelle les Juifs tomberaient. Et qu'ils tueraient le Messie qui
devait venir, et qu'après avoir été tué,
il ressusciterait d'entre les morts et se manifesterait par le
Saint-Esprit aux Gentils » [36].
Néphi
écrit encore plus tard, n'agissant plus en qualité de
scribe de son père mais comme prophète et révélateur,
héraut de la parole de Dieu qui lui a été
révélée. Il lui permit d'avoir une vision et
d'exposer à son peuple les circonstances de la naissance du
Messie, son baptême par Jean et le ministère du
Saint-Esprit avec le signe de la colombe qui l'accompagnerait ;
il vit notre Seigneur parmi le peuple, comme un Maître de
justice, guérissant les affligés et réprimandant
les esprits du mal ; il vit et rapporta les scènes
terribles du Calvaire ; il vit et prédit l'appel des
douze élus, les apôtres de l'Agneau, car c'est ainsi que
les nommait Celui qui lui accordait cette vision. Il parla en outre
de l'iniquité des Juifs, qu'il vit en conflit avec les
apôtres ; et ainsi prend fin cette importante prophétie :
« Et l'ange du Seigneur me parla de nouveau, disant :
C'est ainsi que seront détruites toutes les nations, toutes
les familles, langues et peuples qui combattront les douze apôtres
de l'Agneau » [37]. Peu après la défection
qui établit la distinction entre les Néphites et les
Lamanites, Jacob, frère de Néphi, poursuivit la lignée
prophétique en assurant que le Messie viendrait, précisant
que son ministère se situerait à Jérusalem et
affirmant que sa mort expiatoire était nécessaire,
c'était le moyen prévu pour racheter les hommes [38].
Le prophète Abinadi, dénonçant hardiment les
péchés du méchant roi Noé, prêcha à
propos du Christ qui devait venir [39] ; et Benjamin, le
juste, qui était à la fois prophète et roi,
proclama la même vérité à son peuple vers
125 av. J.-C. C'est ce qu'enseigna encore Alma [40] dans son
exhortation inspirée à son fils dépravé,
Corianton ; et c'est ce que fit également Amulek [41]
dans sa querelle avec Zeezrom. Le prophète lamanite, Samuel,
proclama la même chose, cinq ans seulement avant que
l'événement même ne se produisît ; en
outre, il précisa les signes qui révéleraient
aux peuples des Amériques la naissance de Jésus en
Judée. Il dit : « Voici, je vous donne un
signe ; encore cinq ans, et voici, le Fils de Dieu vient
racheter tous ceux qui croiront à son nom. Et voici, je vous
donnerai ceci comme signe au moment de sa venue ; car voici, il
y aura de grandes lumières dans les cieux, au point que la
nuit qui précédera sa venue, il n'y aura pas de
ténèbres, en sorte qu'il semblera à l'homme
qu'il fait jour. C'est pourquoi, il y aura un jour, une nuit et un
jour, comme si c'était un jour sans nuit ; et ce sera
pour vous un signe ; car vous verrez le lever du soleil et son
coucher ; c'est pourquoi, on saura avec certitude qu'il y aura
deux jours et une nuit ; néanmoins, la nuit ne sera pas
assombrie ; et ce sera la nuit qui précédera sa
naissance. Et voici, une nouvelle étoile se lèvera,
telle que vous n'en avez jamais vue, et cela aussi vous sera un
signe. Et voici, ce n'est pas tout, il y aura beaucoup de signes et
de prodiges dans le ciel » [42].
Ainsi
donc les Écritures de l'Ancien et du Nouveau monde et à
toutes les époques pré-chrétiennes témoignèrent
solennellement que l'avènement du Messie était
certain ; c'est ainsi que les saints prophètes de jadis
proclamèrent la parole de la révélation
prédisant la venue du Roi et du Seigneur du monde, par qui
seul la révélation est donnée, et la rédemption
de la mort assurée. Il est caractéristique des
prophètes envoyés de Dieu qu'ils possèdent et
proclament l'assurance personnelle concernant le Christ, car de
témoignage de Jésus est l'esprit de la
prophétie » [43]. Jamais aucune parole de la
prophétie inspirée relative au grand événement
ne s'est avérée vaine. L'accomplissement littéral
des prédictions atteste amplement que leur origine se trouve
dans la révélation divine et prouve de manière
concluante la divinité de celui dont la venue fut prédite
si abondamment.
[1]
Dt 31:9, 24-26 ; cf. 17:18-20.
[2]
Articles de Foi, p. 298-301.
[3]
Gn 3:15 ; cf. Hé 2:14, Ap 12:9, 20:3.
[4]
PGP, Moïse 5:6-9. Note 1, fin du chapitre.
[5]
PGP, Moïse 6:52, étudier les versets 50-56 ; voir
aussi Gn 5:18, 21-24, Jude 14. Note 4, fin du chapitre.
[6]
Gn 12:3, 18:18, 22:18, 26:4, 28:14 ; cf. Actes 3:25, Ga 3:8.
[7]
Gn 49:10.
[8]
Note 2, fin du chapitre.
[9]
Dt 18:15-19 ; cf. Jean 1:45, Actes 3:22, 7:37 ; voir aussi
la confirmation formelle de notre Seigneur après sa
résurrection, 3 Néphi 20:23.
[10]
Note 1, fin du chapitre.
[11]
1 Co 5:7. On trouvera le Christ qualifié d'Agneau de Dieu dans
Jean 1:29, 36, 1 Pierre 1:19, Ap chap. 5, 6, 7, 12, 13, 14, 15, 17,
19, 21, 22 ; en outre LM, 1 Néphi 10:10, et les chap. 11,
12, 13, 14 ; 2 Néphi 31:4, 5, 6 ; 33:14, Alma 7:14,
Mormon 9:2, 3, D&A 58:11, 132:19.
[12]
Job 19:25 ; voir aussi versets 26-27.
[13]
Exemples : Ps 2:7 ; cf. Actes 13:33, Hé 1:5, 5:5. Ps
16:10 ; cf. Actes 13:34-37. Ps 22:18 ; cf. Mt 27:35, Marc
15:24, Luc 23:34, Jean 19:24. Ps 41:9 ; cf. Jean 13:18. Ps 69:9
et 21 ; cf. Mt 27:34, 48, Marc 15:23, Jean 19:29 et Jean 2:17.
Ps 110:1 et 4 ; cf. Mt 22:44, Marc 12:35-37, Luc 20:41-44 et Hé
5:6. Ps 118:22, 23 ; cf. Mt 21:42, Marc 12:10, Luc 20:17, Actes
4:11, Ep 2:20, 1 Pierre 2:4, 7. Les psaumes suivants sont considérés
comme psaumes messianiques : 2, 21, 22, 45, 67, 69, 89,
96, 110, 132 ; le psalmiste y exalte poétiquement les
excellences du Messie et la certitude de sa venue.
[14]
Es 7:14 ; cf. Mt 1:21-23.
[15]
Es 9:5, 6.
[16]
Luc 1:26-33.
[17]
Es 11:1 et 10 ; cf, Rm 15:12, Ap 5:5,22:16 ; aussi Jr
23:5,6.
[18]
Es 28:16 ; cf. Ps 118:22, Mt 21:42, Actes 4:11, Rm 9:33, 10:11,
Ep 2:20, 1 Pierre 2:6-8.
[19]
Es 40:9-11 ; cf. jean 10: 11, 14, Hé 13:20, 1 Pierre
2:25, 5:4 ; voir aussi Ez 34:23.
[20]
Es 42:1 ; voir aussi 9:2, 49:6, 60:3 ; cf. Mt 4:14-16, Luc
2:32, Actes 13:47 ; 26:18, Ep 5:8,14.
[21]
Es 55:4 ; cf. Jean 18:37.
[22]
Es 40:3 ; cf. Mt 3:3, Marc 1:3, Luc 3:4, Jean 1:23.
[23]
Es 53 ; étudier le chapitre entier ; cf. Actes
8:32-35.
[24]
Jr 23:5, 6 ; voir aussi 33:14-16.
[25]
Jr 30:9.
[26]
Ez 34:23, 37:24, 25.
[27]
Os 11:11 ; cf. Mt 2:15
[28]
Mi 5:2 ; cf. Mt 2:6, Jean 7:42.
[29]
Za 9:9 ; cf. Mt 21:4-9.
[30]
Za 12:10 ; cf. Jean 19:37.
[31]
Za 13:6.
[32]
Za 11: 12,13 ; cf. Mt 26:15, 27:3-10.
[33]
Luc 24:44, 46 ; voir aussi versets 25:27.
[34]
Mt 3:11, Marc 1:8, Luc 3:16, Jean 1:15, 26,27, 29-36 ; voir
aussi Actes 1:5, 8, 11:16,19:4.
[35]
Note 3, fin du chapitre.
[36]
LM, 1 Néphi 10:4-11.
[37]
LM, 1 Néphi chapitres 11 et 12 ; voir aussi 19:10.
[38]
LM, 2 Néphi 9:5, 6 ; 10:3. Voir aussi la prophétie
de Néphi 25:12-14 ; et chap.26.
[39]
LM, Mosiah 13:33-35 ; 15:1-13.
[40]
LM, Alma 39:15, 40:1-3.
[41]
LM, Alma 11:31-44.
[42]
LM, Hélaman 14:1-6 ; cf. 3 Néphi 1:4-21.
[43]
Ap 19: 10.
NOTES
DU CHAPITRE 5
1.
Le sacrifice, prototype de la mort expiatoire du Christ, est très
ancien : Bien que le texte biblique atteste expressément
que des sacrifices étaient offerts longtemps avant l'exode
d'Israël hors d'Égypte - par exemple par Abel et par Caïn
(Gn 4:3,4), par Noé après le déluge (Gn 8:20),
par Abraham (Gn 22:2, 13), par Jacob (Gn 31:54, 46: 1) - il garde le
silence sur l'origine divine du sacrifice, exigence propitiatoire qui
préfigurait la mort expiatoire de Jésus-Christ. Tous
les chercheurs, à part ceux qui reconnaissent la validité
de la révélation moderne, reconnaissent leur difficulté
à déterminer l'époque et les circonstances dans
lesquelles l'offrande de sacrifices symboliques prit naissance parmi
les hommes. Beaucoup de savants spécialistes de la Bible ont
affirmé la nécessité de supposer que Dieu donna
très tôt des instructions à l'homme à ce
sujet. C'est ainsi que l'auteur de l'article « Sacrifice »,
dans le Bible Dictionary, de Cassel dit : « L'idée
de sacrifice est dominante dans toutes les Écritures ;
c'est l'un des rites les plus anciens et les plus généralement
reconnus de la religion dans le monde entier. Il existe aussi une
similarité remarquable dans le développement et les
applications de cette idée. Pour cette raison et pour d'autres
encore on a conclu que le sacrifice faisait partie intégrante
du culte originel de l'homme, et que son universalité n'est
pas uniquement un argument indirect en faveur de l'unité du
genre humain, mais également une illustration et une
confirmation des premières pages inspirées de
l'histoire du monde. On ne peut guère considérer l'idée
de sacrifice comme le produit de la nature humaine livrée à
elle-même, et on doit par conséquent la faire remonter à
une source plus élevée et la considérer comme
une révélation divine à l'homme primitif. »
Le
Dictionary of the Bible, de Smith, déclare ce qui suit :
« Lorsque nous retraçons l'histoire du sacrifice de
son origine à son développement parfait dans le rituel
mosaïque, nous nous trouvons immédiatement face à
la question longuement controversée de l'origine du sacrifice,
le point étant de savoir s'il naquit d'un instinct naturel de
l'homme, sanctionné et guidé par Dieu, ou s'il fut le
sujet d'une révélation originelle distincte. Il est
indubitable que le sacrifice a été sanctionné
par la Loi de Dieu, dans le sens particulier et typique du sacrifice
expiatoire du Christ ; le fait qu'on le retrouve partout,
indépendamment des raisonnements naturels de l'homme sur ses
rapports avec Dieu et souvent en opposition à ceux-ci, montre
qu'il est très ancien et était profondément
enraciné dans les instincts de l'humanité. Quant à
savoir s'il fut imposé au début par un commandement
externe ou fut basé sur le sentiment de péché et
de perte de la communion avec Dieu que sa main a gravé dans le
cœur de l'homme - cela est une question historique, peut-être
insoluble. »
La
difficulté disparaît, et la « question
historique » quant à l'origine du sacrifice est
définitivement résolue par les révélations
de Dieu à notre époque, grâce auxquelles des
parties du Livre de Moïse qui ne se trouvent pas dans la Bible -
ont été rendues à la connaissance humaine.
L'Écriture citée dans le texte (p. 51, 52) montre
clairement qu'après sa transgression, Adam reçut
l'ordre d'offrir des sacrifices et que le sens de ce rite divinement
établi fut pleinement expliqué au patriarche du genre
humain. L'effusion du sang d'animaux en sacrifice à Dieu comme
préfiguration « du sacrifice du Fils unique du
Père » remonte à l'époque qui suivit
immédiatement la chute. Son origine se base sur une révélation
précise faite à Adam. Voir PGP, Moïse 5:5-8.
2.
Prophétie de Jacob concernant le « Chilo » [ou
Silo] : La prédiction du patriarche Jacob - que le
sceptre ne s'éloignerait point de Juda avant la venue du Chilo
- a donné lieu à beaucoup de discussions parmi les
spécialistes de la Bible. Certains prétendent que
« Silo » est un nom de lieu et pas un nom de
personne. Il ne fait aucun doute qu'il existait un lieu de ce nom
(voir Josué 18:1, 19:51, 21:2, 22:9, 1 S 1:3, Jr 7:12) ;
mais le nom qui apparaît dans Gn 49:10 est clairement un nom de
personne. On doit savoir que l'utilisation du mot dans la version du
roi Jacques ou version autorisée de la Bible est considérée
comme correcte par beaucoup d'autorités éminentes. Nous
lisons ainsi, dans le Commentary on the Holy Bible, par Dummelow :
« Juifs et chrétiens ont toujours considéré
ce verset comme une prophétie remarquable de la venue du
Messie... Selon la définition donnée plus haut, le
verset tout entier prédit que Juda conserverait l'autorité
jusqu'à l'avènement du souverain légitime, le
Messie, auprès de qui tous les peuples se rassembleraient. Et
on peut dire d'une manière générale que les
dernières traces de pouvoir législatif juif (qui
reposait sur le sanhédrin) ne disparurent pas avant la venue
du Christ et la destruction de Jérusalem, date à partir
de laquelle son royaume a été établi parmi les
hommes. »
Adam
Clarke, dans l'ouvrage très approfondi qu'est son Commentaire
de la Bible, analyse brièvement les objections élevées
par ceux qui considèrent que l'on ne peut pas admettre que ce
passage s'applique à l'avènement du Messie, et les
rejette en affirmant qu'elles n'ont aucun fondement. Voici ce qu'il
conclut concernant la signification du passage : « Juda
continuera d'exister comme une tribu distincte jusqu'à
l'avènement du Messie, et c'est ce qui est arrivé ;
et après sa venue il fut confondu avec les autres, de sorte
que toute distinction a été perdue depuis lors. »
Le
professeur Douglas, cité dans le Dictionnaire de Smith,
« affirme que quelque chose est resté du sceptre de
Juda - une éclipse totale ne prouvant pas que le jour est
terminé - que l'accomplissement proprement dit de la prophétie
ne commença qu'à l'époque de David et fut
consommée dans le Christ selon Luc 1:32, 33 ».
Le
sens accepté du mot par dérivation est « paisible »,
et cela peut s'appliquer aux attributs du Christ qui, dans Es 9:5,
est appelé le Prince de la paix.
Eusèbe,
qui vécut entre 260 et 339 ap. J.-C., et que l'on connaît
dans l'histoire ecclésiastique comme l'évêque de
Césarée, écrivit : « À
l'époque du règne d'Hérode, qui fut le premier
étranger à gouverner le peuple juif, la prophétie
rapportée par Moïse reçut son accomplissement, à
savoir qu'un prince ne manquerait jamais en Juda, ni un souverain de
ses reins, jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel cela est
réservé. Celui que les nations attendent. »
(Le passage que nous venons de citer se trouve dans la version des
Septante de la Gn 49:10.)
Certains
critiques ont prétendu qu'en se servant du mot « Chilo »
Jacob n'avait pas du tout l'intention de l'utiliser comme nom propre.
L'auteur de l'article « Chilo » dans le Bible
Dictionary, de Cassell, dit : « La majorité
des preuves est en faveur de l'interprétation messianique,
mais les opinions sont très divergentes quand il s'agit de
considérer le mot « Chilo » comme nom
propre... En dépit de toutes les objections que l'on soulève
contre l'idée de le considérer ainsi, nous sommes
d'avis que c'est à bon droit qu'on le considère comme
nom propre, et que la version anglaise représente le sens
véritable de ce passage. Nous recommandons à ceux qui
désirent approfondir davantage une question que l'on ne peut
guère discuter sans la critique hébraïque les
excellentes notes sur Gn 49:10 dans le « Commentary on the
Pentateuch », par Keil & Delizsch. Le texte y est
rendu de la manière suivante : « Le sceptre ne
s'éloignera point de Juda, ni le bâton du souverain
d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Chilo, et que les
nations lui rendent volontairement obéissance. »
« En
dépit de l'objection de certains auteurs, même de la
part de ceux de qui on ne l'attendrait pas, contre l'interprétation
messianique, nous voyons que les événements de
l'histoire confirment cette explication au lieu de l'affaiblir. Le
texte n'est pas pris dans le sens que Juda ne serait jamais privé
d'un souverain à lui, mais que le pouvoir royal ne
disparaîtrait finalement de Juda que lorsque le Chilo serait
venu. Les objections basées sur la captivité
babylonienne et autres interruptions de ce genre n'ont aucun
fondement, parce que c'est de la fin définitive qu'il est
question, et celle-ci ne se produisit qu'après l'époque
du Christ. » Voir en outre The Book of
Prophecy, par G. Smith LL.D. ; p. 320. Voir aussi Compendium of
the Doctrines of the Gospel, par Franklin D. Richards et James A.
Little, article « Christ's First Coming ».
3.
Néphites et Lamanites : Les ancêtres de la nation
néphite furent emmenés de Jérusalem, en 600 av.
J.-C., par Léhi, prophète juif de la tribu de Manassé.
Sa famille immédiate, à l'époque de leur départ
de Jérusalem, comprenait sa femme, Sariah, et leurs fils,
Laman, Lémuel, Sam et Néphi ; à un stade
ultérieur de leur histoire des filles sont mentionnées,
mais on ne nous dit pas s'il y en eut parmi elles qui naquirent avant
l'exode de la famille. Outre sa propre maison, la colonie de Léhi
comprenait Zoram et Ismaël, ce dernier étant Israélite
de la tribu d'Éphraïm ; Ismaël et sa famille se
joignirent au groupe de Léhi dans le désert, et ses
descendants furent comptés avec la nation dont nous parlons.
Il apparaît qu'ils voyagèrent plus ou moins vers le
sud-est, en restant à proximité du rivage de la mer
Rouge ; ensuite, changeant leur orientation vers l'est, ils
traversèrent la péninsule arabique, et là, sur
les rives de la mer d'Oman, ils construisirent un navire, qu'ils
chargèrent de provisions et dans lequel ils s'en remirent à
la providence divine sur les flots. Leur navigation les emmena vers
l'est, à travers l'océan Indien, puis à travers
le Pacifique jusqu'à la côte occidentale de l'Amérique,
où ils débarquèrent (590 av. J.-C.)... Le peuple
s'établit sur ce qui était pour lui la Terre Promise ;
de nombreux enfants naquirent et, après quelques générations,
le pays fut occupé par une postérité nombreuse.
Après la mort de Léhi, le peuple se divisa, une partie
reconnaissant comme chef Néphi, qui avait été
dûment désigné à l'office de prophète,
tandis que l'autre partie proclamait Laman, le fils aîné
de Léhi, comme son chef. Dès lors les deux groupes de
ce peuple maintenant divisé prirent respectivement le nom de
Néphites et de Lamanites. Par intervalles, ils observaient
entre eux un semblant de relations amicales ; mais généralement,
ils furent ennemis, les Lamanites manifestant une hostilité et
une haine implacables envers leurs frères Néphites. Les
Néphites se développèrent dans les arts de la
civilisation, bâtirent de grandes villes et des royaumes
prospères. Cependant ils tombaient souvent en transgression,
et le Seigneur les châtiait en permettant à leurs
ennemis héréditaires de les vaincre. Ils se répandirent
vers le nord pour occuper un territoire considérable en
Amérique Centrale et s'étendirent ensuite vers l'est et
vers le nord sur une partie de ce qui est maintenant les États-Unis
d'Amérique. Les Lamanites, tout en croissant en nombre,
subirent la malédiction du courroux divin ; ils devinrent
sombres de peau et enténébrés d'esprit,
oublièrent le Dieu de leurs pères, menèrent une
vie nomade, sauvage et dégénérée pour en
arriver à l'état déchu dans lequel les
Amérindiens - leurs descendants en ligne directe - furent
trouvés par ceux qui redécouvrirent les Amériques
beaucoup plus tard (voir les Articles de Foi, de l'auteur, p.
320-322).
4.
La première dispensation de l'Évangile :
L'Évangile de Jésus-Christ fut révélé
à Adam. La foi en Dieu le Père éternel, et en
son Fils, le Sauveur d'Adam et de toute sa postérité,
le repentir du péché, le baptême d'eau par
immersion et le don divin du Saint-Esprit furent proclamés au
commencement de l'histoire humaine comme étant les éléments
essentiels du salut. Les Écritures suivantes attestent ce
fait. « Et ainsi l'Évangile commença à
être prêché dès le commencement, étant
proclamé par des saints anges envoyés de la présence
de Dieu, par sa propre voix et par le don du Saint-Esprit »
(Moïse 5:58). Le prophète Énoch témoigna de
la manière suivante : « Mais Dieu a fait
savoir à nos pères que tous les hommes doivent se
repentir. Et il appela notre père Adam de sa propre voix,
disant : « Je suis Dieu ; j'ai fait le monde, et
les hommes avant qu'ils ne fussent dans la chair. Et il lui dit
également : Si tu veux te tourner vers moi, écouter
ma voix, croire, te repentir de toutes tes transgressions et être
baptisé, même dans l'eau, au nom du Fils unique, qui est
plein de grâce et de vérité, lequel est
Jésus-Christ, le seul nom qui sera donné sous les cieux
par lequel le salut viendra aux enfants des hommes, tu recevras le
don du Saint-Esprit, et tu demanderas tout en son nom, et tout ce que
tu demanderas te sera donné » (Moïse 6:50-52 ;
lire également 53-61). « Et maintenant, voici, je
vous le dis, tel est le plan de salut pour tous les hommes par le
sang de mon Fils unique qui viendra au midi des temps (62). »
« Lorsque le Seigneur eut parlé avec Adam, notre
père, Adam invoqua le Seigneur, fut enlevé par l'Esprit
du Seigneur, emporté dans l'eau, immergé sous l'eau et
sorti de l'eau. C'est ainsi qu'il fut baptisé, et l'Esprit du
Seigneur descendit sur lui et c'est ainsi qu'il naquit de l'Esprit,
et il fut vivifié dans l'homme intérieur. Et il
entendit une voix venant des cieux, disant : Tu es baptisé
de feu et du Saint-Esprit. C'est là le témoignage du
Père et du Fils, dorénavant et à jamais »
(64-66). Comparez D&A 29:42.
CHAPITRE
6 : LE MIDI DES TEMPS
L'histoire
du genre humain, passée et future par rapport à son
époque, fut révélée à Moïse,
à qui le Seigneur parla « face à face, comme
un homme parle à son ami » [1]. Et Moïse
reconnut que l'avènement du Rédempteur était
l'événement le plus important parmi tous ceux dont la
terre et ses habitants seraient témoins. La malédiction
de Dieu était déjà tombée sur les
méchants, et sur la terre à cause d'eux, « car
ils ne voulaient pas écouter sa voix ni croire en son Fils
unique, à savoir celui qu'il avait déclaré
devoir venir au midi des temps, et qui était préparé
dès avant la fondation du monde » [2]. C'est
dans cette Écriture très ancienne qu'apparaît
pour la première fois le nom expressif et profondément
significatif qui devait désigner la période à
laquelle le Christ apparaîtrait - le midi des temps. Si l'on
considère l'expression comme figurée, que l'on se
souvienne que l'image provient du Seigneur.
Le
terme « midi » tel qu'on l'utilise
habituellement, exprime l'idée d'une division majeure du
temps [3] ; c'est ainsi que nous parlons du matin (avant
midi) et de l'après-midi. De même les années et
les siècles de l'histoire humaine sont divisés par le
grand événement de la naissance de Jésus-Christ.
Les années précédant cet événement
central sont maintenant désignées comme ayant eu lieu
avant Jésus-Christ (av. J.-C.) ; et les années qui
le suivent, par l'expression après Jésus-Christ (ap.
J.-C.). C'est ainsi que la chronologie du monde a été
adaptée et calculée systématiquement par rapport
au moment de la naissance du Sauveur, et cette méthode de
calcul est utilisée parmi toutes les nations chrétiennes.
Il est instructif de remarquer qu'un système semblable fut
adopté par la branche isolée de la Maison d'Israël
qui avait été amenée de la Palestine au
continent américain ; car à partir de l'apparition
du signe promis parmi le peuple, indiquant la naissance de Celui qui
avait été si abondamment prédit par ses
prophètes, le calcul néphite des années, qui
commençait avec le départ de Léhi et de sa
colonie de Jérusalem, fut remplacé par les annales de
la nouvelle ère [4].
L'époque
de l'avènement du Sauveur avait été choisie à
l'avance, et elle avait été exactement révélée
par l'intermédiaire de prophètes autorisés dans
chacun des deux mondes. La longue histoire de la nation israélite
s'était déroulée en une succession d'événements
qui trouvèrent un point culminant relatif dans la mission
terrestre du Messie. Afin de mieux comprendre le sens véritable
de la vie et du ministère du Seigneur tandis qu'il était
dans la chair, nous devons étudier un peu la situation
politique, sociale et religieuse du peuple parmi lequel il apparut,
vécut et mourut. Cette étude exige que nous fassions au
moins une brève révision de l'histoire antérieure
de la nation hébraïque. La postérité
d'Abraham par Isaac et Jacob avait pris très tôt le
titre dont elle devait tirer une fierté immortelle et où
elle devait trouver une promesse édifiante : Israélites
ou enfants d'Israël [5]. C'est ainsi qu'on les désignait
collectivement pendant les jours sombres de leur esclavage en
Égypte [6] ; c'est ainsi qu'on les appela pendant
les quatre décennies de l'exode et le retour à la terre
de promission [7] ; et on continua à les appeler
ainsi pendant toute la période de leur prospérité,
lorsqu'ils étaient un peuple puissant sous l'administration
des Juges, et une monarchie unie pendant les règnes successifs
de Saül, David et Salomon [8].
Immédiatement
après la mort de Salomon, vers 975 av. J.-C. selon la
chronologie la plus généralement acceptée, la
nation fut démembrée par la révolte. La tribu de
Juda, une partie de la tribu de Benjamin et de petits restants de
quelques autres tribus restèrent fidèles à la
succession royale et acceptèrent Roboam, fils de Salomon, pour
roi ; tandis que le reste, que l'on appelle ordinairement les
dix tribus, rompirent leur serment de fidélité à
la maison de David et firent de Jéroboam, un Éphraïmite,
leur roi. Les dix tribus conservèrent le titre de Royaume
d'Israël bien qu'on les ait également appelées
Éphraïm [9]. Pour les distinguer, on appela Roboam
et ses adhérents le Royaume de Juda. Pendant deux cent
cinquante ans environ, les deux royaumes conservèrent leur
autonomie séparée ; puis, vers 722 ou 721 av.
J.-C., l'indépendance du Royaume d'Israël fut détruite,
et le peuple captif fut déporté en Assyrie par
Salmanasar et d'autres. Par la suite il disparut si complètement
qu'on l'appela les Tribus Perdues. Le Royaume de Juda fut reconnu
comme nation pendant cent trente ans encore ; puis, vers 588 av.
J.-C., il fut asservi par Nebucadnetsar, qui inaugura la captivité
babylonienne. À la suite de sa transgression, Juda fut
maintenu en exil et en esclavage virtuels pendant soixante-dix ans
comme cela avait été prédit par l'intermédiaire
de Jérémie [10]. Puis le Seigneur adoucit le cœur
de ses vainqueurs, et son rétablissement fut commencé
sous le décret de Cyrus le Perse, qui avait vaincu le royaume
babylonien. Le peuple hébreu reçut la permission de
retourner en Juda et d'entreprendre le travail de reconstruction du
temple à Jérusalem [11].
Une
grande compagnie des Hébreux exilés profitèrent
de cette occasion de retourner sur les terres de leurs pères,
mais beaucoup choisirent de demeurer dans le pays de leur captivité,
préférant Babylone à Israël. « L'assemblée
tout entière » des Juifs qui retournèrent de
l'exil de Babylone ne se composait que de « quarante-deux
mille trois cent soixante personnes, sans compter leurs serviteurs et
leurs servantes, au nombre de sept mille trois cent trente-sept ».
L'importance numérique relativement réduite de la
nation émigrante est encore montrée par la nomenclature
de leurs animaux de bât [12]. Bien que ceux qui
retournèrent s'efforçassent vaillamment de se reformer
en Maison de David et de regagner une certaine mesure de leur
prestige et de leur gloire passés, les Juifs ne furent plus
jamais un peuple vraiment indépendant. La Grèce,
l'Égypte et l'Assyrie en firent tour à tour leur
proie ; mais vers 164-163 av. J.-C., le peuple rejeta, du moins
en partie, le joug étranger, à la suite de la révolte
patriotique conduite par les Maccabées, dont le plus important
était Judas Maccabée. Le service du temple, qui avait
été pratiquement aboli par la proscription des ennemis
victorieux, fut rétabli [13]. En 163 av. J.-C., le
bâtiment sacré fut redédié, et cette
joyeuse occasion fut célébrée dès lors
dans une fête annuelle appelée fête de la
Dédicace [14]. Mais pendant le règne des Maccabées
le temple tomba en ruines, plus à cause de l'incapacité
du peuple réduit et appauvri de l'entretenir que par déclin
du zèle religieux. Dans l'espoir d'assurer une plus grande
protection nationale, les Juifs firent alliance avec les Romains et
finirent par devenir leurs tributaires. La nation juive continua
d'exister dans cet état pendant toute la période du
ministère de notre Seigneur. Au midi des temps, Rome était
virtuellement la maîtresse du monde. Lorsque le Christ naquit,
César Auguste [15] était empereur de Rome, et
Hérode l'Iduméen, surnommé le Grand, était
le roi vassal de Judée.
Les
Juifs conservèrent un semblant d'autonomie nationale sous la
domination romaine, et leur cérémonial religieux ne fut
pas sérieusement entravé. Les ordres établis de
la prêtrise étaient reconnus, et les actes officiels du
conseil national ou sanhédrin [16] étaient
considérés par les Romains comme faisant force de loi ;
toutefois les pouvoirs judiciaires de cette assemblée ne lui
permettaient pas d'infliger de peine capitale sans la sanction de
l'exécutif impérial. La politique traditionnelle de
Rome était d'accorder à ses peuples tributaires et
vassaux la liberté de culte tant que les divinités
mythologiques, chères aux Romains, n'étaient pas
maltraitées ni leurs autels profanés [17].
Il
n'est pas besoin de dire que les Juifs n'acceptèrent pas de
bon gré la domination étrangère, quoiqu'ils
eussent été formés à cette expérience
pendant de nombreuses générations, leur état
d'asservissement ayant oscillé entre la vassalité de
nom et l'esclavage réel. Ils étaient déjà
en grande partie un peuple dispersé. Tous les Juifs de
Palestine à l'époque de la naissance du Christ ne
constituaient qu'un petit reste de la grande nation davidique. Les
dix tribus, qui constituaient l'ancien royaume d'Israël, étaient
perdues depuis longtemps pour l'histoire, et le peuple de Juda avait
été éparpillé au loin parmi les nations.
Dans
leurs rapports avec les autres peuples, les Juifs s'efforçaient
généralement de rester une société
hautainement renfermée, ce qui les fit ridiculiser par les
Gentils. Sous la loi mosaïque, Israël avait reçu
l'ordre de se tenir à part des autres nations ; les Juifs
attachaient une importance suprême à leur lignage
abrahamique qui faisait d'eux les enfants de l'alliance, « un
peuple saint pour l'Éternel », qu'il avait choisi
pour qu'il fût « un peuple qui lui appartienne en
propre parmi tous les peuples qui sont à la surface de la
terre » [18]. Juda avait fait l'expérience des
effets désastreux du badinage avec les nations païennes,
et à l'époque que nous considérons pour le
moment, un Juif qui se permettait des relations inutiles avec un
Gentil devenait un être impur qui avait besoin d'être
purifié cérémoniellement pour être délivré
de sa souillure. Ce n'est que dans un isolement strict que les
dirigeants trouvaient l'espoir d'assurer la perpétuité
de la nation.
Il
n'est pas exagéré de dire que les Juifs haïssaient
tous les autres peuples et étaient réciproquement
méprisés par tous les autres. Ils manifestaient une
haine toute spéciale pour les Samaritains, peut-être
parce que ce peuple persistait dans ses efforts pour établir
une prétention à une parenté raciale. Ces
Samaritains étaient un peuple mêlé, et les juifs
les considéraient comme des bâtards indignes d'un
respect vrai. Quand les dix tribus furent emmenées en
captivité par le roi d'Assyrie, des étrangers furent
envoyés peupler la Samarie [19]. Ceux-ci se marièrent
avec les Israélites qui avaient échappé à
la captivité, et des modifications de la religion d'Israël,
comprenant au moins la profession du culte de Jéhovah,
survécurent en Samarie. Les Juifs considéraient les
rituels samaritains comme peu orthodoxes, et le peuple comme des
réprouvés. À l'époque du Christ,
l'inimitié entre Juif et Samaritain était si intense
que les voyageurs qui allaient de Judée en Galilée
faisaient de longs détours pour ne pas traverser la province
de Samarie qui se trouvait entre les deux. Les Juifs ne voulaient
rien avoir de commun avec les Samaritains [20].
Le
fier sentiment d'indépendance, l'obsession du repli sur
soi-même et de l'isolement - traits si caractéristiquement
juifs à l'époque - étaient inculqués dès
l'enfance et soulignés à la synagogue et à
l'école. Le Talmud [21] qui, sous sa forme codifiée,
est ultérieur à l'époque du ministère du
Christ, interdisait à tous les Juifs la lecture des livres de
nations étrangères, déclarant qu'aucun de ceux
qui commettaient pareille faute ne pouvait logiquement espérer
la faveur de Jéhovah [22]. Josèphe approuve ce
commandement et écrit que la sagesse pour les Juifs signifiait
uniquement : bien connaître la loi et être capable
d'en discuter [23]. La connaissance approfondie de la loi était
exigée aussi formellement que les autres études étaient
interdites. C'est ainsi que la limite entre les savants et les
ignorants devint rigidement fixée ; et il s'ensuivit
inévitablement que ceux que l'on estimait savants, ou qui se
considéraient comme tels, regardaient leurs congénères
non cultivés comme une classe distincte et inférieure [24].
Longtemps
avant la naissance du Christ, les Juifs avaient cessé d'être
un peuple uni, même en matière de loi, bien qu'ils se
reposassent principalement sur la loi pour conserver leur solidarité
nationale. Soixante ans après le retour de l'exil babylonien
déjà, et nous ne savons pas exactement combien de temps
auparavant, on avait commencé à reconnaître, en
tant qu'hommes ayant l'autorité, certains savants que l'on
appela plus tard scribes et que l'on nomma rabbis [25] ou
docteurs. À l'époque d'Esdras et de Néhémie,
ces spécialistes de la loi constituaient une classe noble, à
qui on rendait respect et honneur. On appelle Esdras « sacrificateur
et scribe, qui transcrivait les paroles commandées et
prescrites par l'Éternel au sujet d'Israël » [26].
Les scribes de l'époque rendirent des services précieux
sous la direction d'Esdras, et plus tard sous la direction de
Néhémie, à compiler les écrits sacrés
qui existaient à l'époque ; et dans l'usage juif,
ceux qui étaient chargés d'être les gardiens et
les interprètes de la loi prirent le nom de membres de la
Grande Synagogue ou Grande Assemblée, au sujet desquels les
voies canoniques nous donnent peu de renseignements. Selon le Talmud,
l'organisation se composait de cent vingt savants éminents.
L'ampleur de leurs travaux, selon l'exhortation qu'ils perpétuaient
traditionnellement eux-mêmes, est définie de la manière
suivante : Soyez prudents dans le jugement, établissez de
nombreux savants et dressez une clôture autour de la loi. Ils
suivaient ce commandement en étudiant attentivement et en
examinant soigneusement tous les détails traditionnels de
l'administration, en multipliant les scribes et les rabbis, et, selon
l'interprétation que certains d'entre eux donnaient à
leurs devoirs d'établir de nombreux savants, en écrivant
beaucoup de livres et de traités ; en outre, ils
établirent une clôture autour de la loi en ajoutant de
nombreuses règles qui prescrivaient avec une grande précision
les conventions officielles pour chaque occasion.
Le
peuple tenait les scribes et les rabbis en très haute estime,
supérieure encore à celle qu'ils manifestaient pour
l'ordre des lévites ou des prêtres ; et les décrets
rabbiniques prenaient le pas sur les paroles des prophètes,
puisqu'on ne considérait ces derniers que comme des messagers
ou des porte-parole, tandis que les savants vivants étaient
d'eux-mêmes des sources de sagesse et d'autorité. Les
pouvoirs séculiers que la société romaine
permettait aux juges de conserver reposaient sur la hiérarchie
dont les membres étaient capables de s'octroyer pratiquement
tous les honneurs officiels et professionnels. Le résultat
naturel de cette situation fut qu'il n'y avait pratiquement aucune
distinction entre la loi civile et la loi ecclésiastique, que
ce fût quant au code ou quant à l'administration. Un
élément essentiel du rabbinisme était la
doctrine selon laquelle la tradition rabbinique orale avait une
autorité égale à la parole écrite de la
loi. L'exaltation que provoquait l'application du titre « rabbi »
et l'orgueil manifesté par ceux qui recevaient ce genre
d'adulation étaient particulièrement interdits par le
Seigneur, qui se proclamait lui-même le seul Maître ;
et, pour ce qui est de l'interprétation du titre de « père »
que certains détenaient, Jésus proclama qu'il n'y avait
qu'un seul Père et qu'il se trouvait au ciel : « Mais
vous, ne vous faites pas appeler Rabbi ; car un seul est votre
Maître, et vous êtes tous frères. Et n'appelez
personne sur la terre père, car un seul est votre Père,
celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas appeler directeurs,
car un seul est votre Directeur, le Christ » [27].
Les
scribes, qu'ils aient été nommés de la sorte ou
par l'appellation plus distinguée de rabbi, furent dénoncés
de multiples fois par Jésus, parce que leurs enseignements
n'étaient que lettre morte, et que l'esprit de justice et de
moralité viriles en était absent ; et dans ses
dénonciations, les Pharisiens sont souvent accolés aux
scribes. Le jugement que le Christ portait sur eux est suffisamment
exprimé par son imprécation flétrissante :
« Malheur à vous, scribes et Pharisiens
hypocrites [28] ! »
L'époque
ou les circonstances de l'origine des Pharisiens ne sont pas fixées
par une autorité indiscutable ; bien qu'il soit probable
que cette confession ou ce parti naquit lors du retour des Juifs de
la captivité babylonienne. Les Juifs qui s'étaient
imprégnés de l'esprit de Babylone promulguèrent
de nouvelles idées et des conceptions supplémentaires
quant à la signification de la loi, et les innovations qui en
résultèrent furent acceptées par les uns et
rejetées par les autres. Le nom « Pharisien »
n'apparaît pas dans l'Ancien Testament ni dans les apocryphes,
bien qu'il soit probable que les Assidéens mentionnés
dans les livres des Maccabées [29] aient été
les Pharisiens originels. Par dérivation le nom exprime l'idée
de séparatisme ; le Pharisien, comme l'estimait sa
classe, était tout spécialement mis à part du
commun, auquel il se considérait aussi véritablement
supérieur que les Juifs se considéraient eux-mêmes
par rapport aux autres nations. Les Pharisiens et les scribes étaient
unis dans tous les points essentiels de ce qu'ils professaient, et le
rabbinisme était leur doctrine officielle.
Dans
le Nouveau Testament, les Pharisiens sont souvent mentionnés
en opposition aux Sadducéens ; et les rapports entre les
deux partis étaient tels qu'il est plus facile de les opposer
les uns aux autres que de les étudier séparément.
Les Sadducéens naquirent sous forme d'organisation
réactionnaire au cours du deuxième siècle avant
Jésus-Christ, lors d'un mouvement d'insurrection contre le
parti maccabéen. Leur programme consistait en une campagne
d'opposition à la masse sans cesse croissante de pratiques
traditionnelles, qui non seulement entouraient la loi d'une clôture
pour la protéger, mais sous lesquelles elle était
également ensevelie. Les Sadducéens étaient
partisans de la sainteté de la loi telle qu'elle avait été
écrite et conservée, et rejetaient toute la masse des
préceptes rabbiniques, tant ceux qui avaient été
transmis oralement que ceux qui avaient été
collationnés et codifiés dans les écrits des
scribes. Les Pharisiens constituaient le parti le plus populaire, les
Sadducéens représentaient une minorité
aristocratique. À l'époque de la naissance du Christ,
les Pharisiens constituaient un corps organisé au nombre de
plus de six mille hommes, les femmes juives étant
sympathisantes et collaborant généralement avec
eux [30] tandis que les Sadducéens étaient une
faction tellement réduite et au pouvoir si limité que,
lorsqu'on les plaçait dans des postes officiels, ils suivaient
généralement la politique des Pharisiens parce que
c'était plus profitable. Les Pharisiens étaient les
Puritains de l'époque, exigeant d'une manière
inflexible que l'on se conformât aux règles
traditionnelles aussi bien qu'à la loi originelle de Moïse.
Notez à ce propos la profession de foi et de pratique de Paul
lorsqu'il fut mis en accusation devant Agrippa : « J'ai
vécu en Pharisien, selon le parti le plus rigide de notre
religion » [31]. Les Sadducéens se targuaient
de se conformer strictement à la loi, telle qu'ils la
comprenaient, en dépit de tous les scribes ou rabbis. Les
Sadducéens étaient partisans du temple et de ses
ordonnances prescrites, les Pharisiens, de la synagogue et de ses
enseignements rabbiniques. Il est difficile de décider
lesquels étaient les plus techniques si nous jugeons chaque
parti par le critère de sa propre profession. Voici une
illustration : les Sadducéens étaient pour
l'application littérale et complète du châtiment
mosaïque : oeil pour oeil, dent pour dent [32], tandis
que les Pharisiens disaient, en vertu des décrets rabbiniques,
que cette formule devait être comprise au sens figuré,
et que, par conséquent, le châtiment pouvait consister
en une amende d'argent ou de biens.
Pharisiens
et Sadducéens différaient sur beaucoup de sujets
importants sinon fondamentaux de croyance et de pratique, y compris
la préexistence des esprits, la réalité d'un
état futur impliquant la récompense et la punition, la
nécessité de l'abnégation personnelle,
l'immortalité de l'âme et la résurrection d'entre
les morts, points sur lesquels les Pharisiens étaient
affirmatifs tandis que les Sadducéens optaient pour la
négative [33]. Josèphe déclare que la
doctrine des Sadducéens est que l'âme et le corps
périssent ensemble ; la loi est tout ce qu'ils se
soucient d'observer [34]. Ils étaient « une
école sceptique de traditionalistes aristocratiques,
n'adhérant qu'à la loi mosaïque » [35].
Parmi
les nombreux autres partis et confessions établis à la
suite de différences religieuses ou politiques ou des deux, il
faut compter les Esséniens, les naziréens, les
Hérodiens et les Galiléens. Les Esséniens se
caractérisaient par des professions d'une extrême
piété ; ils considéraient que même la
profession stricte des Pharisiens était faible et
insuffisante ; pour devenir membre de leur ordre, il fallait se
soumettre à des exigences sévères s'étendant
tout au long d'un premier et d'un second noviciat ; il leur
était même interdit de toucher de la nourriture préparée
par des étrangers ; ils pratiquaient une tempérance
stricte et une abnégation rigide, se livraient à un
travail dur - de préférence à l'agriculture, et
il leur était interdit de faire du commerce comme marchands,
de participer à la guerre ou de posséder ou d'employer
des esclaves [36]. Les naziréens ne sont pas cités
dans le Nouveau Testament, bien qu'ils soient mentionnés
officiellement dans les Écritures plus anciennes [37] ;
et dans des sources autres que scripturaires nous apprenons leur
existence à l'époque du Christ et après. Le
naziréen pouvait être de sexe masculin ou féminin ;
il était astreint à l'abstinence et au sacrifice par un
vœu volontaire de servir spécialement Dieu ; la
durée du vœu pouvait être limitée ou à
vie. Alors que les Esséniens cultivaient une fraternité
ascétique, les naziréens étaient consacrés
à une discipline solitaire.
Les
Hérodiens constituent un parti politique ou religieux qui
favorisait les plans des Hérode tout en professant croire que
ce n'était que par cette dynastie que les statuts du peuple
juif devaient être maintenus et que le rétablissement de
la nation pouvait être assuré. Nous voyons les Hérodiens
laisser de côté leurs antipathies partisanes et agir de
concert avec les Pharisiens pour essayer de condamner le Seigneur
Jésus et le conduire à la mort [38]. Les Galiléens
ou peuple de Galilée se distinguaient de leurs compatriotes de
Judée par une simplicité plus grande et une dévotion
moins criarde en matière de loi. Ils étaient opposés
aux innovations, et cependant ils étaient généralement
plus libéraux ou plus larges d'esprit que certains des Judéens
qui se disaient dévots. Ils étaient bien connus comme
défenseurs capables dans les guerres du peuple et s'étaient
acquis une réputation de bravoure et de patriotisme. On parle
d'eux à propos de certains événements tragiques
qui se produisirent du vivant de notre Seigneur [39].
Les
juifs reconnaissaient extérieurement l'autorité de la
prêtrise à l'époque du Christ, et l'ordre des
services requis pour les prêtres et les lévites était
dignement observé. Pendant le règne de David, les
descendants d'Aaron, qui étaient les prêtres
héréditaires d'Israël, avaient été
répartis en vingt-quatre classes [40], et chaque classe
assurait tour à tour les travaux du sanctuaire. Les
représentants de quatre classes seulement revinrent de
captivité, mais on reconstitua de parmi ceux-ci les ordres
suivant le plan originel. Du temps d'Hérode le Grand, les
cérémonies du temple se déroulaient avec un
grand déploiement de fastes extérieurs, cela étant
essentiel pour assurer la conformité avec la splendeur de
l'édifice, qui surpassait en magnificence tous les sanctuaires
précédents [41]. C'est pourquoi on avait
constamment besoin de prêtres et de lévites, bien que
les individus fussent changés à de brefs intervalles
selon le système établi. Aux yeux du peuple, les
prêtres étaient inférieurs aux rabbis, et on
attribuait plus d'honneur à l'érudition du scribe qu'à
l'ordination à la prêtrise. La religion de l'époque
était une question de cérémonies et de
conventions, de rituels et d'actions ; elle avait perdu l'esprit
même du culte, et la vraie conception des rapports entre Israël
et le Dieu d'Israël n'était plus qu'un rêve du
passé.
Tels
étaient en bref les traits principaux de l'état du
monde, en particulier en ce qui concerne le peuple juif, lorsque
Jésus, le Christ, naquit au midi des temps.
[1]
Ex 33:11 ; voir aussi Nb 12:8, Dt 34:10 ; cf. PGP, Moïse
1:2, 11, 31.
[2]
PGP, Moïse 5:57 ; on trouvera mention ultérieure du
« midi des temps » 6:56-62 et 7:46 ; et
cf. D&A 20:26 et 39:3.
[3]
« Méridien (ou midi) : . . . au figuré,
le point le plus haut ou point culminant de tout le zénith ;
comme : le méridien (midi) de la vie. » - New
Stand. Dict.
[4]
LM, 3 Néphi 2:8 ; cf. 4 Néphi 1:1, 21 ;
Mormon 8:6, Moroni 10:1.
[5]
Gn 32:28 ; 35:10.
[6]
Ex 1:1, 7, 9:6, 7, 12:3, etc.
[7]
Ex 12:35, 40, 13:19, 15: 1, Nb 20:1, 19, 24, etc.
[8]
Voir mentions partout dans les livres des Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et
2 Rois et les références qui y sont données.
[9]
Es 11: 13, 17:3, Ez 37:16-22, Os 4:17.
[10]
Jr 25:11,12 ; voir aussi 29:10.
[11]
Esd 1:1-4 ; l'auteur, La Maison du Seigneur, p. 46-50 ;
aussi, Articles de Foi, chap. 17.
[12]
Esd 2:64-67.
[13]
La Maison du Seigneur, p. 50, 51.
[14]
Josèphe, Ant. XII :6 et 7, 2 Maccabées 2:19,
10:1-8, ainsi que Jean 10:22.
[15]
Luc 2: 1.
[16]
Note 1, fin du chapitre.
[17]
Note 6, fin du chapitre.
[18]
Dt 7:6 ; voir aussi 10: 15, Ex 19:5,6, Ps 135:4, Es 41:8, 45:4 ;
cf. 1 Pierre 2:9.
[19]
2 Rois 17:24.
[20]
Jean 4:9, Luc 9:51-53. Chap. 13 du présent ouvrage.
[21]
Note 2, fin du chapitre.
[22]
Talmud Bab., Sanhédrin, 90.
[23]
Josèphe, Antiquités XX, 11:2.
[24]
Notez combien cette distinction est soulignée dans Jean
7:45-49 ; voir aussi 9:34.
[25]
Note 3, fin du chapitre.
[26]
Esd 7:11 ; voir aussi versets 6, 10, 12.
[27]
Mt 23:8-10 ; voir aussi Jean 1:38, 3:2.
[28]
Mt 23:13, 14, 15, 23, etc. lire tout le chapitre ; cf. Marc
12:38-40, Luc 20:46 ; voir aussi les exemples de dénonciation
spéciale des Pharisiens dans Luc 11:37-44. Remarquez aussi que
les docteurs de la loi qui étaient professionnellement
associés aux scribes sont inclus dans cette critique sévère :
versets 45-54.Voir chap. 31 du présent ouvrage.
[29]
Maccabées 2:42, 7:13-17, 2 Maccabées 14:6.
[30]
Josèphe, Antiquités XVII, 2:4.
[31]
Actes 26:5 ; voir aussi 23:6, Ph 3:5.
[32]
Ex 21:23-35, Lv 24:20, Dt 19:21 ; contraster Mt 5:38-44.
[33]
Note 4, fin du chapitre.
[34]
Josèphe, Antiquités XVIII, 1:4.
[35]
New Stand. Dict., sous « Sadducees ».
[36]
Josèphe, Antiquités XVIII, 1:5.
[37]
Nb 6:2-21, Juges 13:5, 7, 16:17, Amos 2:11, 12. Chap. 7 du présent
ouvrage, notes.
[38]
Mt 22:15, 16, Marc 12:13.
[39]
Luc 13:1, 2 ; voir aussi Jean 4:45, Marc 14:70, Actes 2:7.
[40]
1 Ch 24:1-18.
[41]
Note 5, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 6
1.
Le sanhédrin : Cette institution, tribunal suprême
ou grand conseil des Juifs, tire son nom du grec sunedrion,
signifiant « conseil ». Le Talmud fait remonter
l'origine de cette assemblée à l'appel des soixante-dix
anciens que Moïse prit avec lui, faisant soixante et onze en
tout, pour administrer Israël en tant que juges (Nb Il :
16,17). À l'époque du Christ, comme déjà
longtemps auparavant, le sanhédrin se composait de soixante et
onze membres, y compris le grand prêtre qui dirigeait
l'assemblée. Il semble avoir été appelé,
dans sa période la plus ancienne, « Sénat »,
et à l'occasion c'est ainsi qu'on l'appela après la
mort du Christ (Josèphe, Antiquités XII 3:3 ;
comparer avec Actes 5:21) ; le nom sanhédrin entra dans
l'usage au cours du règne d'Hérode le Grand.
L'extrait
suivant du Standard Bible Dictionary est instructif : « Ceux
qui étaient qualifiés pour être membres
appartenaient généralement à la caste des
prêtres et tout particulièrement à la noblesse
sadducéenne. Mais à partir de l'époque de la
reine Alexandra (69-68 av. J.-C.), il s'y trouva également,
outre ces prêtres principaux, beaucoup de Pharisiens sous les
noms de scribes et d'anciens. Ces trois classes sont combinées
dans Mt 27:41, Marc 11:27,14:43, 53, 15: 1. Nous ne savons pas bien
comment on nommait ces membres. Le caractère aristocratique de
cette assemblée et l'histoire de son origine nous interdisent
de croire que cela se faisait par élections. Son noyau se
composait probablement des membres de certaines familles anciennes
auxquelles les gouverneurs séculiers en ajoutaient cependant
d'autres de temps en temps. L'officier président était
le souverain sacrificateur, qui exerça tout d'abord plus que
l'autorité d'un membre, réclamant une voix égale
à celle du reste de l'assemblée. Mais lorsque la haute
prêtrise fut réduite, de l'office héréditaire
qu'elle était, à un office conféré par le
gouverneur politique selon son plaisir, et après les
changements fréquents dans l'office introduits par le nouveau
système, le souverain sacrificateur perdit naturellement son
prestige. Au lieu de tenir entre ses mains le « gouvernement
de la nation », il finit par ne plus être que l'un
de ceux, et ils étaient nombreux, qui se partageaient ce
pouvoir ; ceux qui avaient été souverains
sacrificateurs étaient toujours estimés par la nation,
et, ayant perdu leur office pour une raison que le sentiment
religieux de la communauté ne pouvait considérer comme
valide, exerçaient une profonde influence sur les décisions
de l'assemblée. Dans le Nouveau Testament, on les considère
comme les souverains (Mt 26:59, 27:41, Actes 4:5,8, Luc 23:13,35,
Jean 7:26), et le témoignage de Josèphe confirme ce
point de vue. Les fonctions du sanhédrin étaient
religieuses et morales, et aussi politiques. En cette dernière
qualité, il exerçait en outre des fonctions
administratives aussi bien que judiciaires. Tribunal religieux, le
sanhédrin exerçait une influence puissante sur le monde
juif tout entier (Actes 9:2) ; mais en qualité de
tribunal, après la division du pays à la mort d'Hérode,
sa juridiction fut limitée à la Judée. Mais là
son pouvoir était absolu au point même de prononcer la
sentence de mort (Josèphe, Ant. XIV, 9:3, 4 Mt 26:3, Actes
4:5, 6:12, 22:30), bien qu'il n'eût pas l'autorité
d'exécuter la sentence tant que celle-ci n'était pas
approuvée et commandée par le représentant du
gouvernement romain. La loi selon laquelle le sanhédrin
gouvernait était naturellement la loi juive, et pour
l'appliquer ce tribunal avait une police à lui et procédait
à des arrestations à sa discrétion (Mt 26:47)...
Bien que l'autorité générale du sanhédrin
s'étendit sur toute la Judée, les villes du pays
avaient des conseils locaux à elles (Mt 5:22, 10:17, Marc
13:9, Josèphe, B. J. 11, 14: 1), pour l'administration des
affaires locales. Ceux-ci se composaient d'anciens (Luc 7:3), au
nombre de sept au moins (Josèphe, Ant. IV, 8:14, B. J. 11,
20:5), pouvant aller jusqu'à vingt-trois dans les grandes
villes. On ne connaît pas exactement les rapports qu'ils
entretenaient avec le conseil central de Jérusalem... Ils se
reconnaissaient mutuellement dans une certaine mesure, car lorsque
les juges du tribunal local ne pouvaient pas se mettre d'accord, il
semble qu'ils avaient l'habitude de soumettre leur cas au sanhédrin
de Jérusalem (Josèphe, Ant. IV, 8:14, Michna, Sanh.
11:2). »
2.
Talmud : « Ensemble des lois civiles et religieuses
juives (et les discussions qui s'y rapportent directement ou de loin)
qui ne sont pas contenues dans le Pentateuque, comprenant communément
la Michna et la Guémara, mais limitées parfois à
cette dernière ; écrit en araméen. Il
existe en deux grandes collections, le Talmud palestinien, ou Talmud
du pays d'Israël, ou Talmud de l'Ouest, ou, plus populairement,
le Talmud de Jérusalem, comprenant les discussions de la
Michna des docteurs palestiniens du deuxième jusqu'au milieu
du cinquième siècle ; et le babylonien comprenant
les docteurs juifs de Babylonie, de 190 environ jusqu'au 7e siècle. »
- New Standard Dict. La Michna comprend les parties les plus
anciennes du Talmud ; la Guémara est composée
d'écrits ultérieurs et consiste surtout en une
explication de la Michna. À elle seule une édition du
Talmud babylonien (publiée à Vienne en 1682) comprenait
vingt-quatre tomes (Geikie).
3.
Rabbis : Le titre « rabbi » est équivalent
à nos appellations « docteur » ou
« maître ». Par dérivation, il
signifie « maître » ou « mon
maître », comportant ainsi une idée de
dignité et de rang associée à une manière
polie de s'adresser à l'intéressé. Jean (1:38)
explique clairement le terme, et il faut lui donner le même
sens dans l'usage qu'en fait Matthieu (23:8). Il fut appliqué
en plusieurs occasions comme titre de respect à Jésus
(Mt 23:7,8 ; 26:25, 49 ; Marc 9:5, 11:21, 14:45, Jean 1:38,
49 ; 3:2, 26 ; 4:31 ; 6:25 ; 9:2 ; 11:8). À
l'époque du Christ, le titre était d'un usage
relativement récent, car il semble n'être entré
dans l'usage que durant le règne d'Hérode le Grand,
bien que les docteurs antérieurs, qui étaient de la
classe des rabbis, sans en porter le nom, fussent universellement
respectés ; c'est plus tard que l'usage leur décerna
ce titre. Rab était un titre inférieur à celui
de « rabbi », et « rabban »
lui était supérieur. Rabbouni exprimait le respect,
l'amour et l'honneur les plus profonds (voir Jean 20:16). À
l'époque du ministère de notre Seigneur, les rabbis
étaient tenus en haute estime et se réjouissaient de la
précédence et des honneurs que les hommes leur
accordaient. Ils appartenaient presque exclusivement au puissant
parti pharisien.
Ce
qui suit est tiré de Life and Words of Christ, de Geikie, vol.
1, chap. 6: « Si les personnages les plus importants de la
société à l'époque du Christ étaient
les Pharisiens, c'est parce qu'ils étaient des rabbis ou
docteurs de la Loi. Comme tels on les honorait superstitieusement, ce
qui était en fait pour beaucoup la grande raison pour laquelle
ils courtisaient le titre ou se joignaient au parti. Les rabbis
étaient classés avec Moïse, les patriarches et les
prophètes, et prétendaient être respectés
autant qu'eux. On disait que Jacob et Joseph avaient été
rabbis tous les deux. Le Targum de Jonathan substitue rabbis ou
scribes au mot « prophètes » là
où ce dernier apparaît. Josèphe appelle les
prophètes de l'époque de Saül des rabbis. Dans le
Targum de Jérusalem, tous les patriarches sont des rabbis
savants... Ils devaient être plus chers à Israël
que leurs père et mère - parce que les parents ne
servent que dans ce monde [comme on l'enseignait alors], mais le
rabbi était pour l'éternité. On les plaçait
au-dessus des rois, car n'est-il pas écrit : « À
travers moi règnent les rois » ? Leur
apparition dans une maison apportait une bénédiction ;
vivre ou manger avec eux était la plus grande des bonnes
fortunes... Les rabbis allaient encore plus loin pour exalter leur
ordre. La Michna déclare que c'est un crime plus grand de dire
quoi que ce soit en leur défaveur que de parler contre les
paroles de la Loi... Cependant, selon les apparences extérieures,
la Loi était l'objet d'honneurs sans limite. Toutes les
paroles des rabbis devaient être basées sur des paroles
de la Loi, lesquelles étaient cependant expliquées à
leur manière. L'esprit des temps, le fanatisme farouche du
peuple et leur propre parti pris les poussaient à n'accorder
d'importance qu'à des cérémonies et à des
formalités extérieures sans valeur, négligeant
absolument l'esprit des écrits sacrés. Cependant on
considérait que la Loi n'avait pas besoin d'être
confirmée, tandis que les paroles des rabbis devaient l'être.
Dans la mesure où l'autorité romaine sous laquelle ils
vivaient les laissait libres, les Juifs mettaient de bon cœur
tous pouvoirs entre les mains des rabbis. Eux ou ceux qu'ils
nommaient remplissaient tous les offices, des plus élevés
dans la prêtrise jusqu'aux plus bas dans la communauté.
Ils étaient les casuistes, les instructeurs, les prêtres,
les juges, les magistrats et les médecins de la nation... La
caractéristique centrale et dominante de l'enseignement des
rabbis était la certitude de l'avènement d'un grand
Libérateur national - le Messie ou Oint de Dieu ou, dans la
traduction grecque du titre, le Christ. Chez aucune nation autre que
les Juifs, pareille conception n'a jamais pris racine à ce
point ou n'a montré autant de vitalité... Les rabbis
s'accordaient pour dire que le lieu de sa naissance devait être
Bethléhem et qu'il devait sortir de la tribu de Juda. »
Des
rabbis isolés réunissaient des disciples autour d'eux,
et inévitablement des rivalités s'ensuivaient. Des
écoles et des académies rabbiniques furent établies,
la popularité de chacune dépendant de la grandeur de
quelque rabbi. Les plus célèbres de ces institutions à
l'époque d'Hérode 1er furent l'école de Hillel
et celle de son rival Chammaï. Plus tard, la tradition leur
conféra le titre « Ies anciens pères ».
À en juger par les points insignifiants sur lesquels les
disciples de ces deux rabbis se disputaient, ce n'était que
grâce à l'opposition que l'un et l'autre pouvaient
conserver un statut distinct. Hillel est considéré
comme le grand-père de Gamaliel, le rabbi et docteur de la loi
aux pieds duquel Saül de Tarse, plus tard Paul l'apôtre,
reçut sa première formation (Actes 22:3). Dans la
mesure où les documents historiques des points de vue,
principes ou croyances défendus par les écoles rivales
de Hillel et Chammaï nous permettent d'en juger, il semble que
le premier ait été partisan d'une plus grande mesure de
libéralité et de tolérance, tandis que le
dernier insistait sur une interprétation stricte et
probablement étroite de la loi et des traditions qui lui
étaient associées. Le fait que les écoles
rabbiniques dépendaient de l'autorité de la tradition
est illustré par un incident rapporté par des documents
montrant que même le prestige du grand Hillel ne le protégea
pas contre une émeute un jour qu'il parlait sans citer de
précédent ; ce n'est que quand il eut ajouté
que ses maîtres Abtalion et Chemajah avaient parlé de
même que le tumulte s'apaisa.
4.
Les Sadducéens nient la résurrection : Comme le
texte le déclare les Sadducéens formaient une
association dont l'importance numérique était réduite
par comparaison avec les Pharisiens plus populaires et plus
influents. Dans les évangiles, les Pharisiens sont souvent
cités et sont très communément associés
aux scribes, tandis que les Sadducéens sont nommés
moins fréquemment. Dans les Actes des Apôtres, les
Sadducéens apparaissent souvent comme adversaires de l'Église.
Cette situation provenait certainement de l'insistance que les thèmes
de la prédication apostolique apportait à la
résurrection des morts, les Douze témoignant
constamment de la réalité de la résurrection du
Christ. La doctrine des Sadducéens niait la réalité
et la possibilité d'une résurrection corporelle, leurs
prétentions reposant principalement sur le fait que Moïse,
qui était considéré comme le législateur
mortel suprême d'Israël, et le porte-parole principal de
Jéhovah, n'avait rien écrit sur la vie après la
mort. Ce qui suit est tiré du Dictionary of the Bible, de
Smith, article « Sadducees », à ce
propos : « L'idée que la résurrection
de l'homme après la mort était impossible était,
dans la conception des Sadducéens, la conclusion logique de
leur refus d'admettre que Moïse avait révélé
la loi orale aux Israélites. Car sur un sujet aussi capital
qu'une deuxième vie au-delà de la tombe, aucun parti
religieux parmi les Juifs ne se serait considéré obligé
d'accepter une doctrine quelconque comme article de foi, si elle
n'avait été proclamée par Moïse, leur grand
législateur ; et il est certain que dans la loi écrite
du Pentateuque, Moïse ne dit absolument rien sur la résurrection
des morts. Le fait est présenté aux chrétiens
d'une manière frappante par les paroles bien connues du
Pentateuque que cite le Christ lorsqu'il discute avec les Sadducéens
à ce sujet (Ex 3:6, 16 ; Marc 12:26,27 ; Mt
22:31,32 ; Luc 20:37). Il est indubitable qu'en pareil cas le
Christ citerait à ses puissants adversaires le texte le plus
applicable de la Loi ; et cependant le texte qu'il cite ne fait
guère plus que suggérer une allusion à cette
grande doctrine. Il est vrai que des passages en d'autres parties de
l'Ancien Testament expriment une croyance en la résurrection
(Es 26:19, Dn 12:2, Job 19:26, et dans certains des Psaumes) ;
et il peut paraître surprenant, à première vue,
que les Sadducéens n'aient pas été convaincus
par l'autorité de ces passages. Mais bien que les Sadducéens
considérassent les livres qui contenaient ces passages comme
sacrés, il est plus que douteux qu'aucun des Juifs les ait
considérés comme sacrés dans exactement le même
sens que la loi écrite. Pour les Juifs, Moïse était
et est une figure colossale dont l'autorité surpasse celle de
tous les prophètes ultérieurs. »
5.
Le temple d'Hérode : « Le but que poursuivait
Hérode en entreprenant cette grande oeuvre était de se
grandir lui-même et de grandir la nation, plutôt que de
rendre hommage à Jéhovah. Sa proposition de
reconstruire ou de restaurer le temple sur une échelle plus
grande et plus magnifique fut considérée comme suspecte
et accueillie avec méfiance par les Juifs : quand
l'ancien édifice serait démoli, ce monarque arbitraire
était bien capable d'abandonner son projet et de laisser le
peuple dépourvu de temple. Pour dissiper ces craintes, le roi
se mit en devoir de reconstruire et de restaurer le vieil édifice,
partie par partie, en dirigeant le travail de telle manière
qu'à aucun moment le service du temple ne fût
sérieusement perturbé. On ne conserva cependant que si
peu de l'ancienne construction, que le temple d'Hérode doit
être regardé comme une création nouvelle. L'œuvre
fut entreprise environ seize ans avant la naissance du Christ ;
et, alors que la maison sainte proprement dite était
pratiquement achevée en un an et demi - cette partie de
l'ouvrage ayant été exécutée par un
millier de prêtres spécialement entraînés
dans ce but - l'emplacement du temple fut témoin de travaux
ininterrompus de construction jusqu'en 63 après J.-C. Nous
apprenons qu'à l'époque du ministère du Christ,
le temple était en reconstruction depuis quarante-six ans ;
et à ce moment il n'était pas encore achevé.
« Le
texte biblique ne nous donne guère de renseignements
concernant ce dernier temple, le plus grand de l'antiquité ;
ce que nous en savons, nous le devons principalement à
Josèphe, avec à l'appui quelques témoignages
trouvés dans le Talmud. Dans tous ses traits essentiels, la
maison sainte, ou temple proprement dit, était semblable aux
deux maisons ou sanctuaires antérieurs, quoiqu'il fût,
extérieurement, bien plus compliqué et plus imposant
qu'eux ; le temple d'Hérode, en effet, les surclassait de
loin sur le chapitre des cours d'enceinte et des bâtiments
annexes... Et pourtant, sa beauté, sa grandeur, résidaient
plutôt dans sa perfection architecturale que dans la sainteté
du culte ou dans la manifestation de la présence divine à
l'intérieur de ses murs. Le rituel, les cérémonies
étaient surtout d'inspiration humaine, car, tandis que l'on se
targuait d'observer la lettre de la loi de Moïse, cette loi
avait été complétée et sur de nombreux
points remplacée par la tradition et les prescriptions
sacerdotales. Les Juifs affectaient de le considérer comme
saint, et ce sont eux qui le proclamaient « maison du
Seigneur ». Quoiqu'il fût dépourvu des
manifestations divines qui avaient accompagné les autres
sanctuaires acceptés par Dieu, et quoiqu'il fût souillé
par l'arrogance des prêtres usurpateurs aussi bien que par des
intérêts mercenaires égoïstes, il fut
cependant reconnu, même par notre Seigneur Jésus-Christ,
comme la maison de son Père (Mt 21:12 ; comparer avec
Marc 11:15 et Luc 19:45)... Pendant encore trente ans ou davantage
après la mort du Christ, les Juifs continuèrent
d'aménager et d'embellir les bâtiments du temple. Le
plan complexe conçu et projeté par Hérode avait
été pratiquement mené à bien ; le
temple était pour ainsi dire achevé et, comme il
apparut bientôt après, il était prêt pour
la destruction. Son destin avait été nettement prédit
par le Sauveur lui-même. » - (La Maison du Seigneur,
de l'auteur, p. 43-49.)
6.
État du monde à l'époque de la naissance du
Sauveur : Au commencement de l'ère chrétienne, les
Juifs, comme la plupart des autres nations, étaient sujets de
l'empire romain. On leur accordait une mesure considérable de
liberté dans la préservation de leurs observances
religieuses et de leurs coutumes nationales en général,
mais leur statut était loin d'être celui d'un peuple
libre et indépendant. L'époque était une période
de paix relative, un temps marqué par moins de guerres et
moins de dissensions que l'empire n'en connaissait depuis de
nombreuses années. Cette situation était favorable à
la mission du Christ et à la fondation de son Église
sur la terre. Les systèmes religieux qui existaient à
l'époque du ministère terrestre du Christ peuvent être
classifiés d'une manière générale sous
les rubriques Juif et Païen, avec un système mineur - le
Samaritain - qui était essentiellement un mélange des
deux autres. Seuls les enfants d'Israël proclamaient l'existence
du Dieu vrai et vivant ; eux seuls espéraient et
attendaient l'avènement du Messie qu'ils considéraient
erronément comme un futur conquérant qui viendrait
écraser les ennemis de leur nation. Toutes les autres nations,
langues et peuples se prosternaient devant les divinités
païennes, et leur culte ne se composait de rien d'autre que des
rites sensuels de l'idolâtrie païenne. Le paganisme était
une religion de formes et de cérémonies, basée
sur le polythéisme - croyance en l'existence d'une multitude
de dieux, divinités sujettes à tous les vices et à
toutes les passions de l'humanité et se distinguant par leur
immunité à la mort. La morale et la vertu étaient
étrangères au service païen ; et l'idée
dominante du culte païen était de se rendre les dieux
favorables dans l'espoir d'écarter leur colère et
d'acheter leurs faveurs. (Voir La grande apostasie, de l'auteur,
1:2-4, et les notes suivant le chapitre cité.)
CHAPITRE
7 : GABRIEL ANNONCE JEAN ET JÉSUS
JEAN,
LE PRÉCURSEUR
Parallèlement
aux prophéties sur la naissance du Christ, on trouve des
prédictions concernant un homme qui le précéderait,
allant devant lui pour préparer la voie. Il n'est pas
surprenant que l'annonciation de l'avènement du Précurseur
ait été rapidement suivie par celle du Messie, ni que
les proclamations aient été faites par le même
ambassadeur céleste, Gabriel, envoyé de la présence
de Dieu [1].
Quelque
quinze mois avant la naissance du Sauveur, Zacharie, prêtre de
l'ordre aaronique, officiait selon les fonctions de son office au
temple de Jérusalem. Sa femme, Elisabeth, était
également d'une famille de prêtres, puisqu'elle comptait
parmi les descendants d'Aaron. Elizabeth et Zacharie n'avaient jamais
eu la bénédiction d'avoir des enfants, et à
l'époque dont nous parlons, ils étaient tous deux
avancés en âge et avaient tristement abandonné
l'espoir d'avoir une postérité. Zacharie appartenait à
la classe de prêtres nommés selon Abija et connus plus
tard sous le nom de classe d'Abia. C'était la huitième
dans l'ordre des vingt-quatre classes établies par David, le
roi, chaque classe étant chargée de servir tour à
tour pendant une semaine au sanctuaire [2].
On
se souviendra que lorsque le peuple revint de Babylone, quatre
seulement des classes étaient représentées, mais
que chacune de ces quatre classes comptait en moyenne plus de mille
quatre cents hommes [3].
Au
cours de sa semaine de service, il était requis de chaque
prêtre qu'il conservât scrupuleusement un état de
pureté cérémonielle de sa personne ; il
devait s'abstenir de tout autre vin et de toute autre nourriture que
ceux qui étaient spécialement prescrits ; il
devait se baigner fréquemment ; il vivait dans l'enceinte
du temple et était ainsi séparé de sa famille ;
il ne lui était pas permis de s'approcher des morts ni de
prendre le deuil officiel si la mort le privait même de sa
parenté la plus proche et la plus chère. Nous apprenons
que la sélection quotidienne du prêtre qui devait entrer
dans le Saint et y brûler de l'encens sur l'autel doré
était déterminée par le sort [4] ;
l'histoire non scripturaire nous apprend en outre qu'à cause
du grand nombre des prêtres, l'honneur de remplir pareil office
tombait rarement deux fois sur la même personne.
Ce
jour-là, le sort était tombé sur Zacharie.
C'était une occasion très solennelle dans la vie de
l'humble prêtre judéen - ce jour unique de sa vie
pendant lequel ce service spécial et particulièrement
sacré était requis de lui. Dans le Saint, seul le voile
du temple le séparait de l'Oracle ou Saint des Saints - le
sanctuaire intérieur dans lequel nul autre que le grand prêtre
ne pouvait entrer, et ce uniquement le jour des expiations, après
une longue préparation cérémonielle [5]. Le
lieu et le moment portaient aux sentiments les plus élevés
et les plus respectueux. Pendant que Zacharie remplissait ses
fonctions dans le Saint, le peuple qui se trouvait à
l'extérieur se prosternait en prières, attendant que
les nuages d'encens apparussent au-dessus de la grande cloison qui
formait la barrière entre le lieu de l'assemblée
générale et le Saint, et que le prêtre réapparût
et prononçât sa bénédiction.
Devant
le regard étonné de Zacharie, à cet instant
suprême de son service religieux, un ange du Seigneur apparut,
debout, à droite de l'autel des parfums. De nombreuses
générations s'étaient écoulées
parmi les Juifs depuis qu'une présence visible autre que
mortelle s'était manifestée dans le temple, soit dans
le Saint soit dans le Saint des Saints ; le peuple considérait
les visites personnelles d'êtres célestes comme des
événements du passé ; il en était
presque arrivé à croire qu'il n'y avait plus de
prophètes en Israël. Néanmoins, il y avait
toujours un sentiment de fièvre, proche de celui d'une attente
troublée, toutes les fois qu'un prêtre s'approchait du
sanctuaire intérieur, qui était considéré
comme la demeure particulière de Jéhovah, s'il devait
jamais condescendre de nouveau à rendre visite à son
peuple. Étant donné cette situation, c'est sans
surprise que nous lisons que cette présence angélique
troubla Zacharie et le remplit de crainte. Cependant le visiteur
céleste prononça des paroles réconfortantes bien
que surprenantes, puisqu'il l'assurait formellement que ses prières
avaient été entendues et que sa femme lui engendrerait
un fils, qui devrait être nommé Jean [6]. La
promesse allait plus loin encore, spécifiant que l'enfant qui
naîtrait d'Elisabeth serait une bénédiction pour
le peuple, que beaucoup se réjouiraient de sa naissance, qu'il
serait grand aux yeux du Seigneur et ne devrait pas boire de vin et
de boissons fortes [7] ; il serait rempli du Saint-Esprit,
serait l'agent qui tournerait beaucoup d'âmes vers Dieu et
préparerait le peuple à recevoir le Messie.
Il
ne fait aucun doute que Zacharie reconnut, dans cette prédiction
concernant l'avenir de l'enfant qui allait naître, le grand
précurseur dont les prophètes avaient parlé et
que le psalmiste avait chanté ; mais qu'un tel personnage
pût être leur enfant à lui et à sa femme
âgée lui semblait impossible en dépit de la
promesse de l'ange. L'homme douta et demanda comment il saurait que
ce que son visiteur avait dit était vrai : « L'ange
lui répondit : Moi, je suis Gabriel, celui qui se tient
devant Dieu ; j'ai été envoyé pour te
parler et t'annoncer cette bonne nouvelle. Voici tu seras muet, et tu
ne pourras parler jusqu'au jour où cela se produira, parce que
tu n'as pas cru à mes paroles qui s'accompliront en leur
temps » [8]. Quand ce prêtre hautement béni
bien que cruellement frappé sortit finalement et apparut
devant l'assistance qui l'attendait, déjà rendue
anxieuse par son retard, il ne put que renvoyer silencieusement
l'assemblée et indiquer par signes qu'il avait eu une vision.
Le châtiment du doute était déjà
appliqué : Zacharie était muet.
En
son temps, l'enfant naquit dans la région montagneuse de la
Judée [9] où Zacharie et Elisabeth avaient leur
demeure, et, le huitième jour après la naissance, la
famille s'assembla conformément à la coutume et aux
exigences mosaïques pour donner au bébé un nom
lors du rite de la circoncision [10]. Zacharie rejeta toutes les
suggestions visant à lui donner le nom de son père, et
écrivit avec une décision irrévocable :
« Jean est son nom. » Immédiatement la
langue du prêtre muet [11] fut déliée, et,
rempli du Saint-Esprit, il éclata en prophéties,
louanges et chants ; ses paroles inspirées ont été
mises en musique et sont chantées par beaucoup d'assemblées
chrétiennes dans leur culte :
« Béni
soit le Seigneur, le Dieu d'Israël,
De
ce qu'il a visité et racheté son peuple,
Et
nous a procuré une pleine délivrance
Dans
la maison de David, son serviteur,
Comme
il en avait parlé par la bouche de ses saints prophètes
depuis des siècles,
La
délivrance de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous
haïssent.
Ainsi
fait-il miséricorde à nos pères
Et
se souvient-il de sa sainte alliance,
Selon
le serment qu'il a juré à Abraham, notre père,
Ainsi
nous accorde-t-il, après avoir été délivrés
de la main de nos ennemis, de pouvoir sans crainte
Lui
rendre un culte dans la sainteté et la justice, en sa
présence, tout au long de nos jours.
Et
toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du
Très-Haut ;
Car
tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses voies,
Pour
donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de
ses péchés,
Grâce
à l'ardente miséricorde de notre Dieu.
C'est
par elle que le soleil levant nous visitera d'en haut
Pour
éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres
et dans l'ombre de la mort
Et
pour diriger nos pas dans le chemin de la paix. » [12]
Les
derniers mots que Zacharie avait prononcés avant d'être
puni de mutisme étaient des paroles de doute et d'incrédulité,
des paroles dans lesquelles il avait demandé un signe comme
preuve de l'autorité de quelqu'un qui venait de la présence
du Tout-Puissant ; les paroles par lesquelles il rompit son long
silence étaient des paroles de louanges à Dieu, en qui
il avait toute assurance, des paroles qui étaient comme un
signe pour tous ceux qui l'entendirent, et dont le bruit se répandit
dans toute la région.
Les
circonstances extraordinaires qui accompagnèrent la naissance
de Jean, et surtout les mois que son père passa dans le
mutisme et sa guérison lorsqu'il donna à son enfant le
nom qui lui avait été désigné d'avance,
firent que beaucoup s'étonnèrent et que certains
craignirent, demandant : « Que sera donc ce petit
enfant ? » Lorsque, devenu adulte, jean éleva
la voix dans le désert, de nouveau en accomplissement de la
prophétie, le peuple se demanda s'il n'était pas le
Messie [13]. Sur sa vie entre sa tendre enfance et le
commencement de son ministère public, période d'environ
trente ans, nous n'avons qu'un seul renseignement : « Or,
le petit enfant grandissait et se fortifiait en esprit. Il demeurait
dans les déserts, jusqu'au jour où il se présenta
devant Israël. » [14]
L'ANNONCIATION
À LA VIERGE
Six
mois après la visite de Gabriel à Zacharie, et trois
mois avant la naissance de Jean, le même messager céleste
fut envoyé à une jeune fille du nom de Marie, qui
vivait à Nazareth, ville de Galilée. Elle était
du lignage de David et, quoique célibataire, était
fiancée à un homme appelé Joseph, qui était
également de descendance royale par la ligne davidique. La
salutation de l'ange, bien que l'honorant et la bénissant, fit
que Marie s'étonna et se sentit troublée. « Je
te salue toi à qui une grâce a été faite ;
le Seigneur est avec toi » [15], c'est ainsi que
Gabriel salua la Vierge.
Comme
les autres filles d'Israël, et surtout celles de la tribu de
Juda et que l'on savait descendre de David, Marie avait pensé
sans aucun doute, avec une joie et une extase saintes, à la
venue du Messie par la ligne royale ; elle savait qu'une vierge
juive allait devenir la mère du Christ. Était-il
possible que les paroles que l'ange lui adressait se rapportent à
cette attente et à cet espoir suprêmes de la nation ?
Elle eut peu de temps pour méditer ces pensées dans son
esprit, car l'ange poursuivit : « Sois sans crainte
Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de
Dieu. Voici : tu deviendras enceinte, tu enfanteras un fils, et
tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé
Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône
de David, son père. Il régnera sur la maison de Jacob
éternellement et son règne n'aura pas de fin. » [16]
Elle
ne comprit néanmoins alors qu'en partie la portée de
cette visite importante. Marie, consciente de son état de
célibataire et certaine de sa virginité demanda, non
pas dans l'esprit de doute, qui avait poussé Zacharie à
demander un signe, mais par un désir sincère d'être
informée et de recevoir des explications : « Comment
cela se produira-t-il, puisque je ne connais pas d'homme ? »
En réponse à sa question toute naturelle et toute
simple, l'ange annonça un miracle tel que le monde n'en avait
jamais connu - pas un miracle dans le sens d'un événement
contraire aux lois de la nature, mais néanmoins un miracle
opéré par l'intervention d'une loi supérieure,
une de ces lois que l'esprit humain ne peut ordinairement comprendre
ou considérer comme possibles. Marie fut informée
qu'elle concevrait et enfanterait le moment venu un Fils dont aucun
mortel ne serait le père : « L'ange lui
répondit : Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la
puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C'est
pourquoi le saint (enfant) qui naîtra sera appelé Fils
de Dieu. » [17]
Puis
l'ange lui parla de l'état béni de sa cousine
Elisabeth, qui jusque-là avait été stérile ;
et il ajouta cette explication finale et suffisante : « Car
rien n'est impossible à Dieu. » Se soumettant avec
douceur et acceptant sa mission avec humilité, la pure jeune
vierge répliqua : « Voici la servante du
Seigneur ; qu'il me soit fait selon ta parole. »
Son
message remis, Gabriel partit, laissant la Vierge élue de
Nazareth réfléchir à sa merveilleuse expérience.
Le Fils promis de Marie devait être « le
Seul-Engendré » du Père dans la chair ;
c'est ce qui avait été clairement et abondamment
prédit. L'événement, il est vrai, était
sans précédent ; il n'avait jamais eu non plus
d'égal, cela est vrai aussi ; et le caractère
unique de la naissance virginale était aussi essentiel à
l'accomplissement de la prophétie que la réalisation de
l'événement lui-même. Cet Enfant qui devait
naître de Marie fut engendré par Élohim, le Père
éternel, non pas en violation des lois naturelles, mais
conformément à une manifestation supérieure de
celles-ci ; et le fruit de cette union suprêmement sainte,
de cette parenté céleste, pur en dépit de sa
mère mortelle, avait le droit d'être appelé le
« Fils du Très-Haut ». Dans sa nature
seraient combinés les pouvoirs de la Divinité avec la
qualité et les possibilités de la mortalité ;
et ceci en vertu du fonctionnement ordinaire de la loi fondamentale
de l'hérédité, décrétée par
Dieu, démontrée par la science et admise par la
philosophie, que les êtres vivants se multiplieront selon leur
espèce. L'Enfant Jésus allait hériter des
traits, des tendances et des facultés physiques, mentales et
spirituelles qui caractérisaient ses parents - l'un immortel
et glorifié - Dieu, l'autre humain - la femme.
Jésus-Christ
allait naître d'une femme mortelle, mais n'était pas
directement l'enfant d'un homme mortel, si ce n'est dans la mesure où
sa mère était la fille à la fois d'un homme et
d'une femme. Ce n'est qu'en notre Seigneur et en lui seul que s'est
accomplie la parole de Dieu prononcée lors de la chute d'Adam,
selon laquelle la postérité de la femme aurait le
pouvoir de vaincre Satan en écrasant la tête du
serpent [18].
Pour
ce qui concerne le lieu, les conditions et le contexte général,
l'annonce de Gabriel à Zacharie contraste fortement avec la
remise de son message à Marie. Le futur précurseur du
Seigneur fut annoncé à son père dans le
magnifique temple et dans le lieu le plus exclusivement sacré
à l'exception d'un seul autre dans la maison sainte, sous la
lumière déversée par le chandelier d'or, et
illuminé en outre par l'éclat des charbons ardents sur
l'autel d'or ; le Messie fut annoncé à sa mère
dans une petite ville, loin de la capitale et du temple, très
probablement entre les murs d'une maisonnette galiléenne toute
simple.
VISITE
DE MARIE À SA COUSINE ÉLISABETH
Il
n'était que naturel que Marie, laissée maintenant à
elle-même avec un secret dans l'âme, plus saint, plus
grand et plus émouvant que jamais aucun autre gardé
avant ou depuis, recherchât de la compagnie, et que cette
compagnie fût celle de quelqu'un de son propre sexe à
qui elle pourrait se confier, de qui elle pourrait espérer
recevoir du réconfort et du soutien et à qui il ne
serait pas mal de dire ce qui, à l'époque, n'était
probablement connu d'aucun mortel qu'elle-même. Son visiteur
céleste avait en effet suggéré tout cela
lorsqu'il parla d'Elisabeth, la cousine de Marie, elle-même
objet d'une bénédiction extraordinaire, femme en qui un
autre miracle de Dieu avait été accompli. Marie quitta
Nazareth en hâte pour se rendre dans les collines de Judée,
voyage de cent cinquante kilomètres environ, si la tradition
dit vrai lorsqu'elle situe la demeure de Zacharie dans la petite
ville de Juttah. La joie fut partagée dans la réunion
entre Marie, la jeune Vierge, et Elisabeth déjà d'un
âge bien avancé. D'après ce que son mari lui
avait communiqué des paroles de Gabriel, Elisabeth devait
savoir que la naissance proche de son fils serait bientôt
suivie de celle du Messie, et que par conséquent le jour
qu'Israël avait attendu et pour lequel il avait prié
pendant les longs siècles de ténèbres était
sur le point de se lever. Lorsque la salutation de Marie parvint aux
oreilles d'Elisabeth, le Saint-Esprit lui rendit témoignage
que la mère élue du Seigneur se tenait devant elle en
la personne de sa cousine ; et, sentant son propre enfant
tressaillir en son sein, elle rendit respectueusement le salut de sa
visiteuse : « Tu es bénie entre les femmes, et
le fruit de ton sein est béni. Comment m'est-il accordé
que la mère de mon Seigneur vienne chez moi ? » [19].
Marie répondit par ce merveilleux cantique de louanges adopté
depuis dans le rituel musical des Églises sous le nom de
Magnificat :
« Mon
âme exalte le Seigneur
Et
mon esprit a de l'allégresse en Dieu, mon Sauveur,
Parce
qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante.
Car
voici : désormais toutes les générations me
diront bienheureuse.
Parce
que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Son
nom est saint,
Et
sa miséricorde s'étend d'âge en âge
Sur
ceux qui le craignent.
Il
a déployé la force de son bras ;
Il
a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées
orgueilleuses,
Il
a fait descendre les puissants de leurs trônes,
Élevé
les humbles.
Rassasié
de biens les affamés.
Renvoyé
à vide les riches.
Il
a secouru Israël, son serviteur,
Et
s'est souvenu de sa miséricorde,
-
Comme il l'avait dit à nos pères –
Envers
Abraham et sa descendance pour toujours. » [20]
MARIE
ET JOSEPH
La
visite dura environ trois mois, après quoi Marie retourna à
Nazareth. Elle allait maintenant devoir faire face à
l'embarras réel de sa situation. Chez sa cousine on l'avait
comprise, son état avait servi à confirmer le
témoignage de Zacharie et d'Elisabeth ; mais comment
recevrait-on sa parole chez elle ? Et surtout que penserait
d'elle son fiancé [21] ? Les fiançailles, à
cette époque, étaient à certains points de vue
aussi définitives que le vœu de mariage et ne pouvaient
être rompues que par une séparation cérémonielle
voisine du divorce ; cependant des fiançailles n'étaient
qu'un engagement à se marier, pas un mariage. Lorsque Joseph
retrouva sa future épouse après l'absence de trois
mois, il fut profondément désemparé lorsqu'il
s'aperçut qu'elle allait être mère. Or la loi
juive prévoyait deux modalités d'annulation des
fiançailles : par un jugement public, ou par un accord
privé attesté par un document écrit et signé
en la présence de témoins. Joseph était un
juste, strict observateur de la loi, sans être toutefois
extrémiste ; en outre il aimait Marie et voulait lui
épargner toute humiliation inutile, quels que pussent être
son propre chagrin et ses propres souffrances. Par amour pour Marie,
il craignait que la chose ne fût rendue publique et décida
pour cette raison de faire annuler les fiançailles d'une
manière aussi privée que la loi le permettait. Il était
troublé et pensait beaucoup à son devoir en cette
occasion, lorsque « voici qu'un ange du Seigneur lui
apparut en songe et dit : Joseph, fils de David, ne crains pas
de prendre avec toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu
vient du Saint-Esprit, elle enfantera un fils, et tu lui donneras le
nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses
péchés » [22].
Grand
fut le soulagement de Joseph, et grande sa joie de se rendre compte
que la venue depuis longtemps prédite du Messie était
proche ; les paroles du prophète s'accompliraient ;
une vierge, et ce serait celle qui lui était la plus chère
au monde, avait conçu et enfanterait, le moment venu, ce Fils
béni, Emmanuel, nom qui signifie par interprétation
« Dieu avec nous » [23]. La salutation de
l'ange fut significative, il l'appela : « Joseph,
fils de David » ; et l'emploi de ce titre royal dut
signifier pour Joseph que, bien qu'il fût de lignage royal, son
mariage avec Marie ne jetterait aucune ombre sur sa situation
familiale. Joseph n'attendit pas ; pour assurer à Marie
toute la protection possible et établir pleinement ses droits
légaux au titre de tuteur légitime, il hâta la
célébration du mariage et « fit ce que
l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez
lui. Mais il ne la connut point jusqu'à ce qu'elle eût
enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus » [24].
L'espoir
national d'un Messie, basé sur la promesse divine et les
prophéties, était devenu confus dans l'esprit juif à
cause de l'influence du rabbinisme avec ses nombreuses divagations,
et son « interprétation personnelle » [25]
qui retirait un semblant d'autorité du prestige
artificiellement entretenu des interprètes. Pourtant les
rabbins eux-mêmes avaient souligné que certaines
conditions étaient essentielles, et que c'étaient ces
éléments essentiels qui permettraient de juger les
prétentions de tout Juif qui pourrait se déclarer être
celui que l'on attendait depuis si longtemps. Il ne faisait aucun
doute que le Messie devait naître dans la tribu de Juda et dans
la lignée de David, et, étant de David, il devait
nécessairement être du lignage d'Abraham, à
travers la postérité duquel toutes les nations de la
terre devaient être bénies, conformément à
l'alliance [26].
On
trouve dans le Nouveau Testament deux documents généalogiques
qui affirment donner le lignage de Jésus, l'un au premier
chapitre de Matthieu, l'autre au troisième chapitre de Luc. Ce
document présente en apparence plusieurs divergences, mais
elles ont été expliquées de manière
satisfaisante par les recherches de spécialistes de la
généalogie juive. Nous n'essayerons pas de faire une
analyse détaillée de la question ici ; mais il
faut se rappeler que les chercheurs s'accordent à dire que le
document de Matthieu est celui du lignage royal, établissant
l'ordre de succession parmi les héritiers légaux au
trône de David, tandis que le document donné par Luc est
un arbre généalogique personnel, démontrant
l'appartenance à la lignée de David sans s'occuper de
la ligne de succession légale au trône par primogéniture
ou apparentée [27]. Cependant beaucoup considèrent
le document de Luc comme l'arbre généalogique de Marie,
tandis que l'on accepte celui de Matthieu comme celui de Joseph. Le
fait capital dont il faut se souvenir est que l'Enfant promis par
Gabriel à Marie, l'épouse virginale de Joseph, devait
naître de la lignée royale. La généalogie
personnelle de Joseph serait essentiellement celle de Marie, car ils
étaient cousins. Joseph est appelé fils de Jacob par
Matthieu, et fils d'Héli par Luc ; Jacob et Héli
étaient frères, et il semble que l'un des deux ait été
le père de Joseph et l'autre le père de Marie et par
conséquent le beau-père de Joseph. Beaucoup d'Écritures
déclarent clairement que Marie était de descendance
davidique ; car puisque Jésus devait naître de
Marie, sans avoir été engendré par Joseph, qui
était le père putatif, et selon la loi des Juifs, le
père légal, le sang de la postérité de
David fut donné au corps de Jésus par Marie seule.
Notre Seigneur, quoique appelé à de multiples reprises
Fils de David, ne rejeta jamais le titre et l'accepta comme
s'appliquant à lui à bon droit [28]. Le témoignage
des apôtres affirme formellement que le Christ est héritier
royal par son lignage terrestre, comme en témoigne
l'affirmation de Paul, le savant Pharisien : « Il
concerne son Fils, né de la descendance de David selon la
chair », et encore : « Souviens-toi de
Jésus-Christ, ressuscité d'entre les morts, issu de la
descendance de David » [29].
Dans
toutes les persécutions que lui infligèrent ses ennemis
implacables, dans toutes les accusations fausses relevées
contre lui, dans les accusations formelles de sacrilège et de
blasphème formulées contre lui parce qu'il affirmait
être le Messie, nous ne trouvons même pas la moindre
insinuation qu'il pût ne pas être le Christ parce
qu'inéligible à cause de son lignage. Les Juifs prirent
grand soin de la généalogie avant, pendant et après
le temps du Christ ; en fait leur histoire nationale était
en grande partie un document généalogique ; et
s'il y avait eu la moindre possibilité de nier le Christ parce
que sa lignée n'était pas confirmée, ce fait
aurait été exploité au maximum par le Pharisien
importun, le scribe érudit, le rabbi hautain et le Sadducéen
aristocrate.
À
l'époque de la naissance du Messie, Israël était
gouverné par des monarques étrangers. Les droits de la
famille royale de David n'étaient pas reconnus, et le
gouverneur des Juifs était un fonctionnaire de Rome. Si Juda
avait été une nation libre et indépendante,
gouvernée par son souverain légitime, Joseph le
charpentier aurait été son roi couronné, et son
successeur légal au trône aurait été Jésus
de Nazareth, roi des Juifs.
L'annonce
de Gabriel à Marie fut celle du Fils de David, sur la venue
duquel Israël reposait tous ses espoirs comme sur une fondation
sûre. Celui qui fut ainsi annoncé fut Emmanuel, Dieu
lui-même qui allait demeurer dans la chair parmi son
peuple [30], le Rédempteur du monde, Jésus, le
Christ.
[1]
Luc 1:19,26 ; voir aussi Dn 8:16, 9:21-23.
[2]
Luc 1:5 ; cf. 1 Ch 24:10
[3]
Esd 2:36-39.
[4]
Luc 1:8,9 ; lire tout le chapitre.
[5]
Lv chap. 16 ; Hé 9:1-7 ; voir aussi La Maison du
Seigneur, p. 47, et cf. p. 24 et 39. Note 6, fin du chapitre.
[6]
Chap. 5. Autres exemples d'enfants promis malgré une stérilité
due aux ans ou à d'autres causes : Isaac (Gn 17:16,17 et
21:1-3), Samson (Juges, chap. 13), Samuel (1 S chap. 1), le fils de
la Sunamite (2 Rois 4:14-17).
[7]
Note 1, fin du chapitre.
[8]
Luc 1:19,20.
[9]
Luc 1:57 ; cf. verset 39.
[10]
Note 2, fin du chapitre.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Luc 1:68-79.
[13]
Luc 1:65,66 ; voir aussi 3:15.
[14]
Luc 1:80.
[15]
Luc 1:28.
[16]
Luc 1:30-33.
[17]
Luc 1:35 ; voir aussi les versets précédents,
31-33.
[18]
Chap. 5 du présent ouvrage et Gn 3:15.
[19]
Luc 1:42 ; lire les versets 39-56.
[20]
Luc 1:46-55.
[21]
Note 4, fin du chapitre.
[22]
Mt 1:20,21 ; lire 18-25.
[23]
Mt 1:22,23 ; cf. Es 7:14 ; voir aussi 9:6.
[24]
Mt 1:24,25.
[25]
2 Pierre 1:20.
[26]
Gn 12:3,18:18, 22:18, 26:4 ; cf. Actes 3:25, Ga 3:8.
[27]
Note 5, fin du chapitre.
[28]
Exemples dans Mt 9:27, 15:22, 21:9, 20:30, 31 ; y comparer avec
Luc 18:38, 39.
[29]
Rm 1:3 ; 2 Tm 2:8 ; voir aussi Actes 2:30, 13:23 ; cf.
Ps 132:11 ; voir aussi Luc 1:32.
[30]
Mt 1:23.
NOTES
DU CHAPITRE 7
1.
Jean-Baptiste considéré comme naziréen :
L'ordre de l'ange Gabriel à Zacharie, selon lequel le fils
promis, Jean, ne devait boire « ni vin, ni boisson
enivrante », et la vie adulte de Jean dans le désert,
outre son habitude de porter des vêtements grossiers, ont amené
les commentateurs et les spécialistes de la Bible à
supposer qu'il était « naziréen à
vie ». Il faut toutefois se rappeler que Jean-Baptiste
n'est formellement appelé naziréen en aucun endroit des
Écritures existantes. Un naziréen, le nom signifiant
consacré ou séparé, était un homme qui,
suite à un vœu personnel ou à celui fait pour lui
par ses parents, était mis à part pour une œuvre
particulière ou une vie exigeant du renoncement (voir chap. 6
du présent ouvrage, note 5). Le Comp. Dict. of the Bible, de
Smith, dit : « Le Pentateuque ne parle nulle part de
naziréens à vie, mais les règlements pour le vœu
d'un naziréen de plusieurs jours sont donnés (Nb
6:1,2). Pendant la durée de sa consécration, le
naziréen était sous l'obligation de s'abstenir de vin,
de raisins et de tous produits de la vigne, ainsi que de toutes
espèces de boissons alcoolisées. Il lui était
interdit de se couper les cheveux ou de s'approcher d'un cadavre
quelconque, même celui de son parent le plus proche. »
Le seul exemple d'un naziréen à vie nommé dans
les Écritures est celui de Samson, dont la mère reçut
l'ordre de se mettre sous les lois naziréennes avant sa
naissance, et l'enfant devait être naziréen consacré
à Dieu dès sa naissance (juges 13:3-7, 14). Dans
l'ascétisme de sa vie, il faut reconnaître à
Jean-Baptiste toute la discipline personnelle requise des naziréens,
qu'il fût tenu par des vœux volontaires ou des vœux
de ses parents ou ne fût pas lié de cette manière.
2.
La circoncision : La circoncision n'était pas une
pratique exclusivement hébraïque ou israélite,
mais dans ses révélations à Abraham, Dieu en fit
une exigence bien précise, disant que c'était le signe
de l'alliance entre Jéhovah et le patriarche (Gn 17:9-14). Aux
termes de cette alliance, la postérité d'Abraham
deviendrait une grande nation, et à travers sa postérité
toutes les nations de la terre seraient bénies (Gn 22:18) -
promesse qui s'est avérée signifier que c'est dans ce
lignage que le Messie naîtrait. La circoncision était
obligatoire ; c'est pourquoi sa pratique devint une
caractéristique nationale. Tous les enfants masculins devaient
être circoncis huit jours après leur naissance (Gn
17:12, Lv 12:3). L'âge requis pour cette cérémonie
finit par être imposé d'une manière si rigide que
même si le huitième jour tombait un sabbat, le rite
devait être accompli ce jour-là (Jean 7:22,23). Tous les
esclaves masculins devaient être circoncis (Gn 17:12,13), et
même les étrangers qui séjournaient parmi les
Hébreux et désiraient prendre part à la Pâque
avec eux devaient se soumettre à cette condition (Ex 12:48).
Nous tirons ce qui suit du Standard Bible Dictionary : « La
cérémonie signifiait que l'intéressé se
débarrassait de ses impuretés, préparation
nécessaire pour être introduit dans les droits de ceux
qui faisaient partie d'Israël. Dans le Nouveau Testament, qui
faisait passer l'accent de l'aspect externe et formel sur le côté
intérieur et spirituel des choses, il fut déclaré
pour la première fois inutile que le Gentil converti à
l'Évangile fût circoncis (Actes 15:28), et par la suite,
même les chrétiens juifs abandonnèrent ce rite. »
On prit l'habitude de donner un nom à l'enfant au moment de la
circoncision, comme c'est le cas pour Jean, fils de Zacharie (Luc
1:59).
3.
L'affliction de Zacharie : Le signe que Zacharie demandait fut
donné comme suit par l'ange : « Voici :
tu seras muet, et tu ne pourras parler jusqu'au jour où cela
se produira, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui
s'accompliront en leur temps » (Luc 1:20). Se basant sur
le récit de la circoncision où l'enfant reçut
son nom, Jean, certains avancent que le père affligé
était également sourd, puisque les personnes qui
étaient présentes lui « firent des signes »
pour lui demander quel nom il voulait donner à son fils
(verset 62).
4.
Les fiançailles juives : Le vœu de fiançailles
a toujours été considéré comme sacré
et liant les parties dans la loi juive. Dans un sens, il engageait
autant que la cérémonie du mariage, bien que
n'entraînant aucun des droits particuliers du mariage. Les
déclarations succinctes qui suivent sont tirées de Life
and Words of Christ, de Geikie, vol. 1, p. 99: « Parmi les
Juifs de l'époque de Marie c'était un engagement encore
bien plus réel [qu'il ne devint plus tard]. Les
fiançailles se faisaient officiellement avec des réjouissances
dans la maison de la fiancée sous une tente ou un baldaquin
léger dressé dans ce but. On appelait cela « rendre
sacré », car dorénavant la fiancée
était sacrée pour son mari dans le sens le plus strict.
Pour rendre les choses légales, le fiancé donnait à
sa fiancée une pièce d'argent, ou sa valeur, devant
témoins, avec les paroles : « Voici, tu es
fiancée à moi » ou rédigeait un écrit
officiel dans lequel des mots semblables et le nom de la jeune fille
étaient donnés, et celui-ci lui était remis de
la même manière devant témoins. »
5.
Généalogies de Joseph et Marie : « Il
est maintenant presque certain que les généalogies des
deux évangiles sont des généalogies de Joseph,
qui, si nous pouvons nous reposer sur des traditions anciennes quant
à leur consanguinité, sont également des
généalogies de Marie. La descendance davidique de Marie
est impliquée dans Actes 2:30, 13:23, Rm 1:3, Luc 1-32, etc.
Matthieu donne la descendance légale de Joseph par la ligne
aînée et royale, comme héritier du trône de
David. Luc donne la descendance naturelle. Ainsi donc, le père
réel de Salathiel était héritier de la maison de
Nathan, mais Jéconia, qui était sans enfant (Jr 22:30),
était le dernier représentant en droite ligne de la
lignée aînée royale. L'omission de certains noms
obscurs et l'arrangement symétrique en périodes de
quarante ans étaient des coutumes juives communes. Il n'est
pas exagéré de dire qu'après les travaux de Mill
(On the Mythical Interpretation of the Gospels, p. 147-217) et Lord
A. C. Hervey (On the Genealogies of our Lord, 1853), il ne reste plus
aucune difficulté à justifier des divergences
apparentes. Et c'est ainsi que, dans ce cas comme dans d'autres, les
divergences même qui semblent les plus contradictoires et les
plus fatales à l'exactitude historique des quatre
évangélistes, s'avèrent, lorsqu'on les examine
de plus près et avec plus de patience, être des preuves
nouvelles de ce qu'elles sont non seulement entièrement
indépendantes, mais également parfaitement dignes de
confiance. » - Farrar, Life of Christ, p. 27, note.
L'auteur
de l'article « Genealogy of Jesus-Christ » dans
le Bible Dict., de Smith, dit : « Le Nouveau
Testament nous donne la généalogie d'une personne
seulement, notre Sauveur (Mt 1 ; Luc 3)... Les éléments
suivants expliqueront la construction véritable de ces
généalogies (selon Lord A. C. Hervey) : 1. Toutes
deux sont les généalogies de Joseph, c'est-à-dire
de Jésus-Christ, fils putatif et légal de Joseph et
Marie. 2. La généalogie de Matthieu est, comme Grotius
l'a affirmé, la généalogie de Joseph en tant que
successeur légal au trône de David. Celle de Luc est la
généalogie privée de Joseph, indiquant sa
naissance réelle, comme Fils de David, et montrant ainsi
pourquoi il était héritier de la couronne de Salomon.
Le principe simple selon lequel l'un des évangélistes
présente la généalogie qui contenait les
héritiers successifs au trône de David et de Salomon,
tandis que l'autre présente la branche paternelle de celui qui
était l'héritier, explique toutes les anomalies des
deux arbres généalogiques, leurs accords aussi bien que
leurs divergences, et le fait qu'il y en a deux. 3. Marie, mère
de Jésus, était probablement fille de Jacob, et cousine
au premier degré de Joseph, son mari. »
Un
apport précieux aux traités relatifs à ce sujet
apparaît dans le journal of the Transactions of the Victoria
Institute, or Philosophical Society of Great Britain, 1912, vol. 44,
p. 9-36, sous forme d'un article : « The Genealogies
of our Lord », par Mrs. A. S. Lewis et une discussion de
celles-ci par beaucoup d'érudits aux compétences
reconnues. L'auteur, Mrs. Lewis, est une autorité en
manuscrits syriaques ; elle est l'une des deux femmes qui
découvrirent, en 1892, dans la bibliothèque du
monastère de Ste Catherine du mont Sinaï, le Palimpseste
syriaque des quatre évangiles. Cet auteur talentueux affirme
que le récit de Matthieu témoigne de l'arbre
généalogique royal de Joseph, et que le tableau
généalogique de Luc prouve la descendance également
royale de Marie. Mrs. Lewis dit : « Le Palimpseste du
Sinaï nous dit également que Joseph et Marie se rendirent
à Bethléhem pour y être recensés, parce
qu'ils étaient tous deux de la maison et du lignage de
David. »
Le
chanoine Girdlestone, en discutant cet article, dit, soulignant
pertinemment le fait que Marie était princesse de sang royal
par sa descendance de David : « Quand l'ange prédit
à Marie la naissance du saint Enfant, il dit : « Le
Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. »
Or, si Joseph, son fiancé, avait été, lui seul,
descendant de David, Marie aurait répondu : « Je
ne suis pas encore la femme de Joseph », alors qu'elle
répondit tout simplement : « Je ne connais
point d'homme », ce qui signifie clairement : Si
j'étais mariée, puisque je suis descendante de David,
je pourrais infuser mon sang royal à un fils, mais comment
puis-je avoir un fils royal puisque je suis vierge ? »
Après
avoir brièvement parlé de la loi juive relative à
l'adoption, qui prévoit (selon le code d'Hammourabi, section
188) que si un homme enseigne un métier au fils qu'il a
adopté, le fils est par là même confirmé
dans tous les droits à l'héritage, le chanoine
Girdlestone ajoute : « Si la couronne de David avait
été donnée à son successeur du temps
d'Hérode, elle aurait été placée sur la
tête de Joseph. Et qui aurait été le successeur
légal de Joseph ? Jésus de Nazareth aurait alors
été le Roi des Juifs, et le titre placé sur la
croix disait la vérité. Dieu l'avait suscité à
la maison de David. »
6.
Le sanctuaire intérieur du temple : Le Saint des Saints
conservait sa forme et ses dimensions originales qui en faisaient un
cube de vingt coudées dans tous les sens. Entre celui-ci et le
Saint était suspendu un double voile d'un tissu très
fin, orné d'une broderie compliquée. Le voile extérieur
s'ouvrait du côté nord, le voile intérieur
s'ouvrait du côté sud, de sorte que le grand prêtre
qui y pénétrait une fois l'an pouvait passer entre les
voiles sans exposer le Saint des Saints. Le local sacré était
vide à l'exception d'une grande pierre que le grand prêtre
aspergeait du sang du sacrifice le jour de l'expiation : cette
pierre occupait la place de l'arche et de son propitiatoire. À
l'extérieur du voile, dans le Saint, se trouvaient l'autel de
l'encens, le chandelier à sept branches et la table des pains
de proposition. - La Maison du Seigneur, p. 47.
CHAPITRE
8 : L'ENFANT DE BETHLÉHEM
LA
NAISSANCE DE JÉSUS
Les
prédictions qui déterminent le lieu de sa naissance à
Bethléhem, petite ville de Judée, sont aussi
catégoriques que les prophéties qui déclarent
que le Messie naîtrait de la lignée de David. Il semble
qu'il n'y ait pas eu de divergences d'opinion parmi les prêtres,
les scribes ou les rabbis à ce sujet, que ce soit avant ou
depuis le grand événement. Bethléhem, quoique
petite et de peu d'importance pour le commerce, était
doublement chère au cœur juif, étant le lieu de
naissance de David et celui du futur Messie. Marie et Joseph vivaient
à Nazareth de Galilée, loin de Bethléhem de
Judée ; et, à l'époque dont nous parlons,
la maternité de la Vierge approchait rapidement.
En
ce temps-là, Rome émit un édit ordonnant le
recensement des habitants de tous les royaumes et provinces
tributaires de l'empire ; le décret était de
nature générale, il prévoyait un « recensement
de toute la terre » [1]. Ce recensement des sujets
romains, une fois obtenu, permettrait de déterminer l'impôt
à prélever sur les divers peuples intéressés.
Le recensement en question était le deuxième des trois
recensements que les historiens déclarent s'être
produits à des intervalles de vingt ans environ. Si le
recensement avait été fait suivant la méthode
romaine habituelle, chaque personne aurait été
enregistrée dans sa ville de résidence ; mais la
coutume juive, que la loi romaine respectait, exigeait que le
recensement fût fait dans les villes que les familles
respectives considéraient comme celles de leurs ancêtres.
Il ne nous importe pas spécialement de savoir s'il était
absolument requis de chaque famille de se faire ainsi recenser dans
la ville de ses ancêtres ; mais il est certain que Joseph
et Marie se rendirent à Bethléhem, ville de David, pour
y être recensés suivant le décret impérial [2].
À
ce moment, la petite ville était bondée de monde, très
vraisemblablement par la multitude qui s'y était rendue
conformément au même édit ; Joseph et Marie
ne purent donc trouver à se loger convenablement et durent se
contenter d'un camp improvisé, comme d'innombrables voyageurs
l'avaient fait avant eux, et comme beaucoup d'autres l'ont fait
depuis, dans cet endroit-là comme ailleurs. Il ne serait pas
raisonnable de considérer que la situation dans laquelle ils
se trouvaient prouvait qu'ils étaient extrêmement
pauvres ; elle manquait certainement de confort mais ne nous
prouve absolument pas qu'ils se trouvaient dans une grande détresse
ou dans la misère [3]. C'est alors qu'elle se trouvait
dans cette situation que Marie, la Vierge, donna naissance à
son premier-né, le Fils du Très-Haut, le Seul-Engendré
du Père éternel, Jésus, le Christ.
Nous
n'avons que peu de détails sur ce qui se passa. On ne nous dit
pas combien de temps après l'arrivée de Marie et de son
mari à Bethléhem la naissance se produisit. Il se peut
que le but de l'évangéliste qui composa le document ait
été de ne mentionner les questions d'intérêt
purement humain que dans la mesure où cela était
nécessaire pour la narration des faits, afin que la vérité
centrale ne fût ni cachée, ni réduite au second
plan par des incidents sans importance. Dans les Écritures
saintes nous ne lisons que ceci sur la naissance proprement dite :
« Pendant qu'ils étaient là, le temps où
Marie devait accoucher arriva, et elle enfanta son fils premier-né.
Elle l'emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu'il
n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie » [4].
Contraste
frappant avec la simplicité et la brièveté du
récit scripturaire et son peu de détails secondaires,
l'imagination des hommes a ajouté tout un fatras de
circonstances dont une grande partie ne se fonde sur aucun document
autorisé et qui sont, à beaucoup de points de vue,
manifestement illogiques et faux. Vis-à-vis d'un sujet aussi
important, il est prudent et sage de séparer et de marquer
nettement la distinction entre les faits dont l'authenticité
est vérifiée et les commentaires imaginés
d'historiens, de théologiens et de romanciers, aussi bien que
les rhapsodies émotives de poètes et les extravagances
artistiques créées par le ciseau ou le pinceau.
Dès
son origine, Bethléhem avait été la résidence
de gens occupés, la plupart du temps, à des activités
pastorales et agricoles. À l'époque de la naissance du
Messie, qui se produisit au printemps de l'année, les
troupeaux se trouvaient nuit et jour dans les champs sous la garde de
leurs bergers ; cela est tout à fait en accord avec ce
que nous connaissons de la ville et de ses environs. C'est à
certains de ces humbles bergers que fut proclamée pour la
première fois la naissance du Sauveur. Voici ce que dit ce
récit tout simple : « Il y avait, dans cette
même contrée des bergers qui passaient dans les champs
les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. Un ange du
Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour
d'eux. Ils furent saisis d'une grande crainte. Mais l'ange leur dit :
Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d'une
grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd'hui, dans la
ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ,
le Seigneur. Et ceci sera pour vous un signe : vous trouverez un
nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche.
Et soudain il se joignit à l'ange une multitude de l'armée
céleste, qui louait Dieu et disait : « Gloire
à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre
parmi les hommes qu'il agrée [5] ! »
Jamais
nouvelle aussi importante n'avait été annoncée
par un ange ou reçue par l'homme - une bonne nouvelle qui
serait le sujet d'une grande joie, donnée à un petit
nombre seulement, et ce, parmi les plus humbles de la terre, mais
destinée à se répandre à tous les hommes.
La scène est d'une grandeur sublime, car l'auteur du message
est divin, et l'apothéose est telle que l'esprit de l'homme
n'aurait jamais pu le concevoir : l'apparition soudaine d'une
multitude de l'armée céleste chantant, de manière
que les oreilles humaines puissent les entendre, le plus court, le
plus logique et le plus réellement complet de tous les
cantiques de paix jamais entonnés par un chœur mortel ou
spirituel. Quel idéal désirable : la paix sur la
terre ! Mais comment peut-elle nous être donnée
s'il n'y a pas de bonne volonté parmi les hommes ? Et de
quelle manière pourrait-on rendre plus efficacement gloire à
Dieu dans les lieux très hauts ?
Les
bergers confiants et simples n'avaient pas demandé de signe ou
de confirmation ; leur foi était à l'unisson de la
communication céleste ; néanmoins l'ange leur
avait donné ce qu'il appelait un signe pour les guider dans
leurs recherches. Ils n'attendirent pas mais se mirent en route en
hâte, car, dans leur cœur, ils croyaient, oui, ils
faisaient plus que croire, ils savaient, et voici quelle était
la teneur de leur résolution : « Allons donc
jusqu'à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé,
ce que le Seigneur nous a fait connaître » [6].
Ils trouvèrent l'Enfant dans la crèche, sa mère
et Joseph près de lui ; et ayant vu, ils s'en allèrent
et témoignèrent de la vérité concernant
l'Enfant. Ils retournèrent à leurs troupeaux,
glorifiant et louant Dieu de tout ce qu'ils avaient entendu et vu.
La
remarque que Luc fait, apparemment au passage, est d'un sens aussi
profond que l'émotion qu'elle doit faire éprouver à
tous ceux qui la lisent. « Marie conservait toutes ces
choses, et les repassait dans son coeur » [7]. Il est
évident que la grande vérité relative à
la personnalité et à la mission de son Fils divin ne
s'était pas dévoilée pleinement à son
esprit. Tous les événements qui se déroulèrent
depuis la salutation de Gabriel jusqu'au témoignage pieux des
bergers concernant l'ange annonciateur et les armées célestes,
étaient en grande partie un mystère pour cette mère
et épouse sans tache.
LES
EXIGENCES DE LA LOI SONT STRICTEMENT OBSERVÉES
L'Enfant
naquit juif ; la mère était juive et le père
putatif et légal, Joseph, était juif. Seules quelques
personnes savaient qui était le vrai père de l'Enfant ;
seuls peut-être à l'époque Marie, Joseph et
probablement Elisabeth et Zacharie ; lorsqu'il grandit, le
peuple le considéra comme le fils de Joseph [8]. Les
exigences de la loi furent soigneusement respectées dans tout
ce qui concernait l'Enfant. Lorsqu'il eut huit jours, il fut
circoncis, comme cela était requis de tous les enfants de sexe
masculin nés en Israël [9] ; et en même
temps il reçut comme nom terrestre le nom qui avait été
prescrit lors de l'annonciation. On l'appela JÉSUS, ce qui,
par interprétation, signifie Sauveur ; ce nom lui
appartenait à bon droit, car il venait sauver le peuple de ses
péchés [10].
Une
partie de la loi donnée par l'intermédiaire de Moïse
aux Israélites dans le désert et appliquée au
cours des siècles avait trait à la procédure
prescrite pour les femmes après la naissance des enfants [11].
Conformément à celle-ci, Marie resta isolée
pendant quarante jours après la naissance de son Fils ;
puis son mari et elle présentèrent le Garçon
devant le Seigneur comme cela était prescrit pour le
premier-né masculin de toute famille. Il est manifestement
impossible que toutes les présentations de ce genre aient pu
avoir lieu au temple, car beaucoup de Juifs vivaient à de
grandes distances de Jérusalem ; il était
cependant de règle que les parents présentent leurs
enfants au temple quand c'était possible. Jésus naquit
à huit ou neuf kilomètres de Jérusalem ; il
fut donc emmené au temple pour la cérémonie qui
devait satisfaire à la loi relative aux premiers-nés de
tous les Israélites, à l'exception des Lévites.
On se souviendra que les enfants d'Israël avaient été
délivrés de l'esclavage d'Égypte avec
accompagnement de signes et de miracles. Pharaon ayant refusé
à plusieurs reprises de laisser partir le peuple, il s'était
abattu sur les Égyptiens des fléaux dont l'un fut la
mort des premiers-nés dans tout le pays, à l'exception
de ceux d'Israël. En souvenir de cette manifestation de
puissance, il fut exigé des Israélites qu'ils
consacrent leurs fils premiers-nés au service du
sanctuaire [12]. Par la suite, le Seigneur ordonna qu'au lieu
des premiers-nés de toutes les tribus, tous les enfants
masculins appartenant à la tribu de Lévi fussent
consacrés à cette tâche particulière ;
néanmoins le fils aîné était toujours
considéré comme appartenant particulièrement au
Seigneur et devait être exempté officiellement du
service requis antérieurement, par le paiement d'une
rançon [13].
Lors
de la purification, toutes les mères devaient fournir un
agneau d'un an à immoler en sacrifice, et un jeune pigeon ou
une jeune colombe en guise d'offrande pour les péchés ;
mais dans le cas d'une femme qui n'était pas à même
de fournir un agneau, un couple de colombes ou de pigeons pouvait
être offert. Nous apprenons que Joseph et Marie étaient
de situation modeste du fait qu'ils apportèrent l'offrande la
moins coûteuse, deux colombes ou pigeons, au lieu d'un oiseau
et d'un agneau.
Parmi
les Israélites justes et dévots il y en avait qui, en
dépit du traditionalisme, du rabbinisme et de la corruption
des prêtres, vivaient toujours dans cette attente du juste dont
la confiance est inspirée, espérant patiemment la
consolation d'Israël [14]. L'un de ceux-ci était
Siméon, qui vivait à l'époque à
Jérusalem. Il avait reçu par la puissance du
Saint-Esprit la promesse qu'il ne mourrait que lorsqu'il aurait vu le
Christ du Seigneur dans la chair. Poussé par l'Esprit, il se
rendit au temple le jour de la présentation de Jésus et
reconnut dans l'Enfant le Messie promis. Dès qu'il se rendit
compte que l'espoir de sa vie s'était magnifiquement réalisé,
Siméon éleva respectueusement l'Enfant dans ses bras,
et, avec l'éloquence simple mais immortelle qui vient de Dieu,
exprima une supplication splendide, dans laquelle l'action de grâce,
la résignation et la louange se mêlent si
magnifiquement :
« Maintenant,
Maître, tu laisses ton serviteur
« S'en
aller en paix selon ta parole.
« Car
mes yeux ont vu ton salut,
« Que
tu as préparé devant tous les peuples,
« Lumière
pour éclairer les nations
« Et
gloire de ton peuple, Israël. » [15]
Puis,
animé de l'esprit de prophétie, Siméon parla de
la grandeur de la mission de l'Enfant et de la souffrance que sa mère
serait appelée à endurer à cause de lui,
souffrance qui serait semblable à celle provoquée par
une épée qui lui percerait l'âme. Le témoignage
de l'Esprit quant à la divinité de Jésus
n'allait pas se limiter à un homme. Il y avait, à
l'époque, dans le temple, une sainte femme d'un âge très
avancé, Anne, prophétesse qui se consacrait
exclusivement au service du temple ; inspirée de Dieu,
elle reconnut son Rédempteur et témoigna de lui à
tous ceux qui se trouvaient autour d'elle. Joseph et Marie
s'étonnèrent des choses qui étaient dites de
l'Enfant ; ils n'étaient apparemment pas encore à
même de comprendre la majesté de celui qui leur avait
été donné par une conception aussi miraculeuse
et une naissance aussi merveilleuse.
DES
MAGES À LA RECHERCHE DU ROI
Quelque
temps après la présentation de Jésus au temple,
bien que la durée de ce temps ne nous soit pas connue,
quelques jours, ou peut-être des semaines, ou même des
mois, Hérode, roi de Judée, fut profondément
troublé, comme le fut le peuple de Jérusalem en
général, à la nouvelle de la naissance d'un
Enfant de la Prophétie, d'un enfant destiné à
devenir Roi des Juifs. Hérode professait la religion de Juda,
bien qu'étant Iduméen de naissance, de descendance
édomite, c'est-à-dire faisant partie de la postérité
d'Ésaü, tous personnages que les Juifs haïssaient ;
et de tous les Édomites, il n'en était pas un qui fût
aussi profondément détesté qu'Hérode, le
roi. Il était tyrannique et impitoyable, n'épargnant
personne, ami ou ennemi, qu'il venait à soupçonner de
constituer un obstacle à ses desseins ambitieux. Il avait fait
cruellement massacrer sa femme et plusieurs de ses enfants, ainsi que
d'autres de sa famille par le sang ; il mit également à
mort presque tous les membres du grand conseil national, le
sanhédrin. Son règne fut rempli de cruautés
révoltantes et d'oppressions sans frein. Ce n'est que quand il
courait le danger de provoquer une révolte nationale ou
lorsqu'il avait peur d'encourir le déplaisir de son maître,
l'empereur romain, qu'il s'arrêtait dans une entreprise
quelconque [16].
La
nouvelle de la naissance du Christ parvint aux oreilles d'Hérode
de la manière suivante. Certains hommes, des mages comme on
les appelait, vinrent à Jérusalem d'un pays lointain et
demandèrent : « Où est le roi des Juifs
qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile
en Orient, et nous sommes venus pour l'adorer » [17].
Hérode convoqua « tous les principaux
sacrificateurs et les scribes du peuple », et leur demanda
où, d'après les prophètes, le Christ devait
naître. Ils lui répondirent : « À
Bethléhem en Judée, car voici ce qui a été
écrit par le prophète :
Et
toi, Bethléhem, terre de Juda
Tu
n'es certes pas la moindre parmi les principales villes de Juda ;
Car
de toi sortira un prince,
Qui
fera paître Israël, mon peuple [18].
Hérode
fit venir les mages en secret et les interrogea sur les sources de
leurs renseignements, et en particulier sur l'époque à
laquelle l'étoile, à laquelle ils accordaient tant
d'importance, était apparue. Puis il les dirigea vers
Bethléhem, disant : « Allez, et prenez des
informations précises sur le petit enfant ; quand vous
l'aurez trouvé, faites-le moi savoir, afin que j'aille moi
aussi l'adorer. » Lorsque les hommes se mirent en route de
Jérusalem pour la dernière étape de leur voyage
d'enquête et de recherche, ils se réjouirent à
l'extrême, car la nouvelle étoile qu'ils avaient vue à
l'orient était de nouveau visible. Ils trouvèrent la
maison dans laquelle Marie vivait avec son mari et l'Enfant, et, en
reconnaissant l'Enfant royal, ils « se prosternèrent
et l'adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors,
et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la
myrrhe » [19]. Ayant ainsi merveilleusement réalisé
le but de leur pèlerinage, ces voyageurs pieux et savants se
préparèrent à rentrer chez eux et se seraient
arrêtés à Jérusalem pour faire rapport au
roi comme il l'avait demandé, mais « divinement
avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils
regagnèrent leur pays par un autre chemin » [20].
On
a écrit beaucoup de choses, que ne justifie absolument rien
dans les Écritures, concernant la visite des mages, ou des
sages, qui cherchaient et trouvèrent ainsi le Christ enfant.
En fait, nous ne savons rien de leur pays, de leur nation ou de leur
tribu ; on ne nous dit même pas combien il y en avait,
bien qu'une tradition fausse les ait appelés « Ies
trois rois mages » et leur ait même donné des
noms ; les Écritures, le seul document véritable
existant à leur sujet, ne donne pas leurs noms ; il se
peut qu'ils n'aient été que deux seulement ou qu'ils
aient été plus nombreux. On a essayé
d'identifier l'étoile dont l'apparition dans le ciel oriental
avait assuré les mages que le Roi était né ;
mais l'astronomie ne fournit aucune confirmation satisfaisante.
L'apparition de l'étoile que l'on rapporte a été
associée, tant par les interprètes anciens que
modernes, à la prophétie de Balaam qui, quoique n'étant
pas Israélite, avait béni Israël et avait prédit,
poussé par l'inspiration divine : « Un astre
sort de Jacob, un sceptre s'élève d'Israël » [21].
En outre, comme nous l'avons déjà montré,
l'apparition d'une étoile nouvelle était un signe
prédit, reconnu et admis parmi les habitants des Amériques
comme témoin de la naissance du Messie [22].
LA
FUITE EN ÉGYPTE
La
perfidie d'Hérode, lorsqu'il commanda aux sages de revenir
l'informer du lieu où l'Enfant royal se trouvait, professant
hypocritement qu'il désirait l'adorer également, tandis
que dans son cœur il se proposait d'ôter la vie à
l'Enfant, fut contrecarrée par l'avertissement divin, donné,
comme nous l'avons déjà noté, aux mages. Après
leur départ, l'ange du Seigneur apparut à Joseph,
disant : « Lève-toi, prends le petit enfant et
sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu'à ce
que je te parle ; car Hérode va rechercher le petit
enfant pour le faire périr » [23]. Obéissant
à ce commandement, Joseph prit Marie et son Enfant et se mit
en route de nuit vers l'Égypte ; et la famille y resta
jusqu'à ce qu'elle reçût de Dieu l'ordre de
revenir. Lorsque le roi s'aperçut que les mages avaient ignoré
ses ordres, il entra dans une violente colère ; et
calculant la date la plus reculée à laquelle la
naissance pouvait s'être produite d'après la date de
l'apparition de l'étoile que lui avaient fournie les mages, il
ordonna impitoyablement le massacre de « tous les enfants
de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem
et dans son territoire » [24]. Dans ce massacre des
innocents, l'évangéliste trouva l'accomplissement de la
parole du Seigneur prononcée par Jérémie six
siècles auparavant et exprimée avec force au passé
comme si elle avait déjà été accomplie :
« Une
voix s'est fait entendre à Rama,
« Des
pleurs et beaucoup de lamentations :
« C'est
Rachel qui pleure ses enfants ;
« Elle
n'a pas voulu être consolée,
« parce
qu'ils ne sont plus. » [25]
LA
NAISSANCE DE JÉSUS RÉVÉLÉE AUX NÉPHITES
Comme
nous l'avons montré jusqu'à présent, les
prophètes des Amériques avaient clairement prédit
l'avènement terrestre du Seigneur et avaient indiqué
exactement le temps, le lieu et les circonstances de sa
naissance [26]. Lorsque le temps fut proche, le peuple fut
divisé par des opinions contradictoires quant à la
véracité de ces prophéties ; des incrédules
intolérants persécutèrent cruellement ceux qui,
comme Zacharie, Siméon, Anne et d'autres justes de Palestine,
conservaient avec foi et confiance l'espoir inébranlable que
le Seigneur viendrait. Samuel, Lamanite juste qui, à cause de
sa fidélité et de son dévouement désintéressé
avait reçu l'esprit et la faculté de prophétiser,
proclama intrépidement que la naissance du Christ était
proche : « Voici, je vous donne un signe ;
encore cinq ans, et voici, le Fils de Dieu vient racheter tous ceux
qui croiront à son nom » [27]. Le prophète
dit que beaucoup de signes et de miracles marqueraient le grand
événement. À mesure que les cinq années
s'écoulaient, les croyants devenaient de plus en plus fermes,
les incroyants de plus en plus violents, jusqu'à l'aube du
dernier jour de la période spécifiée ; et
c'était là le jour fixé par les incrédules
« où tous ceux qui croyaient en ces traditions
seraient mis à mort, si le signe donné par Samuel, le
prophète, ne se montrait pas » [28].
Néphi,
prophète de l'époque, invoqua le Seigneur dans
l'angoisse de son âme à cause des persécutions
dont son peuple était la victime ; « et voici,
la voix de Dieu vint à lui, disant : Lève la tête
et prends courage ; car voici, le temps est proche, et cette
nuit le signe sera donné, et demain je viendrai au monde pour
montrer aux hommes que j'accomplirai tout ce que j'ai fait annoncer
par la bouche de mes saints prophètes. Voici, je viens parmi
les miens pour accomplir toutes les choses que j'ai fait connaître
aux enfants des hommes depuis la fondation du monde et pour faire la
volonté du Père et du Fils - du Père à
cause de moi, et du Fils à cause de ma chair. Et voici, le
temps est proche, et cette nuit le signe sera donné. » [29]
Les
paroles du prophète s'accomplirent cette nuit-là ;
car si le soleil se coucha dans son cours habituel, il n'y eut pas de
ténèbres, et le lendemain le soleil se leva sur un pays
déjà illuminé ; un jour et une nuit et un
autre jour s'étaient passés comme un seul jour, et ce
n'était là qu'un seul des signes. Une nouvelle étoile
apparut dans le firmament à l'ouest, comme celle que les mages
de l'orient avaient vue ; et il y eut beaucoup d'autres
manifestations merveilleuses comme les prophètes l'avaient
prédit. Tout cela se produisit sur ce que l'on appelle
maintenant le continent américain, six cents ans après
que Léhi et sa petite compagnie eurent quitté Jérusalem
pour se rendre là-bas.
ÉPOQUE
DE LA NAISSANCE DE JÉSUS
L'époque
de la naissance du Messie est un sujet sur lequel les spécialistes
de la théologie et de l'histoire, et ceux que l'on appelle
« les savants » ne s'accordent pas. Des
recherches ont été faites, suivant de nombreux
procédés, pour n'arriver qu'à des conclusions
divergentes, tant en ce qui concerne l'année qu'en ce qui
concerne le mois et le jour de l'année où « l'ère
chrétienne » a réellement commencé.
Le premier à choisir la date de la naissance du Christ comme
l'événement à partir duquel on devrait calculer
tous les événements chronologiques ultérieurs
fut Dionysius Exiguus, en 532 ap. J.-C. ; cette méthode
de calcul du temps a pris le nom de système dionysien et prend
pour date de base A. U. C. 753, c'est-à-dire 753 ans après
la fondation de Rome, comme année de la naissance de notre
Seigneur. Les érudits ultérieurs qui ont examiné
le sujet ne s'accordent que pour dire que le calcul dionysien est
erroné, en ce qu'il situe la naissance du Christ de trois à
quatre ans trop tard ; et que, par conséquent, notre
Seigneur est né dans la troisième ou la quatrième
année avant le commencement de ce que les savants d'Oxford et
de Cambridge appellent l'ère vulgaire, calculée en ans
de grâce.
Sans
essayer d'analyser la masse des données relatives à ce
sujet, nous acceptons la méthode dionysienne comme correcte en
ce qui concerne l'année, c'est-à-dire que nous croyons
que le Christ est né au cours de l'année que nous
appelons l'an 1 av. J.-C., et, comme nous le montrerons, au cours
d'un des premiers mois de cette année. Nous citons, en
confirmation de cette croyance, le document inspiré appelé
la « Révélation sur le gouvernement de
l'Église, donnée par l'intermédiaire de Joseph
le Prophète, en avril 1830 », qui commence par les
paroles : « Naissance de l'Église du Christ en
ces derniers jours, mille huit cent trente ans depuis l'avènement
de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ dans la
chair. » [30]
Une
autre preuve que la chronologie que nous acceptons communément
est correcte est fournie par le Livre de Mormon. Nous y lisons que
« au commencement de la première année du
règne de Sédécias, roi de Juda », le
Seigneur adressa la parole à Léhi, à Jérusalem,
lui ordonnant de prendre sa famille et de partir dans le désert [31].
Dans les premières étapes de leur voyage vers la mer,
Léhi prophétisa, comme le Seigneur le lui avait montré,
la destruction imminente de Jérusalem et la captivité
des Juifs. En outre, il prédit le retour final du peuple de
Juda de son exil à Babylone, et la naissance du Messie,
déclarant clairement que ce dernier événement se
produirait six cents ans après la date à laquelle son
peuple et lui avaient quitté Jérusalem [32]. Cette
précision quant au temps fut répétée par
des prophéties ultérieures [33], et le Livre
rapporte que quand les signes de l'accomplissement réel se
produisirent, « il y avait six cents ans que Léhi
avait quitté Jérusalem » [34]. Ces
Écritures fixent l'époque du commencement du règne
de Sédécias à six cents ans avant la naissance
du Christ. Selon le calcul communément accepté,
Sédécias fut couronné roi en 597 avant
Jésus-Christ [35]. Cela montre un désaccord
d'environ trois ans entre la date communément acceptée
de l'inauguration de Sédécias comme roi et celle donnée
par le Livre de Mormon ; et comme nous l'avons déjà
vu, il y a une différence d'environ trois à quatre ans
entre le calcul dionysien et la première possibilité
d'accord entre les savants à propos du commencement de l'ère
vulgaire. C'est pourquoi la chronologie du Livre de Mormon confirme
d'une manière générale que le système
dionysien ou commun est correct.
Quant
à l'époque de l'année où le Christ
naquit, il existe parmi les savants une diversité d'opinions
aussi grande que pour l'année elle-même. Beaucoup de
savants bibliques prétendent que le 25 décembre, jour
célébré par la chrétienté sous le
nom de Noël, ne peut être la date correcte. Nous croyons
que le 6 avril est la date de naissance de Jésus-Christ, comme
l'indique une révélation moderne déjà
citée [36] dans laquelle ce jour correspond exactement à
la fin de la mille huit cent trentième année depuis
l'avènement du Seigneur dans la chair. Nous admettons
naturellement que notre position est basée sur notre foi en la
révélation moderne et ne provient en aucune façon
de recherches ou d'analyses chronologiques. Nous croyons que
Jésus-Christ naquit à Bethléem de Judée,
le 6 avril de l'an 1 av. J.-C.
[1]
Lc 2:1 ; voir versets 2-4. Note 1, fin du chapitre.
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Note 2, fin du chapitre.
[4]
Lc 2:6,7.
[5]
Lc 2:8-14.
[6]
Lc 2:15.
[7]
Lc 2:19.
[8]
Lc 4:22, Mt 13:55, Mc 6:3.
[9]
Gn 17:12,13, Lv 12:3 ; cf. Jn 7:22. Chap. 7 du présent
ouvrage, note 2.
[10]
Lc 2:21 ; cf. 1:31, Mt 1:21, 25.
[11]
Lv chap. 12.
[12]
Ex 12:29, 13:2, 12, 22:29,30.
[13]
Nb 8:15-18, 18:15,16.
[14]
Lc 2:25 ; voir aussi verset 38 ; Mc 15:43 ; cf. Ps
40.1.
[15]
Lc 2:29-32. Dans les cantiques chrétiens, ces versets sont
appelés le Nunc dimittis ; ils doivent leur nom aux deux
premiers mots de la version latine.
[16]
Note 3, fin du chapitre.
[17]
Mt 2:2 ; lire 1-10.
[18]
Mt 2:5,6 ; cf. Mi 5:2, Jn 7:42.
[19]
Note 4, fin du chapitre.
[20]
Note 5, fin du chapitre.
[21]
Nb 24:17.
[22]
LM, HéI 14:5 ; 3 Né 1:21. Chap. 5, 8 et 39 du
présent ouvrage.
[23]
Mt 2:13.
[24]
Mt 2:16.
[25]
Mt 2:17,18 ; cf. Jr 31:15.
[26]
Chap. 5.
[27]
LM, Hél 14:2 ; lire 1-9.
[28]
LM, 3 Né 1:9 ; lire versets 4-21.
[29]
LM, 3 Né 1:12-21.
[30]
D&A 20:1 ; cf. 21:3. Note 6, fin du chapitre.
[31]
LM, 1 Né 1:4 ; 2:2-4.
[32]
LM, 1 Né 10:4.
[33]
LM, 1 Né 19:8 ; 2 Né 25:19.
[34]
LM, 3 Né 1:1.
[35]
Standard Bible Dictionary ; édité par Jacobus,
Nourse et Zenos, pub. par Funk et Wagnalls Co., New York et Londres,
1909, p. 915, articIe « Zedekiah ».
[36]
D&A 20:1 ; cf. 21:3.
NOTES
DU CHAPITRE 8
1.
Le recensement : À propos de la présence de Joseph
et de Marie à Bethléem, loin de leur demeure de Galilée
et du décret impérial en vertu duquel ils avaient été
amenés à se trouver là, les notes suivantes
méritent considération. Farrar (Life of Christ, p. 24,
note), dit : « On ne sait pas avec certitude si le
voyage de Marie avec son mari était obligatoire ou
volontaire... si ce recensement entraînait également une
taxe, cela veut dire que les femmes étaient passibles d'un
impôt par tête. Mais, en dehors de toute nécessité
légale, on peut aisément imaginer qu'en un pareil
moment Marie ait désiré ne pas rester seule. Les
soupçons cruels dont elle avait été l'objet et
qui avaient presque provoqué la rupture de ses fiançailles
(Mt 1:19) la feraient s'attacher d'autant plus à la protection
de son mari. » L’extrait suivant est tiré de
Life and Words of Christ, de Geikie, vol. 1, chap. 9, p. 108: « La
nation juive payait tribut à Rome, par l'intermédiaire
de ses gouverneurs, depuis le temps de Pompée ; et
Auguste, le méthodique, qui régnait maintenant et
devait rétablir l'ordre dans les finances de l'empire et les
assainir après la confusion et l'épuisement des guerres
civiles, prit grand soin que cette obligation ne fût ni oubliée
ni évitée. Il avait coutume d'exiger un recensement qui
devait être fait périodiquement dans toutes les
provinces de ses vastes conquêtes, afin de connaître le
nombre de soldats qu'il pouvait lever dans chacune d'elles et le
montant des impôts dus au trésor... Dans un empire qui
embrassait le monde connu à l'époque, il était
impossible de faire un recensement pareil simultanément
partout, en une période de temps brève ou fixée ;
il est plus probable que c'était un travail qui durait des
années et qui était effectué dans les provinces
ou les royaumes successivement. Mais tôt ou tard, même
les domaines de rois vassaux comme Hérode devaient fournir les
statistiques requises par leur maître. Lorsqu'il avait reçu
son royaume, il était resté sujet de l'empereur et
dépendait de plus en plus d'Auguste à mesure que les
années passaient et qu'il lui demandait de sanctionner à
chaque instant les mesures qu'il se proposait de prendre. Il ne
serait donc que trop prêt à satisfaire ses désirs,
en se procurant les statistiques qu'il désirait comme on peut
en juger par le fait qu'au cours d'une des dernières années
de sa vie, juste avant la naissance du Christ, il obligea la nation
juive tout entière à faire un serment solennel
d'obéissance à l'empereur ainsi qu'à lui-même.
« Il
est tout à fait probable que la méthode pour obtenir
les statistiques requises fut laissée en grande partie à
Hérode, à la fois pour lui montrer du respect devant
son peuple et parce qu'on savait que les Juifs étaient déjà
opposés à tout ce qui ressemblait à un
recensement général, abstraction faite de l'imposition
à laquelle il devait mener. À l'époque où
se situe le récit, il semble qu'on ait procédé à
un simple enregistrement, suivant le vieux système hébraïque
qui consistait à s'inscrire par famille dans son district
ancestral, naturellement à usage futur ; et c'est ainsi
que les choses se passèrent en bon ordre... La proclamation
ayant été faite dans tout le pays, Joseph n'avait que
le choix d'aller à Bethlehem, ville de David, lieu où
ses origines familiales, de la maison et du lignage de David,
exigeaient qu'il fût inscrit. »
2.
Jésus né dans un entourage pauvre : Il ne fait
aucun doute que le lieu où Jésus naquit n'était
pas très confortable. Mais ces conditions, quand on les
examine à la lumière des coutumes du pays et du temps,
étaient loin de l'état de dénuement profond que
l'on pourrait imaginer en les comparant à nos coutumes
modernes et occidentales. Loger à la belle étoile
n'était pas quelque chose d'extraordinaire pour les voyageurs
de la Palestine à l'époque de la naissance de notre
Seigneur ; et ce ne l'est pas non plus aujourd'hui. Mais il ne
fait cependant aucun doute que Jésus naquit dans une famille
relativement pauvre, dans des conditions modestes liées à
l'inconfort provenant du voyage. Cunningham Geikie, Life and Words of
Christ, chap. 9, p. 112, 113, dit : « Joseph et Marie
se rendaient à Bethlehem, ville de Ruth et de Booz, et
ancienne résidence de leur propre grand ancêtre David.
En s'en approchant, après avoir quitté Jérusalem,
ils devaient passer, dans le dernier kilomètre, devant un
endroit sacré pour des Juifs, où le soleil de la vie de
Jacob s'éteignit, lorsque son premier amour, Rachel, mourut et
fut enterrée comme sa tombe le montre encore, « sur
le chemin d'Éphrata, qui est Bethléhem » (Gn
35:19). Voyager en Orient a toujours été très
différent des conceptions occidentales. Comme dans tous les
pays peu peuplés, l'hospitalité privée obviait,
dans les temps anciens, au manque d'auberges, mais ce qui est
particulier à l'Orient, c'est que cette coutume amicale se
poursuivit pendant une longue série d'époques. Sur les
grandes routes qui traversaient des régions désertiques
ou inhabitées, le besoin d'abri mena, très tôt, à
la construction de bâtiments grossiers et simples, de grandeur
variée, appelés khans, qui offraient aux voyageurs la
protection de murs et d'un toit, et de l'eau, mais pas grand-chose de
plus. Les bâtiments les plus petits ne se composaient parfois
que d'une seule pièce vide, sur le sol de laquelle le voyageur
pouvait étendre son tapis pour dormir ; les plus grands,
toujours construits dans un carré creux, entouraient une cour
pour les animaux, contenant de l'eau pour eux et leurs maîtres.
Depuis des temps immémoriaux cela a été un mode
favori de bienveillance que d'édifier de tels abris, comme
nous le voyons dès l'époque de David, quand Chinham
construisit un grand khan près de Bethléhem, sur la
route caravanière d'Égypte. »
Le
chanoine Farrar (Life of Christ, chap. 1) accepte la croyance
traditionnelle que l'abri dans lequel Jésus naquit était
une des nombreuses grottes calcaires qui abondent dans la région
et que les voyageurs utilisent encore comme lieu de repos. Il dit :
« Il n'est pas rare, en Palestine, que le khan tout
entier, ou tout au moins la partie de celui-ci où sont logés
les animaux, soit une de ces cavernes innombrables qui abondent dans
les rochers calcaires de ces collines centrales. Tel semble avoir été
le cas dans la petite ville de Bethléhem-Ephrata, dans le pays
de Juda. Justin, apologiste et martyr, qui, étant donné
sa naissance à Sichem, connaissait bien la Palestine et qui
vivait moins d'un siècle après l'époque de notre
Seigneur, situe la scène de la nativité dans une
grotte. C'est là, en effet, la tradition ancienne et constante
des Églises d'Orient et d'Occident, et c'est une des rares que
nous puissions considérer comme raisonnablement probable, bien
qu'elle ne soit pas rapportée dans l'histoire évangélique. »
3.
Hérode le Grand : L'histoire d'Hérode 1er,
également appelé Hérode le Grand, doit être
recherchée dans des ouvrages spéciaux, dans lesquels le
sujet est traité en détail. Certains des faits
principaux doivent être examinés dans notre étude
présente et, pour aider l'étudiant, nous présentons
ci-après quelques extraits tirés d'ouvrages considérés
comme dignes de foi.
Condensé
d'une partie d'un article du Standard Bible Dictionary, édité
par Jacobus Nourse et Zenos, publié par Funk and Wagnalls Co.,
1909: - Hérode 1er, fils d'Antipater, reçut très
tôt un office important de son père, qui avait été
nommé procurateur de Judée. Le premier office qu'Hérode
détint fut celui de gouverneur de la Galilée. C'était
alors un jeune homme de vingt-cinq ans environ, énergique et
athlétique. Il se mit immédiatement en devoir de
supprimer les bandes de pillards qui infestaient son district et
réussit bientôt à exécuter le chef pillard
Hézékiah et plusieurs de ses lieutenants. Pour cela il
fut convoqué à Jérusalem par le Sanhédrin,
jugé et condamné mais, de connivence avec Hyrcan II
(grand prêtre ethnarque), il prit la fuite pendant la nuit. -
Il se rendit à Rome où il fut nommé roi de Judée
par Antoine et Octave. - Pendant les deux années suivantes il
s'employa à lutter contre les forces d'Antigone, qu'il finit
par vaincre, et prit possession de Jérusalem en 37 av. J.-C. -
Une fois roi, Hérode dut faire face à de graves
difficultés. Les Juifs lui étaient opposés à
cause de sa naissance et de sa réputation. La famille des
Asmonéens le considérait comme un usurpateur, en dépit
du fait qu'il avait épousé Mariamne. Les Pharisiens
étaient choqués de ses sympathies hellénistiques
ainsi que de ses méthodes sévères de
gouvernement. D'autre part les Romains le considéraient comme
responsable de l'ordre de son royaume et de la protection de la
frontière orientale de la République. Hérode fit
face à ces difficultés diverses avec une énergie
et même une cruauté caractéristiques, et
généralement avec une sagacité froide. Bien
qu'il taxât le peuple sévèrement, il lui
remettait ses dettes en temps de famine et vendait même sa
vaisselle pour obtenir le moyen de lui acheter de la nourriture. Bien
qu'il n'eût jamais de relations vraiment amicales avec les
Pharisiens, ils profitaient de son hostilité envers le parti
des Asmonéens, ce qui conduisit au commencement de son règne
à l'exécution d'un certain nombre de Sadducéens
qui étaient membres du sanhédrin.
Tiré
du Comprehensive Dictionary of the Bible, de Smith : La dernière
partie « du règne d'Hérode ne souffrit pas
de troubles externes, mais sa vie domestique fut gâchée
par une série presque ininterrompue de blessures et d'actes
cruels de vengeance. Les terribles effusions de sang qu'Hérode
commit sur sa famille furent accompagnées par d'autres tout
aussi terribles parmi ses sujets, si on pense au nombre de personnes
qui en furent les victimes. Selon l'histoire bien connue, il ordonna
que les nobles qu'il avait fait venir auprès de lui à
ses derniers moments fussent exécutés immédiatement
après son décès, afin qu'ainsi au moins sa mort
s'accompagnât d'un deuil universel. C'est à l'époque
de sa maladie fatale qu'il dut ordonner le massacre des petits
enfants de Bethléhem » (Mt 2:16-18).
La
fin mortelle du tyran et massacreur est traitée de la manière
suivante par Farrar dans sa Life of Christ, p. 54,55: - « Hérode
dut mourir très peu après l'assassinat des innocents.
Cinq jours seulement avant sa mort, il avait frénétiquement
essayé de se suicider et avait ordonné l'exécution
de son fils aîné, Antipater. Son agonie, qui nous
rappelle une fois de plus Henri VIII, s'accompagna de circonstances
particulièrement horribles ; on a affirmé qu'il
mourut d'une maladie répugnante, qui n'est pour ainsi dire
jamais mentionnée dans l'histoire sinon dans le cas d'hommes
qui ont été rendus infâmes par les atrocités
qu'ils ont commises dans leur zèle à persécuter.
Sur son lit de douleurs intolérables dans ce palais splendide
et luxueux qu'il s'était construit, sous les palmiers de
Jéricho, enflé par la maladie et brûlant de soif,
ulcéré extérieurement et consommé
intérieurement par un « feu brûlant
lentement », entouré de fils qui complotaient et
d'esclaves qui pillaient, haïssant tout le monde et haï de
tous, aspirant au moment où la mort le délivrerait de
ses tortures et pourtant la craignant parce qu'elle serait le
commencement de terreurs pires encore, rongé par le remords et
pourtant pas encore rassasié de meurtre, horrible pour tous
ceux qui l'entouraient et pourtant plus terrifiant à lui-même
dans sa conscience coupable, dévoré par la corruption
prématurée d'une tombe qui l'attendait, mangé de
vers comme s'il était frappé visiblement par le doigt
de la colère de Dieu, après soixante-dix ans de
scélératesse prospère, le misérable
vieillard, que les hommes appelaient le Grand, était étendu
dans une frénésie sauvage attendant sa dernière
heure. Sachant que personne ne verserait une larme sur lui, il
décréta aux principales familles du royaume et aux
chefs des tribus, sous peine de mort, de se rendre à Jéricho.
Ils vinrent. Après les avoir fait enfermer dans l'hippodrome,
il commanda secrètement à sa sœur Salomé
de les faire tous massacrer au moment de sa mort. Et c'est ainsi que,
étouffant pour ainsi dire de sang, imaginant des massacres
dans son délire même, l'âme d'Hérode entra
dans la nuit. »
On
trouvera le temple d'Hérode mentionné à la note
5, après le chapitre 6.
4.
Dons des mages à l'Enfant Jésus : Le récit
scripturaire de la visite des mages à Jésus et à
sa mère déclare qu'ils « se prosternèrent
et l'adorèrent », et en outre qu'« ils
ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent
de l'or, de l'encens et de la myrrhe ». La présentation
de dons à un personnage de rang supérieur, que ce soit
par sa situation dans le monde ou par ses capacités
spirituelles reconnues, était une coutume des temps anciens et
est encore largement répandue dans beaucoup de pays orientaux.
Il est à noter que nous n'avons aucun document qui montre que
ces hommes d'Orient aient offert des dons à Hérode dans
son palais ; mais ils donnèrent une partie de leurs
trésors à l'humble Enfant en qui ils reconnaissaient le
Roi à la recherche duquel ils étaient partis. La
tendance à attribuer une signification occulte à des
détails même minuscules mentionnés dans les
Écritures, en particulier en ce qui concerne la vie du Christ,
a conduit à beaucoup de suggestions imaginaires concernant
l'or, l'encens et la myrrhe mentionnés dans cet incident.
Certains y ont vu un symbolisme à moitié caché :
l'or, tribut à sa royauté, l'encens comme offrande
reconnaissant sa prêtrise, et la myrrhe pour son
ensevelissement. Le livre sacré n'offre aucune base à
de pareilles suppositions. La myrrhe et l'encens sont des résines
aromatiques dérivées de plantes originaires des pays
d'Orient, et on les utilise depuis des temps extrêmement
reculés en médecine et dans la préparation de
parfums et de mélanges aromatiques. Ils comptaient
probablement parmi les produits naturels des pays dont les mages
venaient, bien qu'il soit probable que, même là, ils
étaient chers et très estimés. Avec l'or, qui
est un métal précieux dans toutes les nations, ils
constituaient des dons tout à fait appropriés pour un
roi. Quiconque désire attribuer une signification mystique à
ces présents doit se souvenir qu'elle ne sera rien de plus que
ses propres suppositions ou sa propre imagination et n'est pas
garantie par l'Écriture.
5.
Les témoignages des bergers et des mages : La note
instructive suivante sur les témoignages qui ont trait à
la naissance du Messie est tirée du Young Men's Mutual
Improvement Association Manual, de 1897 - 8 : « On
observera que les témoignages relatifs à la naissance
du Messie proviennent de deux extrêmes, les humbles bergers des
champs de Judée, et les mages érudits de
l'Extrême-Orient. Nous ne pouvons pas penser que c'est là
le résultat d'un simple hasard, mais que l'on peut y discerner
le dessein et la sagesse de Dieu. Israël tout entier espérait
la venue du Messie, et, dans la naissance de Jésus à
Bethléhem, l'espoir d'Israël bien qu'à l'insu de
celui-ci - se réalise. Le Messie dont leurs prophètes
parlaient est né. Mais il doit y en avoir qui témoignent
de cette vérité, c'est pourquoi un ange fut envoyé
aux bergers qui gardaient leurs troupeaux de nuit, pour dire :
‘Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle
d'une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd'hui,
dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le
Christ, le Seigneur.' Et comme signe de la véracité du
message, ils devaient trouver l'Enfant enveloppé de langes,
couché dans une crèche à Bethléhem. Et
ils allèrent en hâte et trouvèrent Marie et
Joseph, et le bébé couché dans une crèche ;
et lorsqu'ils l'eurent vu, ils révélèrent à
tout le monde ce qu'on leur avait dit concernant cet enfant. Dieu
s'était suscité des témoins parmi le peuple pour
témoigner que le Messie était né, que l'espoir
d'Israël s'était réalisé. Mais il y avait
parmi les Juifs des classes de gens que ces humbles témoignages
des bergers ne pouvaient atteindre, et qui, si on avait pu les
atteindre, auraient sans aucun doute considéré
l'histoire de la visite de l'ange et le concours d'anges chantant le
cantique magnifique de ‘Paix sur la terre parmi les hommes
qu'il agrée’, comme des contes futiles de gens
superstitieux, trompés par leur imagination exagérée
ou leurs songes vains. Dieu suscita donc une autre classe de témoins
- des mages de l'Orient - témoins qui pouvaient entrer dans le
palais royal du fier roi Hérode et demander hardiment :
‘Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus
l'adorer’ ; témoignage qui surprit Hérode et
troubla Jérusalem tout entière. De sorte que Dieu se
suscita, en effet, des témoins pour satisfaire toutes les
classes et tous les états des hommes : le témoignage
d'anges pour les pauvres et les humbles ; le témoignage
d'hommes sages pour le roi hautain et les prêtres orgueilleux
de la Judée. De sorte que ses disciples pouvaient dire, en
parlant des choses relatives à la naissance du Messie, tout
autant que des choses relatives à sa mort et à sa
résurrection d'entre les morts : ‘Ce n'est pas en
cachette qu'elles se sont passées.’
6.
L'année de la naissance du Christ : En traitant ce sujet,
le Dr Charles F. Deems (The Light of the Nations, p. 28), après
avoir soigneusement examiné les estimations, les calculs et
les suppositions d'hommes qui ont employé de nombreux moyens
dans leurs recherches pour ne parvenir qu'à des résultats
discordants, dit : « Il est ennuyeux de voir des
savants utiliser le même attirail à calculer pour
arriver aux résultats les plus divergents. C'est une chose
étourdissante que d'essayer de trouver un accord parmi ces
calculs divers. » Dans une note en appendice, le même
auteur déclare : « Par exemple : la
naissance de notre Seigneur est située en l'an 1 av. J.-C. par
Pearson et Hug, l'an 2av. J.-C. par Scalinger, 3 av. J.-C. par
Baronius et Paulus, 4 av. J.-C. par Bengel, Wieseler et Greswell, 5
av. J.-C. par Usher et Petavius, 6 av. J.-C. par Strong, Luvin et
Clark, 7 av. J.-C. par Ideler et Sanclemente. »
CHAPITRE
9 : LE JEUNE GARÇON DE NAZARETH
Joseph,
Marie et son Fils demeurèrent en Egypte jusqu'après la
mort d'Hérode le Grand, événement qui fut révélé
par une autre visitation angélique. Leur séjour à
l'étranger fut probablement bref, car Hérode ne
survécut pas longtemps aux bébés qu'il avait
massacrés à Bethléhem. Dans le retour d'Égypte
de la famille, l'évangéliste voit l'accomplissement de
la vision prophétique d'Osée de ce qui serait :
« J'ai appelé mon fils hors d'Égypte » [1].
Il
semble avoir été dans l'intention de Joseph d'établir
la demeure de la famille en Judée, peut-être à
Bethléhem - ville de ses ancêtres et lieu encore plus
cher pour lui maintenant qu'il était le lieu de naissance de
l'Enfant de Marie - mais, apprenant en route que le fils d'Hérode,
Archélaüs, régnait à la place de son
méchant père, Joseph changea d'avis et, « divinement
averti en songe, il se retira dans le territoire de la Galilée,
et vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que
s'accomplisse ce qui avait été annoncé par les
prophètes : Il sera appelé Nazaréen » [2].
Tandis
qu'Archélaüs, qui semble avoir hérité
naturellement de la méchanceté et de la cruauté
de son infâme père, régnait en roi pendant une
brève période en Judée [3], ensuite avec le
titre moins élevé d'ethnarque, qui lui avait été
conféré par décret par l'empereur, son frère
Antipas gouvernait comme tétrarque en Galilée. Hérode
Antipas était aussi vicieux et réprouvé que les
autres membres de son immorale famille, mais il était moins
vindicatif, et, à cette époque de son règne,
relativement tolérant [4].
Les
Écritures ne parlent que brièvement de la vie de foyer
de Joseph et de sa famille à Nazareth. Le silence dans lequel
les historiens inspirés maintiennent la jeunesse de Jésus
est impressionnant, alors que les récits fantaisistes écrits
dans les années ultérieures par des mains non
autorisées sont remplis de détails fictifs, dont une
grande partie est tout à fait révoltante dans son
manque de logique puéril. Nul autre que Joseph, Marie et les
autres membres de la famille immédiate ou les intimes du
ménage n'aurait pu décrire la vie quotidienne de
l'humble demeure de Nazareth ; et c'est de ces informateurs
qualifiés que Matthieu et Luc détenaient probablement
la connaissance de ce qu'ils écrivaient. Le récit fait
par ceux qui savaient est marqué par une brièveté
impressionnante. C'est dans cette absence de détails que nous
pouvons voir des preuves de l'authenticité du récit
scripturaire. Des écrivains imaginatifs auraient fourni, comme
d'autres le firent plus tard, ce que nous cherchons en vain dans les
chapitres des évangiles. Les écrivains inspirés
honorent l'enfance de leur Seigneur d'un silence sacré ;
celui qui cherche à inventer des détails et à
charger la vie du Christ d'additions inventées, le déshonore.
Lisez attentivement la vérité prouvée
relativement à l'enfance du Christ : « Or le
petit enfant grandissait et se fortifiait ; il était
rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur
lui. » [5]
C'est
avec cette simplicité que le développement normal et
naturel du jeune Jésus est révélé. Il
vint parmi les hommes pour faire l'expérience de toutes les
situations naturelles de la condition mortelle ; quand il
naquit, c'était un bébé aussi impuissant et
aussi dépendant de ses parents que n'importe quel autre ;
sa tendre enfance fut en tous points semblable à l'enfance des
autres, son enfance fut une enfance réelle, son développement
fut aussi nécessaire et aussi réel que celui de tous
les enfants. Sur son esprit était tombé le voile de
l'oubli commun à tous ceux qui sont nés sur la terre, à
cause duquel le souvenir de l'existence précédente est
exclu. L'Enfant grandit, et avec les ans son esprit s'étendit,
ses facultés se développèrent, et sa force et
son intelligence progressèrent. Il passa d'une grâce à
l'autre et non pas du manque de grâce à la grâce ;
du bien à un bien plus grand, et non pas du mal au bien ;
de la faveur de Dieu à une faveur plus grande, et non pas de
la rupture à cause du péché à la
réconciliation par le repentir et l'expiation [6].
Ce
que nous savons de la vie juive à l'époque justifie
notre supposition que le jeune garçon reçut un bon
enseignement de la loi et des Écritures, car telle était
la règle. Il accumula de la connaissance par l'étude et
acquit de la sagesse par la prière, la réflexion et
l'effort. Il ne fait aucun doute qu'il fut formé au travail,
car la paresse était considérée avec horreur à
l'époque comme elle l'est maintenant, et tout jeune Juif,
qu'il fût fils de charpentier, enfant de paysan ou héritier
de rabbi, était dans l'obligation d'apprendre et d'exercer un
métier pratique et productif. Jésus était tout
ce qu'un garçon devait être, car son développement
n'était pas retardé par le poids mort du péché ;
il aimait la vérité et y obéissait, et de ce
fait il était libre [7].
Joseph
et Marie, dévots et fidèles à toutes les
observances de la loi, se rendaient chaque année à
Jérusalem lors de la fête de la Pâque. Cette fête
religieuse, faut-il le rappeler, était l'une des plus
solennelles et des plus sacrées d'entre les nombreuses
commémorations cérémonielles des Juifs ;
elle avait été établie à l'époque
de l'exode du peuple hors d'Égypte, pour commémorer le
fait que Dieu avait étendu le bras de sa puissance pour
délivrer Israël après que l'ange de la destruction
eut mis à mort le premier-né de toutes les familles
égyptiennes et eut miséricordieusement épargné
les maisons des enfants de Jacob [8]. Elle était
tellement importante qu'on la choisit pour commencer l'année
nouvelle. La loi exigeait que tous les hommes se présentassent
devant le Seigneur à la fête. Il était de rigueur
que les femmes fussent également présentes, si elles
n'en étaient pas empêchées par une raison
légitime ; et il semble que Marie ait suivi à la
fois l'esprit de la loi et la lettre de la règle, car elle
accompagnait habituellement son mari à l'assemblée
annuelle de Jérusalem.
Lorsque
Jésus fut parvenu à l'âge de douze ans, sa mère
et Joseph l'emmenèrent à la fête, comme la loi
l'exigeait ; on ne nous dit pas si le jeune garçon avait
déjà assisté précédemment à
pareil événement. À l'âge de douze ans, le
jeune Juif était reconnu membre de sa communauté
d'origine ; on exigeait alors de lui qu'il se lançât
définitivement dans le métier qu'il avait choisi ;
il parvenait à une situation personnelle avancée en ce
sens que dorénavant ses parents ne pouvaient plus disposer de
lui arbitrairement comme d'un esclave ; on lui faisait faire des
études plus poussées à l'école et au
foyer, et, quand les prêtres l'acceptaient, il devenait « fils
de la loi ». Le désir commun et très naturel
des parents était que leurs fils assistassent à la fête
de la Pâque et fussent présents aux cérémonies
du temple en qualité de membres reconnus de l'assemblée,
lorsqu'ils avaient l'âge prescrit. C'est ainsi que le jeune
Jésus se rendit au temple.
La
fête proprement dite durait sept jours, et, à l'époque
du Christ, de grandes foules de Juifs y assistaient annuellement ;
Josèphe dit d'une assemblée de ce genre, lors de la
Pâque, que c'était « une multitude
innombrable » [9]. Les gens venaient de provinces
éloignées en grandes compagnies et en longues
caravanes, cela étant plus pratique et constituant un moyen de
protection commune contre les bandes de pillards que l'on sait avoir
infesté le pays. C'est dans une compagnie de ce genre que
Joseph et sa famille voyagèrent.
Lorsque,
après la fin de la Pâque, la compagnie galiléenne
eut accompli une journée du voyage de retour, Joseph et Marie
découvrirent, à leur surprise et à leur profonde
inquiétude, que Jésus n'était pas dans leur
compagnie. Après avoir vainement cherché parmi leurs
amis et leurs connaissances, ils retournèrent vers Jérusalem
à la recherche du jeune garçon. Leurs recherches ne
leur apportèrent ni réconfort ni aide pendant trois
jours ; puis, « ils le trouvèrent dans le
temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les
questionnant » [10]. Il n'était pas
extraordinaire qu'un jeune garçon de douze ans fût
interrogé par des prêtres, des scribes ou des rabbis, ni
qu'il lui fût permis de poser des questions à ces
interprètes professionnels de la loi, car cette procédure
faisait partie de la formation des jeunes Juifs ; il n'y avait
rien de surprenant non plus à ce que pareille réunion
d'étudiants et d'instructeurs se tînt dans les cours du
temple, car les rabbis de l'époque avaient coutume d'y
enseigner ; et les gens, jeunes et vieux, s'assemblaient autour
d'eux, assis à leurs pieds pour apprendre ; mais il y
avait beaucoup d'extraordinaire dans cette entrevue, comme le
montrait le comportement des savants docteurs, car on n'avait encore
jamais trouvé d'étudiant pareil, puisque « ceux
qui l'entendaient étaient surpris de son intelligence et de
ses réponses ». L'incident nous donne la preuve que
l'enfance de Jésus avait été bien employée
et qu'il était extraordinairement accompli [11].
L'étonnement
de Marie et de son mari de découvrir le jeune garçon en
une compagnie si distinguée, et de le voir être si
clairement un objet de déférence et de respect, et la
joie de revoir le Bien-Aimé qui avait été perdu
pour eux, ne bannirent pas complètement le souvenir de
l'angoisse que son absence leur avait causée. Sur un ton de
reproche doux mais indubitable, sa mère dit : « Enfant,
pourquoi nous as-tu fait cela ? Voici que ton père et moi
nous te cherchons avec angoisse. » La réponse du
jeune garçon les étonna, car elle révélait,
dans une mesure dont jusqu'à présent ils ne s'étaient
pas encore rendu compte, ses capacités rapidement mûrissantes
de jugement et de compréhension. Il dit : « Pourquoi
me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je
m'occupe des affaires de mon Père ? »
Nous
ne pouvons pas dire que dans la réponse que ce fils
extrêmement respectueux fit à sa mère, il y avait
une réplique méchante ou un reproche insolent. Sa
réponse rappelait à Marie ce qu'elle semblait avoir
temporairement oublié : les faits relatifs au Père
de son Fils. Elle avait utilisé les mots « ton père
et moi » ; et la réponse de son Fils lui avait
rappelé à l'esprit la vérité que Joseph
n'était pas le père du jeune garçon. Elle semble
avoir été étonnée que quelqu'un de si
jeune ait pu comprendre si parfaitement sa position vis-à-vis
d'elle. Il lui avait fait remarquer l'inexactitude accidentelle de
ses paroles ; ce n'était pas son Père qui le
cherchait : n'était-il pas en ce moment même dans
la maison de son Père, et ne s'occupait-il pas en particulier
des affaires de son Père, de l'œuvre même dont
celui-ci l'avait chargé ?
Il
n'avait pas exprimé le moindre doute que Marie fût sa
mère, mais il avait montré d'une manière
indiscutable qu'il reconnaissait pour son Père, non pas Joseph
de Nazareth, mais le Dieu des cieux. Marie et Joseph furent
incapables de comprendre tout le sens de ses paroles. Bien qu'il
comprît que le fait d'être le Fils de Dieu l'obligeait à
rendre ses devoirs avant tout à son Père céleste,
et qu'il eût montré à Marie que son autorité
de mère terrestre était subordonnée à
celle de son Père immortel et divin, il lui obéit.
Aussi intéressés que fussent les docteurs à ce
garçon remarquable, autant qu'il leur eût donné à
réfléchir par ses questions profondes et ses réponses
sages, ils ne pouvaient le retenir, car la loi même qu'ils
professaient soutenir exigeait une obéissance stricte à
l'autorité des parents. « Puis il descendit avec
eux pour aller à Nazareth, et il leur était soumis. Sa
mère conservait toutes ces choses dans son cœur. »
Quels
secrets merveilleux et sacrés étaient précieusement
gardés dans ce cœur de mère, et quelles surprises
nouvelles, quels graves problèmes se dressaient devant elle de
jour en jour à mesure que son Fils plus que mortel manifestait
sa sagesse grandissante ! Bien qu'elle n'eût jamais pu
l'oublier entièrement, apparemment elle perdait parfois de vue
la personnalité supérieure de son Fils. Il était
peut-être de la volonté divine qu'il en fût ainsi.
Les rapports entre Jésus et sa mère, ou entre lui et
Joseph n'auraient jamais pu constituer une expérience vraiment
et pleinement humaine, si sa divinité avait toujours été
dominante ou même nettement apparente. Il semble que Marie
n'ait jamais pleinement compris son Fils ; à chaque
nouvelle preuve du caractère exceptionnel de sa personnalité,
elle recommençait à s'étonner et à
méditer. Il lui appartenait, et cependant d'une manière
très réelle, il ne lui appartenait pas pleinement. Il y
avait, dans leurs rapports mutuels, un mystère, terrible et
pourtant sublime, un secret sacré que cette mère élue
et bénie hésitait même à se répéter.
La crainte a dû lutter avec la joie dans son âme à
cause de lui. Le souvenir des promesses merveilleuses de Gabriel, le
témoignage des bergers en liesse et l'adoration des mages ont
dû lutter avec celui de l'importante prophétie de
Siméon, qui s'adressait à elle-même
personnellement : « Et toi-même, une épée
te transpercera l'âme » [12].
Pour
ce qui est des événements des dix-huit années
qui suivirent le retour de Jésus de Jérusalem à
Nazareth, les Écritures sont silencieuses à l'exception
d'une phrase d'une importance capitale : « Et Jésus
croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et
devant les hommes » [13]. Il est clair que ce Fils du
Très-Haut ne possédait pas, dès le berceau, une
plénitude de connaissance ni une sagesse parfaite [14].
Ce n'est que lentement que se développait en son âme
l'assurance que sa mission était d'être le Messie, dont
il avait lu, dans la loi, les prophètes et les psaumes, qu'il
viendrait ; et c'est en se préparant avec ferveur au
ministère qui devait culminer sur la croix qu'il passa ses
années d'adolescent et de jeune homme. Les chroniques des
années ultérieures nous apprennent qu'on le tenait sans
aucun doute pour le Fils de Joseph et de Marie et qu'on le
considérait comme le frère des autres enfants plus
jeunes de la famille. On l'appelait charpentier et fils de
charpentier, mais, jusqu'au commencement de son ministère
public, il semble ne pas avoir joué de rôle important,
même dans sa petite communauté natale [15].
Il
mena une vie simple, en paix avec ses semblables, en communion avec
son Père, croissant ainsi en faveur auprès de Dieu et
des hommes. Comme le montrent ses paroles publiques, lorsqu'il fut
devenu homme, ces années d'isolement se passèrent en
efforts actifs, tant physiques que mentaux. Jésus observait
attentivement la nature et les hommes. Il était capable de
souligner ses enseignements par des illustrations tirées des
divers métiers et des diverses professions ; les voies du
docteur de la loi et du médecin, les manières du
scribe, du Pharisien et du rabbi, les habitudes du pauvre, les
coutumes du riche, la vie du berger, du fermier, du vigneron et du
pêcheur, tout cela lui était connu. Il considérait
les lis des champs, et l'herbe dans les prés et sur les
coteaux, les oiseaux qui ne semaient ni ne moissonnaient mais
vivaient de l'abondance de leur Créateur, les renards dans
leurs tanières, le chien domestique gâté et le
roquet vagabond, la poule abritant sa couvée sous ses ailes
protectrices, tous avaient contribué à la sagesse qu'il
avait acquise en grandissant, aussi bien que les humeurs du temps, la
répétition des saisons et tous les phénomènes
des changements et de l'ordre de la nature.
Nazareth
fut la demeure de Jésus jusqu'à ce qu'il eut environ
trente ans ; et conformément à la coutume qui
désignait les individus par le nom de leur ville d'origine, en
plus de leur nom personnel [16], notre Seigneur commença
à être généralement connu sous le nom de
Jésus de Nazareth [17]. On l'appelle aussi Nazaréen,
ou originaire de Nazareth, et Matthieu cite le fait, disant que c'est
là l'accomplissement d'une prophétie antérieure,
bien que la compilation d'Écritures que nous possédons
actuellement dans l'Ancien Testament ne contienne aucune allusion à
pareille prophétie. Il est pratiquement certain que cette
prédiction se trouvait dans l'une des nombreuses Écritures
qui existaient dans les temps anciens mais qui ont été
perdues depuis [18]. On verra que Nazareth était un
village obscur, peu honoré et peu renommé, dans la
question presque méprisante de Nathanaël, qui, lorsqu'on
lui apprit qu'on avait trouvé le Messie en la personne de
Jésus de Nazareth, demanda : « Peut-il venir
de Nazareth quelque chose de bon ? [19] » Cette
question incrédule est devenue un proverbe, et celui-ci a
encore cours aujourd'hui même pour exprimer une source de bien
impopulaire ou peu prometteuse. Nathanaël habitait Cana, qui
n'était qu'à quelques kilomètres de Nazareth, et
la surprise qu'il manifesta à la nouvelle que lui apporta
Philippe à propos du Messie est une preuve indirecte de
l'isolement dans lequel Jésus avait vécu.
C'est
ainsi que se passèrent l'enfance, la jeunesse et les premières
années adultes du Sauveur de l'humanité.
[1]
Mt 2:15 ; cf. Os 11:1.
[2]
Mt 2:19-23. Note 5, fin du chapitre.
[3]
Note 1, fin du chapitre.
[4]
Note 2, fin du chapitre.
[5]
Lc 2:40.
[6]
Note 3, fin du chapitre.
[7]
Comparer avec ses enseignements quand il sera arrivé à
l'âge mûr, p. ex. Jn 8:32.
[8]
Dt 16:1-6 ; cf. Ex 12:2.
[9]
Josèphe, Guerres des Juifs, 11, 1:3.
[10]
Lc 2:46 ; lire 41-52.
[11]
Comparer avec Mt 7:28,29, 13:54, Mc 6:2, Lc 4:22.
[12]
Lc 2:35.
[13]
Lc 2:52.
[14]
Note 3, fin du chapitre.
[15]
Mt 13:55, 56, Mc 6:3, Lc 4:22 ; cf. Mt 12-46, 47, Ga 1:19.
[16]
Illustrations : Joseph d'Arimathée (Marc 15:43),
Marie-Madeleine appelée ainsi à cause de sa ville
natale, Magdala (Mt 27:56), Judas Iscariot, peut-être appelé
ainsi parce qu'il venait de Kérioth (Mt 10:4, voir chap. 18 du
présent ouvrage).
[17]
Mt 21:11, Jn 18:5,19:9, Ac 2:22,3:6 ; voir aussi Lc 4:16.
[18]
Note 4, fin du chapitre.
[19]
Jn 1:45,46.
NOTES
DU CHAPITRE 9
1.
Archélaüs régna à la place d'Hérode :
« À sa mort, Hérode [le Grand] laissa
un testament selon lequel son royaume devait être partagé
entre ses trois fils. Archélaüs devait avoir la Judée,
l'Idumée et la Samarie avec le titre de roi (Mt 2:22). Hérode
Antipas devait recevoir la Galilée et la Pérée,
avec le titre de tétrarque, Philippe devait prendre possession
du territoire transjordanien avec le titre de tétrarque (Lc
3:1). Ce testament fut ratifié par Auguste à
l'exception du titre donné à Archélaüs.
Après la ratification par Auguste du testament d'Hérode,
Archélaüs accéda au gouvernement de la Judée,
de la Samarie et de l'Idumée, avec le titre d'ethnarque la
promesse que, s'il gouvernait bien, il deviendrait roi. Cependant il
était très impopulaire, et son règne fut marqué
par des troubles et des actes d'oppression. Finalement, la situation
devint si intolérable que les Juifs en appelèrent à
Auguste, et Archélaüs fut déposé et envoyé
en exil. Cela explique la déclaration qui se trouve dans Mt
2:22, et peut avoir suggéré l'idée de la
parabole (Lc 19:12, etc.). » - Standard Bible Dictionary,
Funk and Wagnalls Co., article « Hérode ».
Dès le début de son règne, il exerça une
vengeance sommaire sur ceux qui s'aventuraient à protester
contre la poursuite des violences de son père, en en
massacrant trois mille ou davantage ; et cet ignoble carnage se
produisit en partie dans l'enceinte du temple (Josèphe,
Antiquités XVII, 9:1-3).
2.
Hérode Antipas : Fils d'Hérode I (le Grand) et
d'une Samaritaine, et frère d'Archélaüs. Selon le
testament de son père, il devenait tétrarque de Galilée
et de Pérée (Mt 14: 1 ; Lc 3:19, 9:7, Ac 13: 1,
comparez avec Lc 3:1). Il répudia sa femme, fille d'Aretas,
roi d'Arabie Pétrée, et contracta une union illégale
avec Hérodiade, femme de son demi-frère Hérode
Philippe 1 (pas le tétrarque Philippe). Jean-Baptiste fut mis
en prison et finalement mis à mort suite à la colère
d'Hérodiade, furieuse de ce qu'il dénonçait son
union avec Hérode. Hérodiade exhorta Antipas à
aller à Rome et à demander à César le
titre de roi (comparez avec Mc 6:14, etc.). Antipas est le Hérode
le plus souvent cité dans le Nouveau Testament (Mc 6:17 ;
8:15, Lc 3:1, 9:7, 13:31, Ac 4:27, 13:1). Il était le Hérode
à qui Pilate envoya Jésus pour qu'il l'examinât,
profitant de ce que l'on connaissait le Christ pour un Galiléen
et d'une coïncidence qui voulait que Hérode fût à
Jérusalem à l'époque, pour assister à la
Pâque (Lc 23:6, etc.). On trouvera d'autres détails dans
le Dictionnaire de Smith, celui de Cassel ou dans le Standard Bible
Dictionary.
3.
Témoignage de Jean l'apôtre concernant la croissance du
Christ en connaissance et en grâce : Dans une révélation
moderne, Jésus le Christ a confirmé le témoignage
de Jean l'apôtre, témoignage qui n'apparaît que
partiellement dans notre compilation d'Écritures anciennes.
Jean atteste de la manière suivante qu'il se produisit
réellement un développement naturel dans la croissance
de Jésus de l'enfance à la maturité : « Et
moi, Jean, je vis qu'il ne recevait pas la plénitude dès
l'abord, mais qu'il reçut grâce sur grâce ;
et il ne reçut pas la plénitude dès l'abord,
mais continua de grâce en grâce, jusqu'à ce qu'il
reçût une plénitude ; c'est ainsi qu'il fut
appelé le Fils de Dieu, parce qu'il n'avait pas reçu la
plénitude dès l'abord » (D&A 93:12-14).
En dépit de cette croissance et du développement
graduels après sa naissance dans la chair, on a associé
Jésus-Christ avec le Père dès le début,
comme l'explique la révélation citée. Nous y
lisons : « Et il [Jean] rendit témoignage,
disant : Je vis sa gloire, je vis qu'il était au
commencement, avant que le monde fût ; c'est pourquoi, au
commencement était la Parole, à savoir le messager du
salut - la lumière et le Rédempteur du monde ;
l'Esprit de vérité, qui est venu dans le monde, parce
que le monde avait été fait par lui, et en lui étaient
la vie et la lumière des hommes. Les mondes furent faits par
lui, les hommes furent faits par lui, tout fut fait par lui, par son
intermédiaire et de lui. Et moi, Jean, je rends témoignage
que je vis sa gloire, la gloire du Fils unique du Père, plein
de grâce et de vérité, savoir l'Esprit de vérité
qui vint demeurer dans la chair et demeura parmi nous »
(versets 7-11).
4.
Écritures manquantes : Le commentaire de Matthieu sur la
demeure de Joseph, de Marie et de Jésus à Nazareth,
« et [il] vint demeurer dans une ville appelée
Nazareth, afin que s'accomplisse ce qui avait été
annoncé par les prophètes : Il sera appelé
Nazaréen » (2:23), et le fait que l'on ne trouve
aucune parole de ce genre chez les prophètes dans aucun des
livres contenus dans la Bible, font ressortir la certitude que des
Écritures ont été perdues. Ceux qui sont opposés
à la doctrine de la révélation continue entre
Dieu et son Église, sous prétexte que la Bible est une
collection complète d'Écritures sacrées, et que
les prétendues révélations que l'on n'y trouve
pas doivent par conséquent être inauthentiques, peuvent
avoir avantage à noter les nombreux livres qui ne se trouvent
pas dans la Bible, et qui pourtant y sont mentionnés,
généralement de manière à ne laisser
aucun doute quant au fait qu'on les considérait autrefois
comme authentiques. Parmi ces Écritures extra-bibliques, on
peut citer les suivantes, dont certaines existent aujourd'hui et sont
classées parmi les Apocryphes, mais dont la plus grande partie
est inconnue. Nous lisons qu'il est question du livre de l'alliance
(Ex 24:7), du livre des Guerres de l'Éternel (Nb 21:14), du
livre du juste (Jos 10:13), du livre des Statuts (1 S 10:25), du
livre d'Énoch (Jude 14), du livre des actes de Salomon (1 R
11:41), du livre de Nathan le prophète et de celui de Gad le
Voyant (1 Ch 29:29), du livre d'Ahiya de Silo et des visions de Yéedo
(2 Ch 9:29), du livre de Chemaeya (2 Ch 12:15), du commentaire du
prophète Iddo (2 Ch 13:22), des Actes de Jéhu (2 Ch
20:34), des actes d'Ozias, par Ésaïe, fils d'Amots (2 Ch
26:22), du livre de Hozaï (2 Ch 33:19), d'une épître
manquante de Paul aux Corinthiens (1 Co 5:9), d'une épître
manquante aux Éphésiens (Ep 3:3), d'une épître
manquante aux Colossiens, écrite de Laodicée (Co 4:16),
d'une épître manquante de Jude (Jude 3).
5.
Nazareth : Ville de Galilée que la Bible ne mentionne que
dans le Nouveau Testament. Josèphe ne dit rien de cet endroit.
Le nom du village existant, ou la Nazareth d'aujourd'hui, est
En-Nazirah. Celui-ci occupe une colline sur le plan méridional
du Liban, et « on a de là une vue splendide de la
plaine d'Esdraelon et du mont Carmel, et, d'une manière
générale, l'endroit est très pittoresque »
(Zenos). L'auteur de l'article « Nazareth » du
Bible Dict., de Smith, identifie En-Nazirah moderne avec la Nazareth
d'autrefois pour les raisons suivantes : « Elle se
trouve sur les pentes inférieures d'une colline ou montagne
(Lc 4:29) ; elle se trouve dans les limites de la province de
Galilée (Mc 1:9) ; elle se trouve près de Cana (Jn
2:1, 2, 11), un précipice existe dans le voisinage (Lc 4:29),
et une série d'attestations remontant jusqu'à Eusèbe
assurent que l'endroit a occupé la même place. »
Le même auteur ajoute : « Elle a une population
de trois ou quatre mille habitants ; il y a quelques mahométans,
le reste se compose de chrétiens, latins et grecs. La plupart
des maisons sont bien construites et en pierre, et semblent propres
et confortables. Les rues ou plutôt les ruelles sont étroites
et tortueuses, et lorsqu'il a plu, elles sont si remplies de boue et
de fange qu'il est presque impossible de les traverser. »
Du vivant du Christ, la ville n'était pas seulement considérée
comme sans importance par les Judéens qui n'avaient que peu de
respect pour la Galilée ou les Galiléens, mais comme
une ville sans aucun honneur par les Galiléens eux-mêmes,
comme on peut en déduire du fait que la question apparemment
méprisante, « peut-il venir de Nazareth quelque
chose de bon ? » fut prononcée par Nathanaël
(Jn 1:46), qui était Galiléen et originaire de Cana,
ville voisine de Nazareth (Jn 21:2). Nazareth doit sa célébrité
au fait que des événements de la vie de Jésus-Christ
s'y déroulèrent (Mt 2.23, 13:54, Mc 1: 9, 6:1, Le 1:26,
2:4, 4:23, 34, Jn 1:45, 46, 19:19 ; Ac 2:22).
CHAPITRE
10 : DANS LE DÉSERT DE JUDÉE
LA
VOIX DANS LE DÉSERT
À
l'époque précisée comme étant la
quinzième année du règne de Tibère,
empereur de Rome, le peuple de Judée fut fortement ému
des prédications étranges d'un homme jusqu'alors
inconnu. Il était de descendance sacerdotale mais n'avait pas
été formé par les écoles, et, sans
autorisation des rabbis ni permission des principaux sacrificateurs,
il se proclamait envoyé de Dieu avec un message pour Israël.
Il apparaissait non dans les synagogues ni dans les cours du temple,
où les scribes et les docteurs enseignaient, mais criait à
haute voix dans le désert. Les populations de Jérusalem
et des régions avoisinantes allaient l'écouter en
grandes multitudes. Il dédaignait les vêtements doux et
les robes amples et confortables et prêchait dans son rude
vêtement du désert, qui se composait d'une tunique en
poil de chameau maintenue par une ceinture de cuir. La grossièreté
de son habillement était considérée comme
significative. Élie, le Tichbite, ce prophète intrépide
dont le désert avait été la demeure, était
connu de son temps comme « un homme avec un vêtement
de poil ; il avait une ceinture de cuir autour des reins » [1],
et on en était venu à considérer que les
vêtements primitifs étaient une caractéristique
distinctive des prophètes [2]. En outre, cet étrange
prédicateur ne mangeait pas la nourriture du luxe et de
l'aisance mais se nourrissait de ce que le désert offrait, des
sauterelles et du miel sauvage [3].
Il
avait étudié sous la tutelle d'instructeurs divins, et
c'est là, dans le désert de Judée, que la parole
du Seigneur lui parvenait [4], comme elle était parvenue
autrefois à Moïse [5] et à Élie [6]
dans un cadre semblable. C'est alors que l'on entendit « la
voix de celui qui crie dans le désert : préparez
le chemin du Seigneur, rendez droit ses sentiers » [7].
C'était la voix du héraut, du messager qui, comme les
prophètes l'avaient dit, irait devant le Seigneur pour lui
préparer la voie [8]. La teneur de son message était
« Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche ».
Et ceux qui avaient foi en ses paroles et professaient se repentir,
confessant leurs péchés, il leur administrait le
baptême par immersion dans l'eau - proclamant en même
temps : « Moi, je vous baptise dans l'eau, en vue de
la repentance, mais celui qui vient après moi est plus
puissant que moi, et je ne mérite pas de porter ses sandales.
Lui vous baptisera d'Esprit Saint et de feu. » [9]
On
ne pouvait ignorer ni l'homme, ni son message ; sa prédication
offrait des promesses bien précises à l'âme
repentante et dénonçait d'une manière cinglante
l'hypocrite et le pécheur endurci. Quand des Pharisiens et des
Sadducéens venaient à son baptême, jacassant sur
la loi, dont ils ne cessaient de transgresser l'esprit, et sur les
prophètes, qu'ils déshonoraient, il les traitait de
races de vipères et leur demandait : « Qui
vous a appris à fuir la colère à venir ? »
Il balayait leurs vantardises répétées, dans
lesquelles ils se disaient les enfants d'Abraham, en disant :
« Produisez donc du fruit digne de la repentance ; et
n'imaginez pas pouvoir dire : Nous avons Abraham pour père !
Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter
des enfants à Abraham » [10]. Sa façon
d'ignorer leurs prétentions à être préférés
en qualité d'enfants d'Abraham était une violente
rebuffade et blessait profondément tant les Sadducéens
aristocratiques que les Pharisiens pointilleux sur le code. Le
judaïsme affirmait que la postérité d'Abraham
avait une place assurée dans le royaume du Messie attendu et
qu'aucun converti d'entre les Gentils ne pouvait espérer
atteindre le rang et la distinction dont les « enfants »
étaient assurés. L'affirmation énergique de Jean
que Dieu pouvait susciter des enfants à Abraham à
partir des pierres des berges du fleuve, signifiait pour ceux qui
l'écoutaient que même les plus humbles de la famille
humaine pouvaient être préférés à
eux s'ils ne se repentaient pas et ne se réformaient pas [11].
Le temps de leur profession verbeuse était passé ;
ce qu'on demandait, c'était des fruits et non pas une
profusion stérile quoique feuillue ; la cognée
était prête, oui, à la racine même de
l'arbre ; et tous les arbres qui ne produisaient pas de bons
fruits seraient abattus et jetés au feu.
Les
gens étaient étonnés, et beaucoup, se voyant
dans leur état réel d'abandon et de péché,
tandis que Jean exposait leurs fautes en termes brûlants,
s'écrièrent : « Que ferons-nous
donc [12] ? » Dans sa réponse, il attaqua
le goût du cérémoniel qui avait desséché
la spiritualité dans le cœur des gens, presque jusqu'à
la tuer. Il exigeait une charité désintéressée :
« Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui
n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. »
Les péagers ou percepteurs d'impôts, sous les exactions
injustes et illégales desquels le peuple souffrait depuis si
longtemps, vinrent, demandant : « Maître, que
ferons-nous ? Il leur dit : N'exigez rien au-delà de
ce qui vous a été ordonné. » Aux
soldats qui demandaient ce qu'ils devaient faire, il répliqua :
« Ne faites violence à personne, et ne dénoncez
personne à tort, mais contentez-vous de votre solde. » [13]
L'esprit
de ses exigences était celui d'une religion pratique, la seule
qui puisse avoir une valeur quelconque : la religion d'une vie
droite. En dépit de toute sa vigueur, malgré sa
brusquerie, nonobstant ses attaques vigoureuses contre les coutumes
dégénérées du temps, ce Jean n'était
pas un agitateur excité qui s'en prenait aux institutions
établies, ni un provocateur d'émeutes, ni un partisan
de la révolte, ni un fomentateur de rébellions. Il ne
s'attaquait pas au système des impôts mais aux
extorsions des péagers corrompus et cupides ; il ne
dénonçait pas l'armée, mais les iniquités
des soldats, dont beaucoup avaient profité de leur position
pour rendre de faux témoignages afin d'obtenir du gain et de
s'enrichir par des saisies de force. Il prêchait ce que nous
appelons les premiers principes fondamentaux de l'Évangile, le
« commencement de l'Évangile de Jésus-Christ,
Fils de Dieu » [14], comprenant la foi, qui est une
croyance vivante en Dieu, le repentir sincère, qui implique la
contrition pour les offenses passées et la décision
ferme de se détourner du péché, le baptême
par immersion dans l'eau sous ses mains, étant les mains de
quelqu'un qui avait l'autorité, et le baptême supérieur
du feu ou l'octroi du Saint-Esprit par une autorité supérieure
à celle qu'il possédait lui-même. Son
enseignement était positif et opposé, à de
nombreux points de vue, aux conventions du temps ; il n'essayait
pas d'attirer le peuple par des manifestations miraculeuses [15] ;
et si beaucoup de ses auditeurs devinrent ses disciples [16], il
ne créa aucune organisation officielle et n'essaya pas non
plus de former une secte. Il demandait à chacun
personnellement de se repentir et administrait personnellement à
chaque candidat acceptable le rite du baptême.
Pour
les Juifs qui vivaient dans un état d'expectative, attendant
le Messie prédit depuis si longtemps, les paroles de cet
étrange prophète du désert étaient
lourdes de présages. Se pouvait-il qu'il fût le Christ ?
Il parlait de quelqu'un plus puissant que lui, qui devait encore
venir, dont il n'était pas digne de défier les
chaussures [17], Quelqu'un qui séparerait le peuple comme
le batteur, van à la main, séparait la balle du grain ;
et, ajoutait-il, cette personne toute puissante « amassera
le blé dans son grenier, mais brûlera la paille dans un
feu qui ne s'éteint pas » [18].
C'est
ainsi que le héraut, prédit du Seigneur, remit son
message. Il ne s'exaltait pas personnellement ; mais son office
lui était sacré, il ne tolérait aucune
intervention dans ses fonctions, que ce fût de la part d'un
prêtre, d'un Lévite ou d'un rabbi. Il ne faisait point
acception de personnes ; à dénonçait le
péché, écorchait les pécheurs, qu'ils
fussent revêtus de vêtements sacerdotaux, d'habits
paysans ou de robes royales. Tout ce que le Baptiste avait déclaré
de lui-même et de sa mission fut confirmé plus tard par
le témoignage formel du Christ [19]. Jean était
l'annonciateur, non seulement du Royaume, mais également du
Roi ; c'est à lui que vint le Roi en personne.
LE
BAPTÊME DE JÉSUS - POUR ACCOMPLIR TOUT CE QUI EST JUSTE
Quand
Jésus eut environ trente ans [20], il se rendit de sa
demeure de Galilée « au Jourdain vers Jean, pour
être baptisé par lui. Mais Jean s'y opposait en disant :
C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et c'est
toi qui viens à moi ! Jésus lui répondit :
Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous
accomplissions ainsi toute justice. Alors Jean le laissa
faire » [21].
Jean
et Jésus étaient cousins au deuxième degré ;
on ne nous dit pas s'ils avaient eu des relations étroites
lorsqu'ils étaient enfants ou lorsqu'ils devinrent adultes.
Mais ce qui est certain, c'est que quand Jésus se présenta
pour être baptisé, Jean reconnut en lui un homme sans
péché qui n'avait aucun besoin de repentir ; et,
comme le Baptiste était chargé de baptiser pour la
rémission des péchés, il ne voyait pas la
nécessité d'administrer cette ordonnance à
Jésus. Lui qui avait reçu les confessions des
multitudes, se confessait maintenant avec respect à quelqu'un
qu'il savait être plus juste que lui. À la lumière
d'événements ultérieurs, il semble qu'à
cette époque Jean ne savait pas que Jésus était
le Christ, la Personne plus puissante qu'il attendait et dont il se
savait être le précurseur. Quand Jean exprima sa
conviction que Jésus n'avait pas besoin d'être purifié
par le baptême, notre Seigneur, connaissant sa propre
innocence, ne nia pas l'affirmation du Baptiste mais insista
néanmoins pour être baptisé, en donnant cette
explication significative : « Car il est convenable
que nous accomplissions ainsi toute justice. » Si Jean
était à même de comprendre le sens profond de
cette phrase, il dut y découvrir la vérité que
le baptême d'eau n'est pas seulement le moyen prévu pour
obtenir la rémission des péchés mais est
également une ordonnance indispensable établie en
justice et requise de tous les hommes comme condition essentielle
pour être membre du royaume de Dieu [22].
Jésus-Christ
se conforma ainsi humblement à la volonté du Père
et fut baptisé de Jean par immersion dans l'eau. Ce qui
s'ensuivit immédiatement atteste que son baptême fut
accepté comme un acte de soumission agréable et
nécessaire : « Aussitôt baptisé,
Jésus sortit de l'eau. Et voici : les cieux s'ouvrirent,
il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui.
Et voici qu'une voix fit entendre des cieux ces paroles :
Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon
affection » [23]. Alors Jean reconnut son Rédempteur.
Les
quatre évangélistes rapportent que la descente du
Saint-Esprit sur Jésus baptisé s'accompagna d'une
manifestation visible « comme une colombe » ;
et il avait été révélé à
Jean que ce signe était le moyen prévu qui lui
révélerait le Messie ; et voilà qu'à
ce signe préalablement spécifié, le Père
ajoutait son témoignage suprême que Jésus était
littéralement son Fils. Matthieu rapporte les paroles du Père
à la troisième personne : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé », tandis que Marc et Luc
donnent la forme plus directe : « Tu es mon Fils
bien-aimé. » Cette variante, si minime et
essentiellement secondaire qu'elle soit, bien que portant sur un
sujet aussi capital, donne une preuve que les auteurs écrivaient
indépendamment les uns des autres et réfute toute
insinuation qu'il y aurait eu collusion entre les écrivains.
Les
incidents qui se produisirent lorsque Jésus sortit de la tombe
baptismale démontrent que les trois personnages de la Divinité
ont une individualité distincte. En cette occasion solennelle,
Jésus le Fils était présent dans la chair, la
présence du Saint-Esprit se manifesta par le signe
accompagnateur de la colombe, et la voix du Père éternel
se fit entendre des cieux. Si nous n'avions aucune autre preuve de ce
que chaque membre de la sainte Trinité a une personnalité
séparée, cet exemple serait concluant ; mais
d'autres Écritures confirment cette grande vérité [24].
LES
TENTATIONS DU CHRIST
Peu
après son baptême, immédiatement après,
selon Marc, Jésus fut poussé, par les incitations de
l'Esprit, à s'éloigner des hommes et des distractions
de la vie communautaire, en se retirant dans le désert où
il serait libre de communier avec son Dieu. L'influence de la force
qui le mouvait était si puissante qu'elle le conduisit, ou
pour employer les termes de l'évangéliste, le poussa, à
une retraite solitaire, où il demeura pendant quarante jours,
« avec les bêtes sauvages » du désert.
Trois des évangiles décrivent cet épisode de la
vie de notre Seigneur, bien que de manière inégale [25] ;
Jean le passe sous silence.
Les
circonstances qui accompagnèrent cette période d'exil
et d'épreuve ont dû être relatées par Jésus
lui-même, car il n'y avait pas d'autres témoins humains.
Les textes traitent surtout d'événements qui marquèrent
la fin de la période de quarante jours, mais considérés
dans leur ensemble, ils ne laissent subsister aucun doute quant au
fait que ce fut une période de jeûne et de prière.
Ce n'est que graduellement que le Christ se rendit compte qu'il était
le Messie choisi et pré-ordonné. Comme le montrent les
paroles qu'il adressa à sa mère le jour de ce mémorable
entretien avec les docteurs dans les cours du temple, il savait,
alors qu'il n'avait que douze ans, qu'il était Fils de Dieu
dans un sens tout particulier et personnel ; mais il est
cependant clair que la compréhension de l'objectif tout entier
de sa mission terrestre ne se développa en lui qu'à
mesure qu'il grandissait, étape par étape, en sagesse.
Le fait que son Père le reconnut et qu'il reçut la
compagnie constante du Saint-Esprit ouvrit son âme à la
conscience glorieuse de sa divinité. Il devait réfléchir
à beaucoup de choses, beaucoup de choses qui demandaient la
prière et la communion avec Dieu que seule la prière
peut assurer. Pendant tout le temps de sa retraite, il ne mangea
point mais décida de jeûner afin que son corps mortel en
fût plus assujetti à son esprit divin.
Puis,
lorsqu'il fut affamé et physiquement faible, le Tentateur vint
lui proposer sournoisement d'utiliser ses pouvoirs extraordinaires
pour se procurer de la nourriture. Satan avait choisi le moment le
plus propice pour ses desseins mauvais. Que ne font pas les mortels,
jusqu'où les hommes ne sont-ils pas allés, pour apaiser
les tortures de la faim ? Ésaü troqua son droit
d'aînesse pour un repas. Des hommes se sont battus comme des
brutes pour de la nourriture. Des femmes ont tué et mangé
leur propre bébé plutôt que d'endurer les affres
de la faim. Satan savait tout cela lorsqu'il s'approcha du Christ à
l'heure où il se trouvait dans un besoin physique extrême
et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces
pierres deviennent des pains. » Pendant les longues
semaines d'isolement, notre Seigneur avait été soutenu
par l'exaltation d'esprit qui accompagne normalement une
concentration mentale aussi absorbante que celle que produisirent
indubitablement sa méditation et sa communion prolongées
avec les cieux ; dans une dévotion aussi profonde, les
appétits corporels étaient étouffés et
assujettis, mais la réaction de la chair était
inévitable. Aussi affamé que fût Jésus, il
y avait dans les paroles de Satan des tentations plus grandes encore
que celles que déguisaient ses paroles lorsqu'il lui dit qu'il
devrait fournir de la nourriture à son corps affamé :
la tentation de mettre à l'épreuve le doute possible
qu'impliquait le « si » du Tentateur. Le Père
éternel avait proclamé que Jésus était
son Fils ; le diable essayait de faire douter le Fils de cette
parenté divine. Pourquoi ne pas mettre à l'épreuve
l'intérêt du Père pour son Fils à ce
moment de besoin pressant ? Était-il convenable que le
Fils de Dieu restât affamé ? Le Père
avait-il oublié si rapidement, qu'il laissait son Fils
bien-aimé souffrir de la sorte ? N'était-il pas
raisonnable que Jésus, rendu faible par sa longue abstinence,
pourvût à ses besoins, d'autant plus qu'il pouvait le
faire, et ce en donnant un simple ordre, si la voix entendue à
son baptême était celle du Père éternel.
Si tu es en réalité le Fils de Dieu, montre ton
pouvoir, et satisfais en même temps ta faim : tel était
l'objectif du conseil diabolique. S'il avait cédé, il
aurait montré qu'il doutait des paroles du Père.
En
outre, le pouvoir supérieur que Jésus possédait
ne lui avait pas été donné pour sa satisfaction
personnelle mais pour servir les autres. Il devait faire l'expérience
de toutes les épreuves de la mortalité ; un autre
homme, qui aurait été aussi affamé que lui,
n'aurait pas pu pourvoir à ses besoins par un miracle ;
et bien que l'on pût nourrir pareil homme par un miracle, la
nourriture miraculeuse devrait lui être donnée, il ne
pourrait la fournir. C'était un résultat nécessaire
de la nature double de notre Seigneur, participant aux attributs de
Dieu et de l'homme à la fois, de devoir endurer et souffrir
comme un mortel alors qu'il possédait à tout moment la
capacité d'invoquer la puissance de cette Divinité qui
pourrait satisfaire ou surmonter tous les besoins corporels. Sa
réponse au tentateur fut sublime et sans réplique :
« Il est écrit : l'homme ne vivra pas de pain
seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » [26].
La parole qui était sortie de la bouche de Dieu et sur
laquelle Satan voulait jeter le doute, était que Jésus
était le Fils bien-aimé en qui le Père avait mis
toute son affection. Le diable était défait, le Christ
triomphait.
Se
rendant compte qu'il avait échoué dans sa tentative de
convaincre Jésus d'utiliser sa puissance personnelle à
son propre service, et d'avoir confiance en lui-même plutôt
que de se reposer sur la providence du Père, Satan passa à
l'autre extrême et tenta Jésus d'obliger, sans motif, le
Père à le protéger [27]. Jésus se
tenait sur une des parties élevées du temple, une tour
ou un rempart, dominant les vastes cours, quand le diable lui dit :
« Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est
écrit : Il donnera des ordres à ses anges à
ton sujet : Et ils te porteront sur les mains, de peur que ton
pied ne heurte contre une pierre. » De nouveau apparaît
le doute sous-entendu [28]. Si Jésus était en fait
le Fils de Dieu, ne serait-il pas assuré que son Père
le sauverait, d'autant plus qu'il était écrit [29]
que des anges le garderaient et le porteraient ? La réponse
du Christ au Tentateur dans le désert contenait une citation
scripturaire, et il avait introduit celle-ci par la formule
impressionnante commune aux interprètes de l'Écriture
sainte : Il est écrit. » Dans la deuxième
tentative, le diable essaya de soutenir son conseil par ses Écritures
et employa une expression semblable : « Car il est
écrit. » Notre Seigneur répondit à la
citation du diable par une autre, disant : « D'autre
part il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton
Dieu » [30]. Dans sa tentation, le diable voulait
inciter le Seigneur à pécher, soit en se mettant sans
raison en danger afin d'obliger son Père à manifester
son amour en le sauvant miraculeusement, soit en refusant d'obliger
le Père à intervenir de la sorte, ce qui démontrerait
qu'il doutait être le Fils bien-aimé. En outre, dans
cette tentation, se cachait un appel à l'aspect humain de la
nature du Christ, puisqu'elle devait également l'amener à
penser à la célébrité que lui apporterait
l'exploit stupéfiant de sauter d'une hauteur aussi
vertigineuse que celle à laquelle une tourelle du temple se
trouvait et d'atterrir sain et sauf. Bien que nous n'ayons pas le
droit de dire qu'une idée de ce genre ait pu, même
momentanément, se glisser dans l'esprit du Sauveur, nous ne
pouvons nous empêcher de penser que le fait de suivre les
conseils de Satan, à condition naturellement que le résultat
fût celui qu'il avait indiqué, aurait eu pour résultat
de faire admettre au public que Jésus était un être
supérieur aux mortels. Ç'aurait été en
effet un signe et un miracle dont la renommée se serait
répandue comme une traînée de poudre ; et
toute la communauté juive aurait été enflammée
d'émotion et d'intérêt pour le Christ.
La
sophistique criarde de la citation scripturaire de Satan ne méritait
pas une réponse catégorique, sa doctrine ne méritait
ni logique ni argument, son application erronée de l'Écriture
était réduite à néant par une Écriture
apparentée, les vers du psalmiste étaient compensés
par le commandement formel du prophète de l'Exode, dans lequel
il avait interdit à Israël d'inciter ou de tenter le
Seigneur à faire des miracles parmi eux. Satan tenta Jésus
de tenter le Père. Imposer des limites ou fixer le temps ou le
lieu où la puissance divine se manifestera est une ingérence
aussi blasphématoire dans les prérogatives de la
Divinité que la tentative d'usurper cette puissance. C'est
Dieu seul qui doit décider quand et comment ces prodiges se
produiront. Une fois de plus les desseins de Satan étaient
contrecarrés, et le Christ était de nouveau vainqueur.
Dans
la troisième tentation, le diable s'abstint d'essayer encore
d'amener Jésus à mettre soit son propre pouvoir, soit
celui du Père à l'épreuve. Complètement
battu à deux reprises, le tentateur abandonna ce plan
d'attaque ; et, décidant de jouer cartes sur table, fit
une proposition précise. Du haut d'une montagne élevée,
Jésus contemplait le pays avec ses richesses : villes et
champs, vignobles et vergers, troupeaux de petit et gros bétail,
et en vision, il vit les royaumes du monde et en contempla la
richesse, la splendeur et la gloire terrestre. Puis Satan lui dit :
« Je te donnerai tout cela, si tu te prosternes et
m'adores. » C'est ce qu'écrivait Matthieu ;
voici la version plus détaillée de Luc : « Le
diable... lui dit : je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire
de ces royaumes ; car elle m'a été remise, et je
la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi
elle sera toute à toi. » Nous n'avons pas besoin de
nous demander si Satan aurait pu réaliser sa promesse au cas
où le Christ lui aurait rendu hommage ; il est certain
que le Christ aurait pu tendre la main et s'amasser la richesse et la
gloire du monde s'il avait voulu le faire, et aurait par là
échoué dans sa mission messianique. Cela, Satan le
savait très bien. Beaucoup d'hommes se sont vendus au diable
pour un royaume et pour moins, pour quelques misérables sous.
L'impudence
de son offre était diabolique en elle-même. Le Christ,
Créateur du Ciel et de la terre, revêtu comme il l'était
alors de chair mortelle, ne se rappelait peut-être pas son état
préexistant, ni le rôle qu'il avait joué dans le
grand conseil des Dieux [31], tandis que Satan, esprit non
incarné - lui, le déshérité, le fils
rebelle et rejeté - cherchant à tenter l'être par
lequel le monde avait été créé en lui
promettant une partie de ce qui appartenait entièrement à
ce dernier, pouvait encore avoir à cette époque, comme
il peut d'ailleurs encore l'avoir maintenant, le souvenir de ces
scènes des premiers temps. Dans ce passé lointain,
antérieur à la création de la terre, Satan, qui
était alors Lucifer, fils du matin, avait été
rejeté ; et c'était le Premier Né qui avait
été choisi. Maintenant que l'Élu était
soumis aux épreuves incidentes de la mortalité, Satan
pensait contrecarrer les objectifs divins en assujettissant le Fils
de Dieu. Lui qui avait été vaincu par Michel et ses
armées et rejeté comme un rebelle battu, demandait au
Jéhovah incarné de l'adorer. « Jésus
lui dit : Retire-toi, Satan ! Car il est écrit :
Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et à lui seul, tu rendras
un culte. Alors le diable le laissa. Et voici que des anges
s'approchèrent de Jésus pour le servir. » [32]
Il
ne faut pas penser que le fait que le Christ sortit victorieux des
nuées ténébreuses des trois tentations dont nous
avons parlé le mettait à l'abri d'attaques futures de
la part de Satan ou le dispenserait de faire face à des
épreuves ultérieures de sa foi, de sa confiance et de
son endurance. Luc termine son récit des tentations qui
suivirent le jeûne de quarante jours, comme suit : « Après
avoir achevé de le tenter, le diable s'éloigna de lui
jusqu'à une autre occasion » [33]. Cette
victoire sur le diable et ses ruses, ce triomphe sur les aspirations
de la chair, les doutes lancinants de l'esprit, le conseil de
rechercher la célébrité et la richesse
matérielles, furent des succès grands mais non pas
définitifs dans la lutte entre Jésus, le Dieu incarné,
et Satan, l'ange de lumière déchu. Le Christ affirma
expressément qu'il était sujet aux tentations pendant
la période où il vécut en compagnie des
apôtres [34]. Nous verrons, en poursuivant cette étude,
que ses tentations durèrent jusqu'à l'agonie même
de Gethsémané. Il ne nous est pas donné de
rencontrer l'adversaire, de nous battre contre lui et de le vaincre
en une seule rencontre, une fois pour toutes ; et cela ne fut
pas donné à Jésus non plus. La lutte entre
l'esprit immortel et la chair, entre l'enfant de Dieu d'une part, et
le monde et le diable d'autre part, dure pendant toute la vie. Peu
d'événements de l'histoire évangélique de
Jésus de Nazareth ont donné naissance à plus de
discussions, de théories fantaisistes et de spéculations
stériles que les tentations. Nous pouvons sans crainte ignorer
toutes ces théories. Pour toute personne qui croit aux saintes
Écritures, le récit des tentations qui s'y trouvent est
suffisamment explicite pour mettre les faits essentiels hors de
doute ; pour celui qui ne croit pas, ni le Christ, ni son
triomphe n'ont d'attrait. À quoi cela nous profitera-t-il de
spéculer sur le point de savoir si Satan apparut à
Jésus sous une forme visible, ou n'était là que
comme un esprit invisible, s'il parlait d'une voix audible ou
éveillait à l'esprit de celui dont il voulait faire sa
victime les pensées exprimées plus tard dans le texte,
si les trois tentations se succédèrent immédiatement
ou se produisirent à des intervalles plus longs ? Nous
pouvons rejeter en toute sécurité toutes les théories
qui veulent faire du récit scripturaire un mythe ou une
parabole et accepter le document tel qu'il est, et nous pouvons
affirmer avec une égale assurance que les tentations furent
réelles, et que les épreuves auxquelles le Seigneur fut
soumis furent réelles et cruciales. Pour croire autrement, on
doit considérer les Écritures comme n'étant que
de la fiction.
Dans
cet ordre d'idées, une question qui mérite une certaine
attention est celle de savoir si le Seigneur était capable de
pécher. S'il n'avait pas eu la possibilité de céder
aux pièges de Satan, il n'y aurait pas eu d'épreuve
réelle dans les tentations, pas de victoire réelle dans
le résultat. Notre Seigneur était sans péché,
tout en étant susceptible de pécher ; il avait la
capacité de pécher s'il avait voulu le faire. S'il
avait été privé de la faculté de pécher,
il aurait été dépouillé de son libre
arbitre ; et c'était pour sauvegarder et assurer la
liberté de l'homme qu'il s'était offert avant que le
monde fût, comme sacrifice rédempteur. Dire qu'il ne
pouvait pas pécher, parce qu'il était l'incarnation de
la justice, ne veut pas dire nier qu'il eut la possibilité de
choisir entre le bien et le mal. Un homme absolument sincère
ne peut pas mentir volontairement ; néanmoins le fait
qu'il est assuré contre la duplicité n'est pas le
résultat d'une compulsion externe, mais d'une retenue intense
due au fait qu'il a cultivé la compagnie de l'esprit de
vérité. Un homme vraiment honnête ne prendra ni
ne convoitera le bien de son prochain ; on pourra même
dire qu'il ne peut pas voler ; et cependant il est capable de
voler s'il choisit de le faire. Son honnêteté est une
armure contre la tentation, mais la cotte de mailles, le casque, le
pectoral et les jambières ne sont qu'une couverture
extérieure ; l'homme qui se trouve à l'intérieur
peut être vulnérable, si on peut le toucher.
Mais
pourquoi poursuivre un raisonnement fastidieux, qui ne peut mener
qu'à une seule conclusion, lorsque les propres paroles de
notre Seigneur et d'autres Écritures confirment le fait ?
Peu avant d'être trahi, alors qu'il exhortait les Douze à
l'humilité, il dit : « Vous, vous êtes
ceux qui avez persévéré avec moi dans mes
épreuves » [35]. Bien qu'ici on ne fasse pas
allusion en particulier aux tentations qui ont suivi immédiatement
son baptême, il est clair, d'après la citation, qu'il a
subi des tentations, et on peut en déduire qu'il en a eues
pendant tout son ministère. L'auteur de l'épître
aux Hébreux enseigna expressément que le Christ était
capable de pécher, en ce qu'il fut tenté « en
toutes choses » comme le reste de l'humanité.
Considérez cette déclaration sans ambiguïté :
« Puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui
a traversé les cieux, Jésus le Fils de Dieu, tenons
fermement la confession (de notre foi). Car nous n'avons pas un
souverain sacrificateur incapable de compatir à nos
faiblesses ; mais il a été tenté comme nous
à tous égards, sans (commettre de) péché » [36].
Et en outre : « il a appris, bien qu'il fût le
Fils, l'obéissance par ce qu'il a souffert. » [37]
[1]
2 R 1:8.
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Mt 3:1-5 ; cf. Lv 11:22, voir aussi Mc 1:1-8. Note 2, fin du
chapitre.
[4]
Lc 3:2.
[5]
Ex 3:1,2.
[6]
1 R 17:2-7.
[7]
Mc 1:3.
[8]
Mc 1:2 ; cf. Es 40:3, Ml 3:1, Mt 11:10, Lc 7:27.
[9]
Mt 3:11.
[10]
Mt 3:7-10 ; voir aussi Lc 3:3-9.
[11]
Comparer avec une occasion ultérieure où le Christ
enseigna pareillement (Jn 8:33-59).
[12]
1 Lc 3: 10 ; cf. Ac 2:37.
[13]
Lc 3:10-15.
[14]
Mc 1:1.
[15]
Jn 10:41.
[16]
Jn 1:35, 37, Mt 11:2, Lc 7:18.
[17]
Note 3, fin du chapitre.
[18]
Lc 3:17, voir aussi Mt 3:12, cf. Ml 3:2.
[19]
Mt 11:11-14, 17:12, Lc 7:24-30.
[20]
Lc 3:23.
[21]
Mt 3:13-15.
[22]
On trouvera une étude montrant que le baptême est une
loi universelle dans les Articles de Foi, de l'auteur, p. 161-168.
Note 6, fin du chapitre.
[23]
Mt 3:16,17 ; cf. Mc 1:9-11, Lc 3:21,22.
[24]
Peu avant sa mort, le Sauveur promit aux apôtres que le Père
leur enverrait le Consolateur, qui est le Saint-Esprit (Jn 14:26 et
15:26). Voir les Articles de Foi, de l'auteur, p. 47.
[25]
Mt 4: 1-11, Mc 1:12,13, Lc 4:1-13.
[26]
Mt 4:4 ; cf. Dt 8:3.
[27]
Note 4, fin du chapitre.
[28]
Note 5, fin du chapitre. Chap. 35.
[29]
Mt 4:6, Ps 91:11,12.
[30]
Mt 4:5-7 ; cf. Dt 6:16.
[31]
Chap. 2.
[32]
Mt 4: 10, 11 ; cf. Ex 20:3, Dt 6:13, 10:20, Jos 24:14, 1 S 7:3.
[33]
Lc 4:13.
[34]
Lc 22:28.
[35]
Lc 22:28.
[36]
Hé 4:14,15.
[37]
Hé 5:8.
NOTES
DU CHAPITRE 10
1.
Vêtement en poil de chameau : Par l'intermédiaire
du prophète Zacharie (13:4) il fut prédit un temps où
ceux qui professaient être prophètes « ne
revêtiront plus un manteau de poil afin de tromper ».
À propos du vêtement en poil de chameau porté par
Jean-Baptiste, les notes marginales d'Oxford et autres rendent
l'expression « un vêtement de poil »
comme plus littérale que le texte biblique. Deems (Light of
the Nations, p. 74, note) dit : « Le vêtement
en poil de chameau n'était pas la peau du chameau avec les
poils, qui serait trop lourde à porter, mais un vêtement
tissé avec des poils de chameau, comme ceux dont parle Josèphe
(B. J. I. 24:3). »
2.
Sauterelles et miel sauvage : Les insectes de l'espèce
sauterelle ou criquet étaient officiellement déclarés
purs et bons à manger dans la loi donnée à
Israël dans le désert. « Mais, parmi tous les
reptiles qui volent et qui marchent sur quatre pieds, vous mangerez
celles qui ont des jambes au-dessus de leurs pieds, pour sauter sur
la terre. Voici celles que vous mangerez : la sauterelle, le
solam [sauterelle chauve], le hargol [scarabée] et
le hagab [criquet], selon leurs espèces » (Lv
11:21,22).
Actuellement
beaucoup de peuples orientaux, ordinairement les classes pauvres
seulement, utilisent les sauterelles comme nourriture. À
propos du du passage qui dit que les sauterelles faisaient partie de
la nourriture du Baptiste tandis qu'il vivait en reclus dans le
désert, Farrar (Life of Christ, p. 97, note), dit :
« L'impression qu'il s'agit là des gousses du
caroubier [Locust tree ou arbre à sauterelles en anglais]
est une erreur. On vend des sauterelles dans des magasins
d'alimentation spécialisés à Médine ;
on les plonge dans de l'eau salée bouillante, on les sèche
au soleil, et on les mange avec du beurre, mais seuls les mendiants
les plus pauvres en usent. » Geikie (Life and Words of
Christ, vol. 1, p. 354, 355) applique ce qui suit à la vie du
Baptiste : « Sa seule nourriture était les
sauterelles qui sautaient ou volaient sur les collines dénudées,
et le miel d'abeilles sauvages qu'il trouvait çà et là,
dans les fentes des rochers, et sa seule boisson était une
gorgée d'eau de quelque creux de rocher. Les sauterelles sont
toujours la nourriture des pauvres dans beaucoup de régions de
l'orient. ‘Tous les Bédouins, et les habitants de
certaines villes du Nedj et du Hedjaz, ont coutume de les manger',
dit Burckhardt. À Médine et à Ta'if, j'ai vu des
magasins de sauterelles, où on les vend au poids. En Égypte
et en Libye, seuls les mendiants les plus pauvres les mangent. Les
Arabes, quand ils les préparent pour la consommation, les
jettent vivantes dans de l'eau bouillante, à laquelle une
bonne quantité de sel a été mélangée,
les sortent au bout de quelques minutes et les font sécher au
soleil. La tête, les pattes et les ailes sont alors arrachées,
les corps débarrassés du sel et parfaitement séchés.
Parfois on les mange bouillies dans du beurre, ou étendues sur
du pain sans levain mélangé à du beurre. »
En Palestine, seuls les Arabes les mangent sur les frontières
extrêmes ; ailleurs on les considère avec dégoût,
et seuls les gens les plus pauvres en usent. Cependant, Tristram dit
qu'elles sont ‘très bonnes au goût'. ‘Je les
ai trouvées très bonnes', dit-il, ‘quand on les
mange à la manière arabe, étuvées dans du
beurre. Elles avaient un peu le goût de crevettes, mais plus
fade.’ Dans le désert de Judée, différentes
espèces abondent en toutes saisons, et à chaque pas que
l'on fait, on les voit sauter avec un bourdonnement, étendant
soudain leurs brillantes ailes postérieures, écarlates,
pourpres, bleues, jaunes, blanches, vertes ou brunes selon les
espèces. Elles étaient ‘pures’, sous la Loi
mosaïque, et Jean pouvait par conséquent les manger sans
commettre de péché. »
Pour
ce qui est du miel sauvage mentionné dans la nourriture
utilisée par Jean, l'auteur cité en dernier lieu dit
dans la suite du même paragraphe : « Les
abeilles sauvages de Palestine sont beaucoup plus nombreuses que
celles que l'on garde dans les ruches, et la plus grande partie du
miel vendu dans les régions du sud provient d'essaims
sauvages. En fait, peu de pays sont mieux adaptés pour les
abeilles. Le climat sec et la flore rabougrie mais variée, se
composant en grande partie de thym aromatique, de menthe et autres
plantes semblables, avec des crocus au printemps, leur sont très
favorables, tandis que les recoins secs des rochers calcaires que
l'on trouve partout leur fournissent abri et protection pour leurs
rayons. Dans le désert de Judée, les abeilles sont
beaucoup plus nombreuses que dans n'importe quel autre lieu de
Palestine, et le miel fait partie, de nos jours encore, de
l'ordinaire des Bédouins, qui l'extraient des rayons et le
conservent dans des peaux. »
3.
L'infériorité de Jean au plus puissant que lui qu'il
proclamait : « Il vient, celui qui est plus puissant
que moi, et je ne mérite pas de délier la courroie de
ses sandales » (Lc 3:16), ou « je ne mérite
pas de porter ses sandales » (Mt 3:11) ; c'est ainsi
que le Baptiste déclara son infériorité au plus
puissant qui devait lui succéder et le remplacer ; et il
serait difficile de trouver une illustration plus efficace. Détacher
le lacet du soulier ou la courroie de la sandale, ou porter les
souliers d'un autre, « était un travail servile
indiquant une grande infériorité chez la personne qui
l'accomplissait » (Dict. of the Bible, de Smith). Un
passage du Talmud (Tract. Kidduschin XXII :2) exige qu'un
disciple fasse pour son instructeur tout ce qu'on pourrait exiger
qu'un serviteur fasse pour son maître, sauf détacher la
courroie de sa sandale. Certains instructeurs recommandaient que les
disciples poussent l'humilité jusqu'à l'extrême
et portent les souliers de leurs maîtres. Quand on pense au
grand intérêt que son appel éveillait, l'humilité
du Baptiste est impressionnante.
4.
L'ordre dans lequel les tentations furent présentées :
Deux des évangélistes seulement précisent les
tentations auxquelles le Christ fut soumis immédiatement après
son baptême ; Marc se contente de mentionner le fait que
Jésus fut tenté. Matthieu et Luc placent en premier
lieu la tentation cherchant à convaincre Jésus de se
nourrir en créant miraculeusement du pain ; la séquence
des épreuves ultérieures n'est pas la même dans
les deux documents. L'ordre que nous avons suivi dans notre texte est
celui de Matthieu.
5.
Le « si » du diable : Notez l'utilisation
méprisante ultérieure de ce ‘si’ diabolique
lorsque le Christ fut sur la croix. Les gouverneurs des Juifs, se
moquant de Jésus crucifié, dans son agonie, dirent :
« Qu'il se sauve lui-même, s'il est le Christ. »
Et le soldat, lisant l'inscription au sommet de la croix, railla le
Dieu mourant disant : « Si tu es le roi des Juifs,
sauve-toi toi-même ! » Et encore, le malfaiteur
non repentant, qui était à son côté,
s'écria : « N'es-tu pas le Christ ?
Sauve-toi toi-même, et sauve-nous » (Lc 23:35-39).
Ces railleurs et ces moqueurs citaient littéralement les
paroles même de leur père, le diable (voir Jn 8:44) !
Voir plus loin, chap. 35 du présent ouvrage.
6.
Le baptême est requis de tous : Le baptême est
requis de toutes les personnes qui parviennent à l'âge
de responsabilité dans la chair. Nul n'est exempté.
Jésus-Christ, qui fut un homme sans péché au
sein d'un monde pécheur, fut baptisé « afin
d'accomplir toute justice ». Six siècles avant cet
événement, Néphi, prophétisant au peuple
des Amériques, prédit le baptême du Sauveur, et
en conclut, de la manière suivante, que le baptême était
nécessaire, parce que c'était une condition
universelle : « Et maintenant, si l'Agneau de Dieu,
qui est saint, a besoin d'être baptisé d'eau, pour
accomplir toute justice, ô alors, combien plus, nous, qui ne
sommes pas saints, n'avons-nous pas besoin d'être baptisés,
oui, même d'eau !... Ne savez-vous point qu'il était
saint ? Mais, bien que saint, il montre aux enfants des hommes
que, selon la chair, il s'humilie devant le Père, et témoigne
au Père qu'il lui sera obéissant à garder ses
commandements » (LM, 2 Né 31:5,7). Voir les
Articles de Foi, p. 161-168.
CHAPITRE
11 : DE JUDÉE EN GALILÉE
LE
BAPTISTE TÉMOIGNE DE JÉSUS
Pendant
la retraite de notre Seigneur dans le désert, le Baptiste
poursuivit son ministère, appelant au repentir tous ceux qui
voulaient s'arrêter pour l'entendre, et administrant le baptême
à ceux qui venaient dûment préparés et le
demandaient avec une intention réelle. Le peuple en général
s'inquiétait beaucoup de l'identité de Jean ; et à
mesure que la signification réelle de la voix [1]
s'imposait à son esprit, son souci s'approfondissait pour se
transformer en crainte. La question constamment reposée
était : Qui est ce nouveau prophète ? Puis
les Juifs, expression par laquelle nous pouvons entendre les
gouverneurs du peuple, envoyèrent une délégation
de prêtres et de Lévites du parti pharisien pour le
questionner personnellement. Il répondit sans détours :
« Je ne suis pas le Christ » ; il nia
d'une manière tout aussi décisive être Élias,
ou, plus exactement, Élie, le prophète qui, disaient
les rabbis, par une interprétation erronée de la
prédiction de Malachie, devait revenir sur la terre pour être
le précurseur immédiat du Messie [2]. En outre, il
déclarait qu'il n'était pas « ce prophète »,
voulant dire par là le prophète dont Moïse avait
prédit la venue [3], et que tous les juifs
n'identifiaient pas universellement avec le Messie attendu. « Ils
lui dirent alors : Qui es-tu ? afin que nous donnions une
réponse à ceux qui nous ont envoyés ; que
dis-tu de toi-même ? Il dit : Je suis la voix de
celui qui crie dans le désert : Rendez droit le chemin du
Seigneur, comme a dit le prophète Ésaïe » [4].
Les envoyés des Pharisiens lui demandèrent alors quelle
autorité il avait pour baptiser. En réponse, il affirma
que la validité de ce baptême serait attestée par
quelqu'un qui était à ce moment même parmi eux,
bien qu'ils ne le connussent point, et déclara : « Il
en est un... qui vient après moi ; je ne suis pas digne
de délier la courroie de sa sandale. » [5]
Le
témoignage de Jean, que Jésus était le
Rédempteur du monde, fut déclaré aussi hardiment
que l'avait été son message de la venue imminente du
Seigneur. « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché
du monde », proclama-t-il ; et, pour que tous
comprissent bien qu'il parlait du Christ, il ajouta : « C'est
celui dont j'ai dit : Après moi vient un homme qui m'a
précédé, car il était avant moi. Et moi,
je ne le connaissais pas, mais, afin qu'il soit manifesté à
Israël, je suis venu baptiser d'eau [6] Le témoignage
ultérieur de Jean fut convaincu de la présence du
Saint-Esprit par le témoignage de l'apparition matérielle
« comme une colombe » : « Jean
rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel
comme une colombe et demeurer sur lui ; et moi, je ne le
connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau m'a
dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer,
c'est lui qui baptise d'Esprit Saint. Et moi, j'ai vu et j'ai rendu
témoignage que c'est lui le Fils de Dieu » [7].
Le lendemain du jour où il prononça les paroles citées
en dernier lieu, Jean répéta son témoignage à
deux de ses disciples, au moment où Jésus passait,
répétant : « Voici l'Agneau de
Dieu » [8].
LES
PREMIERS DISCIPLES DE JÉSUS [9]
Deux
des adeptes du Baptiste, appelés plus précisément
disciples, étaient avec lui lorsqu'il désigna
expressément, et pour la deuxième fois, Jésus
comme l'Agneau de Dieu. C'étaient André et Jean. Ce
dernier fut connu dans les années ultérieures comme
l'auteur du quatrième évangile. Le premier est
mentionné par son nom, tandis que le narrateur ne donne pas le
nom du deuxième disciple, qui est le sien. André et
Jean furent si impressionnés par le témoignage du
Baptiste qu'ils suivirent immédiatement Jésus ; et
lui, se retournant sur eux, demanda : « Que
cherchez-vous ? » Peut-être quelque peu
embarrassés par cette question, ou ayant le désir
d'apprendre où ils pourraient le trouver plus tard, ils
répondirent par une autre question : « Rabbi,
où demeures-tu ? » Le titre rabbi était
un signe d'honneur et de respect, devant lequel Jésus ne fit
aucune difficulté. Sa réponse courtoise à leur
question les assura que leur présence n'était pas
importune. « Il leur dit : Venez et vous
verrez » [10]. Les deux jeunes gens l'accompagnèrent
et demeurèrent avec lui pour en apprendre davantage. André,
rempli d'étonnement et de joie à propos de l'entrevue
si gracieusement accordée, et touché de l'esprit de
témoignage qui avait été allumé en son
âme, se hâta d'aller trouver son frère Simon, à
qui il dit : « Nous avons trouvé le Messie. »
Il amena Simon pour qu'il vit et entendît par lui-même ;
et Jésus posa les yeux sur le frère d’André,
l'appela par son nom et y ajouta une appellation distinctive, par
laquelle il était destiné à être connu à
travers toute l'histoire ultérieure : « Tu es
Simon, fils de Jonas ; tu seras appelé Céphas. »
Le nouveau nom ainsi conféré est l'équivalent
araméen ou syro-chaldéen du grec « Petros »,
et du nom actuel « Pierre » [11].
Le
lendemain, Jésus se mit en route pour la Galilée,
accompagné probablement de certains de ses nouveaux disciples
ou de tous ; et, en chemin, il rencontra un homme nommé
Philippe, en qui il reconnut un autre fils remarquable d'Israël.
Il dit à Philippe : « Suis-moi. »
Il était de coutume pour les rabbis et les autres maîtres
de l'époque de rechercher la popularité, afin que
beaucoup de personnes fussent attirées à eux, prissent
place à leurs pieds et fussent connues comme leurs disciples.
Jésus, lui, choisit ses compagnons immédiats ; et
lorsqu'il les trouvait et discernait en eux les esprits qui, dans
leur état préexistant, avaient été
choisis pour la mission terrestre de l'apostolat, il les appelait.
Ils étaient les serviteurs, il était le Maître [12].
Philippe
trouva bientôt son ami Nathanaël, à qui il témoigna
que Celui sur lequel Moïse et les prophètes avaient écrit
avait enfin été trouvé et qu'il n'était
nul autre que Jésus de Nazareth. Nathanaël, comme son
histoire ultérieure le montre, était un juste, espérant
et attendant avec ferveur le Messie, et cependant apparemment imbu de
la croyance commune chez tous les Juifs - que le Christ devait venir
dans la splendeur royale comme cela paraissait convenable pour le
Fils de David. Le fait de dire que pareille Personne pût venir
de Nazareth, être connu comme étant le fils d'un humble
charpentier, provoqua l'étonnement sinon l'incrédulité
dans l'esprit sans fraude de Nathanaël, et il s'exclama :
« Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? »
Philippe répondit en répétant les paroles du
Christ à André et à Jean : « Viens
et vois. » Nathanaël quitta sa place en dessous du
figuier où Philippe l'avait trouvé et alla voir par
lui-même. Comme il approchait, Jésus dit : « Voici
vraiment un Israélite dans lequel il n'y a pas de fraude. »
Nathanaël vit que Jésus pouvait lire dans son âme
et demanda, surpris : « D'où me connais-tu ? »
Dans sa réponse, Jésus montra une puissance de
pénétration et de perception encore plus grande dans
des conditions qui rendaient l'observation ordinaire peu
vraisemblable sinon impossible : « Avant que Philippe
t'ait appelé, quand tu étais sous le figuier, je
t'avais vu. » Nathanaël répliqua avec
conviction : « Rabbi, toi tu es le Fils de Dieu, toi
tu es le roi d'Israël. » Aussi sérieux que fût
le témoignage de cet homme, il reposait principalement sur le
fait qu'il reconnaissait ce qu'il considérait comme un pouvoir
surnaturel en Jésus. Notre Seigneur l'assura qu'il verrait des
choses plus grandes encore : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert,
et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme. »
« LE
FILS DE L'HOMME »
Dans
la promesse et la prédiction faite par le Christ à
Nathanaël, nous voyons l'important titre - le Fils de l'homme -
apparaître pour la première fois, chronologiquement
parlant, dans le Nouveau Testament. On le retrouve cependant quelque
quarante fois, en excluant les répétitions que l'on
trouve dans les récits parallèles des différents
évangiles. Dans chacun de ces passages, il est utilisé
tout spécialement par le Sauveur pour se désigner. En
trois autres cas, le titre apparaît dans le Nouveau Testament,
en dehors des évangiles ; et dans chacun il est appliqué
au Christ avec référence toute particulière à
ses attributs exaltés de Seigneur et Dieu [13].
Dans
l'Ancien Testament, l'expression « fils de l'homme »
apparaît dans l'usage courant, dénotant un fils humain
quelconque [14], et elle apparaît plus de quatre-vingt-dix
fois comme une appellation dont Jéhovah se servit pour
s'adresser à Ézéchiel, bien qu'elle ne soit
jamais appliquée par le prophète à
lui-même [15]. Le contexte des passages dans lesquels Dieu
s'adresse à Ézéchiel par le titre « fils
de l'homme » indique l'intention divine de souligner la
condition humaine du prophète par contraste avec la divinité
de Jéhovah.
Le
titre est utilisé dans l'histoire de la vision de Daniel [16],
dans laquelle fut révélée la consommation encore
future, lorsque Adam - l'Ancien des Jours - siégera pour juger
sa postérité [17], occasion au cours de laquelle
le Fils de l'homme doit paraître et recevoir un royaume qui
sera éternel, supérieur par essence à celui de
l'Ancien des Jours et embrassant tous les peuples et toutes les
nations, tous ceux qui serviront le Seigneur, Jésus-Christ, le
Fils de l'homme [18].
En
s'appliquant le titre, le Seigneur utilise invariablement l'article
défini. « Le Fils de l'homme » était
et est expressément et exclusivement Jésus-Christ. Bien
qu'il soit absolument certain qu'il fut le seul être humain
masculin depuis Adam qui ne fût pas le fils d'un mortel, il
utilisa le titre pour démontrer de manière probante
qu'il était tout spécialement et uniquement le sien. Il
est parfaitement clair que l'expression est chargée d'un sens
qui dépasse celui que les mots ont dans l'usage courant.
Beaucoup ont vu dans cette appellation toute particulière une
indication de l'humble position de notre Seigneur comme mortel, et
l'idée qu'il représentait l'humanité type,
bénéficiant d'une parenté particulière et
unique par rapport à la famille humaine tout entière.
Cependant un sens plus profond est attaché à ce titre
de « Le Fils de l'homme » que le Seigneur
utilise ; celui-ci réside dans le fait qu'il savait que
son Père était le seul et unique homme suprêmement
exalté [19] dont Jésus était le Fils tant
dans l'esprit que dans le corps - le Premier-Né parmi tous les
enfants spirituels du Père, le Seul-Engendré dans la
chair - et pour cette raison, il était et est le Fils de
« l'Homme de Sainteté », Élohim [20],
le Père éternel. Dans les titres particuliers qu'il
s'attribue comme Fils, Jésus exprimait sa descendance
spirituelle et corporelle de ce Père exalté et la
soumission filiale qu'il lui vouait.
Comme
cela fut révélé à Énoch le Voyant,
« Homme de Sainteté », est l'un des noms
sous lesquels Dieu, le Père éternel, est connu « et
le nom de son Seul-Engendré est le Fils de l'homme, à
savoir Jésus-Christ ». Nous apprenons en outre que
le Père de Jésus-Christ se proclama à Énoch
de la manière suivante : « Voici, je suis
Dieu ; mon nom est Homme de Sainteté, Homme de Conseil ;
et aussi Infini et Éternel » [21]. « Le
Fils de l'Homme » est dans une grande mesure synonyme de
« Le Fils de Dieu », étant un titre qui
dénote la divinité, la gloire et l'exaltation,- car
d'Homme de Sainteté », dont Jésus-Christ se
reconnaît respectueusement être le Fils, est Dieu, le
Père éternel.
LE
MIRACLE DE CANA EN GALILÉE
Peu
après l'arrivée de Jésus en Galilée, nous
le voyons, avec son petit groupe de disciples, à une noce à
Cana, ville voisine de Nazareth. La mère de Jésus était
à la fête ; et pour une raison que le récit
de Jean n'explique pas [22], elle manifestait du souci et se
sentait une responsabilité personnelle dans le service des
invités. De toute évidence, sa position n'était
pas celle d'une personne présente sur invitation ordinaire. Ce
détail indique-t-il que le mariage était celui d'un
membre de sa famille immédiate, ou d'un parent plus éloigné ?
On ne nous le dit pas.
Il
était de coutume de fournir, lors des repas de noces, une
quantité suffisante de vin, produit pur quoique faible des
vignobles locaux, qui constituait la boisson de table ordinaire de
l'époque. À cette occasion la réserve de vin
était épuisée, et Marie parla à Jésus
de cette déficience. « Femme, dit-il, qu'y a-t-il
entre moi et toi ? Mon heure n'est pas encore venue. »
L'interjection « Femme », appliquée par
un fils à sa mère peut paraître assez dure sinon
irrespectueuse à nos oreilles, mais le fait de l'utiliser
exprimait en réalité une intention tout à fait
opposée [23]. Pour tout fils, sa mère devait être
avant tout la femme par excellence ; elle est la seule femme au
monde à qui le fils doive son existence terrestre, et, bien
que le titre de « Mère » appartienne à
toutes les femmes qui ont acquis les honneurs de la maternité,
cependant il n'y a pour aucun enfant plus d'une femme qu'il puisse, à
bon droit, appeler de ce titre. Lorsque, dans les dernières
terribles scènes de son expérience dans la mortalité,
le Christ agonisait sur la croix, il baissa les yeux sur Marie, sa
mère, qui était en pleurs, et la confia à
l'apôtre bien-aimé, Jean, en ces termes : « Femme,
voici ton fils [24] ! » Peut-on penser qu'en cet
instant suprême, le souci de notre Seigneur pour la mère
dont il était sur le point d'être séparé
par la mort, pût être inspiré par d'autres
sentiments que le respect, la tendresse et l'amour [25] ?
Néanmoins,
il a pu parler ainsi à Marie lors des noces, pour lui rappeler
avec douceur quelle était sa situation de mère d'un
Être supérieur à elle ; ceci répétait
ce qui s'était passé lors de la précédente
occasion où, lorsqu'elle avait trouvé son Fils, Jésus,
dans le temple, il lui avait remis en mémoire le fait que sa
juridiction sur lui n'était pas suprême. Le ton sur
lequel elle lui avait dit qu'il manquait du vin, laissait
probablement sous-entendre qu'il devait utiliser son pouvoir
surhumain et satisfaire ainsi le besoin. Il ne lui appartenait pas de
lui recommander l'exercice du pouvoir qui lui était inhérent
en tant que Fils de Dieu, pouvoir qu'il n'avait pas hérité
d'elle. « Qu'y a-t-il entre moi et toi ? »
demanda-t-il, et il ajouta : « Mon heure n'est pas
encore venue. » Cela ne veut pas dire qu'il se considérait
incapable de faire ce qu'elle semble avoir voulu qu'il fît,
mais il laissait entendre clairement qu'il n'agirait qu'en temps
opportun, et que c'était à lui, et non à elle,
de décider quand le moment serait venu. Elle comprit ce qu'il
voulait dire, du moins en partie, et se contenta d'ordonner aux
serviteurs de faire ce qu'il commanderait. De nouveau nous avons la
preuve que, lors de ces noces, elle avait une position qui lui
donnait des responsabilités et de l'autorité
domestique.
Le
moment de son intervention arriva bientôt. Il y avait, dans la
maison, six vases à eau [26] ; il ordonna aux
serviteurs de les remplir d'eau. Ensuite, il fit, pour autant que
nous le sachions, sans aucun ordre ou formule d'invocation audible,
se produire une transmutation dans les vases, et lorsque les
serviteurs les soutirèrent, ce fut du vin, et non de l'eau qui
en sortit. Lors d'une réunion juive, comme ces noces,
quelqu'un, ordinairement un parent de l'hôte ou de l'hôtesse,
ou une autre personne digne de cet honneur, était nommé
ordonnateur du repas, ou, comme nous l'appellerions maintenant,
maître de cérémonie. C'est à cette
personne que le nouveau vin fut servi en premier : celle-ci, à
son tour, appelant l'époux, qui était l'hôte
véritable, lui demanda pourquoi il avait réservé
son meilleur vin pour la fin, alors que la coutume était de
servir le meilleur au commencement, et le plus ordinaire plus tard.
Le résultat immédiat de ce prodige, qui est le premier
miracle de notre Seigneur à être rapporté,
l'évangéliste inspiré le formule de la manière
brève qui suit : « Tel fut à Cana, en
Galilée, le commencement des miracles que fit Jésus. Il
manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui » [27].
Il
est instructif d'examiner les circonstances qui entourèrent
cet acte miraculeux. Le fait que Jésus était présent
au mariage et qu'il contribua à la réussite de la fête
démontre qu'il approuvait l'union de l'homme et de la femme
par les liens du mariage ainsi que les amusements en société.
Il n'était ni reclus, ni ascète ; il fréquentait
les gens, mangeant et buvant, comme un être naturel et
normal [28]. Lors de la fête il reconnut les exigences de
l'hospitalité libérale du temps, s'y soumit et agit en
conséquence. Lui qui, quelques jours auparavant à
peine, s'était révolté contre la suggestion du
tentateur de donner du pain à son corps affaibli, utilisait
maintenant ce pouvoir pour procurer un luxe aux autres. Un effet de
ce miracle fut de confirmer la confiance de ceux dont la foi qu'il
était le Messie était encore naissante et n'avait pas
encore été mise à l'épreuve. « Ses
disciples crurent en lui » ; il est certain qu'ils
croyaient déjà en lui dans une certaine mesure, sinon
ils ne l'auraient pas suivi ; mais leur foi était
maintenant fortifiée et, si elle n'y parvenait pas, elle
approchait de la qualité d'une foi durable en leur Seigneur.
L'intimité relative qui accompagnait la manifestation est
frappante ; l'effet moral et spirituel fut réservé
à un petit nombre, le début du ministère du
Seigneur ne devait pas être marqué par un éclat
public.
MIRACLES
EN GÉNÉRAL
Il
est clair que l'acte de transmutation par lequel l'eau devint du vin
était un miracle, phénomène qui ne peut être
expliqué, et encore moins démontré, par ce que
nous considérons comme le fonctionnement ordinaire de la loi
naturelle. Ce fut le commencement de ses miracles, ou, comme
l'exprime la version révisée anglaise du Nouveau
Testament, « de ses signes ». Dans beaucoup
d'Écritures, les miracles sont appelés signes, ainsi
que prodiges, pouvoirs, œuvres, œuvres merveilleuses,
œuvres puissantes [29], etc. L'effet spirituel des
miracles ne serait pas atteint si les témoins n'étaient
pas poussés à s'étonner, à s'émerveiller,
à méditer et à s'interroger intérieurement ;
l'étonnement ou la surprise simples peuvent être
produits par la tromperie et la prestidigitation. Les manifestations
miraculeuses de la puissance divine seraient des moyens futiles de
produire des effets spirituels s'ils ne frappaient pas. En outre,
tout miracle est un signe de la puissance de Dieu ; et on a
demandé des signes dans ce sens des prophètes qui
professaient parler par l'autorité divine, bien que ces signes
n'aient pas été donnés dans tous les cas. On
n'attribua aucun miracle au Baptiste, bien que le Christ le déclara
être plus qu'un prophète [30] ; et les
chroniques de certains prophètes antérieurs [31]
ne mentionnent absolument aucun miracle. D'autre part, Moïse,
lorsqu'il fut chargé de délivrer Israël d'Égypte,
fut informé que les Égyptiens demanderaient le
témoignage de miracles, et il reçut des pouvoirs en
abondance en prévision de cela [32].
Les
miracles ne peuvent être en contradiction avec la loi
naturelle, ils s'accomplissent en vertu du fonctionnement de lois qui
ne sont pas universellement ou communément reconnues. La
gravitation opère partout, mais l'application locale et
spéciale d'autres agents peut sembler l'annuler - par exemple
lorsque par un effort musculaire ou une impulsion mécanique
une pierre est soulevée du sol, maintenue en l'air ou projetée
dans l'espace. Néanmoins la gravité exerce son action
pendant toutes les étapes de l'événement en
cours, bien que son effet soit modifié par celui d'une autre
énergie localement supérieure. L'impression que les
hommes ont du miraculeux disparaît à mesure qu'ils
comprennent mieux les processus qui interviennent. Les réalisations
qui permettent l'invention moderne du télégraphe et du
téléphone, avec ou sans fil, la transformation de la
force mécanique en électricité avec ses
multiples applications actuelles et ses possibilités encore
futures, l'invention du moteur à explosion, les réalisations
actuelles de la navigation aérienne - toutes ces découvertes
ne sont plus considérées comme des miracles dans le
jugement de l'homme, parce qu'on les comprend toutes dans une
certaine mesure, parce que les hommes les contrôlent, et en
outre, parce qu'elles opèrent de manière continue et
non de manière phénoménale. Arbitrairement, nous
ne classons comme miracles que les phénomènes qui sont
extraordinaires, particuliers, passagers et provoqués par une
force que ne peut contrôler le pouvoir de l'homme.
Dans
un sens plus général, toute la nature est un miracle.
L'homme a appris qu'en plantant la semence du raisin dans un terrain
favorable et en cultivant convenablement, il pourra faire pousser ce
qui sera une vigne mûre et fertile ; mais n'y a-t-il pas,
dans ce développement, un miracle, en ce sens même que
des processus inscrutables interviennent ? Le cours que nous
disons naturel du développement des plantes - la croissance de
la racine, de la tige, des feuilles et du fruit, avec l'élaboration
finale du savoureux nectar de la vigne - est-il moins miraculeux que
la transmutation apparemment surnaturelle de l'eau en vin à
Cana ?
Quand
nous contemplons les miracles accomplis par le Christ, nous devons
nécessairement y voir l'intervention d'une puissance qui
transcende notre intelligence humaine actuelle. Dans ce domaine, la
science n'a pas encore fait suffisamment de progrès pour
pouvoir analyser et expliquer. Affirmer que les miracles n'existent
pas sous prétexte que, étant donné que nous ne
pouvons comprendre les moyens employés, ceux que l'on rapporte
doivent être imaginaires, c'est prétendre que l'esprit
humain est omniscient, en impliquant que ce que l'homme ne peut
comprendre ne peut être, et que, par conséquent, il est
capable de comprendre tout ce qui est. Les miracles rapportés
dans les évangiles sont aussi parfaitement prouvés que
beaucoup d'événements historiques que nul ne conteste
et pour lesquels nul n'exige de preuves. Pour qui croit en la
divinité du Christ, les miracles sont suffisamment attestés ;
pour qui ne croit pas, ils n'apparaissent que comme des mythes et des
fables [33].
Pour
comprendre les œuvres du Christ, on doit savoir qu'il est le
Fils de Dieu ; l'invitation est là, pour l'homme qui n'a
pas encore appris à savoir, pour l'âme honnête qui
désire s'informer du Seigneur ; à celui-là
nous disons : « Venez et vous verrez. »
[1]
Lc 3:4.
[2]
Jn 1:21 ; cf. Ml 4:5. Note 1, fin du chapitre.
[3]
Dt 18:15,18, voir chap. 5 du présent ouvrage.
[4]
Jn 1:22,23 ; cf. Es 40:3.
[5]
Jn 1:25-27.
[6]
Jn 1:29-31.
[7]
Jn 1:32,34 et versets 35,36. Note 2, fin du chapitre.
[8]
Note 3, fin du chapitre.
[9]
Jn 1:35-51.
[10]
Note 4, fin du chapitre.
[11]
Le nom ainsi donné fut confirmé plus tard, avec
accompagnement de promesses, Mt 16:18
[12]
Le Seigneur dit plus tard aux apôtres : « Ce
n'est pas vous qui m'avez choisi, mais moi, je vous ai choisis »
(Jn 15:16 ; voir aussi 6:70).
[13]
Ac 7:56, Ap 1: 13, 14:14.
[14]
Jb 25:6, Ps 144:3, 146:3, voir aussi 8:4 et cf. Hé 2:6-9.
[15]
Ez 2:1,3,6,8 ; 3:1,3,4 ; 4: 1, etc.
[16]
Dn 7:13.
[17]
D&A 27:11, 78:15,16, 107:54-57 ; 116.
[18]
D&A 49:6, 58:65, 65:5, 122:8. Remarquez que dans la révélation
moderne le titre n'est utilisé que pour désigner le
Christ dans son état ressuscité et glorifié.
[19]
Note 5, fin du chapitre.
[20]
Chap. 4.
[21]
PGP, Moïse 6:57, 7:35 ; voir aussi 7:24, 47, 54, 59, 65.
Remarquez que Satan appelle Moïse « fils de l'homme »
dans une tentative blasphématoire de le forcer à
l'adorer en soulignant la faiblesse mortelle et l'infériorité
de l'homme par contraste avec ses propres prétentions
injustifiées à la divinité (Moïse 1:12).
[22]
Jn 2:1-11.
[23]
« L'appellation ‘Femme’ était aussi
respectueuse que possible et s'adressait à la plus grande des
reines. » - (Farrar, The Life of Christ, p. 134.)
[24]
Jn 19:26.
[25]
En quelques occasions Jésus utilisa le titre « Femme »
dans un sens général. Mt 15:28, Lc 13:12, Jn 4:21,
8:10, etc.
[26]
Note 6, fin du chapitre.
[27]
Jn 2: 11.
[28]
L'absence de toute austérité fausse et d'étalage
d'abstinence anormale dans sa vie donna à ses ennemis une
excuse imaginaire pour l'accuser sans raison de commettre des excès,
à savoir d'être un mangeur et un buveur (Mt 11:19, Lc
7:34).
[29]
Mt 7:22, 11:20, 12:38, 16:1, 24:24, Mc 6:14, Lc 10: 13, Jn 2:18,
7:21, 10:25, 14:11, Ac 6:8,8:6,14:3,19:11, Rm 15:19, Ap 13:13, etc.
[30]
Jn 10:41, Mt 11:9.
[31]
Par exemple Zacharie et Malachie.
[32]
Ex 3:20, 4:1-9. Note 8, fin du chapitre.
[33]
Note 7, fin du chapitre.
[34]
On trouvera la distinction à faire entre Élijah et
Élias au chapitre 23, ndt.
NOTES
DU CHAPITRE 11
1.
Malentendus sur la prédiction de Malachie : Dans le
dernier chapitre de la collection d'Écritures que nous
appelons l'Ancien Testament, le prophète Malachie décrit
comme suit une situation qui existera dans les derniers jours,
immédiatement avant la seconde venue du Christ : « Car
voici le jour : il vient, ardent comme une fournaise. Tous les
présomptueux et ceux qui pratiquent la méchanceté
seront (comme) du chaume ; ce jour qui vient les embrasera, dit
l'Éternel des armées, il ne leur laissera ni racine ni
rameau. Mais pour vous qui craignez mon nom se lèvera le
soleil de justice, et la guérison sera sous ses ailes. »
La prophétie se termine par cette magnifique promesse à
longue portée : « Voici : moi-même
je vous enverrai le prophète Élie avant la venue du
jour de l'Éternel, (jour) grand et redoutable. Il ramènera
le cœur des pères à leurs fils et le cœur
des fils à leurs pères, de peur que je ne vienne
frapper le pays d'interdit » (Ml 3:19, 23, 24). Des
théologiens et des commentateurs de la Bible ont prétendu
que cette prédiction avait trait à la naissance et au
ministère de Jean-Baptiste (comparer avec Mt 2:14, 17:11, Mc
9:11, Lc 1:17), sur lequel reposaient l'esprit et la puissance
d'Élie [Élias dans la version anglaise].
Cependant, nous n'avons aucun document disant qu'Élie [Elijah
dans la version anglaise] [34] ait instruit le Baptiste, et en
outre le ministère de ce dernier, quelque glorieux qu'il ait
été, ne nous permet pas de conclure que la prophétie
trouva sa pleine réalisation en lui. Il faut se souvenir, en
outre, que la déclaration que le Seigneur fit par
l'intermédiaire de Malachie à propos du jour ardent
comme une fournaise où les méchants seraient détruits
comme du chaume, attend encore son accomplissement. Il est par
conséquent clair que l'interprétation communément
acceptée est erronée et que nous devons chercher
l'accomplissement de la prédiction de Malachie à une
époque ultérieure à celle de Jean. Ce dernier
événement s'est produit ; il appartient à
l'époque actuelle et marque l'inauguration d'une oeuvre
réservée tout spécialement à l'Église
dans les derniers jours. Au cours d'une merveilleuse manifestation
accordée à Joseph Smith et à Oliver Cowdery, au
temple de Kirtland, le 3 avril 1836, Élie [Elijah dans le
texte anglais], le prophète des temps anciens, qui avait été
enlevé de la terre tandis qu'il était encore dans son
corps, leur apparut. Il leur déclara : « Voici,
le temps est pleinement arrivé, ce temps dont a parlé
Malachie, lorsqu'il a témoigné qu'il [Élie]
serait envoyé avant que le jour de l'Éternel arrive, ce
jour grand et redoutable, pour tourner le cœur des pères
vers les enfants, et le cœur des enfants vers les pères,
de peur que la terre tout entière ne soit frappée de
malédiction. C'est pourquoi les clefs de cette dispensation
sont remises entre vos mains, et vous saurez par là que le
jour de l'Éternel, ce jour grand et redoutable, est proche, et
même à la porte » (D&A 110:14-16). Voir
également La Maison du Seigneur, p. 66,67.
2.
Le signe de la colombe : « Jean-Baptiste... eut la
bénédiction de voir le Saint-Esprit descendre sous la
forme d'une colombe, ou plutôt sous le signe de la colombe, en
témoignage du ministère. Le signe de la colombe fut
institué avant la création du monde, pour être
témoin du Saint-Esprit, et le diable ne peut pas venir sous le
signe d'une colombe. Le Saint-Esprit est un personnage, et il a la
forme d'un personnage. Il ne se limite pas à la forme de la
colombe, mais au signe de la colombe. Le Saint-Esprit ne peut pas
être transformé en colombe ; mais le signe de la
colombe fut donné à Jean pour lui signifier que l'acte
était authentique, car la colombe est emblème ou signe
de vérité et d'innocence. » - Tiré
d'un sermon de Joseph Smith, History of the Church, vol. 5, p.
260,261.
3.
Le témoignage de Jean-Baptiste : Observez que, selon les
Écritures, le Baptiste rendit son témoignage de la
divinité de la mission du Christ après la période
de jeûne et de tentation de quarante jours subie par notre
Seigneur, et, par conséquent, six semaines environ après
le baptême de Jésus. Lorsque la députation de
prêtres et de lévites du parti pharisien vint lui rendre
visite sur ordre du gouverneur, et probablement envoyée par le
Sanhédrin, Jean, après avoir nié être le
Christ ou l'un quelconque des prophètes cités dans la
question de la délégation, leur dit : « Au
milieu de vous, il en est un que vous ne connaissez pas et qui vient
après moi. » Le lendemain et les jours suivants
encore, il rendit publiquement son témoignage que Jésus
était l'Agneau de Dieu ; et le troisième jour
après la visite que les prêtres et les Lévites
firent à Jean, Jésus se mit en route pour la Galilée
(Jn 1:19-43).
Le
fait que Jean utilise l'expression « Agneau de Dieu »
implique qu'il savait que le Messie était quelqu'un destiné
à être sacrifié, et c'est lui qui est le premier
à employer ce terme dans la Bible. On trouvera des
applications bibliques ultérieures, directes ou sous-entendues
dans Actes 8:32 ; 1 Pierre 1:19 ; Ap 5:6,8,12,13 ;
6:1,16 ; 7:9,10,17, etc.
4.
« Venez et vous verrez » : L'esprit dans
lequel le Seigneur invita les jeunes chercheurs de vérité,
André et Jean, se manifeste dans une possibilité
semblable donnée à tous. L'homme qui veut connaître
le Christ doit venir à lui, pour voir et entendre, pour sentir
et connaître. Les missionnaires peuvent porter la bonne
nouvelle, le message de l'Évangile, mais la réaction
doit être personnelle. Doutez-vous de ce que ce message
signifie aujourd'hui ? Alors venez et voyez par vous-même.
Voulez-vous savoir où l'on trouve le Christ ? Venez et
vous verrez.
5.
Le Père éternel, Être ressuscité et
exalté : « Comme le Père a le pouvoir
en lui-même, de même le Fils a le pouvoir en lui-même
de donner sa vie et de la reprendre, et ainsi donc il a, lui aussi,
un corps. Le Fils fait ce qu'il a vu le Père faire : par
conséquent le Père a donné un jour sa vie et l'a
reprise ; donc, il a lui aussi, un corps ; chacun sera dans
son propre corps. » - Joseph Smith ; voir Hist. of
the Church, vol. 5, p. 426. « Dieu lui-même qui fut
autrefois ce que nous sommes maintenant, est un Homme exalté
et trône dans les cieux là-bas ! voilà le
grand secret. Si le voile était déchiré
aujourd'hui, et si le grand Dieu qui maintient ce monde dans son
orbite et soutient tous les mondes et toutes les choses par sa
puissance devait se rendre visible - si vous deviez, dis-je, le voir
aujourd'hui, vous le verriez sous la forme d'un homme - semblable à
vous dans toute la personne, l'image et la forme d'un homme ;
car Adam fut créé à l'image et à la
ressemblance de Dieu, reçut des instructions de lui, et
marcha, parla et conversa avec lui, comme un homme parle et communie
avec un autre. » - Joseph Smith ; voir Compendium, p.
190.
6.
Vases à eau pour les purifications cérémonielles :
Dans la maison de Cana se trouvaient, en un lieu spécialement
réservé dans ce but, six vases à eau en pierre
« destinés aux purifications des Juifs ».
Les demeures juives devaient obligatoirement posséder des
vases à eau, pour faciliter les ablutions cérémonielles
imposées par la loi. On retirait de ces vases ou jarres de
l'eau selon les besoins ; ils contenaient la réserve
d'eau mais n'étaient pas les vases utilisés dans
l'ablution elle-même.
7.
« L'attitude de la science vis-à-vis des
miracles » : tel est le sujet d'un article très
intéressant du professeur H. L. Orchard, publié dans le
Journal of the Transactions of the Victoria Institute, or
Philosophical Society of Great Britain, 1910, vol. 42, p. 81-122. Cet
article fut la dissertation qui reçut le Prix Gunning pour
1909. Après un long traitement analytique de son sujet,
l'auteur présente le résumé suivant, avec lequel
agréèrent tous ceux qui prirent part aux discussions
qui s'ensuivirent : « Nous terminons ici notre étude
scientifique des miracles bibliques. Elle a embrassé (1) la
nature du phénomène, (2) les conditions dans lesquelles
on affirme qu'il s'est produit, (3) la valeur des témoignages
qui attestent qu'il s'est produit. Quant à la question de
savoir si les miracles de la Bible sont probables, la science répond
par l'affirmative. Pour ce qui est de la question suivante. se
sont-ils réellement produits, la réponse de la science
est de nouveau et formellement affirmative. Si nous les comparons à
de l'or, elle l'a vérifié et dit que l'or est pur. On
peut encore comparer les miracles bibliques à un collier de
perles. Si la science cherche à savoir si les perles sont
authentiques, elle peut les soumettre à des épreuves
chimiques et autres pour examiner leur valeur ; elle peut
examiner les conditions et les circonstances dans lesquelles les
prétendues perles furent trouvées. Les a-t-on d'abord
trouvées dans une huître, ou dans un laboratoire
d'usine ? Et elle peut examiner les témoignages des
experts. Si les résultats de l'un de ces examens affirment
l'authenticité des perles, la science sera réticente à
croire qu'elles sont fausses ; si tous les résultats
déclarent leur authenticité, la science n'hésitera
pas à dire que ce sont de vraies perles. Tel est le cas, comme
nous l'avons vu, des miracles bibliques. Par conséquent, la
science affirme qu'ils se sont réellement produits. »
8.
Le témoignage des miracles : La promesse du Sauveur à
une époque antérieure (Mc 16:17,18), comme à
l'époque actuelle (D&A 84:65-73), est bien claire :
les dons de l'Esprit spécifiés doivent suivre le
croyant en signe d'approbation divine. La possession de tels dons
peut ainsi être considérée comme un trait
essentiel de l'Église de Jésus-Christ. Néanmoins,
nous ne sommes pas justifiés si nous considérons la
présence de miracles comme une preuve d'autorité
divine ; d'autre part, les Écritures affirment que des
pouvoirs spirituels d'un genre plus vil ont accompli des miracles et
continueront à en faire pour séduire beaucoup de gens
qui manquent de discernement. Si l'on accepte les miracles comme
preuves infaillibles de la présence de la puissance de Dieu,
les magiciens d'Égypte ont, du fait des prodiges qu'ils ont
accompli en vue de s'opposer au plan voulu pour la délivrance
d'Israël, autant de droit à notre respect que Moïse
(Ex 7: 11). Jean le Révélateur eut la vision d'une
puissance maligne accomplissant des miracles, et séduisant par
là beaucoup de gens, faisant de grands prodiges et attirant
même le feu du ciel (Ap 13:11-18). Il vit aussi trois esprits
impurs, qu'il savait être « des esprits de démons,
qui opèrent des signes » (Ap 16:13,14). À ce
propos, considérez la prédiction faite par le
Seigneur : « Car il s'élèvera de faux
Christs et de faux prophètes ; ils opéreront de
grands signes et des prodiges, au point de séduire si
possible, même les élus » (Mt 24:24). Le
Christ a déclaré, à propos des événements
relatifs au grand jugement, que les miracles n'ont aucune valeur pour
prouver qu'un ministère a été autorisé
par Dieu : « Beaucoup me diront en ce jour-là :
Seigneur, Seigneur ! N'est-ce pas en ton nom que nous avons
prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des
démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?
Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus
retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité »
(Mt 7:22,23). Les Juifs, à qui ces enseignements
s'adressaient, savaient fort bien que des prodiges pouvaient être
accomplis par les puissances du mal, car ils accusèrent le
Christ de faire des miracles par l'autorité de Béelzébul,
prince des démons (Mt 12:22-30 ; Mc 3:22 ; Lc 11:15)
tiré de Les Articles de Foi, de l'auteur, p. 281,282.
CHAPITRE
12 : PREMIERS INCIDENTS DU MINISTÈRE PUBLIC DE NOTRE
SEIGNEUR
PREMIÈRE
PURIFICATION DU TEMPLE
Peu
après les festivités du mariage de Cana, Jésus,
accompagné de ses disciples, ainsi que de sa mère et
d'autres membres de la famille, se rendit à Capernaüm,
ville agréablement située près de l'extrémité
septentrionale du lac de Galilée ou de Génésareth [1]
et théâtre d'un grand nombre des œuvres
miraculeuses de notre Seigneur ; en effet on finit par la
considérer comme sa propre ville [2]. À cause de
l'incrédulité de ses habitants, elle devint un sujet de
lamentation pour Jésus lorsque, plein de tristesse, il prédit
le jugement qui tomberait sur ce lieu [3]. L'emplacement exact
de la ville est actuellement inconnu. Cette fois-là, Jésus
ne demeura que quelques jours à Capernaüm, car l'époque
de la Pâque était proche, et, conformément à
la coutume juive, il se rendit à Jérusalem.
Les
évangiles synoptiques [4], qui sont avant tout consacrés
à ce qu'a fait le Christ en Galilée, ne disent rien de
sa présence à la fête pascale entre sa douzième
année et l'époque de sa mort ; c'est à Jean
uniquement que nous devons le récit de cette visite au
commencement du ministère public du Christ. Il n'est pas
improbable que Jésus ait assisté à d'autres
Pâques au cours des dix-huit années que les évangélistes
passent sous un silence complet et respectueux ; mais, n'ayant
pas trente ans, il n'aurait pu, lors d'aucune de ses visites
précédentes, avoir assumé le droit ou les
prérogatives d'enseigner sans contrevenir aux coutumes
établies [5]. Il est à noter que lors de cette
apparition de Jésus au temple, la première qui nous est
rapportée après sa visite lorsqu'il était jeune
garçon, il a repris en main les affaires de son Père
dont il s'était occupé précédemment.
C'est au service de son Père qu'on l'avait trouvé en
discussion avec les docteurs de la loi [6], et c'est dans la
cause de son Père qu'il fut poussé à agir lors
de cette occasion ultérieure.
Nous
avons déjà parlé, en passant, des foules
nombreuses et mélangées qui assistaient à la
fête de la Pâque [7] ; il faut se rappeler
certaines des coutumes répréhensibles qui régnaient.
La loi de Moïse avait été complétée
par tout un fatras de règles, et les exigences rigidement
imposées au sujet des sacrifices et du tribut avaient donné
naissance à un système de ventes et de trocs à
l'intérieur de l'enceinte sacrée de la maison du
Seigneur. Dans les cours extérieures se trouvaient des étables
contenant des bœufs, des enclos de moutons, des cages de
colombes et de pigeons ; les vendeurs criaient tout haut la
valeur cérémonielle de ces victimes sacrificatoires et
faisaient payer en conséquence. Il était aussi de
coutume de payer à cette époque le tribut annuel du
sanctuaire - rançon requise de chaque personne de sexe
masculin d'Israël et se montant à un demi-sicle [8]
par personne, quelle que fût sa pauvreté ou sa richesse.
Cela devait être payé « selon le sicle du
sanctuaire », limitation qui, avaient décrété
les rabbis, signifiait que l'on devait payer selon la monnaie du
temple. L'argent ordinaire, dont les variétés portaient
des effigies et des inscriptions d'importation païenne, n'était
pas acceptable, et il en résulta que les changeurs exerçaient
un métier prospère dans l'enceinte du temple.
Animé
d'une juste indignation par ce qu'il voyait, plein de zèle
pour la sainteté de la maison de son Père, Jésus
se mit en devoir de nettoyer l'endroit [9] ; et, ne
s'arrêtant pas pour discuter, il appliqua promptement la force
physique, presque la violence : seule force de langage figuré
que ces troqueurs corrompus et cupides pouvaient comprendre.
Improvisant rapidement un fouet de petites cordes, il frappa de tous
les côtés, libérant et chassant moutons, bœufs
et trafiquants humains, renversant les tables des changeurs et
répandant leurs accumulations hétéroclites de
monnaies. Avec une considération tendre pour les oiseaux
emprisonnés et impuissants, il s'abstint d'attaquer leurs
cages ; mais il dit à leurs propriétaires :
« Ôtez cela d'ici » ; et à
tous les marchands cupides, il commanda d'une voix tonnante qui les
fit trembler : « Ne faites pas de la maison de mon
Père une maison de trafic. » Ses disciples virent
dans cet incident l'accomplissement du verset du psalmiste :
« Le zèle de ta maison me dévore » [10].
Les
Juifs, terme par lequel nous entendons les fonctionnaires
ecclésiastiques et les gouverneurs du peuple, n'osèrent
pas protester contre cette action vigoureuse en la taxant d'impie ;
connaissant la loi, ils se savaient coupables de corruption et de
cupidité et se rendaient compte qu'ils étaient
personnellement responsables de la profanation du temple. Tous
savaient que les lieux sacrés avaient grand besoin d'être
purifiés ; le seul point sur lequel ils osèrent
questionner le Purificateur était celui de savoir pourquoi il
prenait ainsi sur lui de faire ce qui était leur devoir. Ils
se soumirent pratiquement à son irrésistible
intervention, se disant qu'ils pourraient encore bien être
obligés de reconnaître l'autorité de cet homme.
Leur soumission provisoire était basée sur la crainte,
et celle-ci, quant à elle, provenait de ce que leur conscience
les accusait de péché. Le Christ l'emporta sur ces
Juifs marchandeurs en vertu du principe éternel que le bien
est plus puissant que le mal, et à cause de ce fait
psychologique que la conscience qu'il a de sa culpabilité
prive le coupable de courage lorsque l'imminence d'un juste châtiment
apparaît à son âme [11]. Cependant, craignant
qu'il ne se révèle être un prophète
puissant, tel qu'aucun prêtre ou rabbi vivant ne professait
l'être, ils lui demandèrent timidement les preuves de
son autorité : « Quel miracle nous montres-tu
pour agir de la sorte ? » Jésus répliqua
sèchement, faisant à peine attention à cette
demande, si commune chez les méchants et les adultères [12] :
« Détruisez ce temple, et en trois jours je le
relèverai » [13].
Aveuglés
par leur propre ruse, refusant de reconnaître l'autorité
du Seigneur, mais craignant la possibilité qu'ils fussent
occupés à s'opposer à quelqu'un qui avait le
droit d'agir, les fonctionnaires, troublés, virent dans les
paroles de Jésus une allusion au temple imposant de maçonnerie
dans les murs duquel ils se tenaient. Ils prirent courage ; cet
étrange Galiléen, qui faisait ouvertement fi de leur
autorité, parlait irrespectueusement de leur temple,
expression visible de la prétention qu'ils étalaient si
orgueilleusement dans leurs paroles - qu'ils étaient enfants
de l'alliance, adorateurs du Dieu vrai et vivant, et par conséquent
supérieurs à tous les peuples païens. Avec une
apparente indignation, ils répliquèrent : « Il
a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois
jours, tu le relèveras [14] ! » Bien que
déçus dans leur désir d'éveiller, à
ce moment-là, l'indignation populaire contre Jésus, les
Juifs refusèrent d'oublier ou de pardonner ces paroles.
Lorsque Jésus se présenta plus tard comme un prisonnier
sans défense, pour subir une parodie illégale de
jugement devant un tribunal pécheur, le parjure le plus noir
qui fut exprimé contre lui fut celui des faux témoins
qui attestèrent : « Nous l'avons entendu
dire : je détruirai ce temple fait par la main de l'homme
et en trois jours j'en bâtirai un autre qui ne sera pas fait
par la main de l'homme » [15]. Et tandis qu'il
agonisait, les railleurs qui passaient devant la croix secouaient la
tête et insultaient le Christ mourant, en ces termes :
« Hé ! toi qui détruis le temple et le
rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même et descends de
la croix [16] ! » Et pourtant cette réponse
de Jésus aux Juifs qui lui avaient demandé un miracle
comme preuve n'avait rien à voir avec le temple colossal
d'Hérode mais faisait allusion au sanctuaire de son propre
corps, dans lequel demeurait, plus véritablement que dans le
Saint des Saints bâti par les hommes, l'Esprit éternellement
vivant du Dieu éternel. « Le Père est en
moi », telle était sa doctrine [17].
« Mais
il parlait du temple de son corps », le tabernacle réel
du Très-Haut [18]. Cette allusion à la destruction
du temple de son corps et à son renouvellement après
trois jours, est sa première prédiction de sa mort et
de sa résurrection dont nous possédions une trace
écrite. Les disciples eux-mêmes ne comprirent le sens
profond de ces paroles qu'après sa résurrection d'entre
les morts ; alors ils se souvinrent et comprirent. Les religieux
juifs n'étaient pas aussi obtus qu'ils semblaient l'être,
car nous les voyons aller trouver Pilate tandis que le corps du
Christ crucifié se trouvait dans la tombe, disant :
« Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit,
quand il vivait encore : ‘Après trois jours je
ressusciterai’ » [19]. Bien que nous possédions
de nombreux passages où le Christ déclara qu'il
mourrait et ressusciterait le troisième jour, les plus claires
de ces déclarations furent faites aux apôtres plutôt
qu'ouvertement au public. Les Juifs qui allèrent trouver
Pilate avaient certainement à l'esprit les paroles que Jésus
prononça tandis qu'ils se trouvaient confondus devant lui lors
de la purification des cours du temple [20].
Une
action d'éclat telle que celle de défier les usages
religieux et de purifier par la force l'enceinte du temple ne pouvait
manquer de frapper, avec des effets divers, le peuple qui assistait à
la fête ; celui-ci, rentrant dans ses foyers, dans des
provinces éloignées et extrêmement disséminées,
répandit certainement la célébrité du
courageux prophète galiléen. Beaucoup d'habitants de
Jérusalem crurent en lui à ce moment-là, surtout
parce qu'ils étaient attirés par les miracles qu'il
opérait ; mais il « ne se fiait point à
eux », conscient que leur profession de foi était
fondée sur des bases incertaines. L'adulation du peuple
n'était pas ce qu'il recherchait ; il ne désirait
pas être suivi d'une foule hétérogène mais
préférait s'entourer de ceux qui recevaient du Père
le témoignage de son appel messianique. « Il les
connaissait tous, et... il n'avait pas besoin qu'on lui rende
témoignage de quelqu'un ; il savait lui-même ce qui
était dans l'homme » [21].
L'incident
au cours duquel le Christ purifia de force le temple est en
contradiction avec la conception que l'on a traditionnellement de lui
et qui fait de lui une personne d'un comportement si doux et si
réservé qu'il semble manquer de virilité. Aussi
doux qu'il fût et patient dans les afflictions, miséricordieux
et longanime envers les pécheurs contrits, il était
sévère et inflexible en présence de l'hypocrisie
et dénonçait impitoyablement les pécheurs
endurcis. Son humeur était adaptée aux situations
auxquelles il avait à faire ; ses lèvres
exprimaient aussi facilement des paroles douces d'encouragement que
des expressions brûlantes de juste indignation. Sa nature
n'était pas la douceur constante de chérubin imaginée
par les poètes mais celle d'un homme, avec les émotions
et les passions caractéristiques de la virilité. Lui
qui pleurait souvent de compassion, manifestait, à d'autres
moments, en paroles et en actions, la juste colère d'un Dieu.
Mais il fut toujours maître de toute cette passion, quelque
doucement ou quelque violemment qu'elle s'exprimât. Comparez le
doux Jésus poussé, par les besoins d'une fête à
Cana, à rendre un service au nom de l'hospitalité, au
Christ indigné maniant son fouet et chassant devant lui, au
milieu de l'émoi et de la confusion qu'il avait créée,
le bétail et les hommes comme un troupeau impur.
JÉSUS
ET NICODÈME [22]
Les
actions étonnantes accomplies par le Christ à l'époque
ou aux environs de cette Pâque mémorable amenèrent,
outre un grand nombre de gens du commun, certains érudits à
croire en lui ; nous en avons la preuve par le fait que
Nicodème, qui professait être Pharisien et occupait un
haut rang, étant l'un des gouverneurs des Juifs, vint le
trouver pour le questionner. Il est significatif que cette visite se
fit de nuit. Apparemment cet homme était poussé par le
désir sincère d'en savoir plus sur le Galiléen
dont on ne pouvait ignorer les œuvres ; cependant,
l'orgueil de son office et la peur qu'il pourrait être
soupçonné de s'être attaché au nouveau
prophète l'amenèrent à entourer son entreprise
du plus grand secret [23]. Décernant à Jésus
le titre qu'il portait lui-même, et qu'il considérait
lui-même comme une expression d'honneur et de respect, il dit :
« Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de la part
de Dieu ; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais,
si Dieu n'est avec lui » [24]. Peu importe que le
pronom pluriel « nous » qu'il utilisa indique
qu'il était envoyé par le sanhédrin ou par la
société des Pharisiens dont les membres avaient coutume
de parler de la sorte en leur qualité de représentants
de l'ordre - ou qu'il ait employé un pluriel de majesté
n'ayant trait qu'à lui seul. Il reconnaissait Jésus
comme un « docteur venu de la part de Dieu » et
donna les raisons pour lesquelles il le considérait comme tel.
Quelque faible qu'ait été la foi qui fut éveillée
dans le cœur de cet homme, celle-ci était fondée
sur les preuves fournies par les miracles, soutenue par l'effet
psychologique des signes et des prodiges. Nous devons lui reconnaître
qu'il était sincère et honnête dans ses
intentions.
Sans
attendre des questions particulières, « Jésus
lui répondit : En vérité, en vérité
je te le dis, si un homme ne naît de nouveau il ne peut voir le
royaume de Dieu ». Il semble que Nicodème fut
embarrassé ; il demanda comment pareil rajeunissement
était possible. « Comment un homme peut-il naître
quand il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le
sein de sa mère et naître ? » Ce n'est
pas être injuste envers Nicodème que de considérer
qu'en sa qualité de rabbi, homme instruit dans les Écritures,
il aurait dû savoir que les paroles de Jésus avaient une
autre signification que celle de la naissance mortelle et littérale.
En outre, s'il était possible qu'un homme naquît
littéralement une seconde fois et dans la chair, comment
pareille naissance pourrait-elle lui profiter dans sa croissance
spirituelle ? Ce ne serait qu'une rentrée sur la scène
de l'existence physique, pas un avancement. Cet homme savait que
l'image d'une nouvelle naissance était commune dans les
enseignements de son temps. On appelait nouveau-nés tous les
Juifs au moment de leur conversion.
La
surprise manifestée par Nicodème fut probablement due,
du moins en partie, au fait que l'exigence annoncée par le
Christ était universelle. Les enfants d'Abraham y étaient-ils
compris ? Le traditionalisme des siècles s'opposait à
toute idée de ce genre. Les païens devaient renaître
en acceptant officiellement le judaïsme, s'ils voulaient avoir
ne serait-ce qu'une petite part des bénédictions qui
appartenaient par héritage à la maison d'Israël ;
mais Jésus semblait traiter tout le monde sur le même
pied, Juifs et Gentils, idolâtres païens et le peuple qui,
du bout des lèvres du moins, appelait Jéhovah Dieu.
Jésus
répéta sa déclaration avec précision,
soulignant par l'impressionnant « en vérité,
en vérité » la plus grande leçon qui
fût jamais parvenue aux oreilles de ce gouverneur d'Israël :
« En vérité, en vérité, je te
le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut
entrer dans le royaume de Dieu. » Cette nouvelle
naissance, que le Christ déclarait ainsi être une
condition absolument essentielle pour entrer dans le royaume de Dieu,
applicable à tous les hommes, sans limite ni modification,
était une régénérescence spirituelle ;
c'est ce qui fut expliqué ensuite au rabbi étonné :
« Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui
est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas que je
t'aie dit : il faut que vous naissiez de nouveau. »
Malgré tout, le savant juif méditait et pourtant ne
comprenait pas. Il se peut que le bruit de la brise nocturne se fit
entendre à ce moment ; s'il en fut ainsi, Jésus ne
fit que se servir de cet incident comme le ferait un maître
habile pour enseigner une leçon d'une manière
frappante, lorsqu'il poursuivit : « Le vent souffle
où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais
d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de
quiconque est né de l'Esprit. » En termes clairs,
il laissait entendre à Nicodème que sa science profane
et son poste officiel ne lui servaient à rien pour comprendre
les choses de Dieu ; son sens de l'ouïe lui permettait de
savoir que le vent soufflait ; sa vue pouvait l'informer de son
passage ; et cependant que savait-il de la cause ultime ne
fût-ce que de ce phénomène tout simple ? Si
Nicodème désirait réellement s'instruire des
choses de l'esprit, il devait se débarrasser de la déformation
due à sa connaissance de choses moins importantes.
Bien
que rabbi et sanhédriste éminent, il se trouvait, dans
l'humble logis du Maître de Galilée, en présence
de quelqu'un de plus fort que lui. Dans la confusion de son ignorance
il demanda : « Comment cela peut-il se faire ? »
La réponse dut sinon l'humilier du moins le rendre humble :
« Tu es le docteur d'Israël, et tu ne sais pas
cela ! » Il est clair qu'il aurait déjà
pu prendre connaissance antérieurement de certains des
principes fondamentaux de l'Évangile ; Jésus
reprochait d'autant plus à Nicodème son manque de
connaissance que celui-ci instruisait le peuple. Alors notre Seigneur
expliqua avec plus de détails, attestant qu'il parlait de
choses qu'il connaissait avec certitude, parce qu'il les avait vues,
tandis que Nicodème et ses congénères refusaient
d'accepter le témoignage de ses paroles. En outre, Jésus
affirma que sa mission était celle du Messie et prédit
explicitement sa mort et la manière dont elle se produirait :
qu'il devrait, lui, le Fils de l'Homme, être élevé,
de même que Moïse avait élevé le serpent
dans le désert comme prototype afin qu'Israël échappât
au fléau fatal [25].
L'objectif
de la mort prévue du Fils de l'homme était :
« Afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle » ;
car c'est à cela, dans son amour sans limite pour l'homme, que
le Père avait voué son Fils unique. Et en outre, il
était vrai que dans son avènement mortel le Fils
n'était pas venu pour juger mais pour enseigner, persuader et
sauver ; néanmoins la condamnation s'abattrait sûrement
sur ceux qui rejetteraient ce Sauveur, car la lumière était
venue, et les hommes méchants évitaient la lumière,
la haïssant parce qu'ils préféraient les ténèbres
dans lesquelles ils espéraient cacher leurs actions mauvaises.
Il se peut qu'ici, encore une fois, Nicodème ait éprouvé
du remords : en effet, n'avait-il pas craint de venir en plein
jour, et n'avait-il pas choisi les heures nocturnes pour sa visite ?
Les dernières paroles du Seigneur contenaient à la fois
un enseignement et un reproche : « Mais celui qui
pratique la vérité vient à la lumière,
afin qu'il soit manifeste que ses œuvres sont faites en Dieu. »
Le
récit de cet entretien entre Nicodème et le Christ
constitue une des Écritures les plus instructives et les plus
précieuses au sujet de la nécessité absolue
d'obéir sans réserve aux lois et aux ordonnances de
l'Évangile, moyens indispensables du salut. La foi que
Jésus-Christ est le Fils de Dieu, par l'intermédiaire
duquel seul les hommes peuvent acquérir la vie éternelle,
l'abandon du péché en se détournant résolument
des ténèbres grossières du mal pour se diriger
vers la lumière salvatrice de la justice, la nécessité
inconditionnelle d'une nouvelle naissance par le baptême dans
l'eau, et ce, par l'immersion exclusivement, puisque autrement
l'image de la naissance n'aurait aucun sens, et l'achèvement
de la naissance nouvelle dans le baptême par l'Esprit - tous
ces principes sont ici enseignés d'une manière si
simple et si claire que nul ne peut offrir d'excuse plausible de leur
ignorance.
Si
Jésus et Nicodème étaient les seules personnes
présentes à l'entretien, Jean, l'auteur, doit avoir été
mis au courant de celui-ci par l'un d'eux. Comme Jean était
l'un des premiers disciples, et par la suite l'un des apôtres,
et comme il se distinguait du groupe apostolique par ses rapports
étroits avec le Seigneur, il est plus que probable qu'il
entendit le récit des lèvres de Jésus. Le but de
Jean était de toute évidence de rapporter la grande
leçon que cet événement comportait plutôt
que de raconter l'histoire en détail. Le récit se
termine aussi brusquement qu'il a commencé ; les
incidents sans importance sont omis ; chaque ligne est
importante ; l'auteur était pleinement conscient de la
profonde importance de son sujet et le traita en conséquence.
Les allusions ultérieures à Nicodème tendent à
confirmer l'opinion que nous nous sommes formée de l'homme au
moment où il apparaît dans cette réunion avec
Jésus - à savoir que c'était un homme qui était
conscient d'éprouver une certaine croyance au Christ, mais
dont la croyance ne se transforma jamais en cette foi sincère
et virile qui pousse l'homme à accepter et à se
soumettre quels qu'en soient le prix ou les conséquences [26].
DE
LA VILLE À LA CAMPAGNE
Quittant
Jérusalem, Jésus et ses disciples se rendirent dans les
régions rurales de la Judée et y demeurèrent,
prêchant sans aucun doute quand ils en trouvaient ou en
créaient l'occasion ; et ceux qui croyaient en lui
étaient baptisés [27]. La note dominante de ses
premières paroles publiques était celle de son
précurseur du désert : « Repentez-vous
car le royaume des cieux est proche » [28]. Le
Baptiste poursuivait ses travaux ; il est cependant certain que,
depuis qu'il avait reconnu ce Plus Grand que lui dont il avait été
envoyé préparer la venue, il considérait que le
baptême qu'il administrait avait un sens quelque peu différent.
Il avait tout d'abord baptisé pour préparer à
Celui qui devait venir ; maintenant il baptisait les croyants
repentants en Celui qui était venu.
Des
discussions s'étaient élevées parmi certains des
adhérents zélés de Jean concernant la doctrine
de la purification. Le contexte [29] ne nous permet guère
de douter qu'il était question des mérites relatifs du
baptême de Jean et de celui qui était administré
par les disciples de Jésus. Avec une ardeur excusable et un
zèle bien intentionné pour leur maître, les
disciples de Jean, qui s'étaient mêlés à
la controverse, vinrent le trouver disant : « Rabbi,
celui qui était avec toi au-delà du Jourdain et à
qui tu as rendu témoignage, voici qu'il baptise et que tous
vont à lui. » Les partisans de Jean se souciaient
du succès de quelqu'un qu'ils considéraient dans une
certaine mesure comme un rival de leur maître bien-aimé.
Jean n'avait-il pas donné à Jésus le premier
témoignage que celui-ci possédait ? « Celui
à qui tu as rendu témoignage », dirent-ils,
ne daignant même pas appeler Jésus par son nom. Suivant
l'exemple d'André et de Jean, le futur apôtre, le peuple
quittait le Baptiste pour s'assembler autour du Christ. La réponse
de Jean à ses ardents disciples constitue un exemple sublime
d'abnégation. Il dit en substance : L'homme ne reçoit
que ce que Dieu lui donne. Il ne m'est pas donné d'accomplir
l'œuvre du Christ. Vous êtes vous-mêmes témoins
de ce que j'ai nié être le Christ et que j'ai dit avoir
été envoyé devant lui. Il est comme l'époux.
Je ne suis que comme l'ami de l'époux [30], son
serviteur ; et je me réjouis profondément d'être
ainsi près de lui ; sa voix me donne du bonheur, et ainsi
ma joie est complète. Celui dont vous parlez se trouve au
début de son ministère ; j'approche de la fin du
mien. Il doit croître mais je dois diminuer. Il est venu du
ciel, et pour cette raison il est supérieur à toutes
les choses de la terre ; néanmoins les hommes refusent
d'accepter son témoignage. L'Esprit de Dieu ne lui est pas
compté. Il en a la plénitude. Le Père l'aime,
lui, le Fils, et a tout remis entre ses mains, et : « Celui
qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne se
confie pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu
demeure sur lui » [31].
C'est
dans une telle réponse, donnée dans ces conditions, que
l'on doit trouver l'esprit de la véritable grandeur et d'une
humilité qui ne pouvait reposer que sur le fait que le
Baptiste avait reçu l'assurance divine de ce qu'il était
et de ce que le Christ était. C'est à plus d'un égard
que Jean fut grand parmi tous ceux qui sont nés de
femmes [32]. Il avait entrepris son œuvre lorsque Dieu
l'avait envoyé le faire [33]. Il se rendait compte que
son oeuvre était dans une certaine mesure dépassée,
et il attendait patiemment d'être déchargé,
continuant entre-temps dans le ministère, dirigeant des âmes
vers son Maître. Le commencement de la fin était proche.
Il fut bientôt saisi et jeté dans un cachot, où,
comme nous allons le montrer, il fut décapité pour
assouvir la vengeance d'une femme corrompue dont il avait dénoncé
hardiment les péchés [34].
Les
Pharisiens observaient avec une appréhension croissante la
popularité grandissante de Jésus, comme le prouvait le
fait que plus de personnes encore le suivaient et acceptaient le
baptême des mains de ses disciples qu'il n'y en avait eu pour
répondre à l'appel du Baptiste. On menaça
d'exercer une opposition ouverte, et comme Jésus désirait
éviter que son oeuvre subît les retards que pareille
persécution causerait à ce moment-là, il
s'éloigna de la Judée et se retira dans la Galilée,
en passant par la Samarie. Ce retour dans la province du nord se
produisit lorsque le Baptiste eut été jeté en
prison [35].
[1]
Note 1, fin du chapitre.
[2]
Jn 2:12 ; cf. Mt 4:13 ; 9:1.
[3]
Mt 11:23 ; Lc 10: 15.
[4]
Note 2, fin du chapitre.
[5]
Note 3, fin du chapitre.
[6]
Chap. 9 du présent ouvrage ; Lc 2:46-49.
[7]
Chap. 9. Note 4, fin du présent chapitre.
[8]
Ex 30:11-16. Note 11, fin du chapitre.
[9]
Jn 2:14-17.
[10]
Comparer avec Ps 69:9.
[11]
Note 5, fin du chapitre.
[12]
Mt 12:38,39 ; cf. 16:1 ; Mc 8:11 ; Jn 6:30 ; 1 Co
1:22.
[13]
Jn 2:19 ; lire versets 18-22.
[14]
Note 6, fin du chapitre.
[15]
Mc 14:58. Chap. 34 du présent ouvrage.
[16]
Mc 15:29,30.
[17]
Jn 10:38, 17:21.
[18]
Jn 2:19-22 ; cf. 1 Co 3:16,17, 6:19 ; 2 Co 6:16 ; voir
en outre Col 2:9 ; Hé 8:2.
[19]
Mt 27:63. Chap. 35 du présent ouvrage.
[20]
Comme l'a écrit brièvement le chanoine Farrar :
« À moins que le ‘nous nous souvenons’
ait été un mensonge pur et simple, ils ne pouvaient
faire allusion qu'à cet événement »
(Life of Christ, p. 155).
[21]
Jn 2:23-25.
[22]
Jn 3:1-21.
[23]
Note 7, fin du chapitre.
[24]
Jn 3:2 ; lire versets 1-21.
[25]
Nb 21:7-9.
[26]
Note 8, fin du chapitre. Voir Articles de Foi, p. 123-127.
[27]
Jn 3:22 ; cf. 4:2.
[28]
Mt 4:17, cf. Mc 1: 15.
[29]
Jn 3:25-36.
[30]
Note 10, fin du chapitre.
[31]
Jn 3:27-36.
[32]
Mt 11:11.
[33]
Lc 3:2,3.
[34]
Mt 14:3-12.
[35]
Mt 4:12.
NOTES
DU CHAPITRE 12
1.
Le lac de Galilée : Ce lac, la plus grande masse d'eau
douce de Palestine, a plus ou moins la forme d'une poire et mesure
environ vingt et un kilomètres dans sa plus grande longueur
qui va approximativement du nord vers le sud et entre dix et douze
kilomètres de largeur maximum. Le Jourdain s'y jette dans son
extrémité nord-est et en sort au sud-ouest ; on
peut, par conséquent, considérer le lac comme une
grande extension du fleuve, bien que cette dépression remplie
d'eau ait environ 60 mètres de profondeur. Le Jourdain, une
fois sorti du lac de Galilée, le relie à la mer Morte,
cette dernière étant une masse d'eau extrêmement
saline qui, à cause de l'abondance de sel dissous qu'elle
contient et, par conséquent, de la densité de son eau
est comparable au grand lac Salé d'Utah, bien que la
composition chimique des eaux soit substantiellement différente.
Luc appelle la mer de Galilée un lac, ce qui est une
appellation plus appropriée (Lc 5:1,2, 8:22,23,33). Au
nord-ouest du lac se trouve une plaine, qui était extrêmement
cultivée dans les temps anciens : on l'appelait le pays
de Génésareth (Mt 14:34, Mc 6:53) ; et la masse
d'eau prit le nom de mer ou lac de Génésareth (Lc 5:1).
Du fait qu'une des villes qui se trouvaient sur ses rives
occidentales était importante, on l'appelait également
le lac de Tibériade (Jn 6:1,23 ; 21: 1). Dans l'Ancien
Testament on l'appelle la mer de Kinnéreth (Nb 34: 11, Jos
12:3) du nom d'une ville riveraine (Jos 19:35). La surface du lac ou
de la mer se trouve à plusieurs centaines de mètres en
dessous du niveau de la mer, deux cent quatre mètres plus bas
que la Méditerranée selon Zénos, ou deux cent
dix mètres selon d'autres. Cette situation extrêmement
basse donne à la région un climat semi-tropical. Zénos
dit dans le Standard Bible Dictionary : « Les eaux du
lac sont connues pour être très poissonneuses.
L'industrie de la pêche était par conséquent
l'une des ressources les plus stables du pays environnant... Une
autre caractéristique de la mer de Galilée est qu'elle
est sujette à des tempêtes soudaines. Celles-ci
proviennent en partie du fait qu'elle se trouve tellement plus bas
que les plateaux avoisinants (fait qui crée une différence
de température et par conséquent des perturbations dans
l'atmosphère), et en partie du fait que des bourrasques se
précipitent dans la vallée du Jourdain depuis les
hauteurs du Hermon. L'événement rapporté dans Mt
8:24 n'est pas un cas extraordinaire. Ceux qui manœuvrent des
bateaux sur le lac sont obligés d'être très
prudents pour éviter les dangers occasionnés par ces
tempêtes. Les rives de la mer de Galilée, de même
que le lac lui-même, furent le théâtre d'un grand
nombre des événements les plus remarquables rapportés
dans les évangiles. »
2.
Les quatre évangiles : Tous ceux qui ont soigneusement
étudié le Nouveau Testament doivent avoir observé
que les livres de Matthieu, Marc et Luc traitent d'une manière
plus détaillée des événements, des
paroles et des actions du Sauveur en Galilée qu'ils ne le font
de son œuvre en Judée ; d'autre part, le livre ou
évangile de Jean traite en particulier des incidents du
ministère judéen de notre Seigneur, sans toutefois
exclure les événements importants qui se produisirent
en Galilée. Au point de vue du style de l'écriture et
de la méthode utilisée pour leur sujet, les auteurs des
premiers évangiles (les évangélistes, comme la
littérature théologique les appelle collectivement, eux
et Jean) diffèrent d'une manière plus marquante de
l'auteur du quatrième évangile qu'entre eux. Les
événements que les trois premiers rapportent peuvent
être facilement classés, comparés ou arrangés
et, par conséquent, on appelle maintenant communément
les évangiles écrits par Matthieu, Marc et Luc les
Synoptiques ou évangiles synoptiques.
3.
Âgé de trente ans : Selon Luc (3:23), Jésus
avait environ trente ans à l'époque de son baptême,
et nous voyons que peu après, il entreprit publiquement
l'œuvre de son ministère. La loi prévoyait que
c'était à l'âge de trente ans que les Lévites
devaient entreprendre leur service spécial (Nb 4:3). Clarke,
Bible Commentary, traitant du passage qui se trouve dans Luc 3:23,
dit : « C'était l'âge légal
auquel les prêtres devaient parvenir avant de pouvoir être
installés dans leur office. » Il se peut que Jésus
ait tenu compte de ce qui était devenu une coutume de
l'époque, lorsqu'il attendit d'avoir atteint cet âge
pour entreprendre publiquement les travaux de Maître parmi le
peuple. N'étant pas de descendance lévitique, il
n'était pas éligible pour être ordonné à
la prêtrise selon l'ordre d'Aaron et, pour cette raison,
n'attendit certainement pas celle-ci pour commencer son ministère.
Avoir enseigné en public à un âge plus jeune
aurait provoqué des critiques et des objections qui auraient
pu avoir pour résultat de freiner gravement ou d'empêcher
son œuvre dès le début.
4.
Les multitudes et la confusion lors de la fête de la Pâque :
Bien qu'il soit, on l'admettra aisément, impossible qu'une
fraction même raisonnablement importante du peuple juif ait pu
être présente aux assemblées annuelles de la
Pâque à Jérusalem et qu'on ait, par conséquent,
prévu la possibilité d'observer la fête
localement, il est indubitable que le nombre de personnes qui
assistaient ordinairement aux célébrations du temple à
l'époque de Jésus était énorme. Josèphe
dit des foules de la Pâque qu'elles constituaient « une
multitude innombrable » (Guerres 11, 1:3), et en un autre
lieu (Guerres, VI, 9:3) déclare que l'assistance atteignit le
chiffre énorme de trois millions d'âmes ; c'est ce
qu'il dit, bien que beaucoup d'écrivains modernes considèrent
ce passage comme une exagération. Josèphe dit que pour
donner à l'empereur Néron des renseignements sur la
force numérique du peuple juif, en particulier en Palestine,
Cestius demanda aux principaux sacrificateurs de compter le nombre
d'agneaux qui avaient été immolés à la
fête, et le nombre qu'on lui rapporta fut de 256 500, ce qui,
en comptant de dix à onze personnes par table pascale,
indiquerait la présence, dit-il, d'au moins 2700200 personnes,
les visiteurs non Juifs non compris, non plus que ceux d'Israël
à qui était refusée toute participation au repas
pascal parce qu'ils n'étaient pas cérémoniellement
aptes.
Les
scènes de confusion inévitables dans les conditions qui
existaient à l'époque sont admirablement résumées
par Geikie (Life and Words of Christ, chap. 30), qui cite un grand
nombre d'autorités anciennes pour justifier ses déclarations :
« Les rues étaient bloquées par les foules
qui venaient de partout, qui devaient se diriger vers le temple,
passant devant des troupeaux de brebis et de bœufs, lesquels se
hâtaient dans la partie en contrebas de chaque rue réservée
pour eux, pour empêcher qu'il y ait contact et souillure. Des
colporteurs de toutes les marchandises possibles assaillaient les
pèlerins, car les grandes fêtes étaient, comme
nous l'avons dit, le temps de la moisson pour tous les commerces de
Jérusalem, de même que, à la Mecque, aujourd'hui
encore, l'époque de la grande affluence des fidèles à
la tombe du Prophète est celle où le commerce est le
plus affairé parmi les pèlerins marchands qui forment
les caravanes en provenance de toutes les parties du monde mahométan.
« À
l'intérieur de l'espace réservé au temple, le
bruit et la cohue étaient encore pis, si cela était
possible. On avait planté des poteaux indicateurs demandant de
garder sa droite ou sa gauche, comme dans les artères les plus
denses de Londres. La cour extérieure, dans laquelle d'autres
que des Juifs pouvaient entrer, et qui était, par conséquent,
appelée la cour des Païens, était partiellement
couverte d'enclos pour les brebis, les chèvres et le bétail,
pour la fête et les actions de grâce. Les vendeurs
criaient les mérites de leurs animaux, les brebis bêlaient
et les bœufs mugissaient. C'était en réalité
la grande foire annuelle de Jérusalem, et les foules
augmentaient le vacarme et le tumulte au point que les services des
cours voisines étaient affreusement troublés. Les
marchands de colombes, pour les femmes pauvres qui venaient de toutes
les parties du pays pour être purifiées, et pour les
autres, avaient un espace réservé. En effet, la vente
des colombes était, dans une grande mesure en secret, entre
les mains des prêtres eux-mêmes : Anne, le souverain
sacrificateur, se faisait particulièrement de grands bénéfices
grâce à ses colombiers du mont des Oliviers. La location
des enclos pour brebis et pour bétail et les bénéfices
qu'ils se faisaient sur les colombes, avaient amené les
prêtres à approuver ce non-sens de transformer le temple
lui-même en un marché bruyant. Et ce n'est pas tout :
les potiers essayaient de vendre aux pèlerins leurs plats et
leurs fours de terre cuite pour l'agneau pascal, des centaines de
marchands faisaient, en hurlant, la réclame de leurs
marchandises, des magasins de vin, d'huile, de sel et de tout ce dont
on avait encore besoin pour les sacrifices, invitaient les clients,
et en outre, des personnes traversant la ville avec toutes sortes de
fardeaux, raccourcissaient leur chemin en traversant les jardins du
temple. Ce qui ajoutait encore à la folie générale
était le fait qu'il fallait payer le tribut, imposé à
tous, pour entretenir le temple. Des deux côtés de la
porte est du temple, on permettait, depuis des générations,
l'existence de boutiques pour changer l'argent étranger.
Depuis le quinze du mois précédent, on permettait aux
changeurs d'argent de mettre leurs tables dans la ville, et à
partir du 21 - ou 20 jours avant la Pâque - d'exercer leur
commerce dans le temple lui-même. Ceux qui achetaient le
matériel nécessaire pour des sacrifices payaient leur
dû à des boutiques spéciales, à un
officier du temple, et recevaient un chèque de plomb pour la
valeur duquel ils obtenaient du marchand ce qu'ils achetaient. En
outre, on changeait de grosses sommes qui devaient être
lancées, comme offrandes volontaires, dans l'un des treize
coffres qui formaient le trésor du temple. Tous les Juifs,
quelque pauvres qu'ils fussent, devaient, en outre, payer un
demi-sicle - 18 pence environ - annuel comme rançon
d'expiation pour leur âme, et pour l'entretien du temple. Comme
celui-ci n'était acceptable qu'en une monnaie du pays, appelée
le sicle du temple, qui n'avait pas généralement cours,
les étrangers devaient changer leur argent romain, grec ou
oriental aux boutiques des changeurs pour obtenir la monnaie requise.
Ce commerce permettait aisément le vol, lequel n'était
que trop courant. On faisait payer un taux de change de 5 % qui était
augmenté à l'infini par des trucs et des chicaneries, à
cause desquels cette classe s'était acquis partout une si
mauvais réputation que son témoignage, comme celui des
publicains, n'était pas reçu devant un tribunal. »
En
ce qui concerne la pollution à laquelle les cours du temple
avaient été soumises par des trafiquants agissant avec
la permission des prêtres, Farrar (Life of Christ, p. 152) nous
dit ce qui suit : « Et c'était la cour
d'entrée du temple du Très-Haut ! La cour qui
était témoin que cette maison devait être une
maison de prière pour toutes les nations, avait été
souillée et était devenue un lieu qui, par sa saleté,
ressemblait plus à un abattoir et, par son commerce
bourdonnant, ressemblait davantage à un marché bourré
de monde ; pendant que le mugissement des bœufs, le
bêlement des brebis, la Babel aux nombreuses langues, les
marchandages, les querelles et le tintement de l'argent et des
balances (peut-être pas toujours justes), étaient
audibles dans les cours voisines, troublant les chants des Lévites
et les prières des prêtres ! »
5.
La servilité des Juifs en présence de Jésus :
Le texte qui nous rapporte l'exploit de Jésus débarrassant
les cours du temple de ceux qui avaient fait de la maison du Seigneur
un marché, ne contient rien qui nous permette de penser qu'il
fit preuve d'une force surhumaine ou d'une force plus que virile. Il
utilisa un fouet qu'il avait fait lui-même, chassa bêtes
et gens devant lui. Ils s'enfuirent pêle-mêle. D'après
le texte, personne n'a émis d'objections avant la fin de
l'expulsion. Pourquoi personne dans la multitude ne s'opposa-t-il ?
La soumission semble avoir été abjecte et servile à
l'extrême. Farrar (Life of Christ, p. 151,152) pose la question
et y répond par un raisonnement excellent et plein
d'éloquence : « Pourquoi cette multitude de
pèlerins ignorants ne résista-t-elle pas ?
Pourquoi ces marchandeurs cupides se contentèrent-ils de lui
lancer des regards sombres et de marmonner des malédictions,
tandis qu'ils laissaient chasser leurs bœufs et leurs brebis
dans les rues et se faisaient eux-mêmes expulser, tandis que
leur argent était lancé sur le sol par quelqu'un qui
était alors jeune et inconnu et vêtu comme les Galiléens
méprisés ? Pourquoi, pourrions-nous demander de la
même manière, Saül permit-il à Samuel de le
réprimander en présence même de son armée ?
Pourquoi David obéit-il abjectement aux ordres de Joab ?
Pourquoi Achab n'osa-t-il pas arrêter Élie à la
porte de la vigne de Naboth ? Parce que le péché
c'est de la faiblesse, parce qu'il n'y a rien d'aussi abject au monde
qu'une conscience coupable, rien d'aussi invincible que la marée
balayante d'une indignation divine contre tout ce qui est vil et
mauvais. Comment ces misérables acheteurs et vendeurs,
conscients de faire le mal, pouvaient-ils s'opposer à cette
réprimande ardente ou faire face aux éclairs de ces
yeux qu'allumait une sainteté outragée ? Lorsque
Phineas, le prêtre, plein de zèle pour l'Éternel
des armées, transperça le prince de Siméon et la
Madianite d'un coup glorieux de sa lance indignée, pourquoi
Israël coupable ne vengea-t-il pas ce meurtre splendide ?
Pourquoi tous les hommes de la tribu de Siméon ne
devinrent-ils pas un Goël pour cet assassin intrépide ?
Parce que le vice ne peut résister un seul instant devant le
bras levé de la vertu. Vils et rampants comme ils l'étaient,
ces Juifs faiseurs d'argent sentaient, dans tout ce qui en leur âme
n'était pas encore rongé par l'infidélité
et la cupidité, que le Fils de l'Homme avait raison.
« Oui,
même les prêtres et les Pharisiens, les scribes et les
Lévites, dévorés qu'ils étaient par
l'orgueil et le formalisme, ne pouvaient condamner un acte qui aurait
pu être accompli par un Néhémie ou un Judas
Maccabée et qui était conforme à tout ce qui
était pur et excellent dans leurs traditions. Mais lorsqu'ils
entendirent parler de cet acte ou en furent témoins, et eurent
le temps de se ressaisir du mélange d'admiration, de dégoût
et d'étonnement qu'il inspirait, ils s'approchèrent de
Jésus, et bien que n'osant pas condamner ce qu'il avait fait,
ils demandèrent cependant, à moitié indignés,
un signe montrant qu'il avait le droit d'agir ainsi. »
6.
Le respect des Juifs pour le temple : Les Juifs professaient un
grand respect pour le temple. « Une déclaration du
Sauveur, que les esprits obtus interprétèrent comme une
menace contre le temple, fut utilisée contre lui comme l'un
des principaux chefs d'accusation pour lesquels on exigeait sa
condamnation à mort. Quand les Juifs réclamaient une
preuve de son autorité, il prédit sa propre mort et sa
résurrection par ces mots : « Détruisez
ce temple, et en trois jours je le relèverai » (Jn
2:19-22 ; voir aussi Mt 26:61 ; 27:40 ; Mc 14:58:
15:29). Dans leur aveuglement, ils considérèrent cette
remarque comme une allusion irrespectueuse à leur temple, un
bâtiment construit de main d'homme, et ils se refusèrent
à l'oublier ou à la pardonner. Cette vénération
se poursuivit après la crucifixion de notre Seigneur ;
cela ressort avec évidence des accusations portées
contre Étienne, et plus tard contre Paul. Dans leur rage
meurtrière, ces gens accusèrent Étienne de
manque de respect pour le temple et produisirent de faux témoins
qui se parjurèrent en déclarant : « Cet
homme ne cesse de proférer des paroles contre le lieu saint et
contre la loi » (Ac 6:13). Là-dessus, Étienne
fut rangé au nombre des martyrs. Quand on proclama que Paul
avait introduit avec lui un Gentil dans les locaux du temple, toute
la ville fut ameutée, et une population furieuse arracha Paul
de ce lieu et chercha à le tuer (Ac 21:26-40). »
L'auteur, La Maison du Seigneur, p. 48,49.
7.
Plusieurs des « chefs » crurent : Nicodème
n'était pas le seul dans les classes dirigeantes qui crut en
Jésus ; mais nous ne savons rien de celles-ci qui nous
indique qu'elles ont eu assez de courage pour venir même de
nuit s'informer indépendamment et personnellement. Elles
craignaient de perdre, à la suite de cela, leur popularité
et leur position. Dans Jean 12:42,43, nous lisons : « Cependant,
même parmi les chefs, plusieurs crurent en lui ; mais à
cause des Pharisiens, ils ne le confessaient pas, pour ne pas être
exclus de la synagogue. Car ils aimèrent la gloire des hommes
plus que la gloire de Dieu. » Notez également
l'épisode du scribe qui offrit de devenir officiellement
disciple mais qui, probablement parce qu'il manquait dans une
certaine mesure de sincérité ou n'en était pas
capable, fut découragé plutôt qu'approuvé
par Jésus (Mt 8:19,20).
8.
Nicodème : Le comportement de cet homme montre
immédiatement qu'il croyait réellement que Jésus
était envoyé de Dieu et que sa croyance ne put se
transformer en foi véritable qui, s'il avait pu l'obtenir,
aurait pu l'amener à une vie de service dévoué à
la cause du Maître. Quand, à une époque
ultérieure à son entretien avec le Christ, les chefs
des prêtres et les Pharisiens réprimandèrent les
huissiers qu'ils avaient envoyés arrêter Jésus et
qui revenaient rapporter leur échec, Nicodème, membre
du Conseil, se hasarda à s'opposer timidement à la
détermination meurtrière des gouvernants, en formulant
une proposition générale sous la forme interrogative :
« Notre loi juge-t-elle un homme avant qu'on l'ait entendu
et qu'on sache ce qu'il a fait ? » Ses collègues
lui répondirent avec mépris, et il semble avoir
abandonné son effort bien intentionné (Jn 7:50-53,
lisez les versets précédents 30-49). Nous le voyons
ensuite apporter une contribution coûteuse en myrrhe et en
aloès, cent livres environ, à utiliser pour
l'ensevelissement du corps alors crucifié du Christ ;
mais même dans cet acte de générosité et
de dévotion, dans lequel on ne peut douter de sa sincérité
et de ses intentions, il avait été précédé
par Joseph d'Arimathée, homme de haut rang, qui avait
hardiment demandé et obtenu le corps pour l'ensevelir
respectueusement (Jn 19:38-42). Néanmoins Nicodème fit
plus que la plupart de ses collègues croyants parmi les nobles
et les grands ; qu'on lui en laisse le crédit ; il
ne perdra pas sa récompense.
9.
L'ami de l'époux : La coutume matrimoniale judéenne
du temps du Christ exigeait que l'on nommât un garçon
d'honneur principal, qui s'occupait de tous les préliminaires
et prenait toutes les dispositions pour le festin des noces au nom de
l'époux. On l'appelait officiellement l'ami de l'époux.
Lorsque les formalités cérémonielles étaient
accomplies et que l'épouse avait été donnée
légalement et officiellement à son époux, la
joie de l'ami de l'époux était pleine en ce sens que
les devoirs dont il était chargé avaient bien été
exécutés (Jn 3:29). Selon Edersheim (Life and Times of
Jesus the Messiah, vol. 1 p. 148), en vertu des coutumes plus simples
qui régnaient en Galilée, on ne choisissait pas souvent
un « ami de l'époux », et (p. 663-4)
l'expression « enfant de la chambre de l'épouse »
(Mt 9:15, Mc 2:19, Lc 5:34 [dans la version anglaise, ndt]
toutes citations dans lesquelles l'expression est utilisée par
Jésus) s'appliquait collectivement à tous les invités
d'un festin de noces. Il dit : « Comme l'institution
des ‘amis de l'époux’ était courante en
Judée, mais pas en Galilée, cette distinction marquée
de ‘l'ami de l'époux’ dans la bouche du judéen
Jean et fils (enfants) de la chambre de l'épouse) dans celle
du Galiléen Jésus, est en elle-même une preuve
d'exactitude historique. »
10.
L'argent de l'expiation : Au cours de l'exode, le Seigneur
requit de toute personne masculine en Israël qui avait vingt ans
ou plus au moment d'un recensement, le paiement d'une rançon
se montant à un demi-sicle (Ex 30:12-16). Voir p. 419 et 433
infra. Quant à l'usage auquel l'argent était consacré,
le Seigneur donna le commandement suivant à Moïse :
« Tu recevras des Israélites l'argent de la rançon,
et tu l'emploieras au travail de la tente de la Rencontre ; ce
sera pour les fils d'Israël un souvenir devant l'Éternel
pour la rançon de leurs personnes » (Ex 30:16, voir
aussi 38:25-31). Avec le temps, cet impôt d'un demi-sicle fut
levé annuellement, bien que cette exaction ne repose sur
aucune autorité scripturaire. Cet impôt ne doit pas être
confondu avec l'argent du rachat, qui se montait à 5 sicles
pour chaque premier-né masculin, dont le paiement exemptait
l'individu du service du sanctuaire. Au lieu des fils premiers-nés
de toutes les tribus, le Seigneur désigna les Lévites
pour ce ministère spécial ; néanmoins il
continua à considérer les premiers-nés masculins
comme lui appartenant tout particulièrement et exigea le
paiement d'une rançon comme signe de leur rachat des devoirs
du service sacré. Voir Ex 13:2, 13-15 ; Nb 3:13, 40-51,
8:15-18, 18:15,16, ainsi que le chap. 8 du présent ouvrage.
CHAPITRE
13 : HONORÉ DES ÉTRANGERS, REJETÉ DES
SIENS
JÉSUS
ET LA SAMARITAINE
La
route directe reliant la Judée à la Galilée
passait par la Samarie ; mais beaucoup de Juifs, et surtout les
Galiléens, préféraient prendre une route
indirecte et plus longue plutôt que de traverser le pays d'un
peuple aussi méprisé d'eux que l'étaient les
Samaritains. Le ressentiment entre Juifs et Samaritains avait grandi
pendant des siècles, et à l'époque du ministère
terrestre de notre Seigneur s'était transformé en une
haine extrêmement intense [1]. Les habitants de la Samarie
étaient un peuple hétérogène, chez qui le
sang d'Israël était mêlé à celui des
Assyriens et d'autres nations ; et l'une des raisons de
l'animosité qui existait entre eux et leurs voisins tant au
nord qu'au sud était que les Samaritains prétendaient
être reconnus pour Israélites ; ils se vantaient
que Jacob était leur père, mais cela, les Juifs le
niaient. Les Samaritains avaient une version du Pentateuque qu'ils
révéraient comme étant la loi, mais ils
rejetaient tous les écrits prophétiques de ce qui est
maintenant l'Ancien Testament, parce qu'ils s'y considéraient
traités avec insuffisamment de respect.
Pour
les Juifs orthodoxes de l'époque, un Samaritain était
plus impur qu'un Gentil d'une autre nationalité. Il est
intéressant de remarquer les restrictions extrêmes et
absurdes qui étaient imposées à l'époque
dans la réglementation des rapports inévitables entre
les deux peuples. Le témoignage d'un Samaritain ne pouvait
être entendu devant un tribunal juif. Le fait pour un Juif de
manger de la nourriture préparée par un Samaritain fut
à un certain moment considéré par l'autorité
rabbinique comme une offense aussi grande que celle de manger la
chair du porc. On admettait que les produits d'un champ de Samarie
n'étaient pas impurs parce qu'ils sortaient directement du
sol, mais ces produits devenaient impurs s'ils étaient soumis
à un traitement quelconque entre les mains des Samaritains.
C'est ainsi que l'on pouvait acheter des raisins et du grain aux
Samaritains, mais on ne pouvait consommer ni le vin, ni la farine
fabriqués par des ouvriers samaritains à partir de ces
produits. Un jour on lança le qualificatif de « Samaritain »
à l'adresse du Christ dans l'intention de l'insulter.
« N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain
et que tu as en toi un démon [2] ? » La
conception samaritaine de la mission du Messie attendu était
relativement mieux fondée que celle des Juifs, car les
Samaritains accordaient plus d'importance au royaume spirituel que le
Messie établirait et étaient moins exclusifs dans leurs
conceptions de ceux à qui les bénédictions
messianiques seraient accordées.
Dans
son voyage en Galilée, Jésus prit le chemin le plus
court, qui traversait la Samarie ; et il ne fait aucun doute que
son choix fut guidé par un dessein, car nous lisons qu'il
« fallait qu'il traverse la Samarie » [3].
La route passait par ou près de la ville appelée
Sychard « près du champ que Jacob avait donné
à Joseph, son fils » [4]. Là se
trouvait le puits de Jacob, qui était tenu en haute estime,
non seulement pour sa valeur intrinsèque comme source d'eau
intarissable, mais aussi parce qu'il était lié à
la vie du grand patriarche. Jésus, las de son long voyage, se
reposa au puits, tandis que ses disciples se rendaient à la
ville pour acheter de la nourriture. Une femme vint remplir sa jarre
à eau, et Jésus lui dit : « Donne-moi à
boire. » En vertu des lois de l'hospitalité
orientale qui régnaient alors, demander de l'eau était
une requête qui ne devait jamais être refusée s'il
était possible de l'accorder ; cependant la femme hésita,
car elle était étonnée qu'un Juif demandât
une faveur à une Samaritaine, quelque grand que fût le
besoin. Elle exprima sa surprise par la question : « Comment
toi qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis
une Samaritaine ? Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations
avec les Samaritains. » Jésus, semblant oublier sa
soif dans son désir d'enseigner, lui répondit en
disant : « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui
est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! C'est toi
qui lui aurais demandé (à boire), et il t'aurait donné
de l'eau vive. » La femme lui rappela qu'il n'avait pas de
seau, ni de corde pour la retirer du puits profond et l'interrogea en
outre sur ce qu'il voulait dire, ajoutant : « Es-tu
plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce
puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses
troupeaux ? »
Jésus
découvrit dans les paroles de la femme un esprit semblable à
celui avec lequel le savant Nicodème avait reçu ses
enseignements ; il leur était impossible à l'un
comme à l'autre de saisir la leçon spirituelle qu'il
voulait donner. Il lui expliqua que l'eau du puits n'aurait qu'un
avantage temporaire ; celui qui en buvait aurait de nouveau
soif ; « mais, ajouta-t-il, celui qui boira de l'eau
que je lui donnerai, n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie
éternelle ». L'intérêt de la femme fut
vivement éveillé, que ce fût par curiosité
ou par une émotion plus profonde, car c'est elle maintenant
qui lui fit la demande, et, lui donnant un titre de respect, dit :
« Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus
soif et que je ne vienne plus puiser ici. » Elle ne
pouvait rien voir au-delà des avantages matériels que
pourrait donner une eau qui apaiserait la soif une fois pour toutes.
Le résultat de la boisson qu'elle avait à l'esprit
serait de lui donner une immunité contre un besoin corporel et
de lui épargner le travail de venir tirer de l'eau du puits.
Le
sujet de la conversation fut brusquement changé lorsque Jésus
lui dit d'aller appeler son mari et de revenir. Quand elle lui
répondit qu'elle n'avait pas de mari, Jésus lui révéla
son pouvoir surhumain de discernement en disant qu'elle avait dit la
vérité, étant donné qu'elle avait eu cinq
maris, tandis que l'homme avec lequel elle vivait alors n'était
pas son mari. Il est certain qu'aucun être ordinaire n'aurait
pu lire ainsi l'histoire déplaisante de sa vie ; elle
confessa impulsivement sa conviction, disant : « Seigneur,
je vois que tu es prophète. » Elle voulait
détourner la conversation et, indiquant le mont Guérizim,
sur lequel le prêtre sacrilège Manassé avait
érigé un temple samaritain, elle fit une réflexion
qui avait peu de rapport avec ce qui avait été dit
précédemment : « Nos pères ont
adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que le
lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Jésus répliqua dans une veine encore plus profonde, lui
disant que le moment était proche où ce ne serait ni
cette montagne, ni Jérusalem qui seraient le lieu du culte par
excellence ; et il lui reprocha clairement de penser que les
croyances traditionnelles des Samaritains étaient aussi bonnes
que celles des Juifs ; car, dit-il : « Vous
adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que
nous connaissons, car le salut vient des Juifs. » Aussi
changée et corrompue que la religion juive fût devenue,
elle était meilleure que celle des Samaritains ; car les
Juifs acceptaient les prophètes, et c'était de Juda que
le Messie était venu. Mais, comme Jésus le lui
expliqua, le lieu du culte était moins important que l'esprit
de l'adorateur. « Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui
l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. »
Ne
pouvant pas ou ne voulant pas comprendre ce que le Christ voulait
dire, la femme chercha à mettre fin à la leçon
par une réflexion qui, pour elle, n'était probablement
que faite en passant : « Je sais que le Messie vient
- celui qu'on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera
tout. » Alors, à son profond étonnement,
Jésus lui répondit par la déclaration terrible :
« Je le suis, moi qui te parle. » Le langage
était sans équivoque, l'affirmation ne demandait aucune
interprétation. La femme devait le considérer
dorénavant soit comme un imposteur, soit comme le Messie. Elle
laissa sa cruche au puits et, se hâtant de retourner à
la ville, parla de son expérience, disant : « Venez
voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; ne serait-ce
pas le Christ ? »
Vers
la fin de l'entretien entre Jésus et la femme, les disciples
arrivèrent avec les provisions qu'ils étaient allés
chercher. Ils s'étonnèrent de trouver le Maître
en conversation avec une femme, et une Samaritaine qui plus est ;
et cependant aucun d'eux ne lui demanda d'explications. Son attitude
dut leur faire sentir que l'événement était
grave et solennel, Lorsqu'ils l'exhortèrent à manger,
il dit : « J'ai à manger une nourriture que
vous ne connaissez pas. » Pour eux, ces paroles n'avaient
aucun sens au-delà du sens littéral, et ils se
demandèrent entre eux si quelqu'un lui avait apporté de
la nourriture au cours de leur absence ; mais il les éclaira
de cette manière : « Ma nourriture est de
faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir
son oeuvre. »
Une
foule de Samaritains apparut venant de la ville. Levant les yeux sur
eux et sur les champs de blé voisins, Jésus
poursuivit : « Ne dites-vous pas qu'il y a encore
quatre mois jusqu'à la moisson ? Eh bien ! je vous
le dis, levez les yeux et regardez les champs qui sont déjà
blancs pour la moisson. » La portée de cette parole
semble être que bien que des mois dussent se passer avant que
le blé et le seigle ne fussent prêts pour la faucille,
la moisson des âmes, représentées par la foule
qui s'approchait, était alors même prête, et que
les disciples pouvaient récolter ce qu'il avait semé,
pour leur profit inestimable, puisqu'ils auraient un salaire pour
leur travail et rassembleraient les fruits d'un travail fait par
quelqu'un d'autre qu'eux.
Un
grand nombre de Samaritains crurent au Christ, d'abord par la force
du témoignage de la femme, puis à cause de leur propre
conviction ; et ils dirent à la femme à
l'instigation de qui ils étaient tout d'abord allés le
trouver : « Ce n'est plus à cause de tes dires
que nous croyons ; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et
nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Il accéda gracieusement à leur désir de le voir
rester et demeura deux jours avec eux. Il ne fait aucun doute que
Jésus n'éprouvait pas le préjugé national
que les Juifs avaient pour les Samaritains ; une âme
honnête était acceptable pour lui d'où qu'elle
vint. Il est probable que la semence qui fut plantée au cours
de ce bref séjour de notre Seigneur parmi le peuple méprisé
de Samarie fut celle dont une moisson si riche fut récoltée
par les apôtres dans les années ultérieur [5].
JÉSUS
RETOURNE EN GALILÉE : À CANA ET À NAZARETH
Après
les deux jours de séjour parmi les Samaritains, Jésus,
accompagné des disciples qui avaient voyagé avec lui
depuis la Judée, reprit le voyage en direction du nord, en
Galilée, province qu'il avait quittée depuis plusieurs
mois. Se rendant compte que le peuple de Nazareth, ville dans
laquelle il avait été élevé, aurait
probablement mauvais gré à le reconnaître comme
quelque chose d'autre que le charpentier, ou, comme il le déclara,
sachant qu'un « prophète n'est pas honoré
dans sa propre patrie » [6], il se rendit tout
d'abord à Cana. Le peuple de cette région, et de fait,
les Galiléens en général, le reçurent
avec plaisir ; en effet beaucoup d'entre eux avaient assisté
à la dernière Pâque et avaient probablement été
personnellement témoins des miracles qu'il avait accomplis en
Judée. Tandis qu'il était à Cana, il reçut
la visite d'un noble, probablement un fonctionnaire important de la
province, qui le supplia de se rendre à Capernaüm et de
guérir son fils, qui était sur le point de mourir.
Voulant probablement montrer à l'homme l'état véritable
de son esprit, car nous ne pouvons douter que Jésus pouvait
lire ses pensées, notre Seigneur lui dit : « Si
vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croirez donc
point [7] ! » Comme nous l'avons déjà
remarqué dans des exemples antérieurs, en particulier
lorsque Jésus refusa de se confier à ceux qui se
prétendaient croyants à Jérusalem et dont la foi
reposait uniquement sur leur étonnement des choses qu'il
faisait [8], notre Seigneur ne voulait pas considérer les
miracles, même ceux qu'il accomplissait, comme un fondement
suffisant et sûr de la foi. Le noble suppliant, angoissé
de l'état précaire de son fils, ne se vexa nullement de
la réprimande qu'un esprit chicaneur aurait pu déceler
dans la réponse du Seigneur ; avec une humilité
sincère qui montrait sa foi que Jésus pouvait guérir
l'enfant, il renouvela sa supplique avec insistance :
« Seigneur, descends avant que mon petit enfant ne
meure. »
Il
est probable que l'homme n'avait jamais réfléchi aux
moyens ou aux processus directs par lesquels les paroles d'un être
quelconque pouvaient détourner la mort et assurer la
guérison ; mais dans son cœur il croyait à
la puissance du Christ et supplia notre Seigneur avec une ferveur
pathétique d'intervenir en faveur de son fils mourant. Il
semblait considérer comme nécessaire que le Guérisseur
fût présent, et sa grande crainte était que le
garçon ne vécût point jusqu'à ce que Jésus
fût arrivé. « Va, ton fils vit. Cet homme
crut à la parole que Jésus lui avait dite et il s'en
alla. » La sincérité de la confiance de
l'homme se révèle dans le fait qu'il accepta avec
reconnaissance l'assurance du Seigneur et dans le contentement qu'il
manifesta immédiatement. Capernaüm, où son fils se
trouvait, était à environ trente kilomètres de
là ; s'il avait encore été soucieux et
sceptique, il aurait probablement essayé de retourner chez lui
le jour même, car il était une heure de l'après-midi
lorsque Jésus prononça les paroles qui lui avaient
procuré un tel soulagement ; mais il retourna à
l'aise, car le lendemain il était encore en route et rencontra
certains de ses serviteurs qui avaient été envoyés
pour le réjouir de la bonne nouvelle que son fils était
guéri. Il demanda quand le garçon avait commencé
à se sentir mieux, et on lui répondit que la fièvre
l'avait quitté à la septième heure de la veille.
C'était le moment où le Christ avait dit : « Ton
fils vit. » La croyance de l'homme mûrit rapidement,
et lui et sa maison acceptèrent l'Évangile [9].
C'est le deuxième miracle que Jésus accomplit à
Cana, bien que dans ce cas, le sujet béni se trouvât à
Capernaüm.
La
réputation de notre Seigneur se répandit dans toute la
région alentour. Pendant une période qui n'est pas
précisée, il enseigna dans les synagogues des villes et
fut reçu avec faveur, étant « glorifié
par tous » [10]. Il retourna ensuite à
Nazareth, son ancienne demeure et, comme c'était sa coutume,
assista au service de la synagogue le jour du sabbat. Enfant et jeune
homme, il s'était assis de nombreuses fois dans cette maison
de culte, écoutant la lecture de la loi et des prophètes
et les commentaires ou targoums [11] qui s'y rapportaient,
prononcés par des lecteurs désignés ; mais
maintenant, instructeur reconnu d'âge légal, il avait le
droit de prendre la place du lecteur. En cette occasion, il se leva
pour lire, lorsque le service fut parvenu au stade auquel des
extraits des livres prophétiques devaient être lus à
l'assemblée. L'officiant lui donna le rouleau ou livre
d'Ésaïe ; il l'ouvrit à la partie que nous
connaissons comme le début du soixante et unième
chapitre et lut : « L'Esprit du Seigneur est sur moi,
parce qu'il m'a oint [pour guérir ceux qui ont le cœur
brisé ;] pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ;
il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance,
et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les
opprimés, pour proclamer une année de grâce du
Seigneur » [12]. Tendant le livre à
l'officiant, il s'assit. Il était permis au lecteur, lors du
service de la synagogue juive, de faire des commentaires pour
expliquer ce qui avait été lu ; mais pour ce faire
il devait s'asseoir. Lorsque Jésus s'assit, le peuple sut
qu'il était sur le point d'expliquer le texte, et « Les
yeux de tous, dans la synagogue, étaient fixés sur
lui ». L'Écriture qu'il avait citée, toutes
les classes reconnaissaient qu'elle faisait tout particulièrement
allusion au Messie dont la nation attendait la venue. La première
phrase du commentaire de notre Seigneur fut stupéfiante ;
elle ne contenait aucune analyse laborieuse, aucune interprétation
scolastique, mais une application directe et sans ambiguïté :
« Aujourd'hui cette (parole de l')Écriture que vous
venez d'entendre, est accomplie. » Il y avait une telle
grâce dans ses paroles que tous s'étonnèrent, et
dirent : « N'est-ce pas le fils de Joseph [13] ? »
Jésus
connaissait leurs pensées, même s'il n'entendait pas
leurs paroles et, prévenant leurs critiques, il dit :
« Certainement, vous me citerez ce proverbe :
Médecin, guéris-toi toi-même ; tout ce qui
s'est produit à Capernaüm et que nous avons appris,
fais-le ici dans ta patrie. Il leur dit encore : En vérité,
en vérité, je vous le dis, aucun prophète n'est
bien reçu dans sa patrie. » Dans son cœur, le
peuple était vivement désireux de voir un signe, un
prodige, un miracle. Il savait que Jésus en avait accompli à
Cana et qu'un garçon de Capernaüm avait été
guéri par sa parole ; à Jérusalem
également, il avait étonné le peuple de ses
œuvres puissantes. Allaient-ils, eux, ses concitoyens, être
négligés ? Pourquoi ne leur faisait-il pas une
démonstration amusante de ses pouvoirs ? Il poursuivit
son discours, leur rappelant que du temps d'Élie où,
pendant trois ans et demi, il n'avait pas plu et où la famine
avait régné, le prophète avait été
envoyé à une seulement des nombreuses veuves, et ce, à
une femme de Sarepta, à Sidon, une Gentile qui n'était
pas une fille d'Israël. Et encore, bien qu'il y eût
beaucoup de lépreux en Israël du temps d'Élisée,
un seul lépreux, et ce, un Syrien, pas un Israélite,
avait été purifié par le ministère du
prophète, car Naaman seul avait manifesté la foi
requise.
Alors
leur colère fut grande. Osait-il les classer parmi les Gentils
et les lépreux ? Allaient-ils se laisser comparer à
des infidèles méprisés, et cela par le fils du
charpentier du village, qui avait grandi depuis son enfance dans leur
communauté ? En proie à une rage diabolique, ils
saisirent le Seigneur et l'emmenèrent au sommet de la colline
sur le versant de laquelle la ville était construite, décidés
à venger leur amour-propre blessé en le précipitant
du haut des falaises rocheuses. C'est ainsi que dès le début
de son ministère, les forces de l'opposition atteignirent une
intensité meurtrière. Mais le moment n'était pas
encore venu pour le Seigneur de mourir. La foule furieuse fut
impuissante à faire un pas de plus que leur victime ne voulait
lui permettre. « Mais lui, passant au milieu d'eux, s'en
alla. » Nous ne savons pas s'ils furent paralysés
par la grâce de sa présence, réduits au silence
par la puissance de ses paroles ou arrêtés par une
intervention encore plus effrayante. Il quitta les Nazaréens
incrédules, et dorénavant Nazareth ne fut plus sa
demeure.
À
CAPERNAÜM
Jésus
se dirigea vers Capernaüm [14], qui devint presque son lieu
de résidence en Galilée. C'est là qu'il
enseigna, surtout le jour du sabbat ; et le peuple était
étonné de sa doctrine, car il parlait avec autorité
et puissance [15]. Dans la synagogue, lors d'une de ces
occasions, il y avait un homme qui était possédé
et sujet aux ravages de l'esprit mauvais ou, comme le texte le
déclare d'une manière si frappante, qui « avait
un esprit de démon impur ». Il est significatif que
cet esprit mauvais, qui avait acquis un tel pouvoir sur cet homme,
qui contrôlait ses actions et ses paroles, fut terrifié
devant notre Seigneur et s'écria d'une voix forte, quoique
suppliante : « Hé ! que nous veux-tu,
Jésus de Nazareth ? Tu es venu nous perdre. Je sais qui
tu es : le Saint de Dieu. » Jésus réprimanda
l'esprit impur, lui commandant de se taire et de quitter l'homme ;
le démon obéit au Maître, et après avoir
jeté sa victime dans un paroxysme violent bien qu'inoffensif,
il le quitta. Devant ce miracle, les témoins s'étonnèrent
encore plus et s'exclamèrent : « Quelle est
cette parole ? Il commande avec autorité et puissance aux
esprits impurs, et ils sortent ! Et sa renommée se
répandait dans toute la région » [16]. Le
soir du même jour, lorsque le soleil se fut couché, et
par conséquent lorsque le sabbat fut terminé [17]
le peuple s'attroupa autour de lui, amenant amis et parents
affligés ; Jésus les guérit de leurs
maladies diverses, corporelles et mentales. Parmi ceux qui étaient
ainsi soulagés il y en avait beaucoup qui avaient été
possédés de démons, et ceux-ci s'écrièrent,
forcés de témoigner de l'autorité divine du
Maître : « Tu es le Fils de Dieu » [18].
En
ces occasions comme en d'autres, nous voyons des esprits mauvais
exprimer par la bouche de leurs victimes leur connaissance que Jésus
était le Christ ; et dans tous ces cas le Seigneur, d'un
mot, leur imposa silence ; car il ne voulait pas qu'un
témoignage tel que le leur attestât de sa divinité.
Ces esprits faisaient partie de la suite du diable, membres des
armées rebelles et battues qui avaient été
précipitées par la puissance de l'être même
dont ils reconnaissaient maintenant l'autorité et la puissance
dans leur frénésie démoniaque. Avec Satan
lui-même, leur chef vaincu, ils restaient désincarnés,
car les droits du deuxième état ou état mortel
leur avaient été refusés à tous [19] ;
leur souvenir des événements qui avaient culminé
dans leur expulsion du ciel était ravivé par la
présence du Christ, bien qu'il se trouvât dans un corps
de chair.
Beaucoup
d'auteurs modernes ont essayé d'expliquer le phénomène
de la possession par les démons ; outre ceux-ci il ne
manque pas de gens pour nier la possibilité qu'une victime
puisse être véritablement dominée par des
personnages d'esprit. Cependant les Écritures montrent
clairement le contraire. Notre Seigneur fit la distinction entre
cette forme d'affliction et la maladie corporelle simple dans ses
instructions aux Douze : « Guérissez les
malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez
les démons » [20]. Dans le récit
des incidents que nous examinons maintenant, Marc l'évangéliste
fait la même distinction, comme suit : « On lui
amena tous les malades et les démoniaques. » Dans
plusieurs cas, le Christ, en réprimandant des démons,
leur parla comme à des individus distincts de l'être
humain affligé [21], et à l'une de ces occasions,
il commanda au démon : « Sors de cet enfant et
n'y rentre plus » [22].
Dans
ce domaine comme dans les autres, l'explication la plus simple est la
vérité qui s'y rapporte ; les théories
basées sur des fondations autres que scripturaires sont
instables. Le Christ associait clairement les démons avec
Satan. Il le fit surtout dans son commentaire sur le rapport des
soixante-dix à qui il donna autorité et qu'il envoya,
et qui témoignèrent avec joie lors de leur retour que
même les démons leur avaient été soumis en
son nom. À ces serviteurs fidèles, il dit : « Je
voyais Satan tomber du ciel comme un éclair » [23]. Les
démons qui prennent possession des hommes, paralysant leur
libre arbitre et les forçant à obéir aux ordres
sataniques, sont les anges non incarnés du diable, dont le
triomphe est d'affliger les mortels, et si possible de les obliger à
pécher. Pour s'acquérir le plaisir transitoire de
posséder un corps de chair, ces démons sont avides
d'entrer même dans les corps d'animaux [24].
Il
se peut que ce soit dans l'intervalle entre la réprimande de
l'esprit mauvais de la synagogue et les miracles de guérison
et d'exorcisation le soir de ce jour de sabbat, que Jésus se
rendit à la maison de Simon, qu'il avait nommé
précédemment Pierre, et trouva la belle-mère de
son disciple, malade de la fièvre. Accédant à la
requête de la foi, il réprimanda la maladie ; la
femme fut immédiatement guérie, se leva de son lit et
offrit l'hospitalité de son foyer à Jésus et à
ceux qui étaient avec lui [25].
[1]
Note 1, fin du chapitre.
[2]
Jn 8:48.
[3]
Jn 4:4 ; on trouvera les incidents qui suivent aux versets 5-43.
[4]
Note 2, fin du chapitre.
[5]
Ac 8:5, 9:31,15:3.
[6]
Jn 4:44 ; cf. Mt 13:57 ; Mc 6:4 ; Lc 4:24.
[7]
Jn 4:48 ; lire versets 46-54.
[8]
Jn 2:23,24.
[9]
Note 3, fin du chapitre.
[10]
Lc 4:14,15 ; lire versets 16-32.
[11]
Note 4, fin du chapitre.
[12]
Lc 4:18,19 ; cf. Es 61:1,2.
[13]
Lc 4:22 ; cf. Mt 13:55-57 ; Mc 6:3 ; Jn 6:42.
[14]
Note 5, fin du chapitre.
[15]
Lc 4:32 ; cf. Mt 7:28,29, 13:54 ; Mc 1:22.
[16]
Lc 4:33-37 et Mc 1:23-28. Note 6, fin du chapitre.
[17]
Le sabbat des Juifs commençait le vendredi au coucher du
soleil et prenait fin au crépuscule du samedi.
[18]
Lc 4-41 ; cf. Mc 1:34, 3:11,12, 5:1-18 ; Mt 8:28-34.
[19]
Chap. 2.
[20]
Mt 10:8 ; voir verset 1 ; cf. 4:24 ; Mc
1:32,16:17,18 ; Lc 9:1.
[21]
Mt 8:32 ; Mc 1:25 ; Lc 4:35.
[22]
Mc 9:25.
[23]
Lc 10:17,18 ; cf. Ap 12:7-9.
[24]
Mt 8:29-33 ; Mc 5:11-14 ; Lc 8:32-34.
[25]
Mt 8:14,15 ; Mc 1:29-31 ; Lc 4:38,39.
NOTES
DU CHAPITRE 13
1.
Animosité entre Juifs et Samaritains : Lorsque l'on
étudie les Samaritains, on doit se rappeler qu'une certaine
ville et la région ou province dans laquelle elle se trouvait
s'appelaient toutes deux Samarie. Les faits principaux relatifs à
l'origine des Samaritains et à l'explication de l'animosité
mutuelle qui existait entre ce peuple et les Juifs à l'époque
du Christ ont été admirablement résumés
par Geikie (Life and Words of Christ, vol. 1, p. 495,6). Omettant les
autorités auxquelles il se réfère, nous le
citons : « Après la déportation des dix
tribus en Assyrie, la Samarie avait été repeuplée
par des colons païens provenant de diverses provinces de
l'empire assyrien, par des gens qui avaient fui les autorités
de la Judée, et par les retardataires de l'une ou l'autre des
dix tribus, qui retournèrent chez eux. Les premiers colons
païens, terrifiés de la prolifération des animaux
sauvages, surtout des lions, et attribuant ce fait à ce qu'ils
ne connaissaient pas le culte véritable du Dieu de la région,
se firent envoyer l'un des prêtres exilés et, suivant
ses instructions, ajoutèrent le culte de Jéhovah à
celui de leurs idoles - incident de leur histoire dont les juifs
allaient se servir plus tard dans leur haine et leur dérision
lorsqu'ils voulaient les railler, les traitant de « prosélytes
des lions », à cause de leur origine assyrienne, en
les appelant Cuthites. Mais en fin de compte, ils devinrent encore
plus rigidement attachés à la loi de Moïse que les
Juifs eux-mêmes. Vivement désireux d'être reconnus
comme Israélites, ils mirent tous leurs efforts à
s'unir aux deux tribus, lorsque celles-ci revinrent de captivité,
mais le puritanisme sévère d'Esdras et de Néhémie
n'admettait aucune alliance entre le sang pur de Jérusalem et
la race ternie du nord. Il était naturel que cet affront
provoquât du ressentiment et que celui-ci en retour excitât
de la rancune, au point que, à l'époque du Christ, des
siècles de lutte et d'offenses mutuelles, intensifiées
par la haine théologique des deux partis, en eussent fait des
ennemis implacables. Les Samaritains avaient construit un temple sur
le mont Guérizim pour rivaliser avec celui de Jérusalem,
mais il avait été détruit par Jean Hyrcan, qui
avait également rasé Samarie. Ils prétendaient
que leur montagne était plus sainte que le mont Moriah,
accusaient les Juifs d'ajouter à la parole de Dieu en recevant
les écrits des prophètes et s'enorgueillissaient de ne
reconnaître que le Pentateuque comme inspiré,
favorisaient Hérode parce que les Juifs le haïssaient, et
lui étaient loyaux ainsi qu'aux Romains également haïs,
avaient allumé des lumières sur les collines pour
tromper le calcul juif des nouvelles lunes et mettre ainsi la
confusion dans leurs fêtes, et, dans la prime jeunesse de
Jésus, étaient allés jusqu'à souiller le
temple lui-même, en y semant des ossements humains lors de la
Pâque.
« Les
Juifs leur vouaient une haine égale. Pour eux les Samaritains
n'étaient que des Cuthites, ou païens de Cuth. ‘La
race que je hais n'est pas une race’, dit le fils de Sirach. On
prétendait qu'un peuple qui avait adoré autrefois cinq
dieux ne pouvait rien avoir de commun avec Jéhovah. On se
moquait avec mépris de la prétention des Samaritains
que Moïse aurait enseveli le Tabernacle et ses vases au sommet
de Guérizim. On disait que sous Antiochus Epiphane, ils
avaient consacré leur temple au Jupiter grec. On ne niait pas
qu'ils gardaient les commandements de Moïse plus strictement
encore que les Juifs, afin de paraître être réellement
d'Israël ; mais leur paganisme, disait-on, avait été
prouvé par la découverte d'une colombe d'airain, qu'ils
adoraient, au sommet de Guérizim. En outre ils se vantaient de
ce que Hérode était leur bon roi qui avait épousé
une fille de leur peuple ; que, dans leur pays, il avait pu
librement suivre ses goûts romains, tant haïs en Judée ;
ils étaient restés tranquilles après sa mort,
lorsque la Judée et la Galilée étaient en
révolte, et à cause de leur pacifisme, le quart de
leurs taxes leur avait été remis et ajouté aux
fardeaux de la Judée. Leur amitié vis-à-vis des
Romains était une provocation supplémentaire. Alors que
les Juifs ne se tenaient tranquilles que sous l'effet de la sévérité
la plus rigoureuse et s'efforçaient par tous les moyens de
s'opposer à l'introduction de tout ce qui était
étranger, les Samaritains se réjouissaient de
l'importance nouvelle que leur loyauté à l'empire leur
avait donnée. Sichem était florissante : c'était
tout près, à Césarée, que le procurateur
avait sa cour. Une division de cavalerie, dans une caserne à
Sébaste - la vieille Samarie - avait été levée
dans le territoire. Les étrangers romains étaient plus
que bienvenus à passer l'été dans leurs vallées
ombragées.
« La
haine sans bornes qui venait de tant de sources trouvait son
expression dans la tradition selon laquelle une malédiction
spéciale avait été prononcée contre les
Samaritains par Esdras, Zorobabel et Josué. On disait que ces
grands personnages avaient réuni toute l'assemblée
d'Israël dans le temple, et que trois cents prêtres, avec
trois cents trompettes et trois cents livres de la Loi, et trois
cents docteurs de la Loi avaient été employés à
répéter, au milieu du cérémonial le plus
solennel, toutes les malédictions de la Loi contre les
Samaritains. Ils avaient été soumis à toutes les
formes d'excommunication, par le nom incommunicable de Jéhovah,
par les tables de la Loi, et par les synagogues célestes et
terrestres. Le nom même devint un reproche. « Nous
savons que tu es un Samaritain et que tu as un démon »,
dirent les Juifs à Jésus à Jérusalem...
Un oeuf samaritain, tel que la poule le pondait, ne pouvait être
impur, mais un oeuf bouilli ? Cependant quand l'intérêt
et la convenance étaient en cause, on s'efforçait, par
une casuistique subtile, d'inventer des excuses pour les relations
qui étaient inévitables. Le pays des Cuthites était
pur, de sorte qu'un Juif pouvait, sans scrupule, en récolter
et en manger le produit. Les eaux de Samarie étaient pures, de
sorte qu'un Juif pouvait les boire et s'y laver. Leurs demeures
étaient pures, de sorte qu'ils pouvaient y entrer et manger ou
y loger. Leurs routes étaient pures, de sorte que la poussière
qui s'en élevait ne souillait pas les pieds des Juifs. Dans
leurs paroles contradictoires, les rabbis allaient jusqu'à
dire que les aliments des Cuthites étaient permis si on n'y
mêlait aucun de leurs vins ou de leurs vinaigres, et même
leur pain sans levain était considéré comme
pouvant être utilisé à la Pâque. Les
opinions étaient ainsi incertaines, mais en règle
générale, des sentiments assez durs régnaient. »
Frankl
et d'autres affirment que le sentiment d'hostilité s'est
poursuivi jusqu'aujourd'hui, du moins de la part des Juifs. Ainsi,
comme le cite Farrar (p. 166 notes) : « Êtes-vous
Juif ? » demanda Salameh Cohen, le grand prêtre
samaritain, au Dr Frankl ; « Et vous venez nous
trouver, nous, des Samaritains, qui sommes méprisés des
Juifs ? » (Jews in the East, 11, 329). Il ajouta
qu'ils étaient disposés à vivre en amitié
avec les Juifs, mais que les Juifs évitaient toutes relations
avec eux. Peu après, visitant des Juifs Sépharadiques
de Nablus, le Dr Frankl demanda à un membre de cette
confession, « s'il avait eu des rapports quelconques avec
les Samaritains ? » Les femmes reculèrent avec
un cri d'horreur, et l'une d'entre elles dit : « Avez-vous
été parmi les adorateurs des pigeons ? »
Je dis que oui. Les femmes reculèrent de nouveau avec la même
expression de répugnance, et l'une d'entre elles dit :
« Prenez un bain purificateur ! » (Idem,
p. 334). Le chanoine Farrar ajoute : « J'eus le
plaisir de passer un jour parmi les Samaritains campés sur le
mont Guérizim, pendant leur Pâque annuelle, et je ne pus
voir dans leurs habitudes, ni dans leur caractère apparent,
aucune cause justifiant toute cette horreur et toute cette haine. »
2.
Sychar : La ville où demeurait la Samaritaine avec qui
Jésus conversa au puits de Jacob est appelée Sychar
dans Jean 4:5 ; ce nom ne se retrouve nulle part ailleurs dans
la Bible. On a essayé d'identifier ce lieu avec Sichem, ville
chère au cœur juif à cause de son rôle
important dans la vie des anciens patriarches. Toutefois,
actuellement, on admet en général que Sychar était
un petit village situé sur l'emplacement de l'Askar actuelle,
qui est, dit Zénos, « un village avec une source et
quelques tombes antiques taillées dans le roc, situé à
un kilomètre environ au nord du puits de Jacob ».
3.
Le noble de Capemaüm : Le nom du noble dont le fils fut
guéri par la parole de Jésus n'est pas donné. On
a essayé de l'identifier avec Chuza, intendant d'Hérode
Antipas, mais cette théorie se base sur une tradition
incertaine. La famille du noble accepta les enseignements du Christ,
« Jeanne, femme de Chuza, intendant d'Hérode »
(Lc 8:3) se trouvait parmi les femmes reconnaissantes et honorables
qui avaient reçu le ministère guérisseur de
notre Seigneur et qui donnèrent de leurs biens pour
l'avancement de son oeuvre. Il ne faut pas confondre une tradition
non confirmée avec l'histoire authentique.
4.
Les targoums : Les targoums sont d'antiques paraphrases juives
sur les Écritures, qui étaient données dans les
synagogues dans la langue du commun. Du temps du Christ, la langue
parlée par les Juifs n'était pas l'hébreu mais
un dialecte araméen. Edersheim déclare que l'hébreu
pur était la langue des savants et de la synagogue, et que les
lectures de passages de l'Écriture faites au public, devaient
être données par un interprète. « En
effet, dit-il, dans les temps les plus reculés, il était
interdit au methourgeman [interprète] de lire sa
traduction ou d'écrire un targoum, de peur que la paraphrase
n'en soit considérée comme ayant une autorité
égale à l'original. » L'usage de targoums
écrits était « sanctionné par
l'autorité avant la fin du deuxième siècle après
Jésus-Christ. C'est l'origine de nos deux plus anciens
targoumim existants - celui d'Onkelos (comme on l'appelle) sur le
Pentateuque et celui des Prophètes, attribué à
Jonathan, le fils d'Uzziel. Bien sûr ces noms ne représentent
pas exactement les auteurs des targoumim les plus anciens, que l'on
peut à bon droit considérer comme des révisions
ultérieures et autorisées de ce qui avait existé
précédemment sous une forme ou sous une autre. Mais
bien que ces œuvres aient leur origine en Palestine, il est à
remarquer que dans la forme sous laquelle nous les possédons
actuellement, ils sont le produit des écoles de Babylone »
(Life and Times of Jesus the Messiah, vol. 1, p. 10,11).
5.
Capernaüm : « Le nom Capernaüm signifie,
selon certaines autorités, ‘le village de Nahum’,
et selon d'autres, ‘le village de la Consolation’. En
suivant l'histoire de Jésus, nous allons découvrir que
beaucoup de ses grandes oeuvres furent accomplies, et beaucoup de ses
paroles les plus importantes prononcées à Capernaüm.
L'infidélité des habitants, après tous les
discours et toutes les oeuvres merveilleuses qu'il avait faites parmi
eux, poussa Jésus à dire : « Et toi,
Capernaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel !
non, tu seras abaissée jusqu'au séjour des morts »
(Mt 11:23). Cette prédiction s'est accomplie si totalement
qu'il ne reste aucune trace de la ville, et que l'emplacement même
qu'elle occupe est maintenant matière à discussion, car
il n'y a même aucune tradition ecclésiastique sur ce
lieu. Actuellement, deux endroits s'en réclament, chacun
avançant des arguments de probabilité tels que cela
fait de la question tout entière le point le plus difficile de
la topographie sacrée... Nous ne pourrons probablement jamais
connaître le fait exact. Jésus la condamna à
entrer dans l'oubli, et elle y repose. Nous nous contenterons des
allusions qu'y fait le Nouveau Testament en parlant de l'œuvre
de Jésus.
« Nous
apprenons que c'est quelque part sur le territoire de Zabulon et de
Nephtali, sur la rive occidentale de la mer de Galilée
(comparer Mt 4:13 avec Jn 6:24). C'est près ou dans ‘le
pays de Génésareth’ (comparer Mt 14:34 avec Jn
6:17,20,24), plaine de cinq kilomètres de long sur un
kilomètre et demi de large environ, dont Josèphe nous a
dit que c'était l'une des régions les plus prospères
et les plus populeuses de Palestine. Il se trouvait probablement sur
la grand-route menant de Damas vers le sud, par ‘la contrée
voisine de la mer’ (Mt 4:15). C'était grande sagesse que
de choisir ce lieu pour commencer un grand ministère public.
Il s'y pressait une population affairée. La richesse extrême
de la magnifique plaine de Génésareth nourrissait la
masse des habitants qu'elle attirait. Josèphe (B. J., III,
10:8) donne une description enthousiaste de ce pays » -
Deems, Light of the Nations, p. 167,168.
6.
La connaissance n'assure pas le salut : « Jacques
autrefois réprimanda ses frères pour certaines
professions creuses (Jacques 2:19). Il dit en substance : Vous
tirez de l'orgueil et de la satisfaction à déclarer
votre foi en Dieu ; vous vous vantez de vous distinguer des
idolâtres et des païens parce que vous acceptez un seul
Dieu ; vous faites bien de professer cela, et de le croire ;
mais souvenez-vous que d'autres font de même : les démons
eux-mêmes croient, et, pouvons-nous ajouter, si fermement
qu'ils tremblent à la pensée du sort que cette foi rend
certaine. Ces confessions des démons que le Christ était
le Fils de Dieu étaient fondées sur la connaissance ;
cependant leur connaissance de la grande vérité ne
changeait pas leur nature mauvaise. Combien différent était
leur témoignage du Sauveur de celui de Pierre qui, à la
question du Maître : ‘Qui dites-vous que je suis ?’
répondit, utilisant pratiquement les termes employés
par les esprits impurs cités plus haut : (Tu es le
Christ, le Fils de Dieu vivant) (Mt 16:15,16, voir aussi Mc 8:29, Lc
9:20). La foi de Pierre avait déjà montré sa
force vivante. Elle l'avait poussé à abandonner
beaucoup de choses qui lui étaient chères, à
suivre le Seigneur dans les persécutions et les souffrances et
à abandonner la profanité avec toutes ses fascinations
pour la sainteté désintéressée que sa foi
rendait si désirable. Il ne savait probablement pas plus que
les esprits impurs que Dieu était le Père ou que le
Fils était le Rédempteur, mais alors que cette
connaissance n'était pour eux qu'une cause supplémentaire
de condamnation, pour lui, c'était un moyen de salut »
(Abrégé des Articles de Foi, p. 123-127).
CHAPITRE
14 : SUITE DU MINISTÈRE DE NOTRE SEIGNEUR EN GALILÉE
UN
LÉPREUX PURIFIÉ
Le
lendemain de ce sabbat mouvementé à Capernaüm,
notre Seigneur se leva « dès que le jour parut »
et partit en quête de solitude au-delà de la ville. Dans
un lieu solitaire il se livra à la prière, démontrant
ainsi que, bien qu'il fût le Messie, il était
profondément conscient qu'il dépendait du Père
dont il était venu accomplir l'œuvre. Simon Pierre et
d'autres disciples trouvèrent le lieu où il s'était
retiré et lui dirent que des foules impatientes le
cherchaient. Bientôt les gens s'assemblèrent autour de
lui et le supplièrent de rester avec eux ; mais « il
faut aussi que j'annonce aux autres villes la bonne nouvelle du
royaume de Dieu ; car c'est pour cela que j'ai été
envoyé » [1]. Et aux disciples il dit :
« Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que
j'y prêche aussi ; car c'est pour cela que je suis
sorti [2] ». Il partit de là, accompagné
de quelques-uns qu'il s'était déjà étroitement
associés, et exerça son ministère dans un grand
nombre de villes de Galilée, prêchant dans les
synagogues, guérissant les malades et chassant les démons.
Parmi
les affligés qui cherchaient l'aide que lui seul pouvait
donner, se présenta un lépreux [3], qui
s'agenouilla devant lui ou se prosterna le visage contre terre et
professa humblement sa foi, disant : « Si tu le veux,
tu peux me rendre pur. » La prière exprimée
par les paroles de ce pauvre homme était pathétique ;
la confiance qu'il manifesta est édifiante. La question qu'il
se posait n'était pas : Jésus peut-il me guérir ?
mais : Voudra-t-il me guérir ? Avec une miséricorde
compatissante, Jésus posa la main sur le malade, si impur
qu'il fût cérémoniellement et physiquement, car
la lèpre est une affliction répugnante, et nous savons
que chez cet homme, la maladie était à un stade avancé,
car on nous dit qu'il était « couvert de lèpre ».
Le Seigneur dit alors : « Je le veux, sois pur. »
Le lépreux fut immédiatement guéri. Jésus
lui ordonna de se montrer au sacrificateur et de faire les offrandes
prescrites par la loi de Moïse pour des cas comme le sien [4].
Dans
cette instruction nous voyons que le Christ n'était pas venu
détruire la loi, mais, comme il l'affirma à une autre
époque, pour l'accomplir [5] ; et à ce stade
de son oeuvre, l'accomplissement ne s'était pas encore tout à
fait réalisé. En outre, si les exigences légales
avaient été négligées dans une question
aussi grave que la réintégration d'un paria lépreux
dans la société de la communauté dont il avait
été exclu, l'opposition sacerdotale, qui grandissait
déjà et menaçait Jésus, en aurait été
augmentée et il aurait pu en résulter des entraves
supplémentaires à l'œuvre du Seigneur. L'homme
devait obéir aux instructions du Maître sans aucun
retard ; Jésus « le renvoya aussitôt
avec de sévères recommandations ». En outre
il ordonna explicitement à l'homme de ne parler à
personne de la manière dont il avait été guéri.
Il y avait peut-être de bonnes raisons de lui commander ainsi
de se taire, en plus de l'attitude très générale
de notre Seigneur qui était de refuser toute célébrité
indésirable ; en effet, si la nouvelle du miracle avait
précédé l'apparition de l'homme devant le
prêtre, on aurait pu dresser des obstacles pour empêcher
qu'il ne soit reconnu par les Lévites comme quelqu'un de pur.
Cependant l'homme ne put garder la bonne parole pour lui-même
mais s'en alla et « se mit à publier hautement la
nouvelle et à la colporter, de sorte que Jésus ne
pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Il se tenait dehors,
dans les lieux déserts, et l'on venait à lui de toutes
parts » [6].
GUÉRISON
ET PARDON D'UN PARALYTIQUE
Il
faut se souvenir qu'aucun des évangélistes n'essaie de
donner l'histoire détaillée de tous les actes de Jésus
et qu'ils ne relatent pas tous dans le même ordre les incidents
auxquels ils associent les grandes leçons de l'enseignement du
Maître. L'enchaînement réel des événements
est très incertain.
« Quelques
jours » après la guérison du lépreux,
Jésus se trouvait de nouveau à Capernaüm. Les
détails de ses préoccupations entre-temps au cours de
cet intervalle ne sont pas donnés, mais nous pouvons être
certains que son oeuvre se poursuivit, car son occupation
caractéristique était d'aller partout faisant le
bien [7]. Le lieu où il demeurait à Capernaüm
était bien connu, et la rumeur se répandit bientôt
qu'il était dans la maison [8]. Il se réunit une
si grande foule qu'il n'y avait pas de place pour la recevoir ;
même l'entrée était bondée de monde, et
les retardataires ne pouvaient s'approcher du Maître. Jésus
prêcha l'Évangile à tous ceux qui étaient
à portée de voix. Un petit groupe de quatre personnes
s'approcha de la maison, portant une civière ou un lit sur
lequel était couché un homme affligé d'une sorte
de paralysie qui privait le sujet de la capacité de se mouvoir
volontairement, et ordinairement de parler ; l'homme était
totalement désemparé. Ses amis, déçus de
se voir incapables de parvenir jusqu'à Jésus à
cause de la foule, eurent recours à un moyen peu ordinaire,
qui prouvait d'une manière indubitable leur foi que le
Seigneur pouvait réprimander et arrêter la maladie, et
leur détermination d'obtenir de ses mains la bénédiction
désirée.
Par
un moyen quelconque, ils portèrent l'homme affligé
jusqu'au toit plat de la maison, probablement par un escalier
extérieur ou en se servant d'une échelle, peut-être
en entrant dans une maison voisine, en montant l'escalier jusqu'à
son toit et en passant de là sur la maison dans laquelle Jésus
enseignait. Ils défoncèrent une partie du toit,
pratiquant une ouverture ou agrandissant celle de la trappe dont
étaient ordinairement pourvues les maisons de cet endroit et
de cette époque ; et, à la surprise de la foule
assemblée, ils descendirent alors le lit portatif sur lequel
le paralytique était couché. Jésus fut
profondément frappé de la foi et des œuvres [9]
de ceux qui avaient ainsi travaillé pour placer devant lui un
paralytique incapable de se mouvoir ; il connaissait
indubitablement aussi la foi confiante qui habitait le patient ;
et, regardant l'homme avec compassion, il dit : « Mon
enfant, tes péchés te sont pardonnés. »
Parmi
les gens qui étaient assemblés là, il y avait
des scribes, des Pharisiens et des docteurs de la loi, non seulement
des représentants de la synagogue locale mais également
des gens qui étaient venus de villes éloignées
de Galilée, et certains de Judée et même de
Jérusalem. Les notables s'étaient opposés à
notre Seigneur et à ses oeuvres précédemment, et
leur présence dans la maison à ce moment-là
annonçait de nouvelles critiques hostiles et peut-être
de l'obstruction. Ils entendirent les paroles qui furent dites au
paralytique et cela les mit en colère. Dans leur cœur,
ils accusèrent Jésus de la terrible offense qu'est le
blasphème, qui consiste essentiellement à attribuer à
un pouvoir humain ou démoniaque les prérogatives de
Dieu ou à déshonorer Dieu en lui supposant des qualités
inférieures à celles de la perfection [10]. Ces
savants incrédules, qui écrivaient et parlaient sans
cesse sur la venue du Messie et le rejetaient cependant lorsqu'il
était là, murmurèrent intérieurement,
disant : « Qui peut pardonner les péchés,
si ce n'est Dieu seul ? » Jésus connaissait
leurs pensées les plus intimes [11] et y répondit
en disant : « Pourquoi faites-vous de tels
raisonnements dans vos cœurs ? Qu'est-ce qui est plus
facile, de dire au paralytique : Tes péchés te
sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi, prends ton
lit et marche ? » Et puis pour souligner et pour
mettre hors de question le fait qu'il avait l'autorité divine,
il ajouta : « Or, afin que vous sachiez que le Fils
de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés :
Je te l'ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton
lit et va dans ta maison. » L'homme se leva, parfaitement
guéri et, prenant le matelas sur lequel on l'avait apporté,
sortit en leur présence. L'étonnement du peuple était
mêlé de respect, et beaucoup glorifièrent Dieu de
la puissance duquel ils étaient témoins.
Cet
incident réclame une étude plus approfondie de notre
part. Selon l'un des récits, les premières paroles du
Seigneur au patient furent : « Prends courage mon
enfant », suivies immédiatement de l'assurance
réconfortante et pleine d'autorité : « Tes
péchés te sont pardonnés » [12].
L'homme était probablement apeuré ; peut-être
savait-il que sa maladie était le résultat des péchés
auxquels il s'était livré ; néanmoins, en
dépit du fait qu'il ait pu penser à la possibilité
de n'entendre que condamner sa transgression, il eut la foi de se
faire amener. Dans la situation de cet homme, il y avait clairement
un lien étroit entre ses péchés passés et
son affliction présente ; et à ce point de vue,
son cas n'est pas unique, car nous lisons que le Christ en exhorta un
autre, qu'il guérit, à ne plus pécher de peur
que quelque chose de pire ne s'abattît sur lui [13]. Nous
n'avons cependant pas le droit de supposer que toutes les infirmités
corporelles sont le résultat du péché ; à
pareille conception s'opposent les instructions et la réprimande
que le Seigneur donna tout à la fois à ceux qui, dans
le cas de l'aveugle-né, demandaient qui avait péché,
de l'homme ou de ses parents, pour qu'une affliction aussi terrible
s'abattît sur lui. À cette question, notre Seigneur
répondit que la cécité de l'homme n'était
due ni à ses propres péchés ni à ceux de
ses parents [14].
Mais
dans beaucoup de cas, la maladie est le résultat direct des
péchés que l'intéressé a commis. Quelque
grands qu'aient pu être les péchés passés
de l'homme qui souffrait de paralysie, le Christ reconnut son
repentir ainsi que la foi qui l'accompagnait, et le Seigneur avait à
bon droit la prérogative de décider si l'homme était
digne de recevoir la rémission de ses péchés et
d'être soulagé de son affliction corporelle. La réponse
interrogative de Jésus à la critique muette des
scribes, des Pharisiens et des docteurs a été
interprétée de nombreuses manières. Il demanda
ce qui était le plus facile, de dire : « Tes
péchés te sont pardonnés », ou de
dire : « Lève-toi, prends ton lit et marche. »
N'est-il pas raisonnable de dire que, étant prononcées
avec autorité par lui, les deux expressions avaient un sens
apparenté ? L'événement aurait dû
être une démonstration suffisante pour tous ceux qui
entendaient, que lui, le Fils de l'homme, prétendait au droit
et à l'autorité de remettre les châtiments tant
physiques que spirituels, de guérir le corps de maladies
visibles et de purger l'esprit de la maladie non moins réelle
du péché, et que ce droit, il l'avait. En présence
de gens de toutes classes, Jésus affirmait ainsi ouvertement
sa divinité et confirmait celle-ci par une manifestation
miraculeuse de puissance.
L'accusation
de blasphème que les critiques rabbiniques formulèrent
dans leur esprit contre le Christ ne devait pas prendre fin comme une
conception mentale à eux, ni ne devait être rendue nulle
par les paroles ultérieures de notre Seigneur. C'est par le
parjure qu'on finit par le condamner injustement et par l'envoyer à
la mort [15]. Déjà, dans cette maison de
Capernaüm, l'ombre de la croix s'était placée en
travers du cours de sa vie.
PÉAGERS
ET GENS DE MAUVAISE VIE
Quittant
la maison, Jésus se rendit au bord de la mer, où le
peuple le suivit ; là il l'instruisit de nouveau. À
la fin de son discours il continua à avancer et vit un homme
du nom de Lévi, l'un des péagers [16] ou
collecteurs officiels d'impôts, assis au lieu des péages
où l'on devait payer l'impôt levé en vertu de la
loi romaine. Cet homme s'appelait aussi Matthieu, nom moins
typiquement juif que Lévi [17]. Il devint par la suite
l'un des Douze et l'auteur du premier des évangiles. Jésus
lui dit : « Suis-moi. » Matthieu quitta sa
place et suivit le Seigneur. Quelque temps plus tard le nouveau
disciple fit une grande fête chez lui, en l'honneur du Maître,
et à laquelle d'autres disciples assistèrent. Pour les
Juifs, le pouvoir de Rome, auquel ils étaient assujettis,
était tellement intolérable qu'ils avaient de
l'aversion pour tous les fonctionnaires employés par les
Romains. Ce qui était particulièrement humiliant pour
eux, c'était le système de l'impôt obligatoire,
selon lequel le peuple d'Israël devait payer tribut à une
nation étrangère qui, à leur avis, était
totalement païenne.
Naturellement,
les collecteurs de ces taxes étaient détestés ;
et ceux-ci, que l'on appelait péagers, éprouvaient
probablement du ressentiment pour le traitement grossier qui leur
était infligé et traduisaient ce sentiment en
appliquant exagérément les exigences de l'impôt,
et, comme les historiens l'affirment, pratiquaient souvent des
extorsions illégales sur le peuple. Si les péagers en
général étaient détestés, nous
pouvons comprendre aisément la violence du mépris que
les Juifs éprouvaient pour quelqu'un de leur propre nation qui
avait accepté d'être nommé à de pareilles
fonctions. C'est dans cette situation peu enviable que se trouvait
Matthieu lorsque Jésus l'appela. Les péagers formaient
une classe sociale distincte, car ils étaient pratiquement
exclus de la communauté en général. Tous ceux
qui avaient des rapports avec eux partageaient la haine populaire, et
il était d'usage d'appeler cette caste dégradée
« péagers, et gens de mauvaise vie ».
Beaucoup des amis de Matthieu et certains de ses collègues
furent invités à sa fête, de sorte que
l'assemblée était constituée en grande partie de
ces « péagers et gens de mauvaise vie »
méprisés. Et c'est à une telle assemblée
que Jésus se rendit avec ses disciples.
Les
scribes et les Pharisiens ne pouvaient laisser passer pareille
occasion de le critiquer et d'être sarcastiques. Ils hésitèrent
à s'adresser directement à Jésus ; mais ils
demandèrent avec dédain aux disciples : « Pourquoi
votre maître mange-t-il avec les péagers et les
pécheurs ? » Le Maître entendit et
répliqua sur un ton tranchant révélateur mêlé
d'une ironie splendide, citant l'un des aphorismes communs de
l'époque : « Ce ne sont pas les bien-portants
qui ont besoin de médecin, mais les malades. » À
cela il ajouta : « Je ne suis pas venu appeler des
justes, mais des pécheurs. » Il laissa les
Pharisiens hypercritiques tirer leurs conclusions de cette réponse,
dont certains peuvent avoir compris qu'elle signifiait que le Christ
attaquait leur hypocrisie et raillait leur prétention à
la supériorité. Contre le sarcasme voilé des
paroles du Maître, ils auraient dû percevoir la sagesse
contenue dans sa réponse et en faire leur profit. La place du
médecin n'est-elle pas parmi ceux qui sont affligés ?
Serait-il justifié s'il se tenait à l'écart des
malades et de ceux qui souffrent ? Sa profession est de
combattre la maladie, de l'empêcher lorsque c'est possible, de
la guérir lorsque c'est nécessaire, dans la pleine
mesure de ses possibilités. Si la fête chez Matthieu
comprenait réellement un certain nombre de pécheurs,
cet événement ne constituait-il pas une occasion rare
pour le Médecin des âmes d'exercer son ministère ?
Les justes n'ont pas besoin d'être appelés au repentir,
mais les pécheurs doivent-ils être laissés dans
leurs péchés, parce que ceux qui professent être
des maîtres spirituels ne veulent pas condescendre à
leur prêter une main secourable ?
L'ANCIEN
ET LE NOUVEAU
Peu
après la fête offerte par Matthieu, les Pharisiens
allaient exprimer une autre critique, et en cela ils furent secondés
par certains des disciples du Baptiste. Jean était en prison,
mais beaucoup de ceux qui avaient été attirés à
son baptême et avaient professé être ses disciples
restaient toujours attachés à ses enseignements et ne
pouvaient voir que le Personnage plus grand dont il avait témoigné
exerçait alors son ministère au milieu d'eux. Le
Baptiste avait observé scrupuleusement la loi ; son
ascétisme strict rivalisait avec la rigueur des pratiques
pharisaïques. Ses disciples bornés, maintenant sans chef,
s'unirent naturellement aux Pharisiens. Certains des disciples de
Jean vinrent trouver Jésus et l'interrogèrent
concernant son indifférence apparente à propos du
jeûne. Ils lui posèrent une question nette :
« Pourquoi nous et les Pharisiens jeûnons-nous,
tandis que tes disciples ne jeûnent pas [18] ? »
La réponse de notre Seigneur dut raviver dans l'esprit des
disciples du Baptiste maintenant emprisonné la mémoire
des paroles de leur chef bien-aimé, lorsqu'il s'était
comparé à l'ami de l'Epoux, et leur avait dit
clairement qui était le véritable Epoux [19]. « Et
Jésus leur répondit : Les amis de l'époux
peuvent-ils jeûner pendant que l'époux est avec eux ?
Aussi longtemps qu'ils ont l'époux avec eux, ils ne peuvent
jeûner. Les jours viendront où l'époux leur sera
enlevé, et alors ils jeûneront en ce jour-là » [20].
Si
ceux qui l'interrogeaient ne purent comprendre la portée
réelle de cette réponse, ils ne pouvaient s'empêcher
d'y voir l'intention du Christ d'abroger les observances purement
cérémonielles prévues par le code de lois
rabbinique et les nombreuses traditions associées à la
loi. Mais pour rendre le sujet plus clair à leur esprit
perverti, Jésus leur donna des exemples que l'on peut placer
parmi les paraboles. « Personne, dit-il, ne coud une pièce
de drap neuf à un vieil habit ; autrement le morceau neuf
emporterait le tout et la déchirure serait pire. Et personne
ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin
fait rompre les outres, et le vin et les outres sont perdus ;
mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves » [21].
Notre
Seigneur proclama ainsi la nouveauté et la plénitude de
son Évangile. Ce n'était nullement un rapiéçage
du judaïsme. Il n'était pas venu réparer des
vêtements vieux et déchirés ; la toile qu'il
donnait était nouvelle, et la coudre sur l'ancienne n'aurait
fait que déchirer de nouveau le tissu complètement usé
et laisser une déchirure encore plus vilaine que précédemment.
Ou pour prendre un autre exemple, il n'était pas prudent de
confier du vin nouveau à de vieilles bouteilles. Les
bouteilles auxquelles il est fait allusion ici étaient en
réalité des outres faites de peaux d'animaux et qui se
détérioraient évidemment avec l'âge. Tout
comme le vieux cuir se fend ou se déchire sous une pression,
même légère, de même les vieilles peaux des
bouteilles éclateraient sous la pression du jus en
fermentation, et le bon vin serait perdu. L'Évangile enseigné
par le Christ était une révélation nouvelle qui
remplaçait une révélation passée et
marquait l'accomplissement de la loi ; ce n'était pas un
simple ajout ni une répétition de commandements
passés ; elle comportait une nouvelle alliance éternelle.
Les efforts pour rapiécer les vêtements du
traditionalisme juif avec la nouvelle étoffe de l'alliance ne
pouvaient avoir de plus beau résultat qu'une déchirure
de l'étoffe. Le vin nouveau de l'Évangile ne pouvait
être contenu dans les vieux récipients des libations
mosaïques usés par le temps. Le judaïsme serait
diminué et le christianisme perverti par tout mélange
incongru de ce genre [22].
PÉCHEURS
D'HOMMES
Il
est improbable que les disciples qui suivirent Jésus au cours
des premiers mois de son ministère étaient restés
constamment avec lui jusqu'à l'époque que nous
examinons maintenant. Nous voyons que certains de ceux qui furent
appelés plus tard à l'apostolat poursuivaient leur
métier de pêcheurs alors même que Jésus
enseignait activement dans leur région. Un jour que le
Seigneur se trouvait près du lac ou de la mer de Galilée,
le peuple se pressa en grand nombre autour de lui, avide d'entendre
davantage des paroles merveilleuses qu'il avait l'habitude de
prononcer [23]. Près de cet endroit se trouvaient deux
bateaux de pêche qui avaient été tirés sur
la plage ; les propriétaires en étaient tout près,
occupés à laver et à réparer leurs
filets. L'un des bateaux appartenait à Simon Pierre, qui
s'était déjà engagé dans l'œuvre du
Maître ; Jésus monta dans ce bateau, puis demanda à
Simon de s'éloigner un peu de la terre. S'asseyant, comme les
instructeurs de l'époque le faisaient lorsqu'ils prononçaient
leurs discours, le Seigneur prêcha de cette chaire flottante à
la multitude qui se trouvait sur la rive. Le sujet du discours ne
nous est pas donné.
Lorsque
le sermon fut terminé, Jésus commanda à Simon
d'avancer en pleine eau et de jeter ses filets pour pêcher.
André était probablement avec son frère, et il
se peut qu'il y ait eu d'autres aides dans le bateau. Simon répondit
à Jésus : « Maître, nous avons
travaillé toute la nuit sans rien prendre, mais, sur ta
parole, je jetterai les filets. » Il fut bientôt
rempli de poissons, et la prise fut si grande que le filet commença
à rompre, et les pêcheurs affolés firent signe à
ceux qui se trouvaient dans l'autre bateau de venir à leur
rescousse. La prise remplit les deux bateaux à tel point
qu'ils paraissaient être prêts à couler. Simon
Pierre fut rempli d'étonnement de cette preuve nouvelle de la
puissance du Maître, et, tombant aux pieds de Jésus, il
s'exclama : « Seigneur, éloigne-toi de moi
parce que je suis un homme pécheur. » Jésus
lui répondit doucement par cette promesse : « Sois
sans crainte ; désormais tu seras pêcheur
d'hommes » [24]. Les occupants du deuxième
bateau étaient Zébédée et ses deux fils,
Jacques et Jean, ce dernier étant celui qui, avec André,
avait quitté le Baptiste pour suivre Jésus au
Jourdain [25]. Zébédée et ses fils étaient
les associés de Simon dans le commerce du poisson. Lorsque les
deux bateaux furent amenés à terre, les frères
Simon et André et les deux fils de Zébédée,
Jacques et Jean, quittèrent leurs bateaux et accompagnèrent
Jésus.
La
description ci-dessus est basée sur le texte de Luc ; les
récits plus courts et moins détaillés donnés
par Matthieu et Marc omettent l'incident de la pêche
miraculeuse et insistent sur l'appel des pêcheurs. Jésus
dit à Simon et à André : « Suivez-moi,
et je vous ferai pêcheurs d'hommes. » Le contraste
ainsi présenté entre leur métier précédent
et leur nouvel appel est d'une puissance frappante. Jusqu'alors ils
avaient attrapé du poisson, et le sort du poisson était
la mort ; dorénavant ils allaient attirer des hommes -
vers la vie éternelle. Pour Jacques et Jean l'appel ne fut pas
moins net, et ils quittèrent, eux aussi, tout ce qu'ils
possédaient pour suivre le Maître.
[1]
Lc 4:42-44.
[2]
Mc 1:38.
[3]
Mc 1:40-45, Mt 8:2-4, Lc 5:12-15.
[4]
Lv 14:2-10. Note 1, fin du chapitre.
[5]
Mt 5:17.
[6]
Mc 1:45.
[7]
Ac 10:38.
[8]
Mc 2:1-12 ; cf. Mt 9:2-8, Lc 5:17-24.
[9]
Cf. Jc 2:14-18.
[10]
Note 2, fin du chapitre.
[11]
Voir un autre cas où notre Seigneur lut des pensées, Lc
7:39-50.
[12]
Mt 9:2. Note 5, fin du chapitre.
[13]
Jn 5:14. Chap. 15 du présent ouvrage.
[14]
Jn 9:1-3.
[15]
Cf. Jn 10:33 et 5:18, Mt 26:65,66.
[16]
Note 3, fin du chapitre.
[17]
Mt 9:9-13, Mc 2:13-17, Lc 5:27-32.
[18]
Mc 2:18-22, Mt 9:14-17, Le 5:33-39.
[19]
Chap. 12.
[20]
Mc 2:19,20.
[21]
Mc 2:21,22.
[22]
Voir La Grande apostasie, 7:5.
[23]
Lc 5:1-11 ; cf. Mt 4:18-22, Mc 1:16-20.
[24]
Note 4, fin du chapitre.
[25]
Chap. 11.
NOTES
DU CHAPITRE 14
1.
La lèpre : Dans l'usage biblique, ce nom s'applique à
plusieurs maladies ayant cependant toutes certains symptômes en
commun, tout au moins dans les premiers stades de la maladie. La
véritable lèpre est un fléau dans beaucoup de
pays orientaux d'aujourd'hui. Zénos dans le Stand. Bible
Dict., dit : « La vraie lèpre, telle que nous
la connaissons dans les temps modernes, est une affection qui se
caractérise par l'apparition de nodules dans les sourcils, les
joues, le nez et les lobes des oreilles, ainsi que dans les mains et
les pieds, où la maladie ronge les articulations, provoquant
la chute des doigts et des orteils. Si les nodules n'apparaissent
pas, ils sont remplacés par des taches blanches ou décolorées
sur la peau (lèpre masculaire). Ces deux formes sont dues à
la dégénérescence fonctionnelle des nerfs de la
peau. Hansen découvrit en 1871 le bacille qui en était
la cause. Cependant un régime alimentaire défectueux
semble constituer un état favorable à la culture du
bacille. La lèpre était l'un des rares états
anormaux du corps que la loi lévitique déclarait
impurs. On prévoyait par conséquent des formalités
compliquées pour détecter son existence et pour la
purification de ceux qui en étaient guéris. »
Deems,
Light of the Nations, p. 185, résumant la description des
stades avancés de cette terrible maladie, écrit :
« Les symptômes et les effets de cette maladie sont
horribles. Il se produit une enflure blanche ou dartre, et la couleur
des cheveux de la partie atteinte passe de sa couleur naturelle au
jaune ; puis c'est l'apparition d'une infection qui va plus
profondément que la peau, ou de la chair dénudée
apparaissant dans l'enflure. Puis elle s'étend et attaque les
parties cartilagineuses du corps. Les ongles se détachent et
tombent, les gencives sont absorbées, et les dents se gâtent
et tombent ; l'haleine est une puanteur, le nez se décompose,
les doigts, les mains, les pieds peuvent être perdus ou les
yeux rongés. La beauté humaine passe en corruption, et
le patient a le sentiment d'être mangé comme par un
démon qui le consume lentement en un long repas sans remords
qui ne prendra fin que lorsqu'il sera détruit. Il est exclu de
ses semblables. Quand ils approchent de lui, il doit crier :
« Impur ! Impur ! » pour que toute
l'humanité se détourne de lui. Il doit abandonner femme
et enfants. Il doit aller vivre avec d'autres lépreux, dans le
spectacle décourageant de misères semblables à
la sienne. Il doit demeurer dans des maisons abandonnées ou
dans les tombes. Il est, comme le dit Trench, une parabole terrible
de la mort. En vertu des lois de Moïse (Lv 13:45, Nb 6:9, Ez
24:17) il était obligé de porter sur lui, comme s'il
portait le deuil de son propre décès, les emblèmes
de la mort, les vêtements déchirés ; il
devait garder la tête nue et la lèvre couverte, comme
c'était la coutume de ceux qui étaient en communion
avec les morts. Quand les Croisés apportèrent la lèpre
de l'Orient, on revêtait habituellement le lépreux d'un
linceul, et on disait pour lui les messes des morts... À
toutes les époques cette maladie d'une horreur indescriptible
a été considérée comme incurable ;
les Juifs croyaient qu'elle était infligée directement
par Jéhovah en punition d'une perversité extraordinaire
ou d'un acte coupable odieux, et que Dieu seul pouvait la guérir.
Lorsque Naaman fut guéri, et que sa chair lui revint comme
celle d'un petit enfant, il dit : ‘Voici : je
reconnais qu'il n'y a point de Dieu sur toute la terre, si ce n'est
en Israël’ (2 R 5:14,15). »
Trench,
dans ses Notes on the Miracles, p. 165-168, souligne le fait que la
lèpre ne se communique ordinairement pas par simple contact
extérieur, et il considère que l'isolement des lépreux
requis par la loi mosaïque est une leçon de choses pour
illustrer l'impureté spirituelle. Il dit : « Je
parle de la théorie erronée que la lèpre était
contagieuse d'une personne à l'autre, et que les lépreux
étaient si soigneusement séparés de leurs
semblables de peur qu'ils ne communiquent la maladie à
d'autres, de même que les vêtements déchirés,
la lèvre couverte, le cri : « Impur, impur »
(Lv 13:45) étaient des avertissements à tous qu'on
devait se tenir à distance, de peur qu'en touchant
involontairement un lépreux ou en s'approchant trop, on soit
atteint par cette maladie. Pour ce qui est de savoir s'il existe un
danger quelconque de ce genre, pratiquement tous ceux qui ont étudié
la question de près s'accordent pour dire que la maladie ne se
communiquait pas par contact ordinaire d'une personne à une
autre. Un lépreux pouvait la transmettre à ses enfants,
ou la mère des enfants d'un lépreux pouvait la recevoir
de lui ; mais elle ne se communiquait pas par contact ordinaire
d'une personne à l'autre. Toutes les indications de l'Ancien
Testament, de même que d'autres livres juifs, confirment la
thèse selon laquelle nous avons à faire ici à
quelque chose de beaucoup plus élevé qu'une simple
règle d'hygiène. C'est ainsi que là où la
loi de Moïse n'était pas observée, on n'excluait
pas nécessairement les personnes atteintes ; Naaman, le
lépreux, commandait les armées de Syrie (2 R 5:1) ;
Guéhazi, avec sa lèpre qui ne devait jamais être
purifiée (2 R 5:27), parlait familièrement avec le roi
de l'Israël apostat (2 R 8:5)... D'ailleurs, si la maladie avait
été aussi contagieuse, comment les prêtres
lévitiques y auraient-ils jamais échappé
eux-mêmes, obligés qu'ils étaient de par leur
office même de soumettre le lépreux à une
manipulation réelle et à l'examen le plus soigneux ?...
La
lèpre n'était rien moins qu'une mort vivante, qu'une
corruption de toutes les humeurs, qu'un empoisonnement des sources
mêmes de la vie, une dissolution graduelle du corps tout
entier, de telle sorte qu'un membre après l'autre se
décomposait réellement et tombait. Aaron décrit
avec précision l'aspect que le lépreux présentait
aux yeux des spectateurs, lorsque, plaidant pour Miryam, il dit :
« Qu'elle ne soit pas comme (l'enfant) mort-né,
dont la chair est à moitié consumée quand il
sort du sein de sa mère ! » (Nb 12:12). En
outre la maladie était incurable par l'art et le savoir-faire
de l'homme ; non que le lépreux ne pût pas
recouvrer la santé, car, quoique rares, de tels cas sont
prévus par la loi lévitique... le lépreux,
portant d'une manière si terrible sur le corps les signes
extérieurs et visibles du péché de l'âme,
était traité entièrement comme un pécheur,
comme quelqu'un en qui le péché avait atteint son
paroxysme, comme quelqu'un de mort dans ses infractions et ses
péchés. Il était une parabole terrible de la
mort. Il portait sur lui les emblèmes de la mort (Lv 13:45),
les vêtements déchirés, portant le deuil pour
lui-même comme pour quelqu'un de mort, la tête nue comme
avaient l'habitude de la porter ceux qui étaient souillés
par la communion avec les morts (Nb 6:9, Ez 24:27) et la lèvre
couverte (Ez 24:17)... mais le lépreux était comme
quelqu'un de mort, et, comme tel, était exclu du camp (Lv
13:46, Nb 5:2-4) et de la ville (2 R 7:3), cette loi étant si
strictement imposée que même la sœur de Moïse
ne pouvait en être exemptée (Nb 12:14,15) et que des
rois, comme Ozias (2 Ch 26:21, 2 Rois 15:5), devaient s'y soumettre ;
cette exclusion enseignait aux hommes que ce qui se produisait
figurativement ici se produirait réellement en état de
péché mortel. »
On
trouvera dans Lv chap. 14 les cérémonies complexes
exigées pour la purification d'un lépreux guéri.
2.
Le blasphème : L'essence du péché terrible
du blasphème ne réside pas, comme beaucoup le pensent,
dans l'impiété seulement, mais comme le Dr Kelso,
Stand. Bible Dict., le résume : « Tout emploi
incorrect du nom divin (Lv 24:11), toute conversation défavorable
à la Majesté de Dieu (Mt 26:65), et les péchés
arbitraires, c'est-à-dire les transgressions préméditées
des principes fondamentaux de la théocratie (Nb 9:13, 15:30,
Ex 31:14), étaient considérés comme blasphèmes ;
le châtiment en était la mort par lapidation (Lv
24:16). » Le Smith's Bible Dict., déclare :
« Le blasphème, dans le sens technique du mot,
signifie dire du mal de Dieu, et on le trouve dans ce sens dans Ps
74:18, Es 52:5, Rm 2:24, etc. C'est sur cette accusation que notre
Seigneur et Étienne furent condamnés à mort par
les Juifs. Lorsqu'une personne entendait un blasphème, elle
posait la main sur la tête de l'offenseur pour indiquer qu'il
était seul responsable du péché et, se levant,
déchirait son vêtement, lequel ne pouvait plus jamais
être réparé » (voir Mt 26:65.)
3.
Péager : « Mot appliqué tard aux
Romains qui achetaient au gouvernement le droit de lever des impôts
dans un territoire donné. Ces acheteurs, toujours des
chevaliers (les sénateurs étaient exclus en vertu de
leur rang), devenaient des capitalistes et formaient de puissantes
compagnies d'actionnaires dont les membres recevaient un pourcentage
sur le capital investi. Les capitalistes provinciaux ne pouvaient
acheter les impôts, qui étaient vendus à Rome aux
plus offrants, lesquels, pour se dédommager, sous-louaient
leurs territoires (contre une grosse avance sur le prix payé
au gouvernement) aux péagers locaux ; ceux-ci, à
leur tour, devaient prendre un bénéfice sur l'argent
payé pour le rachat. Étant contrôleurs des biens
fonciers aussi bien que collecteurs d'impôts, ils avaient
abondamment l'occasion d'opprimer le peuple, qui les haïssait
tant pour cette raison que parce que l'impôt lui-même
était le signe de sa sujétion à des étrangers »
(J. R. Sterrett dans Stand. Bible Dict.).
4.
Pêcheurs d'hommes : « Suivez-moi, et je vous
ferai pêcheurs d'hommes », dit Jésus à
des pêcheurs qui devinrent plus tard ses apôtres (Mt
4:19). La version de Marc est presque la même (1:17), tandis
que celle de Luc (5: 10) dit : « Désormais tu
seras pêcheur d'hommes. » La version correcte est,
comme les commentateurs s'accordent pratiquement pour le dire :
« Dorénavant tu prendras des hommes vivants. »
Cette traduction souligne le contraste donné dans le texte -
celui qui existe entre la capture des poissons pour les tuer, et de
se gagner des hommes pour les sauver. Examinez, dans cet ordre
d'idées, la prédiction que le Seigneur fit par
l'intermédiaire de Jérémie (16:16), que, pour
toucher Israël dispersé il enverrait : « Une
multitude de pêcheurs, et ils les pêcheront »,
etc.
5.
« Tes péchés te sont pardonnés. » :
Le commentaire suivant d'Edersheim (Life and Times of Jesus the
Messiah, vol. 1, p. 505,506) relatif à l'incident étudié
est instructif : « Dans ce pardon des péchés,
il présenta sa personne et son autorité comme divines,
et les prouva telles par la guérison miraculeuse qui suivit
immédiatement. Si les deux avaient été
intervertis [c'est-à-dire si le Christ avait tout d'abord
guéri l'homme et lui avait dit après que ses péchés
étaient pardonnés], cela aurait évidemment
prouvé son pouvoir, mais pas sa personnalité divine, ni
le fait qu'il avait l'autorité de pardonner les péchés ;
et c'est cela, et non le fait qu'il accomplissait des miracles, qui
était l'objet de son enseignement et de sa mission, dont les
miracles n'étaient que des preuves secondaires. C'est ainsi
que le raisonnement intérieur des scribes, qui était
clair et connu de celui qui lit toutes les pensées, eut pour
résultat exactement l'opposé de ce qu'ils auraient pu
attendre. Bien injustifié était le sentiment de mépris
que nous découvrons dans leurs paroles silencieuses, que nous
les lisions comme disant ‘Pourquoi celui-ci dit-il des
blasphèmes ?’ ou, selon une transcription plus
correcte : ‘Pourquoi celui-ci parle-t-il ainsi ? Il
blasphème !’ Cependant, selon leur point de vue,
ils avaient raison, car Dieu seul peut pardonner les péchés ;
et ce pouvoir n'a jamais été donné ou délégué
à l'homme. Mais était-il simplement un homme, comme
l'était même le plus honoré des serviteurs de
Dieu ? Homme, il l'était ; mais ‘le Fils de
l'Homme’... Il semblait facile de dire : ‘Tes péchés
ont été pardonnés.’ Mais pour lui, qui
avait l'autorité de le faire sur terre, ce n'était ni
plus facile ni plus difficile de dire : ‘Lève-toi,
prends ton lit et marche.’ Cependant ce dernier prouvait
assurément le premier, et lui donnait aux yeux de tous les
hommes une réalité indubitable. Et c'est ainsi que ce
furent les pensées de ces scribes qui, appliquées au
Christ étaient ‘mauvaises’ - puisqu'ils
l'accusaient de blasphème - qui fournirent l'occasion de
donner une preuve réelle de ce qu'ils auraient accusé
et nié. L'objectif tant des miracles que de ce miracle
particulier n'aurait pu être atteint d'aucune autre manière
que par les « pensées mauvaises » de ses
scribes lorsque, mises miraculeusement en lumière, elles
exprimaient le doute le plus intime et montraient du doigt la
question la plus importante concernant le Christ. Et ce fut donc, une
fois de plus, la colère de l'homme qui fit l'éloge du
Christ. »
CHAPITRE
15 : SEIGNEUR DU SABBAT
LE
SABBAT, PARTICULIÈREMENT SACRÉ POUR ISRAËL
La
sanctification du jour du sabbat était l'un des commandements
les plus importants que le Seigneur donna à Israël, son
peuple, dès une époque très reculée de
l'histoire de cette nation. En fait le respect du jour du sabbat,
jour où l'on cessait le travail ordinaire, était une
caractéristique nationale qui distinguait les Israélites
des peuples païens, et ce, à juste titre, car la sainteté
du sabbat devint le signe de l'alliance entre le peuple élu et
son Dieu. La sainteté du sabbat avait été
préfigurée dans le récit de la création,
avant que l'homme ne fût placé sur la terre, comme le
montre le fait que Dieu se reposa après les six périodes
ou jours d'œuvre créatrice, et bénit le septième
jour et le sanctifia [1]. Au cours de l'exode d'Israël, le
septième jour fut mis à part comme jour de repos,
pendant lequel il n'était pas permis de rôtir, bouillir
ou cuire de la nourriture. On devait rassembler une ration double de
manne le sixième jour, tandis que les autres jours il était
expressément interdit de mettre de côté un
surplus de ce pain quotidien envoyé du ciel. Le Seigneur
observait la sainteté du jour sacré en ne donnant pas
de manne ce jour-là [2].
Le
commandement de célébrer le sabbat d'une manière
stricte fut précisé de manière explicite dans le
décalogue écrit de la main de Dieu au milieu de la
gloire terrible du Sinaï ; et cette injonction fut rappelée
au peuple par des proclamations fréquentes [3]. Il
n'était pas permis d'allumer de feu ce jour-là, et il
est rapporté qu'un homme fut mis à mort pour avoir
rassemblé des morceaux de bois le septième jour [4].
Sous l'administration de prophètes ultérieurs, la
sainteté du sabbat, les bénédictions promises à
ceux qui sanctifiaient le jour, et le péché de
profanation du sabbat furent réitérés en des
termes d'une force inspirée [5]. Néhémie
fit des exhortations et des réprimandes à ce sujet et
attribua l'affliction de la nation au fait qu'elle avait perdu la
faveur de Jéhovah en violant le sabbat [6]. Le Seigneur
affirma par la bouche d'Ézéchiel que l'institution du
sabbat était le signe de l'alliance entre lui et le peuple
d'Israël ; et il réprimanda sévèrement
ceux qui ne respectaient pas ce jour-là [7]. Le respect
de la sainteté du sabbat était une exigence aussi
impérieuse pour la branche séparée de la nation
israélite qui avait colonisé le continent
américain [8].
L'observance
requise était cependant l'opposé même de
l'affliction et du fardeau ; le sabbat était consacré
au repos et à un juste agrément, et devait être
un jour de fête spirituelle devant le Seigneur. Il n'avait pas
été établi comme jour d'abstinence ; on
pouvait manger, mais la maîtresse comme la servante devaient
être soulagées de la tâche de préparer la
nourriture ; ni maître ni serviteur ne devaient labourer,
bêcher ou travailler ; et le jour de repos hebdomadaire
était tout autant l'aubaine du bétail que celui de ses
propriétaires.
Outre
le sabbat hebdomadaire, le Seigneur, dans sa miséricorde,
prescrivit également une année sabbatique. Tous les
sept ans la terre devait se reposer, ce qui augmentait sa
fertilité [9]. Lorsque sept fois sept ans s'étaient
écoulés, la cinquantième année devait
être célébrée du commencement à la
fin comme une année de jubilé, au cours de laquelle le
peuple devait vivre sur l'accroissement accumulé des saisons
de prospérité précédentes et se réjouir
de cette libéralité en se relevant l'un l'autre des
hypothèques et des contrats, en accordant la remise des dettes
et un soulagement général des fardeaux - toutes choses
qui devaient être faites avec miséricorde et en
justice [10]. Les sabbats établis par le Seigneur, que ce
fussent des jours, des semaines ou des années, devaient être
des périodes de délassement, de soulagement, de
bénédiction, de générosité et
d'adoration.
Pour
ceux, nombreux, qui professent considérer que la nécessité
du travail fait partie de la malédiction causée par la
chute d'Adam, le sabbat doit être comme un jour de répit
temporaire, une période d'exemption de travail et comme
l'occasion bénie de s'approcher davantage de la Présence
dont le genre humain a été exclu par le péché.
Pour ceux qui adoptent une conception plus élevée de la
vie et trouvent dans le travail tant le bonheur que les bénédictions
matérielles, ce soulagement périodique apporte du
délassement et donne un enthousiasme renouvelé pour les
jours qui suivent.
Mais
longtemps avant l'avènement du Christ, le but originel du
sabbat avait cessé d'être connu par la majorité
d'Israël, et l'esprit de son observance avait été
étouffé sous le poids des injonctions rabbiniques et
sous le formalisme des restrictions. À l'époque du
ministère du Seigneur, les précisions techniques
prescrites comme règles annexées à la loi
étaient presque innombrables, et le fardeau ainsi imposé
au peuple était devenu quasi insupportable. Parmi les
nombreuses exigences saines de la loi mosaïque, que les
instructeurs et les gouverneurs spirituels des Juifs avaient rendues
ainsi lourdes à supporter, celle de l'observance du sabbat
avait une place particulièrement importante. La « haie »,
qu'en vertu d'une théorie que rien ne justifiait, ils
professaient placer autour de la loi [11], était
particulièrement épineuse dans les sections consacrées
au sabbat juif. Même des infractions minimes aux règles
traditionnelles étaient sévèrement punies, et on
maintenait devant les yeux du peuple la menace suprême de la
peine capitale en cas de profanation extrême [12].
GUÉRISON
D'UN INVALIDE LE JOUR DU SABBAT
Étant
donné cette situation, nous ne sommes pas surpris de voir
notre Seigneur accusé assez rapidement dans le cours de son
oeuvre publique d'enfreindre le sabbat. Un exemple qui eut beaucoup
de suites importantes est rapporté par Jean [13], dont le
récit relate un miracle très impressionnant. Jésus
était de nouveau à Jérusalem, à l'époque
de l'une des fêtes juives [14]. Il y avait, près du
marché aux brebis de la ville, une piscine appelée
Béthesda. D'après la description que nous avons, nous
pouvons conclure que c'était une piscine naturelle ; il
se peut que l'eau ait été riche en solides ou en gaz
dissous, ou des deux, ce qui en faisait ce que nous appellerions
aujourd'hui une source minérale ; car nous voyons que
l'eau avait la réputation de posséder des vertus
curatives et que beaucoup de gens affligés venaient s'y
baigner. La source était du genre périodique ; à
certains moments ses eaux s'élevaient avec un bouillonnement,
puis redescendaient au niveau normal. On connaît des sources
minérales de ce genre dans beaucoup de parties du monde.
Certains croyaient que le gonflement périodique des eaux de
Béthesda provenait d'une action surnaturelle, et on disait que
« celui qui y descendait le premier après que l'eau
avait été agitée, était guéri,
quelle qu'ait été sa maladie ». La piscine
de Béthesda était entièrement ou partiellement
fermée ; et cinq portiques avaient été
construits pour abriter ceux qui attendaient à la source le
bouillonnement intermittent de l'eau.
Un
jour de sabbat, Jésus se rendit à la piscine et y vit
beaucoup de personnes affligées qui attendaient. Parmi elles
se trouvait un homme qui était cruellement affligé
depuis trente-huit ans. Nous pouvons déduire de la manière
dont l'homme décrivit son impuissance que sa maladie était
la paralysie, ou peut-être une forme extrême de
rhumatisme ; quelle que fût son affliction, elle le
rendait à ce point impotent qu'il avait peu de chance
d'arriver à la piscine au moment critique, car d'autres moins
invalides le précédaient ; or, selon les légendes
qui couraient sur les propriétés curatives de la
source, seul le premier à entrer dans la piscine après
l'agitation de l'eau pouvait s'attendre à guérir.
Jésus
reconnut dans l'homme quelqu'un qui était digne d'être
béni et lui dit : « Veux-tu retrouver la
santé ? » La question était si simple
qu'elle pouvait presque paraître superflue. Il est évident
que l'homme voulait être guéri, et il attendait
patiemment, quoique avidement, la petite chance qu'il avait de
pouvoir arriver à l'eau au bon moment. Il y avait cependant
une intention dans les paroles du Maître comme dans toutes ses
autres paroles. L'attention de l'homme était attirée
sur lui, fixée sur lui ; la question plantée dans
le cœur du malade renouvelait son désir d'avoir la santé
et la force dont il était privé depuis le temps de sa
jeunesse. Sa réponse fut pitoyable et révéla
l'état presque désespéré de son esprit ;
il ne pensait qu'aux vertus célèbres de la piscine de
Béthesda, disant : « Seigneur, je n'ai
personne pour me jeter dans la piscine quand l'eau est agitée,
et pendant que j'y vais, un autre descend avant moi. »
Alors Jésus lui dit : « Lève-toi ;...
prends ton lit et marche. » Immédiatement la force
fut rendue à l'homme, qui, pendant près de quatre
décennies, avait été un grand invalide ; il
obéit au Maître, et, prenant le petit matelas ou grabat
sur lequel il reposait, s'en alla.
Il
n'était pas allé loin que les Juifs, c'est-à-dire
certains de la classe gouvernante, car c'est dans ce sens que
l'évangéliste Jean emploie le terme, le virent porter
son lit ; or c'était le jour de sabbat. À leurs
réprimandes péremptoires, il répliqua, dans la
gratitude et la simplicité honnête de son cœur,
que celui qui l'avait guéri lui avait dit de prendre son lit
et de marcher. L'intérêt des enquêteurs passa
immédiatement de l'homme à celui qui avait accompli le
miracle ; mais l'ancien invalide ne pouvait nommer son
Bienfaiteur, ayant perdu Jésus de vue dans la foule avant
d'avoir eu l'occasion de l'interroger ou de le remercier. L'homme qui
avait été guéri s'en alla au temple,
probablement poussé par le désir d'exprimer sa
gratitude et sa joie dans la prière. C'est là que Jésus
le trouva et lui dit : « Voici, tu as retrouvé
la santé, ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive
quelque chose de pire. [15] » Cet homme s'était
probablement attiré son affliction par ses habitudes
pécheresses. Le Seigneur décida qu'il avait souffert
suffisamment dans son corps et mit fin à sa souffrance
physique en l'exhortant ensuite à ne plus pécher.
L'homme
s'en alla dire aux dirigeants quelle était la personne qui
l'avait guéri. Peut-être fit-il cela avec le désir
d'honorer et de glorifier celui qui lui avait donné sa
bénédiction ; rien ne permet de dire qu'il le fit
dans un but indigne même si, par son acte, il contribua à
augmenter la persécution de son Seigneur. Si intense était
la haine de la faction sacerdotale que les gouverneurs cherchèrent
le moyen de mettre Jésus à mort, sous le prétexte
spécieux qu'il enfreignait le sabbat. On pourrait se demander
pour quel acte ils auraient bien pu espérer le condamner, même
dans l'application la plus stricte de leurs règles. Il n'était
pas interdit de parler le jour du sabbat, et Jésus n'avait
fait que parler pour guérir. Il n'avait pas porté le
lit de l'homme et n'avait même pas essayé de faire le
plus léger travail physique. Leur propre interprétation
de la loi ne leur permettait pas de lui intenter de procès.
LA
RÉPONSE DE NOTRE SEIGNEUR AUX JUIFS ACCUSATEURS
Néanmoins,
les fonctionnaires juifs lancèrent des accusations contre
Jésus. Que l'entrevue se soit produite à l'intérieur
des murs du temple ou en pleine rue, sur la place du marché ou
dans la salle du jugement, cela n'a aucune importance. Sa réponse
à leurs accusations ne se limite pas à la question de
l'observance du sabbat ; elle représente le sermon le
plus complet des Écritures sur le sujet capital des rapports
entre le Père éternel et son Fils Jésus-Christ.
Sa
première phrase augmenta la colère déjà
intense des Juifs. À propos de l'œuvre qu'il avait
accomplie pendant le saint jour, il dit : « Mon Père
travaille jusqu'à présent. Moi aussi, je travaille. »
Ces paroles, ils les interprétèrent comme un
blasphème [16]. « À cause de cela, les
Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, non seulement
parce qu'il violait le sabbat, mais parce qu'il disait que Dieu était
son propre Père, se faisant lui-même égal à
Dieu. » À leurs protestations orales ou
inexprimées, Jésus répondit que lui, le Fils,
n'agissait pas indépendamment, et ne pouvait en fait rien
faire que ce qui était conforme à la volonté du
Père, et ce qu'il avait vu le Père faire, que le Père
aimait tellement le Fils qu'il lui montrait les oeuvres du Père.
Remarquons
que Jésus n'essaya nullement de réfuter leur
interprétation de ses paroles ; au contraire il confirma
que leurs déductions étaient correctes. Il s'associa
avec le Père en un rapport encore plus étroit et plus
exalté qu'ils ne l'avaient conçu. L'autorité que
le Père lui avait donnée ne se limitait pas à la
guérison des infirmités corporelles ; il avait
même le pouvoir de ressusciter les morts - « En
effet, comme le Père ressuscite les morts et les fait vivre,
de même aussi le Fils fait vivre qui il veut. » En
outre, le jugement des hommes lui avait été confié ;
et nul ne pouvait honorer le Père autrement qu'en honorant le
Fils. Venait ensuite cette déclaration tranchante : « En
vérité, en vérité, je vous le dis, celui
qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a
envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement,
mais il est passé de la mort à la vie. »
Le
royaume du Christ n'était pas limité par le tombeau ;
même le salut des morts dépendait entièrement de
lui ; et il proclama, aux oreilles terrifiées de ses
accusateurs abasourdis, la vérité solennelle qu'à
ce moment-là même, l'heure était proche où
les morts entendraient la voix du Fils de Dieu. Réfléchissez
à sa profonde affirmation : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, l'heure vient - et c'est
maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu ;
et ceux qui l'auront entendue vivront. » Il confondit les
Juifs pleins de rage meurtrière en déclarant qu'ils ne
pouvaient pas lui ôter la vie sans qu'il s'y soumît :
« En effet comme le Père a la vie en lui-même,
ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. »
Il prononça une autre parole tout aussi importante : « Et
il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement, parce qu'il
est le Fils de l'homme. » Lui, le Fils de l'Homme de
Sainteté exalté et glorifié et maintenant
lui-même homme mortel [17], allait être le juge des
hommes.
Il
n'est pas étonnant qu'ils aient été stupéfaits ;
jamais auparavant ils n'avaient entendu ni lu pareille doctrine ;
elle n'était ni des scribes ni des rabbis, pas plus que des
écoles pharisaïques ou sadducéennes. Mais il les
réprimanda pour leur étonnement, disant : « Ne
vous en étonnez pas ; car l'heure vient où tous
ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix. Ceux qui auront
fait le bien en sortiront pour la résurrection et la vie, ceux
qui auront pratiqué le mal pour la résurrection et le
jugement. [18] »
Cette
énonciation de la résurrection, faite si clairement que
les plus illettrés pouvaient la comprendre, dut offenser les
Sadducéens qui étaient là, car ils niaient
formellement la résurrection. Le Christ affirme ici d'une
manière absolument certaine que la résurrection est
universelle ; ce ne sont pas seulement les justes, mais même
ceux qui méritent la condamnation qui doivent ressusciter de
leur tombe dans leur corps de chair et d'os [19].
Puis,
affirmant solennellement une fois de plus l'unité de la
volonté de son Père et de la sienne, le Christ parla de
la question des témoins de son œuvre. Il admit ce qui
était une doctrine reconnue de l'époque, à
savoir que le témoignage qu'un homme seul rendait de lui-même
ne suffisait pas ; mais il ajouta : « C'est un
autre qui rend témoignage de moi, et je sais que le témoignage
qu'il rend de moi est vrai. » Il cita Jean-Baptiste et
leur rappela qu'ils lui avaient envoyé une délégation
et que Jean avait répondu en rendant témoignage du
Messie ; et Jean avait été une lumière
brûlante et brillante, et beaucoup s'étaient
temporairement réjouis de son ministère. Il laissa les
Juifs voir par eux-mêmes que le témoignage de Jean était
valide selon leur interprétation la plus stricte des lois de
la preuve. « Pour moi, poursuivit-il, ce n'est pas d'un
homme que je reçois le témoignage... Moi, j'ai un
témoignage plus grand que celui de Jean ; car les œuvres
que le Père m'a donné d'accomplir, ces oeuvres mêmes
que je fais témoignent de moi que le Père m'a envoyé.
Et le Père qui m'a envoyé a lui-même rendu
témoignage de moi. »
Puis,
en des termes qui les condamnaient catégoriquement, il leur
dit qu'ils étaient privés de la parole du Père
parce qu'ils refusaient de l'accepter, lui, que le Père avait
envoyé. Sur un ton direct et humiliant, il exhorta ces savants
de la loi, ces interprètes des prophètes, ces
traducteurs professionnels des Écritures saintes à se
mettre à lire et à étudier. « Vous
sondez les Écritures, dit-il, parce que vous pensez avoir en
elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent
témoignage de moi. » Il ajouta sur un ton
accusateur qu'eux, qui reconnaissaient et enseignaient que c'est dans
les Écritures que se trouve le chemin de la vie éternelle,
refusaient de venir à lui de qui ces mêmes Écritures
témoignaient, alors qu'en venant ils pouvaient obtenir la vie
éternelle. « Je ne reçois pas de gloire des
hommes, ajouta-t-il, Mais je vous connais : vous n'avez pas en
vous l'amour de Dieu. » Ils savaient qu'ils recherchaient
les honneurs des hommes, recevaient les honneurs les uns des autres,
étaient nommés rabbis et docteurs, scribes et
instructeurs, par la réception de titres et de grades tous
d'hommes ; mais ils rejetaient celui qui venait au nom de
quelqu'un d'infiniment plus grand que toutes leurs écoles ou
sociétés - il venait au nom suprême du Père.
La cause de leur ignorance spirituelle fut relevée : ils
se reposaient sur les honneurs des hommes et ne recherchaient pas
l'honneur de servir réellement la cause de Dieu.
Il
avait parlé de l'autorité de juger qui lui avait été
confiée ; maintenant il expliquait qu'ils ne devaient pas
penser qu'il les accuserait devant le Père ; quelqu'un
d'inférieur à lui les accuserait, à savoir
Moïse, un autre de ses témoins en qui ils professaient
avoir tellement confiance, Moïse en qui ils disaient tous croire
et, leur jetant à la face tous les faits de sa puissante
accusation, le Seigneur poursuivit : « Car, si vous
croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu'il a écrit
à mon sujet. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits,
comment croirez-vous à mes paroles ? » Tels
étaient les enseignements lumineux combinés à
une dénonciation ardente que ces hommes avaient provoqués
par leur tentative futile de condamner Jésus en l'accusant
d'avoir profané le sabbat. Ce n'était qu'une des
nombreuses machinations perverses par lesquelles ils complotaient
avec tant de détermination et s'efforçaient de
stigmatiser et d'invoquer le châtiment de l'infraction du
sabbat sur celui-là même qui avait ordonné le
sabbat et en était, en vérité, le seul et unique
Seigneur.
LES
DISCIPLES ACCUSÉS D'ENFREINDRE LE SABBAT
Il
peut être profitable d'examiner, à ce propos, d'autres
exemples de bonnes œuvres accomplies par notre Seigneur le jour
du sabbat ; et ceci, nous pouvons le faire sans nous préoccuper
inutilement de l'ordre chronologique des événements.
Nous retrouvons Jésus en Galilée, que ce soit avant ou
après sa visite à Jérusalem à l'époque
de la fête inconnue, occasion au cours de laquelle il accomplit
le miracle de la guérison à la piscine de Béthesda,
cela n'a aucune importance. Un certain jour de sabbat, ses disciples
et lui traversaient un champ de blé [20], et, ayant faim,
les disciples se mirent à cueillir quelques-uns des épis
mûrissants ; frottant les grains entre leurs mains, ils
mangèrent. Il n'y avait pas de vol dans ce qu'ils faisaient,
car la loi mosaïque prévoyait qu'en traversant la vigne
ou le champ de blé d'un autre on pouvait cueillir des raisins
ou du blé pour soulager sa faim ; mais il était
interdit d'utiliser une faucille dans le champ, ou d'emporter des
raisins dans un récipient [21]. La permission ne valait
que pour soulager le besoin du moment. Lorsque les disciples de Jésus
profitèrent de cet avantage légal, des Pharisiens
observaient la scène, et ceux-ci s'approchèrent
immédiatement du Maître et dirent : « Voici
que tes disciples font ce qu'il n'est pas permis de faire pendant le
sabbat. » Les accusateurs pensaient sans aucun doute au
dogme rabbinique qui voulait que frotter un épi de blé
entre les mains était une espèce de battage, que
souffler la balle était du vannage, et qu'il était
illégal de battre ou de vanner le jour du sabbat. En fait
certains rabbis savants avaient considéré que c'était
un péché de marcher sur l'herbe pendant le sabbat,
étant donné que l'herbe pouvait être en semence,
et que piétiner la semence reviendrait à battre le
grain.
Jésus
défendit les disciples en citant un précédent
applicable à ce cas, et beaucoup plus important. Cet exemple
était celui de David, qui avec une petite compagnie d'hommes
avait demandé du pain au sacrificateur Ahimélek, car
ils avaient faim et étaient pressés. Le sacrificateur
n'avait que du pain consacré, les pains de proposition qui
étaient placés périodiquement dans le
sanctuaire, et que nul autre que les sacrificateurs n'avait la
permission de manger. Étant donné l'état de
besoin urgent, le sacrificateur avait donné le pain de
proposition aux hommes affamés [22]. Jésus rappela
également aux Pharisiens critiques que les sacrificateurs du
temple travaillaient régulièrement beaucoup le jour du
sabbat lorsqu'ils immolaient les victimes sacrificatoires, et en
général dans le service de l'autel, et étaient
pourtant tenus pour innocents à cause des exigences
supérieures du culte qui rendaient ce genre de travail
nécessaire ; et il ajouta avec une insistance
solennelle : « Or, je vous le dis, il y a ici plus
grand que le temple. » Il cita la parole de Dieu exprimée
par Osée : « Je veux la miséricorde et
non le sacrifice » [23] et les réprimanda à
la fois pour leur ignorance et pour leur zèle pervers en leur
disant que s'ils avaient su ce que cette Écriture voulait
dire, ils n'auraient pas condamné des innocents. Que l'on s'en
souvienne, « le sabbat a été fait pour
l'homme, et non l'homme pour le sabbat » [24].
Sa
réprimande fut suivie de l'affirmation de sa suprématie
personnelle : « Car le Fils de l'homme est maître
du sabbat. » Que pouvons-nous déduire de cette
déclaration si ce n'est que lui, Jésus, qui était
présent, là dans la chair, était l'être
par l'intermédiaire duquel le sabbat avait été
ordonné, que c'était lui qui avait donné et
écrit sur la pierre le décalogue, y compris
« Souviens-toi du jour du sabbat, pour le sanctifier »,
et, « le septième jour est le sabbat de l'Éternel,
ton Dieu » ?
UN
COMPLOT PHARISIEN
De
nouveau, un jour de sabbat, Jésus entra dans une synagogue et
vit dans l'assemblée un homme dont la main droite était
sèche [25]. Des Pharisiens étaient là, et
ils regardèrent pour voir si Jésus guérirait
l'homme, leur but étant de l'accuser, s'il le faisait. Les
Pharisiens demandèrent : « Est-il permis de
faire une guérison les jours de sabbat ? »
Notre Seigneur rétorqua à leur dessein si mal voilé
en demandant : « Est-il permis, le jour du sabbat, de
faire du bien ou de faire du mal, de sauver une personne ou de la
tuer ? » Ils se turent, car c'était une
question à double tranchant. Répliquer par
l'affirmative, ç'aurait été justifier les
guérisons ; répondre par la négative
ç'aurait été se rendre ridicules. Il posa une
autre question : « Lequel d'entre vous, s'il n'a
qu'une brebis et qu'elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne
la saisira pour l'en retirer ? Combien un homme ne vaut-il pas
plus qu'une brebis ! »
Comme
les Pharisiens ne pouvaient ou ne voulaient pas répondre, il
résuma toute la question de la manière suivante :
« Il est donc permis de faire du bien les jours de
sabbat. » Il demanda à l'homme à la main
sèche de se tenir devant l'assemblée. La douleur et la
colère se mêlaient dans son regard pénétrant
qui balayait la foule ; mais, se tournant avec compassion vers
l'affligé, il lui commanda d'étendre la main ;
l'homme obéit, et voici que la main « redevint
saine comme l'autre ».
Les
Pharisiens déconfits étaient furieux ; « remplis
de fureur », dit Luc ; et ils s'en allèrent
comploter de nouveau contre le Seigneur. Leur haine était
tellement violente qu'ils s'allièrent aux Hérodiens,
parti politique généralement impopulaire chez les
Juifs [26]. Les gouverneurs du peuple étaient prêts
à se lancer dans n'importe quelle intrigue ou n'importe quelle
alliance pour parvenir à leurs fins, dont ils ne se cachaient
d'ailleurs pas, à savoir de faire mettre le Seigneur Jésus
à mort. Conscient des desseins pervers qui se tramaient contre
lui, Jésus se retira de la localité. Nous examinerons
plus loin [27] d'autres accusations de violation du sabbat que
formulèrent des casuistes juifs contre le Christ.
[1]
Gn 2:3.
[2]
Ex 16:16-31.
[3]
Ex 20:8-11, 23:12, 31:13-15, 34:21 ; Lv 19:3, 23:3 ; Dt
5:12-14.
[4]
Ex 35:3, Nb 15:32-36.
[5]
Es 56:2, 58:13 ; Jr 17:21-24.
[6]
Né 8:9-12,13:15-22.
[7]
Ez 20:12-24.
[8]
LM, Jarom 1:5 ; Mosiah 13:16-19,18:23.
[9]
Lv 25:1-8 ; cf. 26:34, 35.
[10]
Lv 25:10-55.
[11]
Chap. 6.
[12]
Note 1, fin du chapitre.
[13]
Jn, chapitre 5.
[14]
Note 2, fin du chapitre.
[15]
Voir un autre cas, chap. 14 du présent ouvrage.
[16]
Chap. 14 et note 2. On trouvera une autre justification de cet acte
de guérison le jour du sabbat dans Jean 7:21-24.
[17]
Chap. 11.
[18]
Cf. D&A 76:16,17. Voir chap. 3 du présent ouvrage.
[19]
Chap. 3.
[20]
Mt 12:1-8 ; cf. Mc 2:23-28 ; Lc 6:1-5.
[21]
Dt 23:24,25.
[22]
Note 3, fin du chapitre.
[23]
Os 6:6 ; cf. Mi 6:6-9.
[24]
Mc 2:27. Note 4, fin du chapitre.
[25]
Mt 12:10-13 ; Mc 3:1-6 ; Lc 6:6-8.
[26]
Chap. 6.
[27]
Exemples : Lc 13:14-16, 14:3-6 ; Jn 9:14-16.
NOTES
DU CHAPITRE 15
1.
Législations rabbiniques concernant l'observance du sabbat :
« Aucun trait du système juif n'était aussi
marqué que son extraordinaire sévérité
dans l'observance extérieure du sabbat, lequel devait être
un jour de repos total. Les scribes avaient élaboré, à
partir du commandement de Moïse, toute une foule de prohibitions
et d'injonctions, couvrant l'ensemble de la vie sociale, individuelle
et publique, et la portaient à l'extrême du ridicule et
de la caricature. Des règles sans fin étaient
prescrites quant au genre de nœuds que l'on pouvait légalement
faire le jour du sabbat. Le nœud du chamelier et du marin
étaient illégaux, et il était tout aussi illégal
de les défaire que de les faire. Un nœud que l'on
pouvait faire d'une main pouvait être défait. On pouvait
attacher un soulier ou une sandale, une coupe de femme, une outre à
vin ou à huile, un pot à viande. Lorsqu'on était
à une source, on pouvait attacher une cruche à
l'écharpe que l'on portait, mais non à une corde...
Allumer ou éteindre un feu le jour du sabbat constituait une
grande profanation du jour, et il n'était même pas
permis à la maladie d'enfreindre les règlements
rabbiniques. Il était interdit de donner un émétique
le jour du sabbat - de placer des attelles à un os cassé
ou de remettre en place une jointure disloquée, quoique
certains rabbis plus libéraux affirmassent que tout ce qui
mettait la vie en danger annulait la loi du sabbat. » Car
les commandements n'étaient donnés à Israël
que pour qu'il puisse les vivre. Si quelqu'un était enseveli
sous des ruines le jour du sabbat, on pouvait faire des fouilles pour
aller le retrouver et l'en sortir, s'il était vivant, mais,
s'il était mort, on devait le laisser où il était
jusqu'à ce que le sabbat fût terminé »
(Giekie, Life and Words of Christ, chap. 38).
2.
La fête dont le nom n'est pas donné : On a beaucoup
discuté pour savoir de quelle fête il s'agissait dans
Jean 5:1, à l'époque de laquelle Jésus guérit
le paralytique à la piscine de Béthesda. Beaucoup
d'auteurs affirment que c'était la Pâque, d'autres que
c'était la fête de Pourim ou quelqu'autre célébration
juive. Le seul semblant d'importance qui pourrait s'attacher à
la question, c'est la possibilité d'apprendre grâce à
ce fait, si on pouvait prouver celui-ci, quelque chose sur l'ordre
chronologique des événements à cette période
de la vie de notre Seigneur. On ne nous dit pas de quelle fête
il s'agit, pas plus que l'année ni l'époque de l'année
où elle se produisit. La valeur du miracle qui fut accompli à
cette occasion et du discours sur la doctrine qui fut prononcé
à la suite de cela, ne dépend en aucune façon de
la date à laquelle ils se situent.
3.
Les pains de proposition : Le nom signifie « pains de
la présence », signifiant qu'on les plaçait
en la présence de Jéhovah. Le pain ainsi sanctifié
consistait en douze pains faits sans levain. Ils devaient être
posés dans le Saint en deux colonnes de six pains chacune.
Zenos, dans le Stand. Bible Dict. écrit : « On
les y laissait une semaine entière, à la fin de
laquelle le prêtre les retirait et les mangeait sur un sol
saint, c'est-à-dire dans l'enceinte du sanctuaire. Le fait
pour d'autres personnes que des prêtres de manger du pain de
proposition était considéré comme sacrilège,
car il était « saint » (voir Ex 25:30,
Lv 24:5-9, 1 S 21:1-6).
4.
Le sabbat fut fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat :
Edersheim (vol. 1, p. 57,58) dit : « Lorsque, au
cours de sa fuite devant Saül, David, ‘lorsqu'il eut
faim’, mangea du pain de proposition et en donna à ceux
qui l'accompagnaient, bien que, selon la lettre de la loi lévitique,
seuls les prêtres pouvaient en manger, la tradition juive
défendit son comportement en prétendant que ‘lorsque
la vie est en danger, la loi du sabbat est suspendue’, et, par
conséquent, toutes les lois qui s'y rapportent... En vérité,
la raison pour laquelle David était exempt de tout reproche
lorsqu'il mangea le pain de proposition était la même
que celle qui rendait légal le travail des prêtres le
jour du sabbat. La loi du sabbat n'était pas une loi qui
imposait simplement le repos, mais le repos en vue du culte. L'objet
que l'on avait en vue était le service du Seigneur. Les
prêtres travaillaient le sabbat, parce que ce service était
l'objet du sabbat ; et David eut la permission de manger du pain
de proposition, non pas ‘uniquement’ parce qu'il courait
le danger de mourir de faim, mais parce qu'il argua qu'il était
au service du Seigneur et avait besoin de cette nourriture. Les
disciples, tandis qu'ils suivaient le Seigneur, étaient de
même à son service ; le servir, c'était plus
que servir au temple, car il était plus grand que le temple.
Si les Pharisiens avaient cru cela, ils n'auraient pas mis leur
conduite en doute et n'auraient pas, ce faisant, enfreint cette loi
supérieure qui commande la miséricorde, non pas le
sacrifice. »
CHAPITRE
16 : LE CHOIX DES DOUZE
LEUR
APPEL ET LEUR ORDINATION [1]
La
nuit précédant le matin où les douze apôtres
furent appelés et ordonnés, le Seigneur la passa dans
une retraite solitaire ; il « passa toute la nuit
dans la prière à Dieu » [2]. Puis, le
jour venu, et tandis que beaucoup de gens s'assemblaient pour en
apprendre davantage sur le nouvel et magnifique Évangile du
royaume, il demanda à certaines personnes qui, jusqu'alors,
l'avaient accompagné avec dévouement comme disciples,
de s'approcher, et, parmi eux, il en choisit douze qu'il ordonna et
nomma apôtres [3]. Avant cette époque, aucun
n'avait reçu d'autorité ou de charge qui le distinguait
des autres ; ils avaient été comptés avec
les disciples en général, bien que, comme nous l'avons
vu, sept d'entre eux eussent reçu un appel préliminaire
et y eussent promptement répondu en abandonnant entièrement
ou partiellement leurs affaires pour suivre le Maître.
C'étaient André, Jean, Simon, Pierre, Philippe,
Nathanaël, Jacques et Lévi Matthieu. Mais avant ce jour
important, aucun des Douze n'avait été ordonné
ou mis à part pour son office sacré.
Les
trois évangélistes qui rapportent l'organisation des
Douze placent Simon Pierre en tête et Judas Iscariot en dernier
dans la catégorie ; ils s'accordent également sur
la place relative de certains d'entre eux mais non de tous les
autres. En suivant l'ordre donné par Marc, et ceci est
peut-être le plus pratique puisque les trois premiers qu'il
nomme sont ceux qui devinrent plus tard les plus importants, nous
avons la liste suivante : Simon Pierre, Jacques (fils de
Zébédée), Jean (frère du dernier cité),
André (frère de Simon Pierre), Philippe, Barthélemy
(ou Nathanaël), Matthieu, Thomas, Jacques (fils d'Alphée),
Jude (également appelé Lebbée ou Thaddée),
Simon (qui se distingue par son surnom de Zélote, appelé
aussi le Cananite) et Judas Iscariot.
ÉTUDE
SÉPARÉE DES DOUZE
Simon,
le premier apôtre cité, est connu plus communément
sous le nom de Pierre - le nom que lui donna le Seigneur lors de leur
première rencontre, et qu'il confirma plus tard [4]. Il
était fils de Jona, ou Jonas, et était pêcheur de
métier. Son frère André et lui étaient
associés avec Jacques et Jean, fils de Zébédée ;
et selon toute apparence, leur affaire de pêche était
prospère, car ils possédaient leurs bateaux et
employaient d'autres hommes [5]. Pierre habita d'abord dans la
petite ville de pêche de Bethsaïda [6], sur la rive
occidentale du lac de Galilée ; mais vers l'époque
où il rencontra Jésus pour la première fois, ou
peu après, il alla s'installer avec d'autres membres de sa
famille à Capernaüm, où il semble être
devenu propriétaire indépendant [7]. Simon Pierre
était marié avant son appel au ministère.
Matériellement parlant, il était aisé ; et
lorsqu'il dit un jour qu'il avait tout quitté pour suivre
Jésus, le Seigneur ne nia pas que le sacrifice que Pierre
avait fait de ses biens matériels fût aussi grand qu'il
l'avait laissé entendre. Rien ne permet de penser qu'il était
illettré ou ignorant. Jean et lui, il est vrai, furent appelés
« des hommes du peuple sans instruction » [8]
par le conseil des dirigeants, mais quand ils disaient cela, ils
voulaient dire par là qu'ils n'avaient pas été
formés dans les écoles des rabbis ; et il convient
de remarquer que les membres de ce même conseil furent étonnés
de la sagesse et de l'autorité manifestées par les
douze apôtres qu'ils professaient mépriser.
Par
tempérament, Pierre était impulsif et sévère
et, jusqu'à ce qu'il eût été formé
par de dures expériences, manquait de fermeté. Il avait
beaucoup de faiblesses humaines, et cependant en dépit d'elles
toutes, il surmonta finalement les tentations de Satan et les
faiblesses de la chair et servit son Seigneur comme chef désigné
et reconnu des Douze. Les Écritures ne parlent pas du moment
ni du lieu de sa mort ; mais la manière dont il mourrait
fut préfigurée par le Seigneur ressuscité [9]
et fut prévue en partie par Pierre lui-même [10].
La tradition, qui trouve son origine dans les écrits des
premiers historiens chrétiens autres que les apôtres,
déclare que Pierre trouva la mort par crucifixion comme martyr
au cours de la persécution qui se produisit sous le règne
de Néron, probablement entre 64 et 68 après J.-C.
Origène déclare que l'apôtre fut crucifié
la tête en bas. Pierre, avec Jacques et Jean, ses compagnons
dans la présidence des Douze, apparut, ressuscité, à
notre époque, lorsqu'il rétablit sur la terre la
Prêtrise de Melchisédek, y compris le saint apostolat,
qui avaient été enlevés à cause de
l'apostasie et de l'incrédulité des hommes [11].
Jacques
et Jean, frères de naissance, associés dans les
affaires comme pêcheurs, frères dans le ministère,
furent partenaires avec Pierre dans l'appel apostolique. Le Seigneur
conféra à tous deux un titre commun - Boanergès
ou fils du tonnerre [12] - pensant peut-être au zèle
qu'ils montrèrent à son service, lequel dut en effet
être freiné à certains moments, comme lorsqu'ils
auraient voulu appeler le feu du ciel pour détruire les
villageois samaritains qui avaient refusé leur hospitalité
au Maître [13]. Leur mère et eux aspiraient aux
honneurs les plus hauts du Royaume, et ils demandèrent à
recevoir tous deux une place, l'un à la droite et l'autre à
la gauche du Christ dans sa gloire. Cette ambition fut doucement
réprimandée par le Seigneur, et cette demande offensa
les autres apôtres [14]. Avec Pierre, ces deux frères
furent témoins de beaucoup des événements les
plus importants de la vie de Jésus ; c'est ainsi qu'ils
furent tous les trois les seuls apôtres admis à être
témoins de la résurrection de la fille de Jairus [15] ;
ils furent les seuls membres des Douze qui assistèrent à
la transfiguration du Christ [16] ; ils étaient les
plus proches du Seigneur pendant son agonie mortelle à
Gethsémané [17] ; et, comme nous l'avons déjà
dit, ils participèrent dans nos temps modernes au
rétablissement du saint apostolat avec toute son ancienne
autorité et son pouvoir de bénir [18]. Jacques est
désigné communément dans la littérature
théologique comme Jacques 1er, pour le distinguer de l'autre
apôtre qui porte le même nom. Jacques, le fils de
Zébédée, était le premier des apôtres
qui trouva la mort violente du martyr ; il fut décapité
sur ordre du roi Hérode Agrippas [19]. Jean avait été
disciple du Baptiste et avait prouvé sa confiance dans le
témoignage que ce dernier rendit de Jésus en se
détournant promptement du précurseur pour suivre le
Seigneur [20]. Il devint un serviteur dévoué et se
qualifia à plusieurs reprises le disciple « que
Jésus aimait » [21]. À la dernière
Cène, Jean était assis à côté de
Jésus, reposant la tête sur la poitrine du Maître [22] ;
et le lendemain, tandis qu'il se tenait en dessous de la croix, il
reçut du Christ mourant la mission de prendre soin de la mère
du Seigneur [23] ; et il répondit promptement à
cette invitation en emmenant Marie en larmes chez lui. Il fut le
premier à reconnaître le Seigneur ressuscité sur
les rives de Galilée, et les lèvres immortelles
encouragèrent son espoir que sa vie se poursuivrait afin qu'il
pût servir parmi les hommes jusqu'à ce que le Christ
vienne dans sa gloire [24]. La révélation à
l'époque moderne a attesté que cet espoir fut
réalisé [25].
André,
fils de Jona et frère de Simon Pierre, est mentionné
moins fréquemment que les trois apôtres déjà
examinés. Il avait été l'un des disciples du
Baptiste, et, avec Jean, le fils de Zébédée, il
quitta le Baptiste pour s'instruire auprès de Jésus ;
et ayant appris, il partit à la recherche de Pierre, lui
affirma solennellement que le Messie avait été trouvé
et amena son frère aux pieds du Sauveur [26]. Il partagea
avec Pierre l'honneur d'être appelé par le Seigneur au
bord de la mer et la promesse « je vous ferai pêcheurs
d'hommes » [27]. Nous lisons qu'à une occasion
André était présent avec Pierre, Jacques et Jean
dans un entretien privé avec le Seigneur [28] ; et
il est cité lors de la première multiplication des
pains [29] et avec Philippe lorsqu'une entrevue fut arrangée
entre certains Grecs questionneurs et Jésus [30]. Il est
cité avec d'autres au moment de l'ascension de notre
Seigneur [31]. La tradition est pleine d'histoires au sujet de
cet homme, mais nous n'avons aucun document authentique sur l'étendue
de son ministère, la durée de sa vie ni les
circonstances de sa mort.
Philippe
a peut-être été le premier à recevoir
l'appel péremptoire « Suis-moi » des
lèvres de Jésus, et nous le voyons témoigner
immédiatement que Jésus était le Messie tant
attendu. Il habitait Bethsaïda, la ville de Pierre, d'André,
de Jacques et de Jean. On dit que Jésus le trouva [32]
tandis que les autres premiers disciples semblent être venus
séparément, d'eux-mêmes, au Christ. Il est
mentionné brièvement lors de la première
multiplication des pains, moment où Jésus lui demanda :
« Où achèterons-nous des pains pour que ces
gens aient à manger ? » Cela fut fait pour le
mettre à l'épreuve, car Jésus savait ce que l'on
ferait. Philippe basa sa réponse sur le peu d'argent dont ils
disposaient et montra qu'il ne s'attendait nullement à une
intervention miraculeuse [33]. C'est à lui que les Grecs
s'adressèrent lorsqu'ils cherchèrent à
rencontrer Jésus comme nous l'avons remarqué en parlant
d'André. Il fut réprimandé avec douceur pour son
manque de compréhension lorsqu'il demanda à Jésus
de leur montrer le Père, à lui et aux autres :
« il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as
pas connu, Philippe [34] ! » Les Écritures
parlent au passage de sa présence parmi les Onze après
la résurrection, mais, à part cela, elles ne disent
rien d'autres à son sujet.
Barthélemy
n'est appelé de ce nom dans les Écritures que lors de
son ordination à l'apostolat, et comme l'un des Onze après
l'ascension. Le nom veut dire fils de Tolmai. Il est cependant à
peu près certain qu'il est l'homme qui est appelé
Nathanaël dans l'évangile de Jean, celui que le Christ
appela « un Israélite dans lequel il n'y a point de
fraude » [35]. Il est de nouveau cité parmi
ceux qui allèrent pêcher avec Pierre après la
résurrection du Christ [36]. Il demeurait à Cana
en Galilée. Les raisons pour lesquelles on pense que
Barthélemy et Nathanaël étaient la même
personne sont les suivantes : Barthélemy est cité
comme apôtre dans chacun des trois évangiles
synoptiques, et Nathanaël n'est pas cité. Nathanaël
est deux fois dans l'évangile de Jean, et Barthélemy ne
l'est pas du tout ; Barthélemy et Philippe, ou Nathanaël
et Philippe, sont cités ensemble.
Matthieu
ou Lévi, fils d'Alphée, était l'un des sept qui
reçurent un appel à suivre le Christ avant l'ordination
des Douze. C'est lui qui donna une fête qui valut à
Jésus et aux disciples d'être violemment critiqués
par les Pharisiens pour y avoir assisté [37], ceux-ci
trouvant qu'il n'était pas convenable qu'il mangeât avec
des péagers et des gens de mauvaise vie. Matthieu était
péager ; c'est ainsi qu'il se désigne dans
l'évangile qu'il écrivit [38] ; mais les
autres évangélistes n'en parlent pas lorsqu'ils le
comptent parmi les Douze. Son nom hébreu, Lévi, est
considéré par beaucoup comme une indication de son
lignage sacerdotal. Nous n'avons aucun récit détaillé
de son ministère ; bien qu'il soit l'auteur du premier
évangile, il s'abstient de se mentionner en dehors de
l'occasion où il fut appelé et ordonné. Des
écrivains autres que scripturaires disent qu'il fut l'un des
apôtres les plus actifs après la mort du Christ et qu'il
œuvra dans des pays éloignés de Palestine.
Thomas,
également appelé Didyme, équivalent grec de son
nom hébreu, qui veut dire « un jumeau »,
est mentionné comme témoin de la résurrection de
Lazare. Son dévouement à Jésus se révèle
dans son désir d'accompagner le Seigneur à Béthanie,
bien qu'il fût presque certain d'être persécuté
dans cette région. Thomas dit aux autres apôtres :
« Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui » [39].
Même à une période aussi avancée de son
expérience que la nuit précédant la crucifixion,
Thomas n'avait pu comprendre la nécessité imminente du
sacrifice du Sauveur ; et lorsque Jésus parla de s'en
aller et de laisser les autres suivre, Thomas demanda comment ils
connaîtraient le chemin. Il fut réprimandé de son
manque de compréhension. Il était absent lorsque le
Christ ressuscité apparut aux disciples assemblés le
soir du jour de sa résurrection ; et lorsqu'il fut
informé par les autres qu'ils avaient vu le Seigneur, il
exprima ses doutes avec force et déclara qu'il ne croirait que
s'il pouvait voir et sentir par lui-même les blessures du corps
crucifié. Huit jours plus tard, le Seigneur rendit de nouveau
visite aux apôtres alors que, comme lors de la première
occasion, ils étaient enfermés ; et le Seigneur
dit à Thomas : « Avance ici ton doigt, regarde
mes mains, avance aussi ta main et mets-la dans mon côté. »
Alors Thomas, ne doutant plus, mais l'âme remplie d'amour et de
respect, s'exclama : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Le Seigneur lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu as
cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru [40] ! »
Aucun autre passage du Nouveau Testament ne parle de Thomas, si ce
n'est de sa présence avec ses compagnons après
l'ascension.
Jacques,
fils d'Alphée, n'est mentionné dans les évangiles
que lors de son ordination à l'apostolat ; et une seule
fois encore par le Nouveau Testament sous le nom « fils
d'Alphée » [41]. Dans les récits autres
que scripturaires, on l'appelle parfois Jacques II pour éviter
de le confondre avec Jacques, le fils de Zébédée.
Il est reconnu que l'on ne sait pas si Jacques, le fils d'Alphée,
est le Jacques ou l'un des Jacques dont on parle dans les Actes et
dans les épîtres [42]. Et il existe un grand nombre
de textes de controverse à ce sujet [43].
Jude
est appelé Lebbée Thaddée par Matthieu, Thaddée
par Marc et Jude, fils de Jacques par Luc. La seule autre allusion
directe à cet apôtre est faite par Jean et se situe au
moment du dernier long entretien entre Jésus et les apôtres,
quand ce Jude, « non pas l'Iscariot », demanda
comment ou pourquoi Jésus se manifesterait aux serviteurs
qu'il avait choisis et non au monde en général. La
question de cet homme montre qu'il ne comprenait pas pleinement le
caractère vraiment distinctif de l'apostolat.
Simon
le zélote, ainsi nommé dans les Actes [44], et
nommé Simon appelé le zélote dans l'évangile
de Luc, est qualifié tant par Matthieu que par Marc de
cananite. La dernière désignation n'avait rien à
voir avec la ville de Cana ni avec le pays de Canaan, elle n'a aucune
signification géographique ; c'est l'équivalent
syro-chaldéen du mot grec que l'on rend dans le texte français
par « zélote ». C'est pourquoi les deux
mots ont le même sens fondamental et se rapportent chacun aux
zélotes, confession ou faction juive connue pour son zèle
à entretenir le rituel mosaïque. Il ne fait aucun doute
que Simon avait appris la modération et la tolérance
des enseignements du Christ ; sinon il n'aurait guère
convenu au ministère apostolique. Convenablement dirigée,
son ardeur zélée peut s'être transformée
en un trait de caractère très utile. Cet apôtre
n'est cité nulle part dans les Écritures séparément
de ses compagnons.
Judas
Iscariot est le seul judéen cité parmi les Douze ;
tous les autres étaient Galiléens. On croit
généralement qu'il avait habité Kérioth,
petite ville dans le sud de la Judée, mais à quelques
kilomètres à l'ouest de la mer Morte, bien que nous
n'ayons aucune autorité directe pour cette tradition, pas plus
que pour la signification de son surnom. De même, nous ne
savons rien de sa lignée, si ce n'est que le nom de son père
était Simon [45]. Il fut trésorier ou agent du
groupe apostolique, recevant et déboursant les offrandes qui
étaient faites par des disciples et des amis, et achetant ce
dont on avait besoin [46]. Jean atteste qu'il s'acquittait de
cette fonction sans scrupules et avec malhonnêteté. Sa
nature cupide et plaintive se révéla lorsqu'il murmura
contre ce qu'il appelait le gaspillage d'un parfum coûteux,
quand Marie oignit le Seigneur, quelques jours seulement avant la
crucifixion ; il suggéra hypocritement que le précieux
parfum aurait pu être vendu et le bénéfice donné
aux pauvres [47]. Le pire acte de perfidie de la carrière
d'Iscariot fut qu'il trahit délibérément son
Maître et le livra à la mort ; et cela, cette
créature infâme le fit pour de l'argent et accomplit le
méfait avec un baiser. Il mit fin à sa vie coupable par
un suicide révoltant, et son esprit s'en alla au destin
terrible réservé aux fils de perdition [48].
CARACTÉRISTIQUES
GÉNÉRALES DES DOUZE
L'examen
des caractéristiques et des qualités de ce groupe de
douze hommes révèle quelques faits intéressants.
Avant d'être choisis comme apôtres, ils étaient
tous devenus disciples intimes du Seigneur ; ils croyaient en
lui ; plusieurs d'entre eux, et peut-être tous, avaient
confessé ouvertement qu'il était le Fils de Dieu, et
cependant il est douteux qu'aucun d'eux ait compris pleinement le
sens réel de l'œuvre du Sauveur. À en juger par
les remarques ultérieures que beaucoup d'entre eux firent et
les instructions et les réprimandes qu'ils s'attirèrent
de la part du Maître, il est évident que l'attente
commune chez les Juifs d'un Messie qui régnerait en splendeur
comme roi terrestre après avoir soumis toutes les autres
nations, avait une place même dans le cœur de ces élus.
Après une longue expérience, le souci de Pierre était
encore : « Voici que nous avons tout quitté et
que nous t'avons suivi, qu'en sera-t-il pour nous [49] ? »
Ils étaient comme des enfants qui devaient être formés
et instruits ; mais ils étaient pour la plupart des
élèves dociles, à l'âme réceptive
et remplie du désir sincère de servir. Pour Jésus,
ils étaient ses petits, ses enfants, ses serviteurs et ses
amis, selon leurs mérites [50]. Ils étaient tous
du commun, ce n'étaient ni des rabbis, ni des savants, ni des
fonctionnaires sacerdotaux. C'est de leur nature intime et non de
leurs réalisations extérieures que le Seigneur tint
compte avant tout dans son choix. Le Maître les choisit ;
ils ne se choisirent pas eux-mêmes ; c'est par lui qu'ils
furent ordonnés [51], et en conséquence ils
pouvaient s'en remettre d'autant plus implicitement à sa
direction et à son soutien. Beaucoup leur fut donné,
beaucoup fut requis d'eux. À une noire exception près,
ils devinrent tous des lumières brillantes dans le royaume de
Dieu et confirmèrent le choix du Maître. Il reconnut en
chacun les caractéristiques de capacités qu'ils avaient
cultivées dans le monde lointain des esprits [52].
DISCIPLES
ET APÔTRES
La
qualité de disciple est quelque chose de général ;
quiconque suit un homme ou est dévoué à un
principe peut être appelé disciple. Le saint apostolat
est un office et un appel qui appartient à la prêtrise
supérieure ou de Melchisédek, à la fois exalté
et déterminé, comprenant comme fonction distinctive
celle d'être témoin personnel et spécial de la
divinité de Jésus-Christ, Rédempteur et Sauveur
unique de l'humanité [53]. L'apostolat est un don
individuel, et comme tel n'est conféré que par
l'ordination. Le fait que les Douze constituaient un conseil ou
« collège » ayant l'autorité dans
l'Église établie par Jésus-Christ, est révélé
par leur administration après la résurrection et
l'ascension du Seigneur. Leur premier acte officiel fut de remplir la
vacance produite dans leur organisation par l'apostasie et la mort de
Judas Iscariot. À propos de cette procédure, l'apôtre
président, Pierre, exposa les qualités essentielles de
celui qui serait choisi et ordonné, qui impliquaient une
connaissance telle de Jésus, de sa vie, de sa mort et de sa
résurrection qu'elle unirait le nouvel apôtre aux Onze
comme témoin spécial de l'œuvre du Seigneur [54].
L'ordination
des douze apôtres marqua l'inauguration d'une période
avancée dans le ministère terrestre de Jésus,
période caractérisée par l'organisation d'un
groupe d'hommes investis de l'autorité de la sainte prêtrise,
sur qui reposeraient, particulièrement après le départ
du Seigneur, le devoir et la responsabilité de continuer
l'œuvre qu'il avait commencée et d'édifier
l'Église établie par lui.
Le
mot « apôtre » est la forme francisée
du grec apostolos, signifiant littéralement « quelqu'un
qui est envoyé », et indiquant un envoyé ou
un messager officiel, qui parle et agit par l'autorité de
quelqu'un de supérieur à lui. C'est dans ce sens que
Paul appliqua plus tard le titre au Christ comme quelqu'un de
spécialement envoyé et commissionné par le
Père [55].
Le
but du Seigneur, en choisissant et en ordonnant les Douze, est énoncé
comme suit par Marc : « Il en établit douze
pour les avoir avec lui et pour les envoyer prêcher avec le
pouvoir de chasser les démons » [56]. Pendant
un certain temps après leur ordination, les apôtres
demeurèrent avec Jésus, étant spécialement
formés et instruits par lui pour l'œuvre qu'ils avaient
alors à accomplir ; après quoi ils furent
officiellement chargés de prêcher et d'administrer avec
l'autorité de leur prêtrise et envoyés le faire,
comme nous allons le voir plus loin [57].
[1]
Mt 10:1-4, Mc 3:13-19 ; Le 6:12-16.
[2]
Lc 6:12.
[3]
Lc 3:13 ; cf. Jn 15:16 ; voir aussi Ac 1:22.
[4]
Jn 1:42 ; cf. Mt 16:18.
[5]
Mc 1: 16-20 ; Lc 5: 10.
[6]
Jn 1:44, 12:21.
[7]
Mt 8:14 ; Mc 1:29 ; Lc 4:38.
[8]
Ac 4:13.
[9]
Jn 21:18, 19.
[10]
2 P 1:14.
[11]
D&A 27:12. Chap. 41 du
présent ouvrage.
[12]
Mc 3:17.
[13]
Lc 9:54. Voir aussi Mc 9:38, un exemple du zèle impulsif de
Jean.
[14]
Mc 10:35-41 ; cf. Mt 20:20-24.
[15]
Mc 5:37 ; Lc 8:51.
[16]
Mt 17:1,2 ; Lc 9:28,29.
[17]
Mt 26:36,37.
[18]
D&A 27:12 (chap. 41 du présent ouvrage).
[19]
Ac 12:1,2.
[20]
Jn 1:35-40 ; voir chap. 11 du présent ouvrage.
[21]
Jn 13:23, 19:26, 20:2.
[22]
Jn 13:23,25.
[23]
Jn 19:25-27.
[24]
Jn 21:7, 21-23.
[25]
D&A section 7 ; cf. LM, 3 Né 28:1-12.
[26]
Jn 1:35-40.
[27]
Mt 4:18,19.
[28]
Mc 13:3.
[29]
Jn 6:8.
[30]
Jn 12:20-22.
[31]
Ac 1:13.
[32]
Jn 1:43-45.
[33]
Jn 6:5-7.
[34]
Jn 14:8,9.
[35]
Jn 1: 14-51 (voir chap. 11 du présent ouvrage).
[36]
Jn 21:2,3.
[37]
Chap. 14.
[38]
Mt 10:3.
[39]
Jn 11:16.
[40]
Jn 20:24-29. Chap. 37 du présent ouvrage.
[41]
Ac 1:13. Note 3, fin du chapitre.
[42]
Ac 12:17, 15:13-21, 21:18, 1 Co 15:7, Ga 1:19, 2:9,12 et l'épître
de Jacques.
[43]
Pour ce qui est des Jacques cités dans le Nouveau Testament,
les spécialistes de la Bible sont en désaccord, le
problème étant de savoir s'il s'agit de deux ou de
trois personnes. Ceux qui prétendent qu'il y avait trois
hommes de ce nom les distinguent comme suit : (1) Jacques, fils
de Zébédée et frère de Jean, l'apôtre ;
toutes les références scripturaires à son sujet
sont explicites ; (2) Jacques, fils d'Alphée, et (3)
Jacques, frère du Seigneur (Mt 13-55, Mc 6:3, Ga 1:19). Si
nous acceptons cette classification, la référence
donnée deux notes plus haut s'applique à Jacques, frère
du Seigneur. Les « Auxiliaires » de la Bible
d'Oxford et de la Bible Bagster traitent Jacques, fils d'Alphée,
et Jacques, frère du Seigneur, comme une seule personne,
prenant l'expression « fils de » seulement au
sens général (voir chap. 18 du présent ouvrage,
note 13). L'appellation de Bagster est : « Jacques
II : fils d'Alphée, frère ou cousin de Jésus »
(voir note 3, fin du chapitre). La Nave « Student's
Bible » déclare (page 1327) que le point de savoir
si Jacques, frère du Seigneur, « est identique à
Jacques, fils d'Alphée, est l'une des questions les plus
difficiles de l'histoire biographique des évangiles ».
Fausset (dans sa « Cyclopedia Critical and Expository »)
soutient qu'il ne s'agit que d'un seul Jacques, et d'autres autorités
reconnues les traitent tous deux comme ne formant qu'une seule
personne. Le lecteur trouvera dans des ouvrages spéciaux des
études détaillées du sujet.
[44]
Note 1, fin du chapitre.
[45]
Ac 1:13 ; cf. Lc 6:15.
[46]
Jn 6:71, 12:4, 13:26.
[47]
Jn 12:6, 13:29.
[48]
Jn 12:1-7 ; cf. Mt 26:6-13 ; Mc 14:3-9.
[49]
Mt 27:5 ; cf. Ac 1:18 ; voir aussi Jn 17:12 ; D&A
76:31-48, 132:27.
[50]
Mt 19:27.
[51]
Mt 10: 42 ; Jn 21:5, 13:16 ; cf. verset 13, 15:14,15.
[52]
Jn 15:16.
[53]
Chap. 2 et 3.
[54]
D&A 18:27-33, 20:38-44, 107:1-9, 23, 24, 39.
[55]
Ac 1:15-26.
[56]
Hé 3:1 ; voir note 2, fin du chapitre.
[57]
Mc 3:14,15.
NOTES
DU CHAPITRE 16
1.
Jude Lebbée Thaddée : Ce Jude (pas l'Iscariot) est
appelé Jude fils de Jacques dans la version Segond de Lc 6:16
et d'Ac 1:13. Le texte originel dit « Jude de Jacques ».
Nous ne savons pas de quel Jacques il s'agit, ni si ce Jude était
le fils, le frère ou quelque autre parent du Jacques inconnu.
2.
La signification de « apôtre » :
« Le titre « apôtre » est
également un titre d'une signification et d'une sainteté
particulières ; il a été donné de
Dieu et n'appartient qu'à ceux qui ont été
appelés et ordonnés comme « témoins
spéciaux du nom du Christ dans le monde entier, différant
ainsi des autres officiers de l'Église dans les devoirs de
leur appel » (D&A 107:23). Par dérivation, le
mot « apôtre » est l'équivalent
français du grec « apostolos » indiquant
un messager, un ambassadeur ou littéralement « quelqu'un
qui est envoyé ». Il signifie que celui qui est
appelé ainsi à bon droit parle et agit, non de
lui-même, mais comme représentant d'une puissance
supérieure qui lui a donné sa mission ; et dans ce
sens le titre est celui d'un serviteur plutôt que d'un
supérieur. Cependant, même le Christ est appelé
apôtre quand il est question de son ministère dans la
chair (Hé 3: 1), et cette appellation est justifiée par
sa déclaration répétée qu'il vint sur la
terre non pour faire sa volonté mais celle de son Père
par qui il fut envoyé.
« Bien
que, comme on le voit, un apôtre soit essentiellement un envoyé
ou un ambassadeur, son autorité est grande, comme l'est aussi
la responsabilité qui y est associée, car il parle au
nom d'une puissance plus grande que la sienne : le nom de celui
dont il est le témoin spécial. Lorsque l'un des Douze
est envoyé exercer son ministère dans un pieu, une
mission ou une autre division de l'Église, ou travailler dans
les régions où l'Église n'a pas été
organisée, il agit comme représentant de la Première
Présidence et a le droit d'utiliser son autorité pour
faire tout ce qui est requis pour l'avancement de l'œuvre de
Dieu. Il a le devoir de prêcher l'Évangile, d'en
administrer les ordonnances et de mettre en ordre les affaires de
l'Église partout où il est envoyé. Si grande est
la sainteté de cet appel spécial que le titre
« apôtre » ne doit pas être utilisé
à la légère ni servir comme forme commune ou
ordinaire de titre quand on l'applique aux hommes vivants appelés
à cet office. Le Collège ou Conseil des douze apôtres,
tel qu'il existe dans l'Église d'aujourd'hui devrait plutôt
être appelé le « Collège des Douze »,
le « Conseil des Douze », ou simplement les
« Douze », plutôt que les « douze
apôtres », sauf lorsque des occasions particulières
justifient l'emploi du terme plus sacré. Nous recommandons que
le titre « apôtre » ne soit pas appliqué
comme préfixe au nom d'un membre du Collège des Douze ;
mais que l'on s'adresse à lui ou que l'on parle de lui en lui
appliquant le titre de « Frère untel »,
et quand c'est nécessaire ou désirable, comme quand on
annonce sa présence dans une assemblée publique, on
peut ajouter l'explication : « Frère untel,
membre du Collège des Douze » (tiré de « The
Honor and Dignity of Priesthood », par l'auteur,
Improvement Era, vol. 17, numéro 5, p. 409-410).
3.
« D'Alphée », ou « Fils
d'Alphée » : Dans tous les passages bibliques
qui spécifient « Jacques, fils d'Alphée »
(Mt 10:3 ; Mc 3:18 ; Lc 6:15 ; Ac 1: 13) le mot fils a
été ajouté par les traducteurs, et c'est
pourquoi, dans la version anglaise, on l'imprime en italique.
L'expression grecque dit « Jacques d'Alphée ».
Il ne faut pas souligner ce fait pour soutenir l'idée que le
Jacques dont il est parlé n'était pas le fils d'Alphée,
car le mot fils a été ajouté de même dans
la traduction d'autres passages, dans lesquels des italiques sont
utilisés pour indiquer les mots ajoutés, par exemple :
« Jacques, fils de Zébédée »
(Mt 10:2, voir Mc 3:17). Lisez à ce propos la note ci-dessus.
CHAPITRE
17 : LE SERMON SUR LA MONTAGNE
À
une époque très proche de celle de l'ordination des
Douze, Jésus fit un discours remarquable qui, à cause
du lieu où il fut donné, a pris le nom de sermon sur la
montagne. Matthieu présente un récit étendu qui
remplit trois chapitres du premier évangile ; Luc en
donne un résumé plus bref [1].
Les
différences de détail qui apparaissent dans les deux
textes sont d'importance mineure [2]. C'est au sermon lui-même
que nous pouvons consacrer notre attention avec profit. Luc introduit
dans différentes parties de ses écrits un grand nombre
des préceptes précieux donnés dans le cadre du
sermon rapporté comme un discours ininterrompu dans l'évangile
écrit par Matthieu. Dans notre étude actuelle, nous
nous laisserons guider principalement par le récit de
Matthieu. Certaines portions de ce vaste discours s'adressaient
expressément aux disciples, qui avaient été ou
seraient appelés à l'apostolat et devraient en
conséquence renoncer à tous leurs intérêts
du monde pour l'œuvre du ministère ; d'autres
parties étaient et sont d'application générale.
Jésus était monté sur le flanc de la montagne,
probablement pour échapper aux foules qui le pressaient dans
ou près des villes [3]. Les disciples s'assemblèrent
autour de lui, et c'est là qu'il s'assit et les
instruisit [4].
LES
BÉATITUDES [5]
Les
premières phrases sont riches en bénédictions,
et la première partie du discours est consacrée à
une explication de ce qui constitue la véritable béatitude ;
en outre, la leçon est rendue simple et dépourvue
d'ambiguïté par des applications déterminées,
chacun des êtres bénis étant assuré d'une
récompense en ce sens qu'il bénéficierait d'une
situation directement opposée à celle dont il avait
souffert. Les bénédictions que le Seigneur fait
ressortir en cette occasion ont été désignées
dans la littérature ultérieure comme les béatitudes.
Les pauvres en esprit doivent être rendus riches comme
héritiers légaux du royaume des cieux ; celui qui
pleure sera consolé car il verra le but divin de sa souffrance
et retrouvera les êtres aimés dont il a été
privé ; les humbles, qui se laissent spolier plutôt
que de mettre leur âme en danger dans les querelles, hériteront
la terre ; ceux qui ont faim et soif de vérité
seront nourris d'une grande abondance ; ceux qui font preuve de
miséricorde seront jugés avec miséricorde ;
ceux qui ont le cœur pur seront admis dans la présence
même de Dieu ; les pacifiques, qui essaient de se
préserver, eux et leurs semblables, des luttes, seront comptés
parmi les enfants de Dieu ; ceux qui souffrent la persécution
pour l'amour de la justice hériteront les richesses du royaume
éternel. Le Seigneur parla directement aux disciples, disant :
« Heureux serez-vous, lorsque l'on vous insultera, qu'on
vous persécutera et qu'on répandra sur vous toute sorte
de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans
l'allégresse, parce que votre récompense sera grande
dans les cieux, car c'est ainsi qu'on a persécuté les
prophètes qui vous ont précédés. [6] »
Il est évident que les bénédictions indiquées
et le bonheur qui y est contenu ne doivent être réalisés
dans leur plénitude qu'au-delà du tombeau, bien que la
joie que donne la conscience de mener une vie juste apporte, déjà
ici-bas, une belle récompense. Un élément
important de cet exposé splendide de l'état vraiment
béni est la distinction qu'il implique entre le plaisir et le
bonheur [7]. Le simple plaisir est tout au mieux passager ;
le bonheur est durable, car dans le souvenir de celui-ci réside
une joie renouvelée. Le bonheur suprême n'est pas une
réalisation terrestre ; la « plénitude
de joie » promise réside au-delà de la mort
et de la résurrection [8]. Tant que l'homme se trouve
dans cet état mortel, il a besoin de certaines des choses du
monde ; il doit avoir de la nourriture et des vêtements et
de quoi s'abriter ; et outre ces besoins essentiels, il peut
désirer en justice les facilités de l'instruction, les
avantages du progrès et les choses qui conduisent au
raffinement et à la culture ; cependant toutes ces choses ne
sont que des moyens vers une fin, et non le but à atteindre, pour lequel l'homme a été rendu mortel.
Les
béatitudes se rapportent aux devoirs de la vie mortelle, qui
doivent préparer à une existence plus grande, encore
future. Dans le royaume des cieux, nommé deux fois dans cette
partie du discours du Seigneur, on trouve la vraie richesse et un
bonheur certain. Le royaume des cieux constitue tout le sujet de ce
merveilleux sermon ; les moyens de parvenir au royaume et aux
gloires qui appartiennent à ceux qui en sont les citoyens
éternels sont les divisions principales de ce traité.
DIGNITÉ
ET RESPONSABILITÉ DANS LE MINISTÈRE
Le
Maître continua ensuite à instruire d'une manière
particulièrement directe ceux sur qui reposerait la
responsabilité du ministère, en qualité de
représentants envoyés par lui. « C'est vous
qui êtes le sel de la terre », dit-il. Le sel est le
grand conservateur ; c'est comme tel qu'on l'utilise depuis des
temps très reculés. La loi mosaïque prescrivait
qu'il était essentiel d'ajouter le sel à toute offrande
de chair [9]. Longtemps avant l'époque du Christ, le fait
d'employer du sel était symbole de fidélité,
d'hospitalité et d'alliance [10]. Pour être utile,
le sel devait être pur ; pour avoir une vertu salvatrice
en tant que sel, il fallait que ce fût du vrai sel et non le
produit d'une altération chimique ou d'un mélange
terreux, qui lui ferait perdre sa salinité ou sa
« saveur » [11] et, produit sans valeur,
il ne serait bon qu'à être jeté. C'est contre
pareil changement de foi, contre pareil mélange de sophismes,
de prétendues philosophies et d'hérésies de ce
temps-là que les disciples étaient spécialement
prévenus. Puis, changeant de comparaison, Jésus les
compara à la lumière du monde et leur imposa le devoir
de tenir leur lumière devant le peuple, d'une manière
aussi visible qu'une ville qui est bâtie sur une colline, pour
qu'on la voie de toutes parts, une ville que l'on ne peut cacher. À
quoi servirait une lumière allumée, si on la cachait en
dessous d'une boîte ? « Que votre lumière
brille ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos oeuvres
bonnes, et glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
Afin
qu'ils ne commissent aucune erreur quant aux rapports devant exister
entre la loi ancienne et l'Évangile du royaume qu'il exposait,
Jésus leur assura qu'il n'était pas venu détruire
la loi ni rendre nuls les enseignements et les prédictions des
prophètes, mais les accomplir et établir ce que les
événements des siècles passés n'avaient
fait que préparer. On peut dire que l'Évangile ne
détruisit la loi mosaïque que dans la mesure où la
semence est détruite dans la croissance de la nouvelle plante,
que dans la mesure où le bourgeon est détruit par le
jaillissement des fleurs riches, pleines et odorantes, dans la mesure
où la tendre enfance et la jeunesse passent pour toujours
lorsque la maturité des années se développe. Il
ne se perdrait ni un iota, ni un trait de lettre de la loi. On ne
pourrait concevoir d'analogie plus efficace que cette dernière ;
l'iota ou yod et le trait de lettre étaient de petits signes
de l'écriture hébraïque ; pour le but qui
nous occupe nous pouvons les considérer comme équivalents
du point d'un « i » ou du trait que l'on trace
en travers d'un « t » ; notre mot français
« iota », signifiant une très petite
chose, est apparenté au premier. Pas même le moindre
commandement ne pouvait être enfreint sans punition ; mais
les disciples furent exhortés à faire attention à
ne pas garder les commandements à la manière des
scribes et des Pharisiens, dont l'observance était extérieure
et cérémonielle, dépourvue des éléments
essentiels de la dévotion sincère ; car ils
étaient assurés que par une méthode aussi peu
sincère, ils ne pourraient entrer « dans le royaume
des cieux ».
LA
LOI REMPLACÉE PAR L'ÉVANGILE [12]
La
partie suivante du sermon traite de la supériorité de
l'Évangile du Christ sur la loi de Moïse et compare les
exigences des deux dans des cas particuliers. Tandis que la loi
interdisait le meurtre mais prévoyait un châtiment juste
pour le crime, le Christ enseigna que se livrer à la colère,
qui pouvait amener à la violence ou même au meurtre,
était en soi un péché. User méchamment
d'une épithète offensante comme « Raca »
rendait le sujet passible de punition en vertu du décret du
sanhédrin, et appeler un autre insensé mettait le sujet
en danger « du feu de la géhenne ». Ces
termes répréhensibles étaient considérés
à l'époque comme particulièrement violents et
exprimaient par conséquent une intention haineuse. La main du
meurtrier est poussée par la haine de son cœur. La loi
prévoyait un châtiment de l'acte, l'Évangile
réprimandait la passion mauvaise à son stade primaire.
Soulignant ce principe, le Maître montra que la haine ne devait
pas être expiée par un sacrifice matériel ;
et que si, en venant faire une offrande à l'autel, on se
souvenait qu'on avait quelque chose contre son frère, on
devait d'abord aller trouver ce frère et se réconcilier
avec lui, même si cela entraînait une interruption du
cérémoniel, incident qui était particulièrement
grave selon les prêtres. Les différends et les querelles
devaient être réglés sans délai.
La
loi interdisait le terrible péché d'adultère ;
le Christ dit que le péché commençait dans le
regard convoiteur, la pensée sensuelle ; et il ajouta
qu'il valait mieux devenir aveugle que regarder avec un oeil mauvais,
qu'il valait mieux perdre une main que de commettre une iniquité
avec elle. À propos de la question du divorce, dans laquelle
existait un grand relâchement à l'époque, Jésus
déclara qu'à part l'infraction extrêmement grave
que constituait l'infidélité aux vœux du mariage,
nul ne pouvait divorcer de sa femme sans devenir offenseur lui-même,
en ce sens qu'en se remariant, alors qu'elle n'était encore
qu'une épouse injustement divorcée, elle serait
coupable de péché de même que l'homme avec qui
elle se marierait ainsi.
On
avait interdit anciennement de jurer ou de faire serment sauf
lorsqu'on faisait alliance solennelle devant le Seigneur ; mais
le Seigneur interdit aux hommes de jurer ; et la laideur des
jurons non motivés fut exposée. C'était et c'est
un péché grave que de jurer par le ciel, qui est la
demeure de Dieu, ou par la terre, qui est sa création et qu'il
appela son marchepied, ou par Jérusalem, qui était
considérée par ceux qui juraient comme la ville du
grand Roi, ou par sa propre tête, qui fait partie du corps que
Dieu a créé. Il recommanda la modération dans
les paroles, la décision et la simplicité, à
l'exclusion des mots inutiles, de la grossièreté et des
jurons.
Autrefois,
on tolérait le principe des représailles, en vertu
duquel quelqu'un qui avait subi une offense pouvait exiger ou
infliger un châtiment de même nature que l'offense. C'est
ainsi qu'on réclamait un oeil pour un oeil, une dent pour une
dent, une vie pour une vie". Le Christ, lui, enseigna que les
hommes devaient souffrir plutôt que faire le mal, jusqu'à
se soumettre sans résistance à certaines situations.
Ces illustrations puissantes - que si l'on était frappé
sur une joue, il fallait tendre l'autre à celui qui frappait,
que si un homme prenait la tunique d'un autre en vertu de la loi, le
perdant devait permettre qu'on lui prenne également son
manteau, que si l'on obligeait quelqu'un à porter le fardeau
d'un autre pendant un mille, il devrait être disposé à
en faire deux, que l'on devait être prêt à donner
ou à prêter quand on y était invité - ne
doivent pas être comprises comme si elles commandaient de se
soumettre servilement à des exigences injustes, ni comme une
suppression du principe de la protection de soi. Ces instructions
s'adressaient surtout aux apôtres, qui seraient officiellement
consacrés à l'œuvre du royaume à
l'exclusion de tous autres intérêts. Dans leur
ministère, il vaudrait mieux pour eux souffrir, subir des
pertes matérielles ou être maltraités
personnellement par des oppresseurs corrompus que perdre de leur
efficacité et empêcher l'œuvre par la résistance
et les querelles. C'est à des gens comme ceux-là que
les béatitudes s'appliquaient tout particulièrement :
heureux ceux qui sont doux, ceux qui procurent la paix et ceux qui
sont persécutés à cause de la justice.
Il
avait été dit autrefois : « Tu aimeras
ton prochain et tu haïras ton ennemi [13] » ;
mais maintenant le Seigneur enseignait : « Aimez vos
ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du
bien à ceux qui vous haïssent], et priez pour ceux [qui
vous maltraitent et] qui vous persécutent. »
C'était une doctrine nouvelle. Jamais encore il n'avait été
commandé à Israël d'aimer ses ennemis. Il n'y
avait aucune place pour l'amitié à l'égard des
ennemis dans le code mosaïque : en effet, le peuple avait
appris à considérer les ennemis d'Israël comme les
ennemis de Dieu ; et maintenant Jésus exigeait que l'on
fit preuve de tolérance, de miséricorde et même
d'amour pour ceux-là ! Il compléta son exigence
par une explication : grâce au moyen qu'il indiquait, les
hommes peuvent devenir enfants de Dieu, semblables à leur Père
céleste dans la mesure de leur obéissance ; car le
Père est bon, longanime et tolérant, faisant briller
son soleil sur les méchants et sur les bons, et envoyant la
pluie satisfaire les besoins des justes et des injustes [14]. En
outre, en quoi excelle l'homme qui ne donne que lorsqu'il reçoit,
ne reconnaît que ceux qui le saluent avec respect, n'aime que
lorsqu'il est aimé ? Même les péagers [15]
en faisaient autant. Il était attendu beaucoup plus des
disciples du Christ. L'exhortation qui conclut cette partie du
discours constitue un résumé efficace et complet de
tout ce qui avait précédé : « Soyez
donc parfaits, comme votre Père céleste est
parfait » [16].
LA
SINCÉRITÉ D'INTENTION [17]
À
propos des aumônes, le Maître prévint contre
l'ostentation et les démonstrations hypocrites, et les dénonça
implicitement. Donner aux nécessiteux est digne d'éloge ;
mais donner dans le but de gagner l'éloge des hommes c'est de
l'hypocrisie pure. Jeter des aumônes à un mendiant,
verser des offrandes dans les caisses du trésor du temple,
pour être vu des hommes [18], et les démonstrations
similaires d'une générosité affectée,
étaient à la mode dans certaines classes à
l'époque du Christ ; le même esprit se manifeste
aujourd'hui. Il y en a maintenant qui font sonner la trompette,
parfois dans les colonnes de la presse ou par d'autres moyens de
publicité, pour attirer l'attention sur ce qu'ils donnent,
afin de recevoir la gloire des hommes : pour gagner de la faveur
politique, pour augmenter leur volume d'affaires ou leur influence,
pour obtenir ce qui, dans leur esprit, vaut plus que ce dont ils se
séparent. D'une manière tranchante et logique, le
Maître démontra que pareils donateurs ont leur
récompense. Ils auront reçu ce qu'ils demandent ;
qu'est-ce que de tels hommes peuvent demander de plus, à quoi
peuvent-ils logiquement s'attendre encore ? « Mais »,
dit le Seigneur, « quand tu fais l'aumône, que ta
(main) gauche ne sache pas ce que fait ta (main) droite, afin que ton
aumône se fasse en secret, et ton Père, qui voit dans le
secret, te le rendra. »
Dans
le même esprit le Prédicateur dénonça les
prières hypocrites : dire des prières au lieu de
prier. Il y en avait beaucoup qui recherchaient les lieux publics
dans les synagogues et même aux coins des rues, afin d'être
vus et entendus des hommes tandis qu'ils disaient leurs prières.
Ils obtenaient la publicité qu'ils recherchaient ; que
pouvaient-ils demander de plus ? « En vérité
je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. »
Celui qui veut vraiment prier - prier, autant que possible, comme le
Christ priait, prier en communion réelle avec Dieu, à
qui la prière s'adresse - recherchera la solitude,
l'isolement, la retraite ; s'il en a l'occasion, il se retirera
dans sa chambre, en fermera la porte, afin que nul ne puisse entrer ;
là il pourra prier, en effet, si l'esprit de prière est
dans son cœur ; et c'est ce procédé-là
que le Seigneur recommandait. Les suppliques verbeuses, composées
surtout de répétitions comme celles des païens,
pensant que leurs idoles seront heureuses de tant de paroles, étaient
interdites.
Il
est bon de savoir que la prière ne se compose pas de mots, de
mots qui peuvent ne pas exprimer ce que l'on veut dire, de mots qui
recouvrent souvent des inconséquences, de mots qui peuvent ne
pas avoir de source plus profonde que les organes physiques de la
parole, de mots qui peuvent être dits pour impressionner des
oreilles mortelles. Les muets peuvent parler, et ce avec l'éloquence
qui règne dans les cieux. La prière se compose de
battements de cœur et des aspirations justes de l'âme,
des suppliques basées sur la conscience du besoin, de la
contrition et du désir pur. Si un homme n'a jamais réellement
prié, il est séparé de l'ordre du divin dans la
nature humaine, étranger dans la famille des enfants de Dieu.
La prière sert à élever celui qui prie. Sans nos
prières, Dieu serait Dieu, mais nous, sans la prière,
nous ne pouvons être admis dans le royaume de Dieu. C'est
pourquoi le Christ enseigna : « Votre père
sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. »
Puis
il donna à ceux qui cherchaient la sagesse à ses pieds
une prière modèle, disant : « Voici
donc comment vous devez prier : Notre Père qui es aux
cieux ! Que ton nom soit sanctifié. » Ici,
nous reconnaissons les rapports qui existent entre notre Père
céleste et nous, et tout en respectant son grand et noble nom,
nous profitons de l'avantage inestimable de nous approcher de lui,
moins en pensant à sa gloire infinie, en tant que Créateur
de tout ce qui est, Être suprême planant au-dessus de
toute création, qu'en nous rendant compte avec amour qu'il est
Père et que nous sommes ses enfants. C'est l'écriture
biblique la plus ancienne qui donne des instructions, la permission
ou l'autorité de parler directement à Dieu comme à
« Notre Père ». C'est ici qu'est
exprimée la réconciliation que la famille humaine,
éloignée par le péché, peut obtenir,
grâce aux moyens fournis par le Fils bien-aimé. Cette
instruction démontre d'une manière également
claire la fraternité entre le Christ et l'humanité.
Comme il pria, de même nous prions le Père, nous comme
frères, et le Christ comme notre frère aîné.
« Que
ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur
la terre comme au ciel. » Le royaume de Dieu doit être
un royaume d'ordre, dans lequel la tolérance et la
reconnaissance des droits individuels régneront. Celui qui
prie réellement pour que ce règne vienne s'efforcera de
hâter sa venue en vivant conformément à la loi de
Dieu. Il s'efforcera de rester en harmonie avec l'ordre du royaume,
de soumettre la chair à l'esprit, l'égoïsme à
l'altruisme et d'apprendre à aimer les choses que Dieu aime.
Rendre la volonté de Dieu suprême sur la terre, comme
elle l'est au ciel, c'est s'allier avec Dieu dans les affaires de la
vie. Il y en a beaucoup qui professent croire que Dieu étant
omnipotent, tout ce qui est, est conformément à sa
volonté. Pareille supposition n'est pas scripturaire, est
déraisonnable et fausse [19]. La méchanceté
n'est pas conforme à sa volonté ; le mensonge,
l'hypocrisie, le vice et le crime ne sont pas les dons de Dieu à
l'homme. Ces monstruosités qui se sont développées
comme des malformations hideuses dans la nature et la vie humaines
seront abolies par sa volonté, et cette fin bénie
viendra lorsque, de leur propre choix, sans abandonner ni supprimer
leur libre arbitre, les hommes feront la volonté de Dieu.
« Donne-nous
aujourd'hui notre pain quotidien. » La nourriture est
indispensable à la vie. Nous devons la demander quand nous en
avons besoin. Notre Père sait ce dont nous avons besoin avant
que nous le demandions, cela est vrai, mais en demandant nous le
reconnaissons comme étant le Donateur, et cette demande nous
incite à être humbles, reconnaissants, contrits et
confiants. Bien que le soleil brille et que la pluie tombe également
sur les justes et les injustes, celui qui est juste est reconnaissant
de ces bénédictions ; l'impie reçoit les
bienfaits comme quelque chose de naturel, d'une âme qui est
incapable d'avoir de la reconnaissance. La capacité d'être
reconnaissant est une bénédiction, et nous devrions
être plus reconnaissants de la posséder. On nous
enseigne à prier jour après jour pour la nourriture
dont nous avons besoin, non pour obtenir une grande quantité à
mettre de côté pour l'avenir lointain. Israël dans
le désert recevait quotidiennement de la manne [20] et
cela lui rappelait qu'il dépendait de Celui qui donnait.
L'homme qui a beaucoup a plus de facilité à oublier sa
dépendance que celui qui est dans le besoin et qui doit
demander jour après jour.
« Pardonne-nous
nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont
offensés » [21]. Celui qui peut ainsi
prier avec une pleine intention et un but sans mélange mérite
le pardon. Dans cette condition requise de la supplication
personnelle, il nous est enseigné de n'attendre que ce que
nous méritons. Les égoïstes et les pécheurs
se réjouiraient d'être exemptés de leurs dettes
légales, mais être égoïste et pécheur
serait exiger le dernier sou de ceux qui sont endettés [22].
Le pardon est une perle trop précieuse pour qu'on la jette aux
pieds de ceux qui ne pardonnent pas [23] ; et, sans la
sincérité qui jaillit d'un cœur contrit, nul ne
peut demander en justice la miséricorde. Si d'autres doivent
quelque chose, que ce soit en argent ou en biens, ou en vertu d'une
infraction à nos droits, la manière dont nous agissons
envers eux sera prise en compte dans le jugement de nos propres
offenses.
« Ne
nous laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre-nous du
Malin ». La première partie de cette demande a
provoqué des commentaires et des questions. Nous ne devons pas
entendre par là que Dieu induirait jamais un homme en
tentation, si ce n'est peut-être comme une permission sage,
pour le mettre à l'épreuve, lui donnant par là
l'occasion de vaincre et d'acquérir ainsi la force
spirituelle, qui est le seul avancement véritable dans le
progrès éternel de l'homme. Le seul but pour lequel des
corps ont été donnés pour les esprits
préexistants du genre humain et pour les avancer à
l'état mortel était : « Nous les
mettrons ainsi à l'épreuve, pour voir s'ils feront tout
ce que le Seigneur, leur Dieu, leur commandera » [24]. Le
plan de la mortalité entraînait la certitude de la
tentation. L'intention de la supplication semble être que nous
soyons préservés de toute tentation située
au-delà de nos faibles capacités de résistance ;
que nous ne soyons pas abandonnés à la tentation sans
le soutien divin qui sera une mesure de protection aussi complète
que le permettra le choix que nous ferons.
Comme
il est donc illogique d'aller, comme beaucoup le font, en des lieux
où les tentations auxquelles ils sont le plus sensibles sont
les plus fortes ; pour l'homme affligé d'une passion pour
la boisson forte, de prier ainsi et puis de se rendre au bistrot ;
pour l'homme dont les désirs sont voluptueux, d'exprimer
pareille prière et puis d'aller là où la volupté
est attisée ; pour l'homme malhonnête, de dire la
prière, puis de se placer où il sait qu'il aura
l'occasion de voler ! Pareilles âmes peuvent-elles ne pas
être hypocrites lorsqu'elles demandent à Dieu de les
délivrer des maux qu'elles ont recherchés ? La
tentation se mettra sur notre chemin sans que nous la recherchions,
et le mal se présentera même lorsque nous avons le plus
grand désir de faire le bien ; c'est pour être
délivrés de cela que nous pouvons prier en nous
attendant à bon droit et avec assurance à être
exaucés.
« Car
c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le
règne, la puissance et la gloire. Amen ! » Ici
nous reconnaissons la suprématie de l'Être que nous
avons appelé au commencement le Père. Il est le
Tout-Puissant, en qui et par la volonté de qui nous avons la
vie, le mouvement et l'être [25]. Se prétendre
indépendant de Dieu est à la fois un sacrilège
et un blasphème ; le reconnaître est un devoir
filial et une confession juste de sa majesté et de sa
domination. Le Notre Père se termine par un « Amen »
solennel, placé comme sceau sur le document de la supplique,
attestant sa sincérité et l'expression véritable
de l'âme du suppliant ; réunissant en un mot le
sens de tout ce qui a été prononcé ou pensé.
Le sens littéral d'Amen est Ainsi soit-il.
Après
le sujet de la prière, le Maître aborda celui du jeûne
et souligna la vérité importante que pour servir à
quelque chose le jeûne doit être une affaire entre
l'homme et son Dieu, et non entre l'homme et ses semblables. Il était
d'usage courant, à l'époque du Maître, de voir
des hommes afficher leur abstinence pour faire voir à tout le
monde leur prétendue piété [26]. Afin
d'apparaître hagards et faibles, ces hypocrites se défiguraient
le visage, sortaient non coiffés et lançaient des
regards tristes. Le Seigneur dit de ceux-là aussi : « En
vérité je vous le dis, ils ont reçu leur
récompense. » Les croyants furent exhortés à
jeûner en secret, sans démonstration extérieure,
et à jeûner en Dieu, qui pouvait voir dans le secret et
entendrait leur sacrifice et leur prière.
LES
TRÉSORS DE LA TERRE ET DU CIEL [27]
Le
caractère transitoire de la richesse matérielle fut mis
ensuite en contraste avec la richesse durable de l'éternité.
Il y en avait et il y en a beaucoup dont l'effort principal dans la
vie vise à amasser les trésors de la terre, dont la
simple possession entraîne des responsabilités, des
soucis et des ennuis. Certaines espèces de richesses comme la
soie et le velours, le satin et les fourrures, sont mises en danger
par les ravages de la teigne, certaines l'argent, le cuivre et
l'acier - sont détruites par la corrosion et la rouille - en
outre, il n'est pas rare que celles-ci deviennent le butin des
voleurs. Infiniment plus précieux sont les trésors
d'une vie bien vécue, la richesse de bonnes actions, dont il
est tenu compte dans le ciel, où la richesse des œuvres
de justice est à l'abri de la teigne, de la rouille et des
voleurs. Puis vint la leçon pénétrante :
« Car là où est ton trésor, là
aussi sera ton cœur. »
Elle
montre que la lumière spirituelle est plus grande qu'aucun
luminaire physique. À quoi sert la lumière la plus
brillante à l'homme qui est aveugle ? C'est l'œil
physique qui discerne la lumière de la bougie, de la lampe ou
du soleil ; et l'œil spirituel voit par la lumière
spirituelle ; si donc l'œil spirituel de l'homme est en
bon état, c'est-à-dire pur et non terni par le péché,
il est rempli de la lumière qui lui montrera le chemin vers
Dieu ; tandis que si l'œil de son âme est mauvais,
il sera comme un oeil rempli de ténèbres. Le résumé
exprime un avertissement solennel : « Si donc la
lumière qui est en toi est ténèbres, combien
seront grandes les ténèbres ! » Ceux à
qui le Maître s'adressait avaient reçu la lumière
de Dieu ; le degré de foi qu'ils avaient déjà
professé en était la preuve. S'ils devaient se
détourner de la grande entreprise dans laquelle ils s'étaient
embarqués, la lumière serait perdue et les ténèbres
qui s'ensuivraient seraient plus denses que celles dont ils avaient
été libérés [28]. Il ne devait y
avoir aucune indécision chez les disciples. Aucun d'entre eux
ne pouvait servir deux maîtres, celui qui professait faire cela
serait un serviteur infidèle pour l'un ou pour l'autre.
Ensuite vint une autre généralisation profonde :
« Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon » [29].
Il
leur fut dit de se fier au Père pour leurs besoins, ne se
souciant ni de nourriture ni de boisson, ni de vêtements, ni
même de la vie elle-même, car tout cela serait donné
par des moyens supérieurs à leurs pouvoirs de contrôle.
Avec la sagesse d'un Maître entre les maîtres, le
Seigneur fit appel à leur cœur et à leur
intelligence en citant les leçons de la nature dans un langage
d'une éloquence si simple et pourtant si puissante que
l'amplifier ou le condenser ne ferait que le ternir :
« Regardez
les oiseaux du ciel : Ils ne sèment ni ne moissonnent,
ils n'amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste
les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ? Qui de
vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une seule coudée
à la durée de sa vie ? Et pourquoi vous inquiéter
au sujet du vêtement ? Observez comment croissent les lis
des champs : Ils ne travaillent, ni ne filent ; cependant
je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été
vêtu comme l'un d'eux. »
Il
réprimanda la faiblesse de la foi en rappelant que le Père,
qui se souciait même de l'herbe des champs, qui pousse un jour
et est rassemblée le lendemain pour être brûlée,
ne manquerait pas de se souvenir des siens. C'est pourquoi le Maître
ajouta : « Cherchez premièrement son royaume
et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus. »
NOUVELLE
CONDAMNATION DE L'HYPOCRISIE [30]
Les
hommes ont tendance à juger leurs semblables et à faire
leur éloge ou leur critique sans considérer
suffisamment les faits ou les circonstances. Le Maître exprima
sa désapprobation des jugements tendancieux ou non fondés.
« Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés »,
exhorta-t-il ; c'est selon la manière dont on a jugé
les autres que l'on sera jugé soi-même. L'homme qui est
toujours prêt à corriger les erreurs de son frère,
à enlever la paille de l'œil de son prochain, afin que
ce prochain voie les choses comme l'ami intéressé et
importun voudrait qu'il les voie, fut dénoncé comme
hypocrite. Qu'était la poussière dans la vision de son
prochain en comparaison de la poutre de son propre oeil ? Les
siècles qui se sont écoulés entre le temps du
Christ et notre propre époque nous ont-ils rendus moins
ardents à guérir la mauvaise vue de ceux qui ne peuvent
ou ne veulent pas se ranger à notre point de vue et voir les
choses comme nous les voyons ?
Ces
disciples, dont certains allaient bientôt agir avec l'autorité
du saint apostolat, furent mis en garde contre la dissémination
inconsidérée et aveugle des vérités et
des préceptes sacrés qui leur étaient confiés.
Ils auraient pour devoir de discerner l'esprit de ceux qu'ils
essayaient d'instruire et de leur donner avec sagesse. Les paroles du
Maître furent fortes : « Ne donnez pas ce qui
est saint aux chiens et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux,
de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et ne se retournent pour vous
déchirer » [31].
PROMESSE
ET ASSURANCE NOUVELLE [32]
Il
leur fit ensuite la belle promesse que leurs supplications seraient
entendues et exaucées. Ils devaient demander, et ils
recevraient ; ils devaient frapper, et la porte s'ouvrirait.
Leur Père céleste n'aurait certainement pas moins de
considération qu'un père humain ; et quel est le
père qui, si son fils lui demandait du pain, lui répondrait
en lui donnant une pierre ou qui lui donnerait un serpent s'il
demandait un poisson ? Il n'en serait que d'autant plus certain
que Dieu accorderait de bonnes choses à ceux qui demandaient
selon leurs besoins, avec foi. « Tout ce que vous voulez
que les hommes fassent pour vous, aussi, faites-le de même pour
eux, car c'est la loi et les prophètes. »
La
voie droite et étroite que l'homme peut suivre dans la
sainteté fut comparée avec la voie large qui mène
à la perdition. Il fallait éviter les faux prophètes,
tels qu'il y en avait parmi le peuple, qui, dans leurs prétentions,
étaient comparables à des brebis mais étaient en
réalité des loups dévorants. Ceux-ci, ils les
reconnaîtraient à leurs oeuvres et aux résultats
de celles-ci, tout comme on jugera qu'un arbre est bon ou mauvais
selon son fruit. Les épines ne produisent pas de raisin, et
les chardons ne peuvent porter de figues. De même, il est tout
aussi impossible à un bon arbre de produire du mauvais fruit
qu'à un arbre inutile et pourri de porter du bon fruit.
La
religion, c'est plus que confesser et professer du bout des lèvres.
Jésus affirma que le jour du jugement beaucoup prétendraient
être ses disciples, disant : « Seigneur,
Seigneur ! N'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé,
en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom
que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur
déclarerai : Je ne vous ai jamais connus retirez-vous de
moi, vous qui commettez l'iniquité. » Ce n'est
qu'en faisant la volonté du Père que l'on peut obtenir
la grâce salvatrice du Fils. Vouloir parler et agir au nom du
Seigneur sans en avoir reçu l'autorité que seul le
Seigneur peut donner, c'est ajouter le sacrilège à
l'hypocrisie. Même les miracles qui seront accomplis ne
prouveront pas les prétentions de ceux qui professent
administrer les ordonnances de l'Évangile, s'ils n'ont pas
l'autorité de la sainte prêtrise [33].
ENTENDRE
ET FAIRE [34]
Le
sermon sur la montagne a traversé toutes les années qui
se sont écoulées depuis qu'il a été
prononcé sans qu'aucun autre ait pu rivaliser avec lui. Aucun
mortel n'a jamais prêché de discours de ce genre depuis
ce temps-là. L'esprit du discours est du début à
la fin celui de la sincérité et de l'action, par
opposition aux professions vides et à la négligence.
Dans les dernières phrases, le Seigneur montra l'inutilité
de se borner à entendre, par comparaison avec l'efficacité
de l'action. L'homme qui entend et agit est comme le constructeur
sage qui posa les fondations de sa maison sur du roc ; et en
dépit de la pluie, des torrents et des vents, la maison
résista. Celui qui entend et n'obéit pas est comparé
à l'insensé qui construisit sa maison sur le sable ;
et lorsque la pluie est tombée ou que les vents ont soufflé
ou que les torrents sont venus, voici, elle est tombée, et sa
ruine a été grande.
Pareils
enseignements étonnèrent le peuple. Le Prédicateur
n'avait cité pour ses enseignements originaux aucune autorité
autre que la sienne. Son discours ne présentait aucun cortège
de précédents rabbiniques ; la loi était
remplacée par l'Évangile : « Car il les
enseignait comme quelqu'un qui a de l'autorité et non pas
comme leurs scribes. »
[1]
Mt chap. 5, 6, 7 ; Lc 6:20-49 (voir aussi la version du sermon
prononcé par Jésus-Christ après sa résurrection,
aux Néphites du continent américain : LM, 3 Né,
chap. 12, 13, 14. Voir aussi chapitre 39 du présent ouvrage).
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Mt 4:23-25 ; lire ces versets avec 5:1 ; voir aussi Lc
6:17-19.
[4]
Note 1, fin du chapitre.
[5]
Mt 5:3-12 ; cf. Lc 6:20-26 et LM, 3 Né 12:1-12.
[6]
Mt 5:11, 12 ; cf. Lc 6:26 ; LM, 3 Né 12:11,12.
[7]
Note 2, fin du chapitre.
[8]
D&A 93:33.
[9]
Lv 2:13 ; cf. Esd 6:9 ; Ez 43:24.
[10]
Notez l'expression « alliance du sel » [version
du roi Jacques, ndt] désignant l'alliance entre Jéhovah
et Israël, Lv 2:13, Nb 18:19 ; cf. 2 Ch 13:5.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Mt 5:21-48, Lc 6:27-36 ; cf. LM, 3 Né 12:21-48.
[13]
Cf. Lv 19:18 ; Dt 23:6 et Ps 41:10.
[14]
Comparer avec la leçon donnée dans la parabole de
l'ivraie, Mt 13:24-30.
[15]
Note 4, fin du chapitre ; voir aussi chap. 14, notes.
[16]
Note 5, fin du chapitre.
[17]
Mt 6:1-18 ; cf. Lc 11:2-4 ; LM, 3 Né 13:1-18.
[18]
Examiner l'incident du don du riche et de l'obole de la veuve, Mc
12:41-44 ; Lc 21:1-4.
[19]
Chap. 3.
[20]
Ex 16:16-21.
[21]
Version anglaise : « Pardonne-nous nos dettes, comme
nous pardonnons nos débiteurs », ndt.
[22]
Notez la leçon de la parabole du serviteur impitoyable, Mt
18:23-25.
[23]
Cf. Mt 7:6.
[24]
PGP, Abr 3:25 ; voir chap. 2 du présent ouvrage, notes.
[25]
Ac 17:28.
[26]
Comparer avec l'exemple donné à propos de la parabole
du Pharisien et du péager, Lc 18:10-14.
[27]
Mt 6:19-34 ; cf. Lc 12:24-34,16:13,18:22 ; LM, 3 Né
13:19-34.
[28]
Lc 11:34-36.
[29]
Cf. Ga 1:10 ; 1 Tm 6:17 ; Jc 4:4 ; 1 Jn 2:15.
[30]
Mt 7:1-5 ; Luc 6:37, 38, 41, 42 ; cf. LM, 3 Né
14:1-5.
[31]
Mt 7:6 ; cf. LM, 3 Né 14:6.
[32]
Mt 7:7-23 ; Lc 6:43-44,46, 11:9-13, 13:24-30 ; cf. LM, 3 Né
14:7-23.
[33]
Articles de Foi, p. 222-233, 281-283.
[34]
Mt 7:24-29 ; Lc 6:46-49 ; cf. LM, 3 Né 14:24-27.
NOTES
DU CHAPITRE 17
1.
Époque et lieu du sermon sur la montagne : Matthieu cite
très rapidement le discours, le plaçant même
avant d'indiquer son appel de la maison du péage - appel qui
précéda certainement l'ordination du groupe des Douze -
et avant de raconter un grand nombre de paroles et d'actions du
Seigneur déjà examinées dans ces pages. Luc
place son sommaire partiel du sermon après l'ordination des
apôtres. Matthieu nous dit que Jésus était monté
sur la montagne et qu'il était assis tandis qu'il parlait ;
le récit de Luc fait penser que Jésus et les Douze
descendirent tout d'abord des hauteurs de la montagne dans une
plaine, où la foule les rencontra, et que Jésus leur
prêcha debout. Les critiques qui s'amusent de petits détails,
négligeant souvent des choses plus importantes, ont essayé
de tirer le plus grand parti de ces divergences apparentes. N'est-il
pas probable que Jésus parla en détail à ses
disciples qui étaient alors présents, sur le flanc de
la montagne, et parmi lesquels il avait choisi les Douze, et qu'après
avoir terminé le discours qu'il leur avait fait, il descendit
avec eux dans la plaine où une multitude s'était
assemblée, et qu'il lui répéta certaines parties
de ce qu'il avait déjà dit ? L'abondance relative
du récit de Matthieu peut être due au fait que, étant
l'un des Douze, il assista au premier discours plus étendu.
2.
Le plaisir et le bonheur : « Le temps présent
est une période de recherche du plaisir, et les hommes perdent
le sens dans la folle course aux sensations qui ne font qu'exciter et
décevoir. À notre époque de contrefaçon,
de déformation et d'imitation viles, le démon est plus
occupé qu'il ne l'a jamais été au cours de
l'histoire humaine à fabriquer des plaisirs, tant vieux que
nouveaux ; et ceux-ci, il les met en vente d'une manière
extrêmement attrayante, portant faussement l'étiquette :
Bonheur. Il n'a pas son égal dans cet art destructeur d'âmes ;
il a des siècles d'expérience et de pratique, et par
son habileté, il contrôle le marché. Il a appris
les ficelles du métier et sait comment attirer l'œil et
éveiller le désir de ses clients. Il emballe sa
marchandise dans des paquets aux couleurs vives, fermés par
des fils de clinquant et des pompons ; et les foules affluent
aux comptoirs de ses magasins, se bousculant et s'écrasant
mutuellement dans leur frénésie d'achat.
« Suivez
l'un des acheteurs tandis qu'il s'en va avec une satisfaction
méchante, son paquet criard sous le bras, et regardez-le
l'ouvrir. Que trouve-t-il à l'intérieur de l'emballage
doré ? Il s'était attendu à un bonheur
parfumé, mais il ne découvre qu'une forme inférieure
de plaisir dont la puanteur est écœurante.
« Le
bonheur comprend tout ce qui est réellement désirable
et de valeur réelle dans le plaisir et beaucoup d'autres
choses en plus. Le bonheur est de l'or véritable, le plaisir
n'est que de l'airain doré, qui se corrode dans la main et se
transforme bientôt en vert-de-gris empoisonné. Le
bonheur est comme le diamant véritable qui, brut ou poli,
brille de son lustre inimitable ; le plaisir est comme
l'imitation en toc qui ne brille que lorsqu'on l'embellit
artificiellement. Le bonheur est comme le rubis, rouge comme le sang
du cœur, dur et durable ; le plaisir comme du verre de
couleur, fragile, cassant et de beauté passagère.
« Le
bonheur, c'est la nourriture véritable, saine, nutritive et
douce ; elle édifie le corps et apporte de l'énergie
pour l'action, physique, mentale et spirituelle ; le plaisir
n'est qu'un stimulant trompeur qui, comme les spiritueux, fait croire
qu'on est fort alors qu'en réalité on est affaibli,
fait imaginer qu'on est en bonne santé alors qu'on est en fait
frappé d'une maladie mortelle.
« Le
bonheur ne laisse pas de mauvais arrière-goût, il n'est
suivi d'aucune réaction déprimante ; il ne demande
aucun repentir, n'apporte aucun regret, n'implique aucun remords ;
le plaisir rend trop souvent le repentir, la contrition et la
souffrance nécessaires ; et, si on s'y livre à
l'extrême, il apporte la dégradation et la destruction.
« Le
vrai bonheur se revit constamment en mémoire, toujours avec un
renouveau du bien originel ; un moment de plaisir impie peut
laisser un aiguillon barbelé qui, comme une épine dans
la chair, est une source éternellement présente
d'angoisse.
« Le
bonheur n'est pas apparenté à la légèreté
ni à la gaieté frivole. Il jaillit des sources
profondes de l'âme, et il n'est pas rare qu'il s'accompagne de
larmes. N'avez-vous jamais été heureux au point d'en
pleurer ? Moi si. » (Tiré d'un article de
l'auteur, Improvement Era, vol. 17, numero 2, p. 172, 173).
3.
Le sel de la terre : Le Commentary on the Holy Bible, de
Dummelow, sur Matthieu 5:13, dit : « En Palestine, le
sel, étant recueilli dans un état impur, subit souvent
des changements chimiques qui détruisent sa saveur tandis que
son aspect subsiste. » Nous pourrons peut-être
suggérer une interprétation raisonnable de l'expression
« Si le sel perd sa saveur » en disant que le
sel mêlé à des impuretés insolubles peut
être dissous par l'humidité, ne laissant le résidu
insoluble que légèrement salé. La leçon
de l'illustration du Seigneur est que le sel gâté est
incapable de conserver. Le passage correspondant dans le sermon que
Jésus fit aux Néphites après sa résurrection
dit : « En vérité, en vérité,
je vous le dis : Je vous donne d'être le sel de la terre ;
mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la terre sera-t-elle salée ?
Le sel désormais ne serait plus bon à rien qu'à
être jeté et foulé aux pieds des hommes »
(3 Né 12:13).
4.
Allusion aux péagers : Observez que Matthieu, qui avait
été péager, rapporte franchement cette allusion
(5:46,47) faite à la classe méprisée, à
laquelle il appartenait. Luc écrit « pécheurs »
au lieu de « péagers » (6:32-34).
Naturellement, si les récits des deux auteurs font allusion à
des discours séparés (voir note 1 ci-dessus), ils
peuvent avoir raison tous les deux. Mais nous trouvons que Matthieu
se donne à lui-même le nom de péager lorsqu'il
fait la liste des apôtres (10:3) et que les autres évangélistes
omettent avec tact ce titre peu enviable (Mc 3:18, Lc 6:15).
5.
La perfection relative : On ne peut interpréter
raisonnablement l'exhortation que notre Seigneur fit aux hommes de
devenir parfaits comme le Père est parfait (Mt 5:48) que comme
sous-entendant la possibilité de pareilles réalisations.
Il est cependant clair que l'homme ne peut devenir parfait dans la
mortalité dans le sens dans lequel Dieu est parfait en tant
qu'Être suprêmement glorifié. Il est cependant
possible à l'homme d'être parfait dans sa sphère
dans un sens analogue à celui dans lequel les intelligences
supérieures sont parfaites dans leurs sphères
respectives ; cependant la perfection relative de celles qui
sont plus bas est infiniment inférieure à celle de ceux
qui sont plus haut. Un universitaire de première ou de
deuxième année peut être parfait en tant
qu'étudiant de première ou de deuxième année ;
il peut avoir 100% d'efficacité et de réalisations ;
cependant les honneurs de l'étudiant de troisième ou de
quatrième années sont au-delà de sa portée,
et le diplôme de licence est éloigné pour lui
mais constitue une possibilité certaine, s'il reste fidèle
et dévoué jusqu'à la fin.
CHAPITRE
18 : COMME AYANT AUTORITÉ
Le
récit que Matthieu fait du merveilleux discours que nous
appelons le sermon sur la montagne prend fin par une phrase puissante
dans laquelle il décrit l'effet des paroles du Maître
sur le peuple : « Car il les enseignait comme
quelqu'un qui a de l'autorité et non pas comme leurs
scribes » [1]. Une caractéristique
frappante du ministère du Christ était l'absence totale
de toute tentative de fonder ses paroles ou ses actes sur une
autorisation humaine quelconque ; l'autorité qu'il
professait avoir était celle du Père qui l'avait
envoyé. Ses discours, qu'ils fussent donnés à
des multitudes ou prononcés d'une manière relativement
intime pour quelques-uns, étaient dépourvus des
citations travaillées dans lesquelles les docteurs de l'époque
se complaisaient. Son « je vous le dis »
péremptoire prenait la place de l'appel à l'autorité
et surpassait tout déploiement possible de précédents
sous forme de commandements ou de déductions. En cela ses
paroles différaient essentiellement des formules érudites
des scribes, des Pharisiens et des rabbis. Pendant tout son
ministère, il manifesta une puissance et une autorité
inhérentes sur la matière et les forces de la nature,
sur les hommes et les démons, sur la vie et la mort. Il est
maintenant de notre intention d'examiner un certain nombre de cas
dans lesquels la puissance du Seigneur se manifesta en diverses
œuvres puissantes.
GUÉRISON
DU SERVITEUR DU CENTURION [2]
Du
mont des béatitudes, Jésus retourna à Capernaüm.
Il importe peu de savoir si ce fut directement ou par un chemin plus
long marqué par d'autres oeuvres puissantes et
miséricordieuses. Il y avait à l'époque une
garnison romaine dans la ville. Un officier, centurion [centenier
dans la version Segond, ndt] ou capitaine de cent hommes, y était
stationné. À la maison de cet officier était
attaché un serviteur pour lequel il avait beaucoup d'estime et
qui était malade, « sur le point de mourir ».
Le centurion avait la foi que le Christ pouvait guérir son
serviteur et invoqua l'intercession des anciens Juifs pour demander
au Maître la bénédiction désirée.
Ces anciens implorèrent Jésus avec la plus grande
ferveur et firent valoir la valeur de l'homme qui, bien que Gentil,
aimait le peuple d'Israël et, de ses richesses, avait construit
une synagogue pour eux dans la ville. Jésus alla avec les
anciens, mais le centurion, ayant probablement appris l'approche de
la petite compagnie, envoya en hâte d'autres envoyés
dire qu'il ne se considérait pas digne de faire entrer Jésus
chez lui, sentiment d'indignité qui lui avait interdit d'oser
faire sa requête en personne [3]. « Mais »,
disait la supplique, « dis un mot, et mon serviteur sera
guéri. » Nous pouvons comparer la conception que
cet homme avait de la puissance du Christ à celle du noble de
la même ville, qui avait demandé à Jésus
de se hâter en personne aux côtés de son fils
mourant [4].
Le
centurion semble avoir raisonné de la manière
suivante : il était lui-même un homme d'autorité,
bien que sous la direction d'officiers supérieurs. À
ses subordonnés il donnait des ordres auxquels ceux-ci
obéissaient. Il n'estimait pas nécessaire d'assister
personnellement à l'exécution de ses ordres. Il était
certain que quelqu'un qui avait un pouvoir tel que celui que Jésus
possédait pouvait commander et être obéi. En
outre, il se peut que l'homme ait entendu parler de la guérison
merveilleuse du fils mourant du noble, que le Seigneur accomplit en
prononçant la parole guérisseuse alors qu'il se
trouvait à des kilomètres du lit du patient. Nous ne
pouvons douter que la confiance et la foi du centurion aient été
sincères puisque Jésus les loua expressément.
L'homme affligé fut guéri. On nous dit que Jésus
admira [5] la manifestation de foi du centurion et dit, se
tournant vers les gens qui le suivaient : « Je vous
le dis, même en Israël je n'ai pas trouvé une aussi
grande foi. » Cette réflexion peut avoir provoqué
l'étonnement de certains auditeurs ; les Juifs n'avaient
pas l'habitude d'entendre exalter ainsi la foi d'un Gentil car, selon
le traditionalisme du temps, un Gentil, même converti ardent au
judaïsme, était considéré comme
essentiellement inférieur, même au plus indigne du
peuple choisi. Le commentaire de notre Seigneur montrait clairement
que les Gentils seraient préférés dans le
royaume de Dieu, s'ils excellaient en dignité. En prenant le
récit de Matthieu, nous trouvons cet enseignement
supplémentaire introduit comme d'habitude par « Je
vous le dis » - Que « plusieurs viendront de
l'Orient et de l'Occident, et se mettront à table avec
Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux. Mais les fils du
royaume seront jetés dans les ténèbres du
dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de
dents » [6].
Cette
leçon, qu'Israël ne peut parvenir à la suprématie
qu'en excellant en justice est, comme nous le verrons, répétée
et soulignée dans les enseignements du Seigneur.
RÉSURRECTION
D'UN JEUNE HOMME DE NAÏN [7]
Le
lendemain du miracle que nous venons d'examiner, Jésus se
rendit dans la petite ville de Naïn et, comme d'habitude,
beaucoup de personnes l'accompagnèrent. Ce jour-là se
produisit ce qui, dans l'estimation des hommes, fut un miracle plus
grand que tous ceux qu'il avait accomplis auparavant. Il en avait
déjà guéri beaucoup, parfois d'un mot prononcé
en présence des affligés, et aussi alors qu'il était
loin du bénéficiaire de sa puissance bienfaitrice ;
des maladies corporelles avaient été vaincues et des
démons avaient été réprimandés sur
son ordre ; mais, bien que des malades qui étaient près
de mourir eussent été sauvés de la tombe, nous
n'avons pas de récit plus ancien où notre Seigneur ait
commandé à la mort terrible, elle-même, de rendre
quelqu'un qu'elle avait emporté [8]. Comme Jésus
et ses disciples approchaient de la ville, un cortège funèbre
d'un grand nombre de personnes vint à sa rencontre ; on
transportait au tombeau le fils unique d'une veuve ; le corps
était porté, selon la coutume du temps, sur une bière
ouverte. Notre Seigneur contempla avec compassion la mère
endeuillée, maintenant privée d'époux et de
fils ; et ressentant en lui-même [9] la douleur de sa
souffrance, il dit d'un ton doux : « Ne pleure
pas ! » Il toucha le brancard sur lequel le mort
était étendu, et les porteurs s'arrêtèrent.
Puis en s'adressant au cadavre, il dit : « Jeune
homme, je te le dis, lève-toi ! » Et le mort
entendit la voix de celui qui est le Seigneur de tous [10], et
se leva immédiatement et parla. Gracieusement Jésus
remit le jeune homme à sa mère. Nous lisons sans
étonnement que la crainte envahit tous ceux qui étaient
là et qu'ils glorifièrent Dieu, attestant qu'un grand
prophète se trouvait parmi eux et que Dieu avait visité
son peuple. La nouvelle de ce miracle parcourut tout le pays et
parvint même aux oreilles de Jean-Baptiste, qui se trouvait
dans la prison d'Hérode. L'effet que fit sur Jean la nouvelle
de ce miracle et d'autres miracles puissants du Christ réclame
maintenant notre attention.
LE
MESSAGE DE JEAN-BAPTISTE À JÉSUS
Avant
même le retour de Jésus en Galilée après
son baptême, et les quarante jours de solitude dans le désert,
Jean-Baptiste avait été emprisonné sur ordre
d'Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et de
Pérée [11]. Au cours des mois suivants, pendant
lesquels notre Seigneur prêcha activement l'Évangile,
enseignant le sens véritable du Royaume, réprouvant le
péché, guérissant les affligés,
réprimandant les esprits mauvais et ressuscitant même
les morts, son précurseur, le pieux et courageux Jean, était
prisonnier dans les cachots de Machaerus, l'une des plus puissantes
citadelles d'Hérode [12].
Le
tétrarque avait un certain respect pour Jean, ayant constaté
que c'était un saint homme ; et Hérode avait fait
beaucoup de choses sur le conseil direct du Baptiste ou à
cause de l'influence de l'enseignement général de ce
dernier. En fait, Hérode avait écouté Jean avec
plaisir et ne l'avait emprisonné qu'en cédant à
contrecœur aux importunités d'Hérodiade,
qu'Hérode avait déclarée être sa femme
sous couvert d'un mariage illégal. Hérodiade avait été
et était encore légalement la femme de Philippe, frère
d'Hérode, dont elle n'avait jamais été
légalement divorcée ; son prétendu mariage
avec Hérode Antipas était à la fois adultère
et incestueux en vertu de la loi juive. Le Baptiste avait dénoncé
hardiment cette union pécheresse ; il avait dit à
Hérode : « Il ne t'est pas permis d'avoir la
femme de ton frère. » Bien qu'Hérode ait pu
ignorer cette sévère réprimande, ou ait pu du
moins permettre de la laisser passer sans châtiment, Hérodiade
ne voulut pas être indulgente. C'est elle, et non le tétrarque,
qui haïssait Jean le plus ; elle « avait du
ressentiment contre » Jean et réussit à
amener Hérode à faire saisir et incarcérer le
Baptiste, ce qui était une étape dans la consommation
de son plan vengeur de le faire mettre à mort [13]. En
outre, Hérode craignait que le peuple ne se révoltât
au cas où Jean serait tué sur son ordre [14]. Au
cours de son long emprisonnement, Jean avait beaucoup entendu parler
de la prédication et de l'œuvre merveilleuse du Christ ;
ces choses avaient dû lui être rapportées par
certains de ses disciples et de ses amis qui avaient la permission de
lui rendre visite [15]. Il fut, en particulier, informé
de la résurrection miraculeuse du jeune homme à
Naïn [16] ; et il chargea sur le champ deux de ses
disciples de porter un message dans lequel il demandait à
interroger Jésus [17]. Ceux-ci allèrent trouver le
Christ et lui expliquèrent le but de leur visite comme suit :
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre
un autre ? » Les messagers trouvèrent Jésus
occupé à des oeuvres bienveillantes ; et au lieu
de répondre immédiatement en paroles, il continua sa
tâche, soulageant à cette même heure un plus grand
nombre de personnes qui étaient affligées de cécité
ou d'infirmités, ou qui étaient troublées par
des esprits mauvais. Puis, se tournant vers les deux personnes qui
avaient communiqué la question du Baptiste, Jésus dit :
« Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et
entendu : les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les
morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux
pauvres. Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de
chute ! »
La
question des disciples de Jean reçut la réponse d'actes
merveilleux de bienveillance et de miséricorde. Lorsque la
réponse fut rapportée à Jean, le prophète
emprisonné ne pouvait guère manquer de se rappeler les
prédictions d'Ésaïe, qui disaient que c'était
par ces signes de miracles et de bénédictions mêmes
que le Messie serait connu [18] ; et le reproche dut être
convaincant et accusateur lorsqu'il se rappela les citations qu'il
avait faites lui-même des prophéties d'Ésaïe,
lorsqu'il avait proclamé avec une éloquence ardente et
flétrissante l'accomplissement de cette prédiction
ancienne dans sa propre mission et dans celle du personnage
tout-puissant dont il avait rendu personnellement témoignage [19].
La
dernière phrase de la réponse de notre Seigneur à
Jean était l'apogée de ce qui avait précédé,
et une réprimande supplémentaire quoique douce du
manque de compréhension que le Baptiste montrait pour la
mission du Messie. « Heureux celui pour qui je ne serai
pas une occasion de chute », dit le Seigneur. Le manque de
compréhension est le prélude de la chute. Mesurée
selon le critère de la conception alors courante de ce que le
Messie serait, l'œuvre du Christ dut apparaître à
beaucoup comme un échec ; et ceux qui cherchaient quelque
manifestation soudaine de sa puissance dans la conquête des
oppresseurs d'Israël et le rétablissement de la maison de
David en splendeur profane, s'impatientaient, puis devinrent
sceptiques ; ensuite ils y trouvèrent une occasion de
chute et menacèrent de se rebeller ouvertement contre leur
Seigneur. Le Christ a été une occasion de chute pour un
grand nombre de personnes qui, n'étant pas en harmonie avec
ses paroles et ses oeuvres, y ont trouvé une occasion de
chute [20].
La
situation de Jean doit être considérée avec
justice par tous ceux qui prennent sur eux de juger le but qu'il
poursuivait en faisant demander au Christ : « Es-tu
celui qui doit venir ? » Jean comprenait parfaitement
que son oeuvre était un travail de préparation ;
il en avait témoigné et avait ouvertement rendu
témoignage que Jésus était celui pour lequel il
avait été envoyé préparer la voie. Avec
le commencement du ministère du Christ, l'influence de Jean
avait diminué, et pendant de nombreux mois il avait été
enfermé dans une cellule, s'énervant dans son
inactivité, aspirant sans aucun doute à la liberté,
et aux sauterelles et au miel sauvage du désert. Jésus
croissait tandis qu'il diminuait en popularité, en influence
et en possibilités ; et il avait affirmé que cette
situation était inévitable [21].
Mais,
laissé en prison, peut-être souffrant de dépression,
s'est-il laissé à se demander si ce personnage
tout-puissant l'avait oublié. Il savait que si Jésus en
donnait le commandement, la prison de Machaerus ne pourrait plus le
retenir ; néanmoins Jésus semblait l'avoir
abandonné à son sort, qui n'impliquait pas seulement
l'emprisonnement mais d'autres indignités, et la torture
physique [22]. Peut-être a-t-il été dans les
intentions de Jean d'attirer l'attention du Christ sur sa situation
pitoyable ; et à cet égard son message était
plutôt un rappel qu'une simple question basée sur un
doute réel. En effet, nous avons de bonnes raisons de conclure
que le but de Jean en envoyant des disciples interroger le Christ
était en partie, et peut-être en grande partie, de
confirmer chez ces disciples une foi durable au Christ. La commission
dont ils étaient chargés les mit en contact direct avec
le Seigneur, dont ils ne pouvaient manquer de comprendre la
suprématie. Ils furent témoins personnels de sa
puissance et de son autorité.
Le
commentaire de notre Seigneur sur le message de Jean indiquait que le
Baptiste n'avait pas pleinement compris ce que le royaume spirituel
de Dieu contenait. Lorsque les envoyés furent partis, Jésus
s'adressa au peuple qui avait été témoin de
l'entretien. Il ne voulait pas qu'il sous-estimât l'importance
du service du Baptiste [23]. Il lui rappela le temps de la
popularité de Jean, où certaines des personnes alors
présentes et des multitudes d'autres étaient allées
dans le désert écouter les exhortations sévères
du prophète, et où elles avaient vu qu'il n'était
pas un roseau agité par le vent mais un chêne ferme et
inflexible. Elles n'étaient pas allées voir un homme
habillé à la mode ; ceux qui portaient des
vêtements doux devaient être recherchés à
la cour du roi, et non dans le désert, ni dans le cachot où
Jean se trouvait maintenant. Elles avaient trouvé en Jean un
prophète, oui, plus qu'un prophète : « Je
vous le dis, affirma le Seigneur, parmi ceux qui sont nés de
femmes, il n'y en a pas de plus grand que Jean. Cependant, le plus
petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui » [24]. Quel
témoignage plus fort de l'intégrité du Baptiste
nous faut-il ? D'autres prophètes avaient parlé de
la venue du Messie, mais Jean l'avait vu, l'avait baptisé et
avait été pour Jésus ce qu'un page est pour son
maître. Néanmoins depuis le jour où Jean prêcha
jusqu'à l'époque à laquelle le Christ parlait
alors, le royaume des cieux avait été rejeté
avec violence, et ce alors que tous les prophètes et même
la loi fondamentale avaient parlé de sa venue, et bien que
Jean et le Christ eussent été abondamment prédits.
À
propos de Jean, le Seigneur continua : « Et, si vous
voulez l'admettre, c'est lui qui est l'Élie qui devait venir.
Que celui qui a des oreilles, entende » [25]. Il
est important de savoir que le terme Élie, appliqué ici
par Jésus au Baptiste, est un titre plutôt qu'un nom
personnel, et qu'il n'a rien à voir avec Élie, l'ancien
prophète que l'on appelait le Tichbite [26]. Beaucoup de
ceux qui entendirent l'éloge du Baptiste par le Seigneur se
réjouirent, car ils avaient accepté Jean et s'étaient
détournés de lui pour aller à Jésus,
passant du plus petit au plus grand, du prêtre au grand prêtre,
du héros au roi. Mais des Pharisiens et des docteurs étaient
présents, ceux de la classe que Jean avait dénoncée
avec tant de véhémence comme une génération
de vipères, et ceux qui avaient rejeté l'avis de Dieu
en refusant d'écouter l'appel du Baptiste au repentir [27].
À
ce moment-là, le Maître eut recours à une
analogie pour exprimer clairement ce qu'il voulait dire. Il compara
la génération incrédule et insatisfaite à
des enfants inconstants qui jouent et se disputent. Certains
voulaient jouer à la cérémonie de mariage, mais
pendant qu'ils jouaient de la flûte, les autres ne voulaient
pas danser. Ensuite, ils jouèrent à la procession
funèbre et essayèrent le rôle des pleureuses,
mais les autres ne voulaient pas pleurer comme les règles du
jeu le demandaient. Toujours critiques, toujours sceptiques,
médisants et diffamateurs de nature, durs d'oreille et de
cœur, ils grognaient. Jean-Baptiste était venu parmi eux
comme les prophètes ermites d'autrefois, aussi strict que le
plus strict des naziréens, refusant de manger avec les
festoyeurs ou de boire avec les bons convives, et ils avaient dit :
« Il a un démon. » Maintenant venait le
Fils de l'homme, sans austérité, sans manières
d'ermite, mangeant et buvant comme le ferait un homme normal, invité
dans les maisons des gens, participant aux festivités d'un
mariage, se mêlant aussi bien aux péagers qu'aux
Pharisiens - et ils se plaignaient de nouveau disant : « C'est
un homme qui fait bonne chère et un buveur de vin, un ami des
péagers et des pécheurs ! » Le Maître
expliqua que ce manque de logique, ce méchant galvaudage de
choses extrêmement sacrées, cette opposition décidée
à la vérité seraient certainement révélés
dans leur vraie lumière, et que l'inutilité d'une
érudition vantarde apparaîtrait. « Mais,
dit-il, la sagesse a été justifiée par tous ses
enfants. »
Laissant
les reproches aux individus incrédules, il se tourna vers les
communautés insensibles et réprimanda les villes dans
lesquelles il avait accompli tant d'œuvres puissantes et où
les gens ne se repentaient pas : « Malheur à
toi, Chorazin ! Malheur à toi, Bethsaïda ! Car,
si les miracles faits au milieu de vous avaient été
faits à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu'elles se
seraient repenties avec le sac et la cendre. C'est pourquoi je vous
le dis : au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées
moins rigoureusement que vous. Et toi, Carpernaüm, seras-tu
élevée jusqu'au ciel ? (Non), tu seras abaissée
jusqu'au séjour des morts, car, si les miracles faits au
milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle
subsisterait encore aujourd'hui. C'est pourquoi je vous le dis :
Au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité moins
rigoureusement que toi » [28].
Apparemment
découragé par l'incrédulité du peuple,
Jésus rechercha de la force en priant [29]. Avec
l'éloquence de l'âme que l'on recherche en vain ailleurs
que dans la communion chargée d'angoisse du Christ avec son
Père, il exprima avec respect sa reconnaissance de ce que Dieu
avait donné un témoignage de la vérité
aux humbles et aux simples plutôt qu'aux savants et aux
grands ; bien que les hommes ne le comprissent point, le Père
le connaissait pour ce qu'il était réellement. Se
tournant de nouveau vers le peuple, il l'exhorta encore à
l'accepter, lui et son Évangile, et son invitation est l'un
des épanchements les plus grandioses d'émotion
spirituelle connus de l'homme : « Venez à moi,
vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je
vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes
instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé,
et mon fardeau léger » [30]. Il les invitait à
passer du travail pénible à un service agréable ;
des fardeaux presque insupportables des exactions ecclésiastiques
et du formalisme traditionnel, à la liberté du culte
vraiment spirituel, de l'esclavage à la liberté, mais
ils ne le voulaient point. L'Évangile qu'il leur offrait était
l'incarnation de la liberté, mais pas de la licence ; il
imposait l'obéissance et la soumission ; mais même
si on pouvait comparer cela à un joug, qu'était son
fardeau en comparaison du fardeau sous lequel ils gémissaient ?
MORT
DE JEAN-BAPTISTE
Revenant
à Jean-Baptiste dans la solitude de son cachot, nous n'avons
aucun renseignement quant à la manière dont il reçut
et comprit la réponse à sa question que lui
rapportèrent ses messagers. Sa captivité était
destinée à prendre bientôt fin, mais pas par une
mise en liberté terrestre. La haine qu'Hérodiade
éprouvait pour lui augmenta. L'occasion de mettre à
exécution les complots démoniaques qu'elle ourdissait
contre sa vie se présenta bientôt [31]. Le roi
célébrait son anniversaire par une grande fête, à
laquelle ses seigneurs, ses hauts capitaines et les principaux
fonctionnaires de Galilée étaient invités. Pour
honorer l'événement, Salomé, fille d'Hérodiade,
mais non d'Hérode, entra et dansa devant le groupe. Hérode
et ses invités en furent tellement enchantés que le roi
invita la jeune fille à demander ce qu'elle voulait et jura
qu'il le lui donnerait, même si c'était la moitié
de son royaume.
Elle
se retira pour consulter sa mère sur ce qu'elle devait
demander, et, sur les instructions de celle-ci, revint avec cette
terrible demande : « Je veux que tu me donnes tout de
suite, sur un plat, la tête de Jean-Baptiste. » Le
roi fut stupéfait ; son étonnement fut suivi de
chagrin et de regret ; néanmoins, il craignait
l'humiliation qui s'ensuivrait s'il enfreignait le serment qu'il
avait fait en présence de sa cour ; et ainsi, appelant un
bourreau, il donna immédiatement l'ordre fatal ; et Jean
fut décapité sur-le-champ dans le cachot. Le bourreau
revint, portant un plat sur lequel était posé le
trophée atroce de la vengeance de la reine dépravée.
Le cadeau sanglant fut donné à Salomé, qui le
porta avec un triomphe inhumain à sa mère. Des
disciples de Jean vinrent, se firent remettre le corps, le déposèrent
dans un tombeau et allèrent porter la nouvelle de sa mort à
Jésus. Hérode fut profondément troublé du
meurtre qu'il avait ordonné ; et lorsque les prodiges
accomplis par Jésus lui furent rapportés plus tard, il
eut peur et dit : « Jean-Baptiste est ressuscité
d'entre les morts et c'est pour cela qu'il a le pouvoir de faire des
miracles. » À ceux qui n'étaient pas
d'accord avec lui, le roi terrifié répliquait :
« Ce Jean que j'ai fait décapiter, c'est lui qui
est ressuscité » [32].
Ainsi
prit fin la vie du prophète-prêtre, précurseur
immédiat du Christ ; ainsi fut réduite au silence
la voix mortelle de celui qui avait crié si puissamment dans
le désert : « Préparez le chemin du
Seigneur. » Après de nombreux siècles, sa
voix s'est de nouveau fait entendre, voix d'un personnage racheté
et ressuscité ; et sa main s'est de nouveau fait sentir
en notre époque, époque de rétablissement et de
plénitude. En mai 1829, un personnage ressuscité
apparut à Joseph Smith et à Oliver Cowdery, s'annonçant
comme étant Jean, que l'on appelait autrefois le Baptiste,
posa les mains sur les deux jeunes gens, et leur conféra la
Prêtrise d'Aaron, qui comprend l'autorité de prêcher
et d'administrer l'Évangile de repentir et le baptême
par immersion pour la rémission des péchés [33].
DANS
LA MAISON DE SIMON LE PHARISIEN
« Un
des Pharisiens pria Jésus de manger avec lui. Jésus
entra dans la maison du Pharisien et se mit à table » [34].
D'après
la place que prend cet incident dans le récit des événements
fait par Luc, il semble qu'il a pu se produire le jour où il
reçut la visite des messagers de Jean. Jésus accepta
l'invitation du Pharisien, comme il avait accepté les
invitations d'autres personnes, y compris même des péagers,
et ceux que les rabbis appelaient les gens de mauvaise vie. Sa
réception chez Simon semble avoir manqué quelque peu de
chaleur, d'hospitalité et de respect. Le récit fait
penser que l'hôte avait une attitude de condescendance. Il
était de coutume à l'époque de traiter un hôte
distingué avec une attention marquée, de le recevoir
par un baiser d'accueil, de lui donner de l'eau pour laver la
poussière de ses pieds et de l'huile pour oindre les cheveux
et la barbe. Toutes ces attentions courtoises furent omises par
Simon. Jésus prit sa place, probablement sur l'un des divans
ou sofas sur lesquels il était habituel d'être
partiellement assis, partiellement incliné tandis qu'on
mangeait [35]. Cette position plaçait les pieds de la
personne à l'extérieur de la table. Outre ces faits
relatifs aux usages de l'époque, il faut se souvenir que les
demeures de ce temps-là n'étaient pas protégées
contre les intrusions par les dispositions que nous avons maintenant.
En Palestine, il n'était pas extraordinaire de voir des
visiteurs et même des étrangers, cependant à
l'ordinaire des hommes, entrer dans une maison au moment du repas,
regarder ce qui s'y passait et même parler aux hôtes,
tout cela sans y être invités.
Parmi
ceux qui entrèrent dans la maison de Simon, tandis que le
repas était en cours, il y avait une femme ; et la
présence d'une femme, bien que quelque peu inhabituelle,
n'était pas à strictement parler un manque de
convenance sociale et ne pouvait guère être interdite en
pareille occasion. Mais cette femme faisait partie de la classe
déchue, c'était une femme qui n'avait pas été
vertueuse et qui devait supporter, comme châtiment de ses
péchés, le mépris extérieur et la mise en
quarantaine virtuelle de la part de ceux qui professaient lui être
moralement supérieurs. Elle s'approcha de Jésus par
derrière et se prosterna pour lui baiser les pieds en signe
d'humilité de sa part et d'hommage respectueux à son
égard. Peut-être était-elle l'une des personnes
qui entendirent ses paroles pleines de grâce, peut-être
prononcées ce jour-là : « Venez à
moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et
je vous donnerai du repos. » Quelle qu'ait été
sa raison de venir, elle était certainement arrivée
dans un état d'esprit repentant et profondément
contrit. Tandis qu'elle se penchait sur les pieds de Jésus,
ses larmes tombèrent sur eux. Oubliant apparemment tout ce qui
l'entourait et les yeux désapprobateurs qui observaient ses
mouvements, elle sortit ses tresses et essuya de ses cheveux les
pieds du Seigneur. Et, ouvrant un vase d'albâtre contenant un
parfum, elle les oignit, comme un esclave pourrait le faire pour son
maître. Jésus laissa gracieusement faire la femme sans
la réprimander et sans l'interrompre dans son humble service
inspiré par la contrition et l'amour respectueux.
Simon
avait observé toute la scène ; d'une façon
ou d'une autre, il connaissait la classe à laquelle cette
femme appartenait ; et bien que ne parlant pas à haute
voix, il se dit : « Si cet homme était
prophète, il saurait qui est la femme qui le touche et ce
qu'elle est : une pécheresse. » Jésus
lut dans les pensées de l'homme et dit : « Simon,
j'ai quelque chose à te dire », à quoi le
Pharisien répondit : « Maître, parle. »
Jésus poursuivit : « Un créancier avait
deux débiteurs ; l'un devait cinq cents deniers et
l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur fit
grâce de leur dette à tous les deux. Lequel l'aimera le
plus ? » Une seule réponse pouvait être
raisonnablement donnée, et Simon la donna bien que,
apparemment avec une certaine hésitation ou réserve. Il
craignait peut-être de se compromettre. « Celui, je
suppose », risqua-t-il, « auquel il a fait
grâce de la plus grosse somme. » Jésus dit :
« Tu as bien jugé », et il poursuivit :
« Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta
maison, et tu ne m'as pas donné d'eau pour mes pieds ;
mais elle, elle a mouillé mes pieds de ses larmes et les a
essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas donné de
baiser, mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a pas
cessé de me baiser les pieds. Tu n'as pas répandu
d'huile sur ma tête ; mais elle, elle a répandu du
parfum sur mes pieds. »
Le
Pharisien ne pouvait manquer de noter un rappel si direct de ce qu'il
avait omis les rites ordinaires de respect envers un invité
spécialement convié. La leçon de l'histoire
avait trouvé son application en lui, tout comme la parabole de
Nathan avait tiré du roi David une réponse qui le
condamnait lui-même [36]. « C'est pourquoi,
poursuivit Jésus, je te le dis, ses nombreux péchés
sont pardonnés, puisqu'elle a beaucoup aimé. Mais celui
à qui l'on pardonne peu aime peu. » Puis il dit à
la femme les paroles qui lui donnaient le soulagement auquel elle
aspirait : « Tes péchés sont
pardonnés. » Simon et les autres personnes qui
étaient à table murmurèrent en eux-mêmes :
« Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés. »
Comprenant leur protestation muette, le Christ s'adressa de nouveau à
la femme, disant : « Ta foi t'a sauvée, va en
paix. »
La
dernière partie du récit rappelle une autre occasion où
le Christ accorda la rémission des péchés, et
où, à cause de l'opposition qui existait dans l'esprit
de certains auditeurs, opposition qui, pour être muette n'en
était pas moins réelle, il avait ajouté à
sa parole péremptoire une autre déclaration [37].
Le
nom de la femme qui vint ainsi trouver le Christ et dont le repentir
était si sincère qu'il apporta à son âme
reconnaissante et contrite l'assurance de la rémission n'est
pas rapporté. Rien ne prouve qu'elle figure dans un autre
incident rapporté par les Écritures. Certains écrivains
prétendent qu'elle est la Marie de Béthanie qui, peu
avant que le Christ ne fût trahi, oignit la tête de Jésus
de parfums [38]. Mais la supposition qu'il s'agit là
d'une seule et même personne n'est pas du tout fondée [39]
et constitue une critique injustifiable de la vie passée de
Marie, sœur dévouée et aimante de Marthe et de
Lazare. La tentative que d'autres font d'identifier cette pécheresse
repentante et pardonnée avec Marie-Madeleine est également
fausse, aucune période de la vie de celle-ci n'ayant été
marquée par le péché d'impureté, du moins
s'il faut en croire les Écritures. Le fait qu'il est important
de se garder de commettre des erreurs dans l'identité de ces
femmes fait estimer sage d'ajouter ce qui suit à l'étude
ci-dessus.
Dans
le chapitre qui suit, celui où sont rapportés les
incidents que nous venons d'étudier, Luc [40] déclare
que Jésus traversa la région, visitant toutes les
villes et tous les villages, prêchant l'Évangile et
annonçant la bonne nouvelle. Les Douze l'accompagnaient ainsi
que « quelques femmes qui avaient été
guéries d'esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée
Madeleine, de qui étaient sortis sept démons, Jeanne,
femme de Chuza, intendant d'Hérode, Suzanne, et plusieurs
autres, qui les assistaient de leurs biens. » Les
Écritures parlent encore de certaines de ces femmes honorables
ou d'elles toutes à propos de la mort, de l'ensevelissement et
de la résurrection de notre Seigneur, et il est
particulièrement fait mention de Marie-Madeleine [41].
Marie-Madeleine dont le deuxième prénom est
probablement dérivé de sa ville natale, Magdala, avait
été guérie, par une administration de Jésus,
de maladies physiques et mentales, ces dernières
s'accompagnant de possession par des esprits mauvais.
On
nous dit que le Christ avait chassé d'elle sept démons [42],
mais même une affliction aussi terrible ne permet nullement
d'affirmer que cette femme était sans vertu ou sans chasteté.
Marie-Madeleine
devint l'une des amies les plus intimes que le Christ avait parmi les
femmes ; la dévotion qu'elle avait pour son guérisseur
et celui qu'elle adorait comme le Christ était inébranlable ;
elle se tint près de la croix tandis que les autres femmes
restaient à distance au moment de son agonie mortelle. Elle
fut parmi les premières au sépulcre de la résurrection
et fut la première mortelle à contempler et à
reconnaître un Être ressuscité : le Seigneur
qu'elle avait aimé de toute la ferveur d'une adoration
spirituelle. Dire que cette femme, élue d'entre les femmes
pour mériter des honneurs aussi éminents, était
autrefois une créature déchue, l'âme flétrie
par le feu d'une volupté impie, c'est contribuer à la
perpétuation d'une erreur pour laquelle il n'y a aucune
excuse. Néanmoins la fausse tradition, née d'une
théorie ancienne et injustifiable, selon laquelle cette femme
noble qui était tout particulièrement une amie du
Seigneur, est la même qui, reconnue pécheresse, lava et
oignit les pieds du Sauveur dans la maison de Simon le Pharisien et
gagna la récompense du pardon par sa contrition, a gardé
avec tant de ténacité sa place dans l'esprit populaire
au cours des siècles, que le nom Madeleine est devenu le terme
générique désignant les femmes qui perdent leur
vertu et se repentent par la suite. Nous n'examinons pas si la
miséricorde du Christ aurait pu être accordée à
la pécheresse que l'on fait à tort de Marie de
Magdala ; l'on ne peut pas mesurer les limites ni sonder les
profondeurs du pardon divin ; mais s'il était exact que
cette Marie et la pécheresse repentante qui servit Jésus
assis à la table du Pharisien fussent une seule et même
personne, nous aurions reconnu que la réponse affirmative à
cette question était correcte, car cette femme qui avait été
pécheresse était pardonnée. Nous traitons ici du
document scripturaire comme d'un document historique, et rien de ce
qui s'y trouve ne justifie l'accusation réellement répugnante,
bien que commune, que l'âme dévouée de
Marie-Madeleine ne fût pas chaste.
L'AUTORITÉ
DU CHRIST ATTRIBUÉE À BEELZÉBUL [43]
À
l'époque du ministère terrestre de notre Seigneur, la
guérison des aveugles, des sourds ou des muets était
considérée comme l'une des réalisations les plus
grandes qui fussent possibles à la science médicale ou
au traitement spirituel ; et assujettir ou chasser les démons
était rangé parmi les prouesses impossibles à
l'exorcisme rabbinique. Lorsque le Seigneur montra son pouvoir de
guérir et de rétablir, même dans des cas
considérés universellement comme incurables, cela eut
pour effet d'intensifier l'hostilité des classes
sacerdotales ; et celles-ci, représentées par le
parti pharisien, formulèrent la théorie absolument
illogique et ridicule que Jésus accomplissait ses miracles par
le pouvoir du prince des démons, avec qui il était
ligué [44].
Tandis
que le Seigneur faisait sa deuxième tournée
missionnaire de la Galilée, traversant « toutes les
villes et les villages, [enseignant] dans leurs
synagogues, [prêchant] l'Évangile du royaume
et [guérissant] toute maladie et toute infirmité [45] »,
la théorie absurde que le Christ était lui-même
victime de possession démoniaque et qu'il agissait par le
pouvoir du démon fut avancée et amplifiée
jusqu'à devenir l'explication généralement
acceptée parmi les Pharisiens et ceux de leur espèce.
Jésus s'était retiré pendant un certain temps
des centres populeux, où il était constamment observé
par des émissaires que les classes dirigeantes avaient envoyés
de Jérusalem en Galilée, car les Pharisiens
conspiraient contre lui, cherchant une excuse et une occasion pour
lui ôter la vie ; mais même dans les très
petites villes et les régions rurales, il était suivi
et assiégé par de grandes multitudes qu'il guérissait
de leurs maux tant physiques que spirituels [46].
Il
recommandait au peuple de s'abstenir de répandre sa célébrité.
Peut-être le faisait-il pour la bonne raison qu'à ce
stade de son oeuvre une rupture ouverte avec la hiérarchie
juive aurait été une sérieuse entrave ;
peut-être encore désirait-il laisser aux dirigeants qui
complotaient contre lui, le temps et l'occasion de laisser fermenter
leur violente inimitié et de remplir à ras bord les
vases de leur iniquité consciente. Dans les injonctions du
Seigneur, demandant qu'aucune publicité ne soit faite,
Matthieu voit l'accomplissement de la prophétie d'Ésaïe,
disant que le Messie élu ne ferait aucun effort, ni ne
crierait dans les rues pour attirer l'attention, ni n'utiliserait son
pouvoir pour briser le roseau cassé, ni pour éteindre
le lumignon qui fume ; il n'échouerait ni ne serait
découragé mais établirait victorieusement la
justice sur la terre pour les Gentils aussi bien, par déduction,
que pour Israël [47]. L'image du roseau cassé et du
lumignon qui fume exprime d'une manière frappante la tendresse
avec laquelle le Christ traitait la manifestation même la plus
faible de foi et de désir sincère d'apprendre la
vérité, qu'elle fût manifestée par un Juif
ou par un Gentil.
Peu
après son retour de la tournée missionnaire dont nous
avons parlé, les Pharisiens trouvèrent une excuse pour
l'attaquer, lorsqu'il guérit un homme qui se trouvait sous
l'influence d'un démon, à la fois aveugle et muet.
Cette combinaison d'afflictions cruelles, affectant le corps et
l'esprit, fut réprimandée, et le démoniaque
aveugle et muet fut soulagé de son triple fardeau [48].
Devant ce triomphe sur les puissances du mal, le peuple fut d'autant
plus étonné et dit : « N'est-ce pas là
le Fils de David ? » En d'autres termes :
celui-ci peut-il être quelqu'un d'autre que le Christ que nous
attendons depuis si longtemps ? Le jugement populaire ainsi
exprimé mit les Pharisiens en colère, et ils dirent au
peuple qui était presque en adoration : « Cet
homme ne chasse les démons que par Béelzébul,
prince des démons. » Jésus releva cette
accusation maligne et y répondit, non pas avec colère
mais dans les termes d'une raison calme et d'une logique saine. Il
posa les bases de sa défense en formulant la vérité
évidente qu'un royaume divisé contre lui-même ne
peut subsister mais doit subir la destruction. Si leur théorie
était fondée aussi peu que ce fût sur la vérité,
Satan serait occupé à s'opposer à Satan par
l'intermédiaire de Jésus. Puis, faisant allusion aux
pratiques superstitieuses et aux exorcismes de l'époque, par
lesquels on obtenait certains des effets que nous classons
aujourd'hui parmi les guérisons mentales, il demanda :
« Si moi, je chasse les démons par Béelzébul,
vos fils par qui les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront
eux-mêmes vos juges. » Et pour rendre la
démonstration plus claire par contraste, il poursuivit :
« Mais, si c'est par l'Esprit de Dieu, que moi, je chasse
les démons, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu'à
vous. » Qu'ils acceptassent l'une ou l'autre de ces deux
propositions, et il était certain que l'une des deux était
vraie, car le fait que Jésus chassait bien les démons
était connu dans tout le pays et reconnu par les termes mêmes
de l'accusation qui était maintenant portée contre lui,
les Pharisiens accusateurs étaient battus et condamnés.
Mais
l'illustration allait plus loin. Jésus poursuivit : « Ou,
comment quelqu'un peut-il entrer dans la maison d'un homme fort et
piller ses biens sans avoir auparavant lié cet homme fort ?
Alors seulement il pillera sa maison. » Le Christ avait
attaqué le bastion de Satan, avait chassé ses esprits
mauvais du tabernacle humain dont ils avaient pris possession sans
aucun droit ; comment le Christ aurait-il pu faire cela, s'il
n'avait tout d'abord soumis « l'homme fort »,
le maître des démons, Satan lui-même ? Et
cependant ces savants ignorants osaient dire, face à une
réfutation aussi évidente de leurs propres théories,
que les pouvoirs de Satan étaient soumis par un pouvoir
satanique. Il ne pouvait y avoir ni accord, ni trêve, ni
armistice entre les pouvoirs en conflit du Christ et de Satan.
Proposant à ses accusateurs de juger eux-mêmes, afin de
décider chacun pour soi du côté sur lequel ils
s'alignaient, Jésus ajouta : « Celui qui n'est
pas avec moi est contre moi et celui qui n'assemble pas avec moi,
disperse. »
Alors,
la démonstration étant terminée, et l'absurdité
de la théorie de ses adversaires prouvée, le Christ
dirigea leurs pensées vers le péché horrible qui
consiste à condamner le pouvoir et l'autorité par
lesquels Satan avait été vaincu. Il leur avait prouvé,
en se servant de leurs propres propositions, qu'ayant soumis Satan,
il était l'incarnation de l'Esprit de Dieu, et que c'était
par lui que le royaume de Dieu leur était apporté. Ils
rejetaient l'Esprit de Dieu et cherchaient à détruire
le Christ par lequel cet Esprit était manifesté. Quel
blasphème pouvait être plus grand ? Parlant avec
autorité, avec l'affirmation solennelle « Je vous
dis », il poursuivit : « Tout péché
et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le
blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné.
Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné,
mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera
pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle à
venir. »
Qui
d'entre les hommes peut formuler un avertissement plus solennel et
plus terrible contre le danger de commettre ce terrible péché
impardonnable [49] ? Jésus fut miséricordieux
en assurant que les paroles prononcées contre lui, Homme,
pouvaient être pardonnées, mais que parler contre
l'autorité qu'il possédait, et en particulier attribuer
ce pouvoir et cette autorité à Satan, c'était
pratiquement blasphémer contre le Saint-Esprit, péché
pour lequel il ne pouvait y avoir de pardon. Puis, en des termes plus
forts, qui se transformaient en une invective coupante, il leur dit
d'être logiques - s'ils admettaient que le résultat de
ses oeuvres était bon, comme l'était certainement
l'expulsion des démons, et comparable à du bon fruit -
pourquoi ne reconnaissaient-ils pas que le pouvoir par lequel pareil
résultat était obtenu, en d'autres termes que l'arbre
lui-même, était bon ? « Dites que
l'arbre est bon et que son fruit est bon, ou dites que l'arbre est
mauvais et que son fruit est mauvais, car on connaît l'arbre à
son fruit. » En des termes enflammés qui
condamnaient ouvertement, il poursuivit : « Races de
vipères, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, mauvais
comme vous l'êtes ? Car c'est de l'abondance du cœur
que la bouche parle. » Les vérités qu'il
avait exprimées si clairement montraient nettement que les
paroles accusatrices sortaient de cœurs remplis de trésors
mauvais. En outre, il leur montra que leurs paroles n'étaient
pas seulement méchantes mais également insensées,
creuses et vaines, et par conséquent doublement pécheresses.
Une autre déclaration péremptoire suivit : « Je
vous le dis : au jour du jugement, les hommes rendront compte de
toute parole vaine, qu'ils auront proférée. »
LES
CHERCHEURS DE MIRACLES [50]
La
leçon du Maître, bien que renforcée par des
illustrations et des analogies, par une application directe et par un
aveu péremptoire, tomba dans des oreilles qui étaient
pratiquement sourdes à la vérité spirituelle ;
elle ne trouva aucune place dans des cœurs déjà
remplis de mal. À la profonde sagesse et à
l'enseignement sauveur de la parole de Dieu qu'ils avaient entendues,
ils répondirent par une question désinvolte :
« Maître, nous voudrions voir un signe de ta part. »
N'avaient-ils pas déjà vu des signes en abondance ?
Les aveugles et les sourds, les muets et les infirmes, les paralysés
et les hydropiques et des gens affligés de toutes sortes de
maladies n'avaient-ils pas été guéris dans leurs
maisons, dans leurs rues et dans leurs synagogues ? Les démons
n'avaient-ils pas été chassés et leurs paroles
perverses réduites au silence par sa parole ? Et les
morts n'avaient-ils pas été ressuscités, et tout
cela par celui qu'ils importunaient pour qu'il leur donnât un
miracle ? Ils voulaient faire accomplir un prodige étonnant
pour satisfaire la curiosité ou peut-être pour leur
donner une autre excuse d'agir contre lui : ils voulaient des
miracles pour repaître leurs désirs [51]. Il n'est
guère étonnant qu'il soupirât « profondément
en son esprit » lorsqu'on lui adressait pareilles
demandes [52]. Il répondit aux scribes et aux Pharisiens
qui avaient montré si peu d'attention à ses paroles :
« Une génération mauvaise et adultère [53]
recherche un signe ; il ne lui sera donné d'autre signe
que celui du prophète Jonas. »
Le
signe du prophète Jonas fut que pendant trois jours il avait
été dans le ventre du poisson et que la liberté
lui avait été ensuite rendue ; c'est ainsi que le
Fils de l'Homme serait emmuré dans la tombe, après quoi
il ressusciterait. Ce serait le seul signe qu'il leur donnerait, et
c'est celui-là qui les condamnerait. Les hommes de Ninive se
dresseraient pour les juger, eux et leur génération,
car, aussi méchants qu'ils eussent été, ils
s'étaient repentis lorsque Jonas leur prêcha ; et
voici, il y avait parmi eux quelqu'un de plus grand que Jonas [54].
La reine de Saba se dresserait pour les juger, car elle avait fait un
long voyage pour profiter de la sagesse de Salomon ; et voici,
quelqu'un de plus grand que Salomon se trouvait parmi eux [55].
Puis,
revenant sur la question des esprits impurs et mauvais, à
propos desquels ils avaient répandu l'accusation qu'il était
l'un de ceux qui appartenaient au diable, il leur dit que lorsqu'un
démon est chassé, il essaie, après une période
de solitude, de rentrer dans la maison ou dans le corps dont il a été
expulsé ; et, voyant que cette maison est en ordre, belle
et pure depuis que sa malpropre personne a été forcée
de l'évacuer, il appelle d'autres esprits plus méchants
que lui, et ils prennent possession de l'homme, et rendent son état
pire qu'il n'était au commencement [56]. Cet exemple
singulier décrit l'état de ceux qui ont reçu la
vérité et ont été, grâce à
elle, libérés des influences impures de l'erreur et du
péché, de sorte qu'ils sont, en esprit et en corps,
comme une maison balayée, ornée et mise proprement en
ordre mais qui renoncent par la suite au bien, ouvrent leur âme
aux démons du mensonge et de la tromperie et deviennent plus
corrompus qu'auparavant. « Il en sera de même, dit
le Seigneur, pour cette génération mauvaise. »
Bien
que la plupart des scribes et les Pharisiens ne fussent pas
convaincus, et peut-être même pas vraiment impressionnés
par ses enseignements, le Seigneur ne manquait pas entièrement
d'auditeurs qui l'appréciaient. Une femme du groupe éleva
la voix, invoquant des bénédictions sur la mère
qui avait donné naissance à pareil Fils, et sur les
mamelles qui l'avaient allaité. Sans rejeter cet éloge
déférent qui s'appliquait tant à la mère
qu'au Fils, Jésus répondit : « Heureux
plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la
gardent [57] ! »
LA
MÈRE ET LES FRÈRES DU CHRIST VIENNENT LE VOIR [58]
Tandis
que Jésus était engagé avec les scribes et les
Pharisiens, et un grand nombre d'autres personnes, peut-être à
la fin ou vers la fin des enseignements que nous venons d'examiner,
on lui fit passer la nouvelle que sa mère et ses frères
étaient présents et désiraient lui parler.
C'était à cause de la foule qu'il leur avait été
impossible de parvenir à son côté. Se servant de
cet événement pour faire comprendre à tous que
son œuvre avait priorité sur les exigences de la famille
et de la parenté, et expliquant par là qu'il ne pouvait
rencontrer sa famille à ce moment-là, il demanda :
« Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? »
Répondant à sa propre question et exprimant dans la
réponse sa pensée profonde, il dit montrant ses
disciples : « Voici ma mère et mes frères.
En effet, quiconque fait la volonté de mon Père qui est
dans les cieux, celui-là est mon frère et ma sœur
et ma mère. »
Cet
incident rappelle la réponse qu'il fit à sa mère,
lorsque Joseph et elle le découvrirent au temple après
leurs longues recherches angoissées : « Pourquoi
me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je
m'occupe des affaires de mon Père [59] ? »
C'est de ces affaires qu'il s'occupait lorsque sa mère et ses
frères voulurent lui parler tandis qu'il était assis au
milieu de la foule. Les exigences supérieures de l'œuvre
de son Père l'obligeaient à différer toutes les
questions secondaires. Rien ne justifie qu'on interprète ces
remarques comme une preuve de manque de respect, et encore moins de
déloyauté filiale et familiale. Il exigeait une
dévotion semblable, du moins du même genre, des apôtres
qui étaient appelés à consacrer sans réserve
leur temps et leurs talents au ministère [60]. Le but
dans lequel les parents de Jésus étaient venus le voir
ne nous est pas révélé ; nous pouvons par
conséquent en déduire qu'il n'avait pas grande
importance au-delà du cercle familial [61].
[1]
Mt 7:29 ; cf. Lc 4:32, Jn 7:46.
[2]
Lc 7:11 ; cf. Mt 8:5-13.
[3]
Note 1, fin du chapitre.
[4]
Jn 4:46-53, voir chap. 13 du présent ouvrage.
[5]
Note 2, fin du chapitre.
[6]
Mt 8:11,12 ; voir aussi Lc 13:28,29 ; cf. Ac 10:45.
[7]
Lc 7:11-17.
[8]
Note 3, fin du chapitre.
[9]
Mt 8:17 ; cf. Es 53:4.
[10]
Lc 20:36, 38 ; cf. Ac 10:42, 2 Tm 4:1 ; 1 P 4:5 ; Rm
14:9.
[11]
Mt 4:12 ; Mc 1:14 ; Lc 3:19,20 ; voir note 2, chap. 9
du présent ouvrage, et note 4, fin de ce chapitre.
[12]
Note 5, fin du chapitre.
[13]
Mc 6:17-20.
[14]
Mt 14:5.
[15]
Mt 11:2. Noter qu'une liberté semblable fut accordée à
Paul en prison, Ac 24:23.
[16]
Lc 7:18 ; Mt 11:2.
[17]
Mt 11: 2-6 ; Lc 7:18-23.
[18]
Es 35:5,6.
[19]
Mt 3:3 ; cf. Es 40:3, Mt 3:7 ; cf. Es 59:5 ; Lc 3:6 ;
cf. Es 52:10.
[20]
Mt 13:57, 24:10, 26:31 ; Mc 6:3, 14:27 ; jn 6:61. Note 6,
fin du chapitre.
[21]
Jn 3:30.
[22]
Noter que Jésus décrit les souffrances de Jean en
prison comme partiellement comparables à celles qu'il devrait
endurer lui-même, en ce qu'ils traitèrent Jean « comme
ils l'ont voulu » (Mt 17:12 ; Mc 9:13).
[23]
Luc 7:24-30 ; voir aussi Mt 11:7-14 ; comparer le
témoignage que le Christ rendit de Jean-Baptiste à
Jérusalem, Jn 5:33-35.
[24]
Lc 7:28 ; voir note 7, fin du chapitre.
[25]
Mt 11:12-15 ; cf. 17:12 ; Lc 1:17.
[26]
Note 8, fin du chapitre.
[27]
Mt 3:7 ; Lc 7:30.
[28]
Mt 11:20-24 ; cf. Lc 10:13-15.
[29]
Mt 11:25-27 ; cf. Lc 10:21,22.
[30]
Mt 11: 28-30.
[31]
Mc 6:21-29.
[32]
Mc 6:14-16.
[33]
Articles de Foi, p. 232-233 et le chapitre 41, infra.
[34]
Lc 7:36 ; voir en outre versets 37-50.
[35]
Note 9, fin du chapitre.
[36]
2 S 12:1-7.
[37]
Mt 9:2-6 ; Mc 2:5-7 ; Chap. 14 du présent ouvrage.
[38]
Mt 26:6, 7 ; Mc 14:3 ; Jn 11:2.
[39]
Note 10, fin du chapitre.
[40]
Lc 8:1-3.
[41]
Mt 27:55, 56, 61 ; 28:1,5 ; Mc 15:40, 47 ; 16:1,9 ;
Lc 23:49, 55 ; 24:10,22 ; Jn 19:25, 20:1, 13, 18.
[42]
Mc 16:9 ; Lc 8:2.
[43]
Mt 12:24, 25 ; cf. 9:33, 34 ; voir aussi Mc 3:22-30 ;
Lc 11:14-26.
[44]
Mt 9:34.
[45]
Mt 9:35.
[46]
Mt 12:14-15.
[47]
Mt 12:17-20 ; cf. Es 42:1.
[48]
Mt 12:22,23.
[49]
Note 11, fin du chapitre.
[50]
Mt 12:38-45 ; cf. 16:1 ; Mc 8:11 ; Lc 11:16,29 ;
Jn 2:18 ; 1 Co 1:22.
[51]
D&A 46:9 ; cf. 63:7-12.
[52]
Marc 8:12.
[53]
Note 12, fin du chapitre.
[54]
Jn chap. 1-4.
[55]
1 R 10:1, 2 Ch 9:1 ; cf. Lc 11:31.
[56]
Mt 12:43-45 ; Lc 11:24-26.
[57]
Lc 11:27,28.
[58]
Mt 12:46-50 ; Mc 3:31-35 ; Lc 8:19-21.
[59]
Lc 2:49. Chap. 9 du présent ouvrage.
[60]
Mt 10:37 ; cf. Lc 14:26.
[61]
Note 13, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 18
1.
Les deux récits du miracle : Dans le commentaire sur la
guérison miraculeuse du serviteur du centurion donné
dans le texte, nous avons suivi en grande partie le récit plus
détaillé de Luc. Dans le bref récit que Matthieu
fait de la demande de l'officier et de la réponse gracieuse du
Seigneur, nous voyons l'homme s'adresser en personne à Jésus ;
tandis que Luc dit que c'étaient les anciens de la synagogue
locale qui présentaient la requête. Il n'y a pas ici de
divergence réelle. Il était permis alors, comme ce
l'est aujourd'hui, de parler de quelqu'un qui fait faire quelque
chose comme s'il faisait cette chose lui-même. Il est correct
de dire que l'on avertit quelqu'un d'autre, alors qu'on envoie
l'avertissement par un tiers. Un homme peut dire qu'il s'est
construit une maison, alors qu'en réalité ce sont
d'autres qui ont accompli le travail de construction à sa
demande. Un architecte peut dire à juste titre qu'il a
construit un bâtiment alors qu'en réalité il en a
fait les plans et a dirigé d'autres personnes qui ont, elles,
élevé l'édifice.
2.
Jésus s'étonna : Matthieu et Luc disent tous deux
que Jésus s'étonna de la foi montrée par le
centurion, qui pria pour que son serviteur bien-aimé fût
guéri (Mt 8:10, Lc 7:9). Certains ont demandé comment
le Christ, qu'ils considèrent avoir été
omniscient au cours de sa vie dans la chair, a pu s'étonner de
quoi que ce soit. Le sens du passage est évident :
lorsque la foi du centurion fut soumise à son attention, il
réfléchit et le contempla, probablement parce qu'il
formait un contraste agréable avec l'absence de foi qu'il
rencontrait si généralement. D'une manière
similaire, bien qu'il se soit agi là de chagrin au lieu de
joie, on dit qu'il s'étonna de l'incrédulité du
peuple (Mc 6:6).
3.
Ordre des résurrections miraculeuses : Comme nous l'avons
déclaré et répété dans le texte,
la chronologie des événements du ministère de
notre Seigneur tels que les rapportent les évangélistes
est incertaine. Les livres écrits à ce propos
contiennent beaucoup de controverses et montrent que les savants
bibliques sont loin d'être d'accord. Trois cas de résurrection
miraculeuse sur un mot de Jésus nous sont rapportés :
la résurrection du fils de la veuve de Naïn, la
résurrection de la fille de Jaïrus et la résurrection
de Lazare ; et l'on n'est pas d'accord quant à la
succession de deux d'entre eux. Le fait qu'on a placé la
résurrection de Lazare en dernière position est
naturellement basé sur une certitude. Le Dr Richard C. Trench,
dans ses savantes et très précieuses Notes on the
Miracles of our Lord, affirme nettement que la résurrection de
la fille de Jaïrus est la première des trois oeuvres de
résurrection. Le Dr John Laidlaw, dans The Miracles of our
Lord, traite ce miracle, qui est le premier de son espèce,
sans affirmer s'il vient chronologiquement en premier lieu ;
beaucoup d'autres écrivains en font le deuxième des
trois. La raison pour laquelle on a arrangé les trois miracles
de ce groupe dans l'ordre indiqué peut résider dans le
désir de les présenter dans l'ordre croissant de
grandeur apparente : la résurrection de la jeune fille
étant un exemple dans lequel était rappelée à
la vie une personne qui venait de mourir (« à peine
décédée » suivant la description que
font certains, à tort, de son état), la résurrection
du jeune homme de Naïn étant le rétablissement de
quelqu'un qui était sur le chemin du tombeau, et la
résurrection de Lazare un exemple du rappel à la vie de
quelqu'un qui avait séjourné quatre jours au sépulcre.
Nous ne pouvons concevoir logiquement que ces cas offraient des
degrés de difficulté plus ou moins grande à la
puissance du Christ ; dans chaque cas la parole de son autorité
suffit pour réunir l'esprit et le corps du mort. Luc, le seul
qui rapporte le miracle de Naïn, place cet événement
avant celui de la résurrection de la fille de Jaïrus et
intercale un grand nombre d'incidents entre les deux événements.
La grande majorité des preuves est en faveur de l'ordre que
nous avons suivi dans ce livre pour les trois miracles : 1) La
résurrection du jeune homme de Naïn, 2) celle de la jeune
fille de Jaïrus et 3) celle de Lazare.
4.
Tétrarque : Ce titre, par dérivation du terme et
tel qu'il était utilisé originellement, était
appliqué au gouverneur d'un quart, ou d'une des quatre
divisions d'une région qui avait été
précédemment un seul pays. Il désigna plus tard
tout gouverneur d'une partie d'un pays divisé, quel que fût
le nombre ou l'étendue des fractions. Hérode Antipas
est appelé explicitement le tétrarque dans Mt 14: 1, Lc
3:1, 19, 9:7, et Ac 13:1, et est appelé roi dans Mt 14:9, Mc
6:14, 22, 25, 26.
5.
Machaerus : Selon l'historien Josèphe (Antiquités
XVIII, 5:2), la prison dans laquelle Jean-Baptiste fut enfermé
par Hérode Antipas était la puissante forteresse de
Machaerus.
6.
Le Christ, pierre d'achoppement pour beaucoup : La dernière
partie du message que notre Seigneur adressa au Baptiste emprisonné
en réponse à la question de ce dernier, était :
« Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de
chute ! » Il peut être bon d'observer en
passant que quels qu'aient été le reproche ou la
réprimande impliqués par ces paroles, la leçon
fut donnée de la manière la plus douce et sous la forme
la plus aisée à comprendre. Comme Deems l'écrit :
« Au lieu de dire ‘Malheur à celui pour qui
je serai une occasion de chute’, il exprima sa pensée
d'une manière plus douce ‘Heureux celui pour qui je ne
serai pas une occasion de chute.’ » Dans notre
version anglaise de la Sainte Bible [qui rend les paroles du
Christ comme suit : « Béni celui qui n'est pas
offensé en moi », ndt] le mot « offensé »
et les mots qui lui sont apparentés sont utilisés en
lieu et place de plusieurs expressions différentes que l'on
trouve dans le grec original. C'est ainsi que les infractions
ouvertes à la loi, le péché et la méchanceté
en général sont appelés offenses, et ceux qui
s'en rendent coupables sont des offenseurs qui méritent d'être
châtiés. Dans d'autres cas, même les oeuvres de
justice constituent des causes d'offenses pour les méchants ;
mais il en est ainsi, non pas parce que les bonnes œuvres
étaient d'une manière quelconque des offenses contre la
loi ou la justice, mais parce que celui qui enfreint la loi s'en
offense. L'homme malhonnête condamné, s'il ne se repent
pas et a toujours l'esprit mauvais, s'offense et se fâche
contre la loi qui l'a fait comparaître : pour lui la loi
est une cause d'offense. Dans un sens très réel,
Jésus-Christ est le plus grand offenseur de l'histoire ;
car tous ceux qui rejettent son Évangile s'en offensent. La
nuit où il fut trahi, Jésus dit aux apôtres
qu'ils seraient offensés à cause de lui [« Je
serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute »,
dans la version Segond, ndt] (Mt 26:31, voir aussi verset 33). Le
ministère personnel du Seigneur offensa non seulement les
Pharisiens et les adversaires ecclésiastiques, mais un grand
nombre de personnes qui avaient professé croire en lui (Jn
6:61, comparez 16:1). Pierre dit de l'Évangile de Jésus-Christ
que c'est « une pierre d'achoppement et un rocher de
scandale. Ils s'y achoppent en désobéissant à la
parole » (1 P 2:8, comparez les paroles de Paul, Rm 9:33).
Béni en effet est celui auprès de qui l'Évangile
est le bienvenu et qui n'y trouve aucune raison de s'offenser.
7.
La grandeur de la mission du Baptiste : Jésus attesta
comme suit la nature exaltée de la mission de Jean-Baptiste :
« En vérité je vous le dis, parmi ceux qui
sont nés de femmes, il ne s'en est pas levé de plus
grand que Jean-Baptiste. Cependant le plus petit dans le royaume des
cieux est plus grand que lui » (Mt 11: 11, comparez Lc
7:28). Expliquant la première partie de ce témoignage,
le prophète Joseph Smith dit, lors d'un sermon qu'il fit le 24
mai 1843 (Hist. of the Church, sous la date citée) : « Ce
ne pouvait être à cause des miracles que Jean accomplit,
car il n'accomplit aucun miracle, mais c'était - premièrement,
parce qu'il avait reçu la mission divine de préparer la
voie devant la face du Seigneur. À qui fut confiée
pareille mission avant ou après ? À aucun homme.
Deuxièmement, il lui fut confié, et cela fut requis de
lui, de baptiser le Fils de l'Homme. Qui fit jamais chose pareille ?
Qui eut jamais un privilège ou une gloire si grande ? Qui
conduisit jamais le Fils de Dieu dans les eaux du baptême,
voyant le Saint-Esprit descendre sur lui sous le signe d'une
colombe ? Personne. Troisièmement, à l'époque,
Jean était le seul administrateur légal sur terre à
détenir les clefs de l'autorité. Les clefs, le royaume,
l'autorité, la gloire avaient quitté les juifs ;
et jean, fils de Zacharie, en vertu de la sainte onction et du décret
du ciel, détenait les clefs de l'autorité à
cette époque. »
La
dernière partie de la déclaration de notre Seigneur :
« Cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est
plus grand que lui » (Jean) a provoqué des
interprétations et des commentaires divers. Le vrai sens
pourrait être que quelque éminente qu'ait pu être
la distinction de Jean parmi les prophètes, il n'avait pas
appris, à l'époque de l'incident que nous étudions,
tout l'objet de la mission du Messie, et cela il devrait sûrement
l'apprendre avant de pouvoir être admis dans le royaume des
cieux ; c'est pourquoi, le plus petit de ceux qui, par la
connaissance acquise et l'obéissance manifestée, se
seraient préparés à une place dans le royaume
que Jésus enseignait, était plus grand que ne l'était
Jean-Baptiste à l'époque. Par l'inspiration moderne
nous apprenons qu'« il est impossible à un homme
d'être sauvé dans l'ignorance » (D&A
131:6) et que « la gloire de Dieu c'est l'intelligence ou,
en d'autres termes, la lumière et la vérité »
(D&A 93:36). La question du Baptiste montrait qu'il manquait
alors de connaissance, était imparfaitement éclairé
et incapable de comprendre la vérité tout entière
sur la mort à laquelle le Sauveur était destiné
et sa résurrection en tant que Rédempteur du monde.
Mais nous ne devons pas perdre de vue le fait que Jésus ne
laissa aucunement entendre que Jean resterait inférieur au
plus petit dans le royaume des cieux. En acquérant davantage
de connaissance sur les vérités capitales du royaume et
en s'y soumettant, il avancerait certainement et deviendrait grand
dans le royaume des cieux comme il était grand parmi les
prophètes de la terre.
8.
Jean-Baptiste, l'Élie qui devait venir : Du temps du
Christ le peuple était attaché à la croyance
traditionnelle que l'ancien prophète Élie devait
revenir en personne. Concernant cette tradition, le Commentary, de
Dummelow, dit, à propos de Matthieu 11:14: « On
supposait que son activité particulière [Élie]
consisterait à régler les questions, les doutes et les
difficultés cérémonielles et rituelles et qu'il
rendrait à Israël 1) le vase d'or de la manne, 2) le vase
contenant l'huile pour les onctions, 3) le vase contenant les eaux de
la purification, 4) la verge d'Aaron qui bourgeonna et porta des
fruits. » Cette croyance ne se basait sur aucune
affirmation scripturaire. Que Jean devait aller devant le Messie dans
l'esprit et avec la puissance d'Élias, c'est ce que déclara
l'ange Gabriel dans son annonciation à Zacharie (Lc 1:17) ;
et notre Seigneur expliqua clairement que Jean était l'Élias
prédit. « Élias » est à la
foi un nom et le titre d'un office. La révélation
moderne nous apprend qu'Élias et Élie sont des
individus séparés, dont chacun apparut en personne et
remit à des prophètes modernes les pouvoirs
particuliers appartenant à leur office respectif (D&A
110:12,13). Nous apprenons que l'office d'Élias est celui du
rétablissement (D&A 27:6,7, 76: 100 ; 77:9,14). En
date du 10 mars 1844, le témoignage suivant du prophète
Joseph Smith est rapporté (Hist. of the Church) :
« L'esprit
d'Élias a pour but de préparer la voie à une
révélation plus grande de Dieu, c'est la prêtrise
d'Élias, ou la prêtrise à laquelle Aaron fut
ordonné. Et lorsque Dieu envoie un homme dans le monde pour
préparer une oeuvre plus grande, détenant les clefs du
pouvoir d'Élias, c'est ce qui a été appelé
la doctrine d'Élias dès les premiers temps du monde.
« La
mission de Jean se limitait à prêcher et à
baptiser ; mais ce qu'il faisait était légitime ;
lorsque Jésus-Christ rencontrait les disciples de Jean, il les
baptisait de feu et du Saint-Esprit.
« Nous
trouvons les apôtres dotés d'une puissance plus grande
que Jean. Leur office se trouvait davantage dans l'esprit et la
puissance d'Élie que d'Élias.
« Dans
le cas de Philippe, lorsqu'il descendit en Samarie, alors qu'il était
sous l'esprit d'Élias, il baptisa les hommes aussi bien que
les femmes. Lorsque Pierre et Jean apprirent cette nouvelle, ils
descendirent tous deux et leur imposèrent les mains, et ils
reçurent le Saint-Esprit. Cela montre la distinction entre les
deux puissances.
« Lorsque
Paul rencontra certains disciples, il demanda s'ils avaient reçu
le Saint-Esprit ? Ils dirent : Non. Qui vous a baptisés
alors ? Nous fûmes baptisés du baptême de
Jean. Non, vous n'avez pas été baptisés du
baptême de Jean, sinon vous auriez été baptisés
par Jean. C'est pourquoi Paul alla les baptiser, car il savait ce
qu'était la doctrine vraie, et il savait que Jean ne les avait
pas baptisés. Et il me semble étrange que des hommes
qui ont lu les Écritures du Nouveau Testament en soient si
éloignés.
« Ce
que je veux vous faire saisir est la différence de puissance
qui existe dans les différentes parties de la prêtrise,
de sorte que lorsqu'un homme viendra parmi vous en disant :
‘J'ai l'esprit d'Élias’, vous sachiez s'il dit la
vérité ou non ; car si un homme quelconque vient
avec l'esprit et la puissance d'Élias, il ne dépassera
pas les limites qui lui sont fixées.
« Jean
ne dépassa pas les limites qui lui étaient fixées
mais accomplit fidèlement le rôle qui incombait à
son office ; et toute partie du grand bâtiment doit être
préparée convenablement et placée à
l'endroit qui convient ; et il est nécessaire de savoir
qui détient les clefs de la puissance et qui ne les détient
pas, sinon il est vraisemblable que l'on nous trompera.
« La
personne qui détient les clefs d'Élias a une oeuvre
préparatoire.
« Tel
est l'Élias dont il est parlé dans les derniers jours,
et telle est la pierre sur laquelle beaucoup trébuchent,
pensant que ce temps était passé à l'époque
de Jean et du Christ et ne devait plus être. Mais l'esprit
d'Élias m'a été révélé, et
je sais qu'il est vrai ; c'est pourquoi je parle avec hardiesse,
car je sais en vérité que ma doctrine est vraie. »
9.
À la table du Pharisien : L'expression « se
mit à table » comme dans Lc 7:36 et dans d'autres
exemples est considérée par de bonnes autorités
comme un contresens ; on devrait la rendre par « se
coucha » ou « s'étendit »
(voir le Comp. Dict. of the Bible, de Smith, article « Meals »).
Nous ne mettons pas en doute le fait que la position assise ait été
la position des anciens Hébreux (Gn 27:19, Jude 19:6, 1 S
16:11, 20:5, 18, 24 ; 1 R 13:20) ; mais la coutume de
s'étendre sur des lits placés autour des tables semble
remonter à une époque très antérieure à
Jésus (Am 3:12, 6:4). L'usage romain, qui consistait à
arranger les tables et les lits contigus sur trois côtés
d'un carré, laissant le quatrième côté
ouvert pour laisser passer les domestiques qui servaient les repas,
était commun en Palestine. Les tables et les lits placés
de cette manière constituaient le triclinium. À propos
du cérémonial des Pharisiens prescrivant que les
articles utilisés pour le repas devaient être lavés,
Mc (7:4) spécifie des « tables » [dans
la version anglaise, ndt ] ; on considère ce terme comme
un contresens, car l'expression grecque indique des couches ou
littéralement des lits (voir lecture marginale, « beds »
dans la Bible d'Oxford et d'autres). Une personne couchée à
table aurait les pieds dirigés vers l'extérieur. Il
était donc facile à la femme contrite de s'approcher de
Jésus par derrière et d'oindre ses pieds sans déranger
les autres à table.
10.
L'identité de la femme n'est pas donnée : Le fait
d'essayer d'identifier la pécheresse contrite qui oignit les
pieds de Jésus dans la maison de Simon le Pharisien avec Marie
de Béthanie est fortement condamné par Farrar, de la
manière suivante (p. 228, note) : « Ceux qui
identifient cette fête de la maison de Simon le Pharisien, en
Galilée, avec la fête qui se déroula beaucoup
plus tard dans la maison de Simon le lépreux, à
Béthanie, et l'onction des pieds par une pécheresse de
la ville, avec l'onction de la tête par Marie, sœur de
Marthe, adoptent des principes de critique tellement osés et
arbitraires que les accepter d'une manière générale
enlèverait aux évangiles toute crédibilité
et ne les rendrait guère dignes d'être étudiés
comme des récits authentiques. Pour ce qui est des noms de
Simon et de Judas, qui ont conduit à identifier tant de
personnes différentes et d'incidents différents, ils
étaient au moins aussi communs parmi les Juifs de l'époque
que Dupont et Durand parmi nous. Il y a cinq ou six Jude [ou
Judas, ndt] et neuf Simon dans le Nouveau Testament, et deux Jude [ou
Judas, ndt] et deux Simon rien que parmi les apôtres. Josèphe
parle d'une dizaine de Jude et de vingt Simon dans ses écrits,
et il doit par conséquent y avoir eu des milliers d'autres
hommes qui portaient à l'époque l'un de ces deux noms.
L'incident (de l'onction avec du parfum) est tout à fait
conforme aux coutumes de l'époque et de ce pays, et il n'est
pas du tout improbable qu'il ait pu se répéter en des
circonstances différentes (Ec 9:8, Ct 4:10, Am 6:6). La
coutume existe encore. »
Le
savant chanoine est pleinement justifié dans sa vigoureuse
critique ; néanmoins il confirme l'identification
communément acceptée de la femme mentionnée à
propos du repas chez Simon le Pharisien avec Marie-Madeleine, tout en
admettant que la base de cette identification supposée est
« une tradition antique - régnant surtout dans
l'Église d'occident, et suivie par la traduction de notre
version anglaise » (p. 233). Comme le rapporte notre
texte, nous ne possédons absolument aucun élément
digne de confiance laissant croire que Marie-Madeleine ait jamais été
souillée du péché dont la femme repentante chez
le Pharisien fut si gracieusement pardonnée par notre
Seigneur.
11.
Le péché impardonnable : La nature du terrible
péché contre le Saint-Esprit, contre lequel le Seigneur
avertit les accusateurs pharisaïques qui cherchaient à
attribuer sa puissance divine à Satan, est expliquée
d'une manière plus complète et ses résultats
effroyables sont exposés d'une manière plus explicite
dans la révélation moderne. Le Tout-Puissant a dit à
leur sujet et au sujet de leur sort terrible : « Je
déclare qu'il aurait mieux valu pour eux qu'ils ne fussent
jamais nés ; car ils sont des vases de colère,
condamnés à subir la colère de Dieu dans
l'éternité avec le diable et ses anges ; à
propos desquels j'ai dit qu'il n'y a pas de pardon dans ce monde ni
dans le monde à venir... Ils s'en iront au châtiment
perpétuel, qui est le châtiment sans fin, qui est le
châtiment éternel, pour régner avec le diable et
ses anges pour l'éternité, là où leur ver
ne meurt pas, là où le feu ne s'éteint pas, ce
qui est leur tourment - et nul n'en connaît la fin, ni le lieu,
ni leur tourment. Et cela n'a pas été révélé
à l'homme, ne l'est pas et ne le sera jamais, si ce n'est à
ceux qui y sont condamnés. Néanmoins, moi, le Seigneur,
je le montre en vision à beaucoup, mais je la referme
immédiatement ; c'est pourquoi, ils n'en comprennent pas
la fin, la largeur, la hauteur, la profondeur et la misère, ni
personne, si ce n'est ceux qui sont destinés à cette
condamnation » (D&A 76:32-48 ; voir aussi Hé
6:4-6 ; LM, Al 39:6.)
12.
Une génération adultère cherchant des miracles :
La réponse de notre Seigneur à ceux qui réclamaient
à grands cris un miracle, qu'« une génération
mauvaise et adultère recherche un signe » (Mt
12:39 ; voir aussi 16:4, Mc 8:38) ne pouvait être
interprétée par les Juifs que comme un reproche
suprême. Ils savaient tous que le terme descriptif « adultère »
s'appliquait littéralement à l'immoralité
généralisée de l'époque. Adam Clarke,
dans son commentaire sur Mt 12:39, dit de cet aspect de notre sujet :
« Leurs écrits [des Juifs] prouvent
formellement qu'à l'époque de notre Seigneur, ils
étaient d'une manière absolument littérale une
race de gens adultères ; car à ce moment même,
Rabbi Jachanan ben Zacchi abrogeait l'épreuve par les eaux
amères de la jalousie, parce que de cette manière on en
trouvait tant qui étaient coupables de ce genre de crime. »
On trouvera dans Nb 5:11-31 les renseignements sur l'épreuve
des accusés par les eaux amères. Bien que Jésus
appelât adultère la génération dans
laquelle il vivait, il n'est écrit nulle part que les
dirigeants juifs qui, en demandant un miracle, avaient fourni
l'occasion de cette accusation, se soient aventurés à
nier ou se soient efforcés de réfuter cette accusation.
Le péché d'adultère comptait parmi les péchés
capitaux (Dt 22:22-25). La sévérité de
l'accusation appliquée par Jésus fut cependant
intensifiée par le fait que les Écritures anciennes
représentent l'alliance entre Jéhovah et Israël
comme un serment de mariage (Es 54:5-7, Jr 3:14,31:32 ; Os
2:19,20) ; de même que les Écritures ultérieures
comparent l'Église à une épouse, et le Christ à
l'époux (2 Co 11:2, comparez Ap 21:2). Être
spirituellement adultère, ainsi que les rabbis comprenaient
les paroles des prophètes, c'était trahir l'alliance
par laquelle les nations juives prétendaient se distinguer
comme adoratrices de Jéhovah, et être entièrement
apostat et réprouvé. Condamnés par une pareille
accusation, ces Pharisiens et ces scribes qui cherchaient des
miracles comprirent que Jésus les considérait comme
pires que les païens idolâtres. Les mots « adultère »
et « idolâtrie » sont d'origine
apparentée, chacun exprimant l'acte d'infidélité
et le fait de s'éloigner pour suivre de faux objets
d'affection ou de culte.
13.
La mère et les frères de Jésus : Par la
tentative de Marie et de quelques membres de sa famille de converser
avec Jésus lors de l'événement dont nous avons
parlé dans le texte, certains écrivains comprennent
qu'elle voulait dire que la mère et les fils étaient
venus protester contre l'énergie et le zèle avec
lesquels Jésus accomplissait son œuvre. En fait,
certains sont allés jusqu'à dire que les membres de la
famille qui venaient lui rendre visite étaient venus pour le
refréner et arrêter, s'ils le pouvaient, la marée
de l'intérêt, de la critique et des offenses populaires
qui montait autour de lui. Le récit scripturaire ne permet
même pas de suggérer la moindre conception de ce genre.
L'objectif de l'entretien demandé n'est pas donné.
Comme nous le montrerons plus loin, il est de fait que certains
membres de la maison de Marie avaient été incapables de
comprendre la grande importance de l'œuvre que Jésus
poursuivait avec tant d'assiduité ; et on nous dit que
certains des membres de sa famille se mirent un jour en route dans le
but de mettre la main sur lui et de faire cesser de force ses
activités publiques, car disaient-ils « il a perdu
le sens » (Mc 3:21) ; en outre nous apprenons que ses
frères ne croyaient pas en lui (Jn 7:5). Cependant ces faits
ne nous autorisent guère à penser que le désir
de Marie et de ses fils de converser avec lui lors de l'événement
dont nous avons parlé ait été autre que
pacifique. Et penser que Marie, sa mère, ait oublié les
scènes merveilleuses de l'annonciation angélique, la
conception miraculeuse, les événements célestes
dont s'accompagna la naissance, la sagesse et la puissance
surhumaines qu'il montra dans sa jeunesse et son âge adulte, au
point de croire que son Fils divin était un enthousiaste
déséquilibré qu'elle devrait refréner,
c'est prendre la responsabilité de commettre une injustice
envers la personne que l'ange Gabriel avait déclarée
bénie entre les femmes et hautement favorisée du
Seigneur.
La
déclaration que les frères de Jésus ne croyaient
pas en lui à l'époque dont parle l'écrivain (Jn
7:5) ne prouve pas que certains de ces mêmes frères ou
même tous ne crurent pas plus tard en leur Frère divin.
Immédiatement après l'ascension du Seigneur, Marie,
mère de Jésus, et ses frères étaient
occupés à adorer et à supplier avec les Onze et
d'autres disciples (Ac 1: 14). Le fait attesté que le Christ
était ressuscité convertit beaucoup de personnes qui
avaient jusqu'alors refusé de l'accepter comme le Fils de
Dieu. Paul rapporte une manifestation particulière du Christ
ressuscité à Jacques (1 Co 15:7), et le Jacques dont il
est question ici peut avoir été la même personne
qui est appelée ailleurs « le frère du
Seigneur » (Ga 1:19 ; comparez Mt 13:55, Mc 6:3). Il
semble que « les frères du Seigneur »
étaient occupés aux travaux du ministère à
l'époque du service actif de Paul (1 Co 9:5). On a jeté
le doute sur les rapports familiaux particuliers de notre Seigneur
avec Jacques, Joseph, Simon, Jude et les sœurs mentionnées
par Mt (13:55, 56) et Mc (6:3) ; et on a inventé
plusieurs théories pour défendre des vues divergentes.
C'est ainsi que l'hypothèse orientale ou épiphanique
prétend, en ne se basant sur rien d'autre qu'une théorie,
que les frères de Jésus étaient enfants de
Joseph de Nazareth et d'une autre femme, et non les enfants de Marie,
mère du Seigneur. La théorie du lévirat suppose
que Joseph de Nazareth et Clopas (ce dernier nom, il est intéressant
de le noter, est considéré comme l'équivalent
d'Alphée, voir note chap. 16) étaient frères ;
et que, après la mort de Clopas ou Alphée, Joseph
épousa la veuve de son frère selon la loi du lévirat
(chap. 31). L'hypothèse hiéronymique est basée
sur la croyance que les personnes appelées frères et
sœurs de Jésus étaient enfants de Clopas (Alphée)
et Marie, sœur de la mère du Seigneur, et par conséquent
cousins de Jésus (voir Mt 27:56 ; Mc 15:40 ; Jn
19:25). Il est raisonnablement hors de doute que Jésus était
considéré par ceux qui connaissaient la famille de
Joseph et de Marie comme proche parent par le sang des autres fils et
filles appartenant au ménage. Si ces autres étaient
enfants de Joseph et de Marie, ils étaient tous cadets de
Jésus, car il était indubitablement le premier-né
de sa mère. L'acceptation de cette parenté entre Jésus
et ses « frères » et « sœurs »
cités par les synoptiques constitue ce que l'on appelle en
théologie le point de vue helvidien.
CHAPITRE
19 : « IL LEUR PARLA EN PARABOLES SUR BEAUCOUP DE
CHOSES »
Pendant
toute la période du ministère du Christ que nous avons
traitée jusqu'à présent, sa réputation
s'était constamment accrue à cause de l'autorité
avec laquelle il parlait et des nombreuses œuvres puissantes
qu'il accomplissait. Sa popularité était devenue telle
que toutes les fois qu'il se déplaçait, de grandes
multitudes le suivaient. À certains moments le peuple
s'attroupait à tel point qu'il l'empêchait de se
mouvoir, certains animés du désir d'en apprendre
davantage sur la nouvelle doctrine, d'autres pour le supplier de leur
accorder le soulagement de maux physiques ou autres ; et il y en
avait beaucoup qui avaient foi que s'ils pouvaient seulement
l'atteindre, ou même toucher le bord de sa robe, ils seraient
guéris [1]. L'un des effets de l'ardeur du peuple, qui le
poussait à se presser et à s'attrouper autour de lui,
fut qu'à certains moments elle rendait tout discours difficile
sinon impossible. Son lieu habituel pour enseigner en plein air
tandis qu'il restait dans le voisinage de la mer ou lac de Galilée
était la rive ; et c'est là que s'attroupaient les
foules pour l'entendre. Sur sa demande les disciples avaient amené
une « petite barque » qui était tenue
prête sur le rivage [2], et il avait l'habitude de
s'asseoir dans le bateau à une courte distance du rivage et de
prêcher au peuple comme il l'avait fait lorsque, dans les
premiers jours, il appela les pêcheurs élus à
quitter leurs filets et à le suivre [3].
Lors
d'une occasion de ce genre il employa un moyen d'instruction qui,
jusque là, n'avait pas caractérisé son
enseignement ; celui-ci consistait à utiliser des
paraboles [4] ou des histoires simples pour illustrer ses
enseignements. Nous allons maintenant examiner brièvement
quelques-unes d'entre elles, dans l'ordre le plus avantageux pour les
traiter, et, pour autant que nous le sachions, dans ce qui a pu être
l'ordre dans lequel elles furent données.
« UN
SEMEUR SORTIT POUR SEMER »
La
première dans l'ordre est la parabole du semeur. C'est un
exemple splendide des paraboles de notre Seigneur en général ;
elle est particulièrement précieuse pour sa grande
valeur intrinsèque et parce que nous en possédons
l'interprétation complète par l'Auteur divin. Voici
l'histoire :
« Le
semeur sortit pour semer. Comme il semait, quelques (grains)
tombèrent le long du chemin ; les oiseaux vinrent et les
mangèrent. D'autres tombèrent dans les endroits
pierreux, où ils n'avaient pas beaucoup de terre : ils
levèrent aussitôt, parce qu'ils ne trouvèrent pas
une terre profonde ; mais, quand le soleil se leva, ils furent
brûlés et séchèrent faute de racines.
D'autres tombèrent parmi les épines : les épines
montèrent et les étouffèrent. D'autres tombèrent
dans la bonne terre : ils donnèrent du fruit, un (grain)
cent, un autre soixante, un autre trente. Que celui qui a des
oreilles entende [5] ! »
Cette
nouvelle méthode d'enseignement, cet abandon de la première
méthode du Maître qui était de faire des exposés
de doctrine, poussa même les plus dévoués des
disciples à s'étonner. Les Douze et quelques autres
vinrent trouver Jésus lorsqu'il était isolé de
la multitude et lui demandèrent pourquoi il avait parlé
de cette manière au peuple, et quel était le sens de
cette parabole en particulier. Nous allons examiner maintenant la
réponse de notre Seigneur à la première partie
de la question ; pour ce qui est de la seconde, il demande :
« Vous ne comprenez pas cette parabole ; comment donc
comprendrez-vous toutes les (autres) paraboles [6] ? »
Il indiquait ainsi la simplicité de cette première
parabole, en même temps que son caractère typique et
fondamental, et fit comprendre en même temps que d'autres
paraboles suivraient dans le cours de son enseignement. Puis il en
donna l'interprétation :
« Vous
donc, écoutez (ce que signifie) la parabole du semeur.
Lorsqu'un homme écoute la parole du royaume et ne la comprend
pas, le Malin vient et enlève ce qui a été semé
dans son cœur : c'est celui qui a reçu la semence
le long du chemin. Celui qui a reçu la semence dans les
endroits pierreux, c'est celui qui entend la parole et la reçoit
aussitôt avec joie, mais il n'a pas de racine en lui-même,
il est l'homme d'un moment et, dès que survient une
tribulation ou une persécution à cause de la parole, il
y trouve une occasion de chute. Celui qui a reçu la semence
parmi les épines, c'est celui qui entend la parole mais en qui
les soucis du monde et la séduction des richesses étouffent
la parole et la rendent infructueuse. Celui qui a reçu la
semence dans la bonne terre, c'est celui qui entend la parole et la
comprend ; il porte du fruit et un (grain) en donne cent, un
autre soixante et un autre trente » [7].
Il
peut paraître superflu de donner davantage d'explications ;
cependant il peut être à propos de donner quelques
indications quant à l'application individuelle des leçons
qui y sont contenues. Remarquez que le trait saillant de l'histoire,
c'est l'état préparé ou non préparé
du terrain. La semence était la même, qu'elle tombât
sur du bon terrain ou du mauvais, sur une argile friable ou parmi les
pierres et les ronces. La méthode primitive des semis, qui fut
encore poursuivie de nombreux siècles plus tard, consistait en
ce que le semeur lançait le grain à poignées,
face au vent, ce qui assurait un grand éparpillement. Les
champs galiléens étaient traversés de sentiers
battus par les pieds des hommes et des animaux. Bien que le grain pût
tomber sur ces chemins, il ne pouvait pousser ; les oiseaux
picoraient les graines vivantes posées sans racines et non
couvertes, et certaines d'entre elles étaient écrasées
et foulées aux pieds. Il en va de même pour la semence
de la vérité tombant sur le cœur endurci ;
ordinairement elle ne peut pas prendre racine, et Satan, comme un
corbeau maraudeur, l'emporte de crainte que par hasard une graine ne
trouve une fente dans le sol piétiné, n'envoie sa
petite racine et ne puisse éventuellement se développer.
La
semence tombant dans une terre plus profonde reposant sur une couche
de pierres non brisées ou une carapace calcaire peut prendre
racine et prospérer pendant un court laps de temps ; mais
lorsque, en descendant, les petites racines atteignent la couche
impénétrable, elles se recroquevillent et la plante se
fane et meurt, car les sucs nutritifs sont insuffisants lorsque la
terre n'est pas profonde [8]. Il en est de même pour
l'homme dont l'ardeur n'est que superficielle, dont l'énergie
cesse lorsqu'il rencontre des obstacles ou lorsqu'il doit affronter
une opposition ; bien qu'il manifeste de l'enthousiasme pendant
un certain temps, la persécution le détourne ; il
est offensé et n'endure pas. La graine semée où
les ronces et les épines abondent est bientôt tuée
par leur croissance qui les étouffe ; il en est de même
dans un cœur humain tourné vers les richesses et les
attraits du plaisir : même s'il reçoit la semence
vivante de l'Évangile, il ne produira pas de moisson de bon
grain, mais au lieu de cela, un mélange prolifique de
mauvaises herbes. La production abondante de ronces épineuses
démontre que le terrain est capable de produire une meilleure
moisson, à condition d'être débarrassé des
mauvaises plantes qui l'encombrent. La semence qui tombe dans une
terre bonne et profonde, sans de mauvaises herbes et prête à
l'ensemencement prend racine et grandit ; la chaleur du soleil
ne la brûle pas, car celle-ci l'emmagasine ; elle mûrit
et produit pour le moissonneur selon la richesse de la terre,
certains champs produisant trente, d'autres soixante et quelques-uns
jusqu'à cent fois autant de grain qu'il en a été
semé.
Selon
les canons littéraires eux-mêmes, et en la jugeant par
les principes reconnus de la construction rhétorique et de
l'arrangement logique de ses parties, cette parabole prend la
première place parmi les productions de son espèce.
Bien que nous l'appelions communément la parabole du semeur,
on pourrait donner à l'histoire le titre expressif de parabole
des quatre espèces de terre. C'est sur le terrain où
l'on sème que l'histoire attire le plus notre attention ;
il symbolise d'une manière frappante le cœur endurci ou
adouci, la terre envahie ou non de ronces. Remarquez les qualités
de terre données dans l'ordre croissant de leur fertilité :
(1) la route battue, le sentier latéral sur lequel, sauf par
une combinaison de circonstances fortuites constituant pratiquement
un miracle, il est impossible à aucune semence de prendre
racine ou de grandir, (2) la mince couche de terre couvrant un fond
rocheux impénétrable, dans laquelle la semence peut
germer mais ne pourra jamais venir à maturité, (3) le
champ encombré de mauvaises herbes, qui pourrait produire une
riche récolte s'il n'y avait pas la forêt vierge de
ronces et d'épines, et (4) l'humus riche et propre, réceptif
et fertile. Cependant même les terres considérées
comme bonnes ont divers degrés de productivité,
produisant un accroissement de trente, soixante ou même cent
fois avec beaucoup de gradations intermédiaires.
Certains
exégètes de la Bible ont professé trouver dans
cette splendide parabole la preuve d'un net fatalisme dans la vie des
individus, de sorte que ceux dont l'état spirituel est
comparable au sentier battu ou au terrain au bord des routes, à
la terre peu profonde sur un soubassement pierreux ou au lopin de
terre négligé et envahi par les ronces, sont
désespérément et irrévocablement
mauvais ; tandis que les âmes que l'on peut comparer à
de la bonne terre sont à l'abri de toute détérioration
et produiront inévitablement de bons fruits. Il ne faut pas
oublier qu'une parabole n'est qu'une esquisse, et non une image finie
dans le détail ; et que l'on ne peut logiquement donner à
la similitude exprimée ou sous-entendue dans l'enseignement
par paraboles une valeur dépassant les limites de
l'illustration. Dans la parabole que nous examinons, le Maître
décrivait les divers degrés de réceptivité
spirituelle qui existaient parmi les hommes et caractérisa
avec une brièveté tranchante chacun des degrés
spécifiés. Il ne dit ni ne laissa entendre que la terre
durcie du bord de la route ne pouvait être labourée,
hersée, fertilisée et rendue ainsi productive, ni que
l'obstacle à la croissance constitué par les pierres ne
pouvait être détruit et enlevé, ou que l'on ne
pouvait augmenter la bonne terre en y ajoutant, ou que les ronces ne
pouvaient jamais être déracinées et leur ancien
habitat rendu capable de supporter de bonnes plantes. La parabole
doit être étudiée à la lumière du
but pour lequel elle a été donnée, et les
déductions ou les prolongements forcés ne sont pas
justifiés. Une métaphore puissante, une comparaison
frappante ou tout autre figure de rhétorique expressive n'est
utile que lorsqu'on l'applique raisonnablement ; si on les
pousse au-delà des limites d'une intention raisonnable, les
meilleures d'entre elles peuvent perdre tout sens ou même
devenir absurdes.
LE
BLÉ ET L'IVRAIE
Le
Maître proposa une autre parabole, assez bien apparentée
à la précédente pour ce qui est de l'histoire,
parlant de nouveau de semences et de semailles, et accompagnée,
comme la première, d'une interprétation :
« Le
royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé
de la bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens
dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie au milieu du blé
et s'en alla. Lorsque le blé eut poussé en herbe et
donné du fruit, l'ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître
de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n'as-tu pas semé
de la bonne semence dans ton champ ? D'où vient donc
qu'il y ait de l'ivraie ? Il leur répondit : C'est
un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent :
Veux-tu que nous allions l'arracher ? Non, dit-il, de peur qu'en
arrachant l'ivraie, vous ne déraciniez en même temps le
blé. Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à
la moisson, et, à l'époque de la moisson, je dirai aux
moissonneurs : Arrachez d'abord l'ivraie, et liez-la en gerbes
pour la brûler, mais amassez le blé dans mon
grenier » [9].
Lorsque
Jésus se fut retiré dans la maison où il
logeait, les disciples vinrent le trouver, disant :
« Explique-nous la parabole de l'ivraie du champ. »
« Il
leur répondit : Celui qui sème la bonne semence,
c'est le Fils de l'homme ; le champ, c'est le monde, la bonne
semence, ce sont les fils du royaume ; l'ivraie, ce sont les
fils du Malin ; l'ennemi qui l'a semée, c'est le diable ;
la moisson, c'est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont
les anges. Or comme on arrache l'ivraie pour la jeter au feu, il en
sera de même à la fin du monde. Le Fils de l'homme
enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales
et ceux qui commettent l'iniquité et ils les jetteront dans la
fournaise de feu, où il y aura des pleurs et des grincements
de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le
royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles
entende » [10].
Selon
l'explication de l'Auteur, le semeur, c'était lui-même,
le Fils de l'homme ; comme la situation du blé et de
l'ivraie croissant ensemble devait se poursuivre jusqu'à « la
fin du monde », ceux qui étaient ordonnés
pour poursuivre le ministère après lui sont, nous
pouvons le déduire immédiatement, également des
semeurs. La semence représentée ici n'est pas, comme
dans la dernière parabole, l'Évangile lui-même,
mais les enfants des hommes, la bonne semence représentant
ceux qui ont le cœur pur, les enfants à l'esprit droit
du Royaume ; tandis que l'ivraie, ce sont les âmes qui se
sont livrées au mal et sont comptées parmi les enfants
du Malin. Inspirés par le zèle au profit de leur
Maître, les serviteurs voulaient déraciner les mauvaises
herbes de force mais furent arrêtés, car leur procédé
insensé, bien que partant d'une bonne intention, aurait mis en
danger le blé tandis qu'il était encore tendre. En
effet, dans les premiers stades de la croissance, il aurait été
difficile de distinguer l'un de l'autre, et l'entrelacement des
racines aurait provoqué une grande destruction du précieux
grain.
Outre
qu'elle décrit la situation présente et future du
monde, la parabole enseigne une leçon capitale, à
savoir celle de la patience, de la longanimité et de la
tolérance : chacune étant un attribut de la
Divinité et un trait de caractère que tous les hommes
doivent cultiver. L'ivraie mentionnée dans l'histoire peut
être considérée comme une espèce
quelconque d'herbe nocive, en particulier ce genre d'herbe qui, au
début de la croissance, ressemble au bon grain [11]. Le
fait de semer de mauvaises herbes dans un champ déjà
ensemencé de bon grain est une espèce d'acte de
mauvaise foi qui n'est pas inconnu même aujourd'hui
encore [12]. Dans son exposé, le Seigneur lui-même
met hors de doute le fait qu'il viendra un temps de séparation,
où le blé sera rassemblé dans le grenier du
Seigneur et l'ivraie brûlée, afin que ses semences
vénéneuses ne se reproduisent plus.
La
leçon contenue dans cette parabole est si importante et
l'accomplissement littéral des prédictions qu'elle
contient est tellement assuré que le Seigneur nous en a donné
une autre explication par révélation à notre
époque, époque où son application est directe et
immédiate. Par l'intermédiaire de Joseph Smith le
prophète, en 1832, Jésus-Christ déclara :
« Mais
voici, dans les derniers jours, à savoir maintenant que le
Seigneur commence à répandre la parole et que la pousse
croît et est encore tendre - voici, en vérité, je
vous le dis, les anges qui sont prêts et attendent d'être
envoyés moissonner les champs, invoquent le Seigneur jour et
nuit, mais le Seigneur leur dit : N'arrachez pas l'ivraie alors
que les pousses sont encore tendres (car en vérité
votre foi est faible), de peur de détruire le bon grain aussi.
Que le bon grain et l'ivraie croissent donc ensemble jusqu'à
ce que la moisson soit tout à fait mûre ; alors
vous rassemblerez d'abord le bon grain d'entre l'ivraie, et lorsque
le bon grain aura été rassemblé, voici, l'ivraie
sera liée en tas et le champ restera pour être
brûlé » [13].
LA
SEMENCE QUI POUSSE EN SECRET
Matthieu
rapporte la parabole de l'ivraie immédiatement après
celle du semeur ; Marc place dans le même ordre une
parabole que l'on ne trouve que dans ses écrits. Elle est
présentée dans les grandes lignes, et les exégètes
bibliques la classeraient plutôt comme une simple analogie
qu'une parabole typique. Lisez-la :
« Il
dit encore : Il en est du royaume de Dieu comme d'un homme qui
jette de la semence en terre ; qu'il dorme ou qu'il veille, nuit
et jour, la semence germe et croit sans qu'il sache comment. La terre
produit d'elle-même, premièrement l'herbe, puis l'épi,
enfin le blé bien formé dans l'épi ; et dès
que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est
là » [14].
Aucun
document ne nous indique que les disciples aient demandé ou
que le Maître ait donné une interprétation de
cette parabole ni d'aucune autre parabole ultérieure [15].
Dans cette histoire nous trouvons une belle illustration de la
vitalité de la semence de vérité, bien que les
processus secrets de sa croissance constituent un mystère pour
tous sauf Dieu seul. Un homme, lorsqu'il a lancé la semence,
doit la laisser à elle-même. Il peut cultiver le champ,
arrachant les mauvaises herbes, protégeant les plantes du
mieux qu'il peut, mais la croissance elle-même dépend de
conditions et de forces qu'il n'est pas en son pouvoir de contrôler.
Paul planta, Apollos arrosa, mais Dieu seul pouvait assurer la
croissance [16]. Celui qui a semé peut s'occuper de ses
autres affaires, car le champ ne réclame pas une attention
constante ou exclusive ; néanmoins, sous l'influence du
soleil et de la pluie, de la brise et de la rosée, la pousse
se développe, puis l'épi et en son temps le blé
complet dans l'épi. Lorsque le grain est mûr, l'homme
est heureux de moissonner sa récolte.
Le
semeur de cette histoire est le prédicateur de la parole de
Dieu doté d'autorité ; il plante la semence de
l'Évangile dans le cœur des hommes, ne sachant pas quel
en sera le résultat. Passant à un ministère
semblable ou différent en un autre endroit, s'occupant des
devoirs dont il est chargé dans d'autres domaines, il laisse à
Dieu, avec foi et espérance, le résultat de son semis.
Il s'enrichit et se réjouit de la moisson des âmes
converties par son labeur [17]. Cette parabole s'adressait sans
doute plus particulièrement aux apôtres et aux plus
dévoués des autres disciples, plutôt qu'à
la multitude en général ; c'est une leçon
pour les instructeurs, pour les ouvriers dans les champs du Seigneur,
pour les semeurs et les moissonneurs élus. Elle a une valeur
éternelle, et est aussi d'application aujourd'hui que
lorsqu'elle fut donnée. Que la semence soit plantée,
même si le semeur est appelé immédiatement à
d'autres champs ou à d'autres devoirs ; il trouvera sa
récompense dans la moisson joyeuse qu'il aura.
LE
GRAIN DE MOUTARDE
« Il
leur proposa une autre parabole et il dit : Le royaume des cieux
est semblable à un grain de moutarde qu'un homme a pris et
semé dans son champ. C'est la plus petite de toutes les
semences ; mais, quand elle a poussé, elle est plus
grande que les plantes potagères et devient un arbre, de sorte
que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches » [18].
Cette
petite histoire, racontée à la multitude assemblée,
doit avoir poussé beaucoup de personnes à réfléchir,
à cause de la simplicité de l'incident raconté
et de l'application entièrement non juive qui en fut faite.
Pour l'esprit formé par les instructeurs de l'époque,
le royaume devait être grand et glorieux dès son début ;
il devait être inauguré à coups de trompette et
dans le martèlement des armées, avec le Messie-Roi à
sa tête ; cependant, ce nouvel instructeur disait de lui
que son début était si petit qu'il était
comparable à un grain de moutarde. Pour rendre l'illustration
plus efficace encore, il précisa que la semence dont il était
parlé était « la plus petite de toute les
semences ». Cette expression superlative fut faite dans un
sens relatif ; car il y a des semences plus petites que la
moutarde, même parmi les plantes de jardin, parmi lesquelles on
peut citer la rue et le pavot ; mais chacune de ces plantes est
petite quand elle arrive à maturité, tandis que la
moutarde bien cultivée est l'une des plus grandes d'entre les
herbes communes et présente un grand contraste dans sa
croissance d'une semence minuscule à un gros arbuste.
En
outre, la comparaison « petit comme un grain de
moutarde », était d'usage courant chez les Juifs de
l'époque. La comparaison employée par des Juifs en
d'autres occasions en montre l'usage courant, comme lorsqu'il dit :
« Si vous avez de la foi comme un grain de moutarde...
rien ne vous sera impossible » [19]. Il faut
savoir que le plant de moutarde atteint en Palestine une taille plus
grande que dans les régions septentrionales [20]. La
leçon de la parabole est facile à voir. La semence est
une entité vivante. Quand on la plante correctement, elle
absorbe et assimile les matières nutritives de la terre et de
l'atmosphère, grandit et, en son temps, est à même
de fournir logement et nourriture aux oiseaux. De même la
semence de la vérité est vivante, vivace et capable de
se développer au point de fournir de la nourriture et un abri
spirituel à tous ceux qui vont à sa recherche. Dans les
deux conceptions, la plante mûre produit de la semence en
abondance, et à partir d'un seul grain on peut couvrir un
champ tout entier.
LE
LEVAIN
« Il
leur dit cette autre parabole : Le royaume des cieux est
semblable à du levain qu'une femme a pris et introduit dans
trois mesures de farine, jusqu'à ce que (la pâte) soit
toute levée » [21].
On
peut facilement discerner des points de ressemblance et de contraste
entre cette parabole et la précédente. Chacune illustre
la vitalité et la capacité de développement
inhérentes qui sont si essentiellement caractéristiques
du royaume de Dieu. Cependant, le grain de moutarde montre comment un
être vivant peut croître en tirant les substances de
valeur de l'extérieur tandis que le levain ou la levure répand
et diffuse vers l'extérieur son influence à travers la
masse de la pâte dense et détrempée. Chacun de
ces processus représente un moyen par lequel l'esprit de
vérité s'exerce efficacement. La levure n'est pas moins
réellement un organisme vivant qu'un grain de moutarde. À
mesure que la plante microscopique de la levure se développe
et se multiplie à l'intérieur de la pâte, les
milliers de cellules vivantes dont elle est composée
imprègnent la masse, et chaque morceau de la masse levée
est à même d'affecter de la même manière
une autre quantité de farine convenablement préparée.
Le processus qui fait « lever » la pâte
par la fermentation de la levure placée dans la masse est lent
et en outre aussi silencieux et apparemment secret que celui de la
semence plantée qui grandit sans que le semeur continue à
y faire attention ou à s'en soucier [22].
LE
TRÉSOR CACHÉ
« Le
royaume des cieux est encore semblable à un trésor
caché dans un champ. L'homme qui l'a trouvé le cache
(de nouveau) ; et, dans sa joie, il va vendre tout ce qu'il a et
achète ce champ » [23].
Cette
parabole et les deux suivantes ne sont rapportées que par
Matthieu ; d'autre part, la place qui leur est assignée
dans ce récit montre qu'elles ne furent données qu'aux
disciples seuls, dans la maison, lorsque la multitude s'en fut allée.
La chasse au trésor est toujours passionnante. À
l'époque dont nous parlons il n'était pas rare que l'on
trouvât des objets précieux ensevelis, puisque la
pratique de cacher ainsi les trésors était coutumière
chez des gens exposés aux incursions des bandits et aux
invasions hostiles. Remarquez que l'homme à qui échoit
cette fortune nous est montré trouvant le trésor
apparemment par accident plutôt qu'à la suite d'une
recherche diligente. Il vendit avec joie tout ce qu'il possédait
pour pouvoir acheter le champ. Le trésor caché est le
royaume des cieux ; lorsqu'un homme le trouve, il devrait être
prêt à sacrifier tout ce qu'il a si, ce faisant, il peut
en obtenir la possession. La joie qu'il aura de cette nouvelle
acquisition sera sans limite ; et, s'il en reste le possesseur
digne, ses richesses s'étendront au-delà du
tombeau [24].
Des
casuistes ont soulevé la question de savoir si le comportement
de l'homme dans cette histoire était correct, étant
donné qu'il cacha sa découverte au possesseur du champ
à qui, disent-ils, le trésor appartenait de droit.
Quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir quant à la
valeur morale du procédé de cet homme, son acte n'était
pas illégal, puisque la loi juive prévoyait
expressément que l'acheteur d'une terre devenait le
propriétaire légal de tout ce que le sol
contenait [25]. Il est certain que Jésus ne recommandait
aucun procédé malhonnête ; et si l'histoire
n'avait pas été probable dans ses moindres détails,
son effet en tant que parabole aurait été perdu. Le
Maître enseigna par cette illustration qu'une fois qu'on a
trouvé le trésor du royaume, on ne doit pas perdre de
temps ni reculer devant aucun sacrifice nécessaire pour s'en
assurer la propriété.
LA
PERLE DE GRAND PRIX
« Le
royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui
cherche de belles perles. Ayant trouvé une perle de grand
prix, il est allé vendre tout ce qu'il avait, et l'a
achetée » [26].
Les
perles ont toujours occupé une place élevée
parmi les joyaux, et longtemps avant le temps du Christ, de même
que depuis ce moment-là, les marchands de perles ont recherché
activement et avec diligence les plus grandes et les plus précieuses
que l'on pouvait trouver. Contrairement à l'homme de la
parabole précédente, qui découvrit un trésor
caché en cherchant peu ou pas, le marchand de cette histoire
consacra toute son énergie à rechercher de belles
perles, que c'était son métier de trouver et de se
procurer. Quand il vit enfin la perle supérieure à
toutes les autres, il vendit avec plaisir toutes ses autres pierres
précieuses, bien qu'elle fût, comme elle devait l'être
à juste titre, à vendre pour un prix élevé ;
en fait il sacrifia tout ce qu'il avait - pierres précieuses
et autres biens - et acheta la perle de grand prix. Ceux qui
cherchent la vérité peuvent acquérir beaucoup de
choses qui sont bonnes et désirables, sans trouver la plus
grande de toutes les vérités, la vérité
qui les sauvera. Mais s'ils cherchent avec persistance et avec une
intention réelle, s'ils sont réellement à la
recherche de perles et non d'imitations, ils trouveront. Des hommes
qui, en cherchant, découvrent les vérités du
royaume des cieux peuvent avoir à abandonner un grand nombre
de traditions auxquelles ils tenaient, et même les théories
de leur philosophie imparfaite et de « la fausse
science » [27], s'ils veulent prendre possession de
la perle de grand prix. Remarquez que dans cette parabole comme dans
celle du trésor caché, le prix de cette possession est
tout ce que l'on a. Nul ne peut devenir citoyen du royaume en
abandonnant partiellement les choses auxquelles il était
précédemment attaché ; il doit renoncer à
tout ce qui est étranger au royaume, sinon il ne pourra jamais
y être compté. S'il sacrifie de bon cœur tout ce
qu'il a, il verra qu'il a assez. Le coût du trésor caché
et de la perle n'est pas un montant fixe, égal pour tous ;
c'est tout ce que l'on a. Même le plus pauvre peut obtenir la
possession durable ; tout ce qu'il a constitue un prix d'achat
suffisant.
LE
FILET DE L'ÉVANGILE
« Le
royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté
dans la mer et qui ramasse (des poissons) de toute espèce.
Quand il est rempli, on le tire sur le rivage, puis on s'assied, on
recueille dans des vases ce qui est bon et l'on jette ce qui est
mauvais. Il en sera de même à la fin du monde. Les anges
s'en iront séparer les méchants du milieu des justes et
ils les jetteront dans la fournaise de feu, où il y aura des
pleurs et des grincements de dents » [28].
L'Évangile
du royaume touche des hommes de toutes mentalités, des hommes
bons et mauvais, de toutes nationalités et de toutes races.
Les « pêcheurs d'hommes » [29] sont
habiles, actifs et universels dans leurs coups de filet. Le triage se
produit lorsque le filet est amené à terre ; et,
de même que le pêcheur rejette tous les mauvais poissons,
conservant les bons, de même les anges qui exécutent les
ordres du Fils de l'homme sépareront les justes des méchants,
accordant la vie éternelle à une espèce,
condamnant l'autre à la destruction. Des efforts insensés
de porter l'application de la parabole au-delà de l'intention
de l'Auteur ont poussé certains à formuler cette
critique que les poissons meurent, qu'ils soient bons ou mauvais.
Cependant les bons meurent utiles, les mauvais sont entièrement
gaspillés. Bien que tous les hommes meurent, ils ne meurent
pas de la même façon ; certains rendent l'âme
pour se reposer et se lèveront à la résurrection
des justes ; d'autres vont dans un état de douleur et de
tourments pour y attendre avec angoisse et terreur la résurrection
des méchants [30]. On peut voir que cette parabole a une
application semblable à celle de l'ivraie en ce qu'elle
souligne qu'une séparation est décrétée
entre les justes et les injustes, et dans le sort terrible de ceux
qui sont voués à la condamnation. On remarquera un
autre parallèle dans le fait que le jugement est remis à
« la fin du monde », expression dans laquelle
nous pouvons comprendre la consommation de l'œuvre du
Rédempteur après le millénium et la résurrection
finale de tous ceux qui ont existé sur la terre [31].
Après
avoir donné cette parabole, la dernière du groupe
rapporté au chapitre treize de Matthieu, jésus demanda
aux disciples : « Avez-vous compris tout cela ?
- Oui, répondirent-ils. » Il leur fit comprendre
qu'ils devaient être prêts, comme des instructeurs bien
formés, à apporter, du grenier de leur âme, des
trésors de vérité tant anciens que nouveaux,
pour l'édification du monde [32].
POURQUOI
LE CHRIST FIT USAGE DE PARABOLES
Comme
nous l'avons déjà dit, les Douze et les autres
disciples furent surpris de l'innovation du Seigneur lorsqu'il
commença à enseigner par paraboles. Avant cela ses
enseignements avaient été exposés clairement et
sans détour, comme en témoignent les enseignements
explicites du sermon sur la montagne. Il est à remarquer que
les paraboles furent introduites au moment où l'opposition
contre Jésus était forte, et lorsque les scribes, les
Pharisiens et les rabbis veillaient à surveiller étroitement
ses mouvements et ses oeuvres, toujours prêts à faire de
lui un transgresseur pour un mot. Les paraboles étaient
d'usage courant parmi les instructeurs juifs ; et en adoptant ce
mode d'instruction, Jésus suivait une coutume du temps, bien
qu'entre les paraboles qu'il donnait et celles des savants aucune
comparaison ne soit possible si ce n'est sous forme de contraste
extrêmement prononcé [33].
Le
Maître expliqua aux disciples élus et dévoués
qui vinrent lui demander pourquoi il était passé de
l'exposé direct aux paraboles [34], que s'ils avaient,
eux, le bonheur de recevoir et de comprendre les vérités
profondes de l'Évangile, « les mystères du
royaume des cieux » comme il les appelait, il était
par contre impossible aux gens en général, qui
n'étaient pas réceptifs ni préparés, de
comprendre les choses aussi parfaitement. Il fallait donner plus aux
disciples qui avaient déjà accepté joyeusement
les premiers principes de l'Évangile du Christ ; tandis
qu'à ceux qui avaient rejeté le bienfait qui leur était
offert, on enlèverait même ce qu'ils avaient possédé
jusqu'alors [35]. « C'est pourquoi, dit-il, je leur
parle en paraboles, parce qu'en voyant ils ne voient pas, et qu'en
entendant ils n'entendent ni ne comprennent. » L'état
de ténèbres spirituelles qui existait alors parmi les
Juifs avait été prévu, comme le montre une
citation des paroles d'Ésaïe, dans lesquelles l'ancien
prophète avait dit que le peuple deviendrait aveugle, sourd et
dur de cœur en ce qui concerne les choses de Dieu, raison pour
laquelle, tout en entendant et en voyant dans un sens physique, il ne
comprendrait cependant pas [36].
Un
élément de miséricorde se révèle
clairement dans le mode d'instruction par paraboles que notre
Seigneur adopta, étant donné la situation qui existait
à l'époque. S'il avait toujours enseigné par des
déclarations explicites qui n'avaient pas besoin
d'interprétation, beaucoup de ses auditeurs seraient tombés
sous la condamnation, étant donné qu'ils avaient une
foi trop faible et que leur cœur n'était pas
suffisamment préparé pour briser les liens du
traditionalisme et des préjugés engendrés par le
péché, de manière à accepter la parole
salvatrice et d'y obéir. Leur incapacité de comprendre
les exigences de l'Évangile permettrait dans une juste mesure
à la miséricorde d'avoir quelque droit sur eux, tandis
que s'ils avaient rejeté la vérité en comprenant
pleinement ce qu'ils faisaient, la rigueur de la justice exigerait
certainement leur condamnation [37].
L'exhortation
du Maître : « Que celui qui a des oreilles
entende » implique que la leçon des paraboles
pouvait être comprise par l'étude, la prière et
la recherche. Pour les chercheurs plus studieux, le Maître
ajouta : « Prenez garde à ce que vous
entendez. On vous mesurera avec la mesure avec laquelle vous mesurez
et on y ajoutera pour vous. Car on donnera à celui qui a ;
mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il
a » [38]. Deux hommes peuvent entendre les mêmes
paroles ; l'un d'eux écoute avec indolence et
indifférence, l'autre, l'esprit actif, est décidé
à apprendre tout ce que les paroles peuvent lui révéler ;
ayant entendu, l'homme diligent s'en va tout droit faire ce qui lui
est recommandé, tandis que l'insouciant néglige et
oublie. L'un est sage, l'autre insensé ; l'un a entendu
pour son profit éternel, l'autre pour sa condamnation
éternelle [39].
Un
autre exemple de l'adaptation miséricordieuse de la parole de
la vérité aux capacités diverses des gens qui
entendaient les paraboles réside dans ce fait psychologique
que les incidents d'une histoire frappante quoique simple
demeureront, même dans des esprits qui, au moment même,
sont incapables de comprendre tout sens au-delà de l'histoire
elle-même. Maint paysan qui avait entendu le petit incident du
semeur et des quatre espèces de terre, de l'ivraie semée
par un ennemi le soir, de la semence qui grandit, bien que le
planteur l'ait temporairement oublié, s'en souviendrait grâce
aux situations sans cesse renouvelées de son travail
quotidien ; le jardinier se souviendrait de l'histoire du grain
de moutarde toutes les fois qu'il planterait de nouveau, ou en
regardant la plante ombrageuse avec des oiseaux nichés dans
ses branches ; la ménagère serait frappée
de nouveau par l'histoire du levain en mélangeant, en
pétrissant et en cuisant ; le pêcheur à ses
filets penserait de nouveau aux bons poissons et aux mauvais et
comparerait le tri de sa prise avec le jugement qui doit venir. Et
puis, lorsque le temps et l'expérience, ainsi que peut-être
la souffrance, les auraient préparés à penser
plus profondément, ils trouveraient le grain vivant de vérité
évangélique sous la balle de l'histoire toute simple.
LES
PARABOLES EN GÉNÉRAL
Le
trait essentiel d'une parabole c'est la comparaison ou la similitude,
selon laquelle on utilise un incident ordinaire et bien compris pour
illustrer un fait ou un principe que l'histoire n'exprime pas
directement. L'idée populaire qu'une parabole repose
nécessairement sur un incident fictif est incorrecte ; en
effet, étant donné que l'histoire ou les circonstances
de la parabole doivent être simples et certainement ordinaires,
elle peut être réelle. Il n'y a rien d'imaginaire dans
les paraboles que nous avons étudiées jusqu'à
présent ; les histoires fondamentales sont prises sur le
vif, et les circonstances données sont des faits vécus.
Le récit ou l'incident sur lequel une parabole est construite
peut être un événement réel ou
imaginaire ; mais, s'il est imaginaire, l'histoire doit être
logique et vraisemblable et ne doit se mêler à rien
d'extraordinaire ou de miraculeux. Dans ce domaine, la parabole
diffère de la fable, cette dernière étant
construite par l'imagination, sur des faits exagérés et
invraisemblables ; en outre, l'intention de l'une et de l'autre
n'est pas la même, puisque la parabole est destinée à
enseigner une grande vérité spirituelle, tandis que ce
que l'on appelle la morale de la fable suggère tout au plus
des accomplissements profanes et des avantages personnels. Les
histoires, qui représentent des arbres, des animaux et des
objets inanimés parlant ensemble ou avec des hommes, sont
entièrement imaginaires ; ce sont des fables ou des
apologues, que la conclusion en soit bonne ou mauvaise ;
vis-à-vis de la parabole ils présentent un contraste,
non une similarité. Le but avoué de la fable est plutôt
d'amuser que d'enseigner. La parabole peut contenir un récit
comme dans le cas du semeur et de l'ivraie, ou simplement un incident
isolé comme dans le cas du grain de moutarde et du levain.
Les
allégories se distinguent des paraboles par le fait qu'elle
sont plus longues et que l'histoire est plus détaillée,
ainsi que par le mélange intime existant entre le récit
et la leçon qu'il a pour but d'enseigner ; ces deux
éléments restent séparés et distincts
dans la parabole. Les mythes sont des histoires fictives, dont les
faits sont parfois basés sur l'histoire mais ne symbolisent
aucune valeur spirituelle. Un proverbe est une parole brève et
sentencieuse, ayant la nature d'une maxime, contenant une vérité
déterminée ou une suggestion par comparaison. Les
proverbes et les paraboles sont étroitement apparentés,
et dans la Bible les termes sont parfois utilisés l'un pour
l'autre [40]. L'Ancien Testament contient deux paraboles,
quelques fables et allégories, et de nombreux proverbes ;
nous possédons un livre entier de ces derniers [41].
Nathan, le prophète, réprimanda le roi David en lui
racontant la parabole de la brebis du pauvre, et l'histoire fut
tellement efficace que le roi décréta un châtiment
pour le riche transgresseur et fut écrasé de chagrin et
de contrition lorsque le prophète appliqua sa parabole par les
paroles fatales : « Tu es cet homme-là [42] ! »
L'histoire de la vigne, qui, quoique entourée d'une clôture
et bien soignée, ne produisit cependant que du fruit sauvage
et inutile, fut utilisée par Ésaïe pour décrire
l'état pécheur d'Israël, lorsqu'il essaya
d'éveiller le peuple à une vie de justice [43].
Les
paraboles du Nouveau Testament, prononcées par le Maître
des maîtres, sont d'une beauté, d'une simplicité
et d'une efficacité telles qu'elles n'ont pas leurs pareilles
dans la littérature.
[1]
Mc 3:10 ; cf. Mt 9:20,21, 14:36 ; Mc 6:56 ; Lc 6:19.
[2]
Mc 3:9.
[3]
Luc 5:10 ; Chap. 14 du présent ouvrage.
[4]
Note 1, fin du chapitre.
[5]
Mt 13:3-9 ; cf. Mc 4:3-9 ; Lc 8:5-8.
[6]
Mc 4:13.
[7]
Mt 13:18-23 ; cf. Mc 4:13-20 ; Lc 8:11-15.
[8]
Note 2, fin du chapitre.
[9]
Mt 13:24-30.
[10]
Versets 36-43.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Note 4, fin du chapitre.
[13]
D&A 86:4-7 ; lire toute la section.
[14]
Mc 4:26-29.
[15]
Note 5, fin de chapitre.
[16]
1 Co 3:6.
[17]
Lire la promesse donnée très tôt par le Seigneur
que les âmes sont le salaire des moissonneurs désignés :
Jn 4:35-38 ; voir aussi Mt 9:37,38 ;
[18]
Lc 10:2. Mt 13:31, 32 ; cf. Mc 4:30-32 ; Lc 13:18, 19.
[19]
Mt 17:20 ; cf. Lc 17:6.
[20]
Note 6, fin du chapitre.
[21]
Mt 13:33 ; cf. Lc 13:20,21.
[22]
Note 7, fin du chapitre.
[23]
Mt 13:44.
[24]
Cf. Mt 6:19,20.
[25]
Note 8, fin du chapitre.
[26]
Mt 13:45, 46.
[27]
1 Tm 6:20.
[28]
Mt 13:47-50.
[29]
Mt 4:19 ; Mc 1: 17 ; Lc 5:10.
[30]
Jn 5:29 ; voir aussi LM, Al 40:11-14, et l'auteur, Articles de
Foi, p. 463-475.
[31]
Voir chapitre 42.
[32]
Mt 13:51,52.
[33]
Note 9, fin du chapitre.
[34]
Mt 13:10-17 ; cf. Mc 4:10-13, Lc 8:9, 10.
[35]
Mt 13:12 ; cf. 25:29 ; Mc 4:25 ; Lc 8:18, 19:26.
[36]
Es 6:9 ; voir aussi 42:20, 43:8, Ez 12:2 ; Jn 12:40, Ac
28:26,27.
[37]
Voir les Articles de Foi, de l'auteur, p. 76-78 ; LM, 2 Né
9:25-27 ; Rm 2:12 ; D&A 45:54, 76:72.
[38]
Mt 13:9,43 ; voir aussi 11:15 ; Mc 4:9.
[39]
Mc 4:24, 25.
[40]
Note 10, fin du chapitre.
[41]
Note 11, fin du chapitre.
[42]
2 S 12:1-7,13.
[43]
Es 5:1-7.
NOTES
DU CHAPITRE 19
1.
Le premier groupe de paraboles : Beaucoup de spécialistes
de la Bible affirment que les sept paraboles rapportées au
chapitre treize de Matthieu furent prononcées à des
époques différentes et devant des personnes
différentes, et que l'auteur du premier évangile les
groupa pour en faciliter la rédaction et en tenant compte
avant tout de leur intérêt subjectif. Ce point de vue
semble confirmé par le fait que Luc mentionne certaines de ces
paraboles dans des cadres différents quant au temps et au
lieu ; c'est ainsi que les paraboles du grain de moutarde et du
levain sont données (Lc 13:18,21) directement après la
guérison de la femme infirme à la synagogue et la
réprimande du gouverneur hypocrite. Si nous devons reconnaître
que Matthieu peut avoir groupé avec les paraboles prononcées
ce jour-là certaines prononcées à d'autres
moments, il est probable que Jésus répéta
certaines de ses paraboles, comme il le fit certainement pour
d'autres enseignements, et présenta ainsi la même leçon
plus d'une fois. En fait chaque parabole est une leçon en
elle-même et conserve sa grande valeur intrinsèque,
qu'on la considère comme une histoire isolée ou de
concert avec les enseignements apparentés. Faisons attention à
la leçon que chacune d'elles contient, quelles que soient les
opinions que les hommes peuvent promulguer quant aux circonstances où
elles furent données pour la première fois.
2.
Le décor de la parabole du semeur : Le Dr R. C. Trench,
dans son ouvrage Notes on the Parables of our Lord (p. 57, note),
cite la description faite par Dean Stanley de l'endroit où
Jésus donna la parabole du semeur ; comme nous avons des
raisons de croire que le cadre n'a guère changé depuis
le temps du Christ, nous en reproduisons ici le récit :
« Un léger renfoncement au flanc de la colline près
de la plaine révélait immédiatement en détails,
et avec une conjonction que je ne me souviens d'avoir rencontrée
nulle part ailleurs en Palestine, tous les traits de la grande
parabole. Il y avait le champ de blé ondoyant qui descendait
jusqu'au bord de l'eau. Il y avait le sentier battu qui le traversait
par son milieu, sans clôture ni haie pour empêcher la
semence de tomber çà et là de part et d'autre du
chemin ou dessus - celui-ci étant durci sous le piétinement
constant des chevaux, des mules et des pieds humains. Il y avait la
« bonne » terre riche qui distingue toute cette
plaine et son voisinage des collines dénudées ailleurs,
descendant dans le lac et qui, là où il n'y a aucune
interruption, produit une grande quantité de blé. Il y
avait les terrains rocheux du flanc de la colline faisant saillie çà
et là dans les champs de blé, comme ailleurs, sur les
pentes herbeuses. Il y avait les gros buissons de ronces, le
« nabk »... jaillissant, comme les arbres
fruitiers des régions situées plus à l'intérieur
des terres, au centre même du blé ondoyant. »
3.
L'ivraie : Ce terme ne se retrouve nulle part dans la Bible
ailleurs que dans le cas de la parabole. Il est clair que n'importe
quel genre de mauvaise herbe, en particulier une espèce
vénéneuse, de nature telle qu'elle déprécierait
gravement la moisson engrangée, répondrait à
l'intention du Maître lorsqu'il utilisa cette illustration. On
croit traditionnellement et communément que la plante dont il
est parlé dans la parabole est l'ivraie, que les botanistes
appellent le Lollum temulentum, une espèce d'ivraie aristée.
Cette plante ressemble beaucoup au blé dans les premiers
stades de la croissance et constitue un fléau pour les
fermiers en Palestine aujourd'hui ; les Arabes l'appellent
« Zowan » ou « Zawan »,
nom qui, dit Arnot, citant Thompson, « ressemble quelque
peu au terme originel du texte grec ». L'auteur de
l'article « Tares » [Ivraie], dans le
dictionnaire de Smith dit : « Les critiques et les
exégètes s'accordent pour dire que le pluriel grec
zizania, A. V. « ivraie », de la parabole (Mt
13:25) indique la plante appelée « ivraie aristée »
(Lolium temulentum), une herbe très répandue, et la
seule espèce du genre qui a des propriétés
toxiques. Avant de monter en épi, l'ivraie aristée a un
aspect très semblable au blé, et les racines des deux
sont souvent entrelacées ; c'est ce qui explique le
commandement que « l'ivraie » devait être
laissée jusqu'à la moisson, de peur qu'en l'arrachant,
les hommes « ne déracinent en même temps le
blé ». Lorsqu'elle est en épi, cette ivraie
se distingue facilement du blé et de l'orge, mais lorsqu'ils
sont tous deux moins développés, « l'examen
le plus attentif sera souvent incapable de la découvrir. Même
les fermiers, qui sarclent généralement leurs champs
dans ce pays, n'essayent pas de séparer l'un de l'autre... Le
goût en est amer, et, quand on la mange isolément, même
lorsqu'elle est mêlée au pain ordinaire, elle provoque
des étourdissements et agit souvent comme un émétique
violent ». La seconde citation est de The Land and the
Book, de Thompson, 11, 111, 112. On a prétendu que l'ivraie
est une espèce dégénérée de blé ;
et on a essayé, en introduisant cette idée, d'ajouter
une signification supplémentaire à la parabole
instructive de notre Seigneur ; cette conception forcée
n'est cependant pas justifiée scientifiquement, et les
étudiants sérieux ne se laisseront pas égarer
par elle.
4.
La méchanceté du semeur d'ivraie : On a essayé
de discréditer la parabole de l'ivraie en prétendant
qu'elle repose sur une pratique peu ordinaire sinon inconnue. Trench
répond à cette critique de la manière suivante
(Notes on the Parables, p. 72, 73) : « Notre Seigneur
n'imaginait pas là une forme de méchanceté sans
précédent, mais en produisit une qui a pu être
suffisamment connue de ses auditeurs, qu'il était si facile
d'exécuter, qui comportait si peu de risques et qui produisait
cependant un mal si grand et si durable qu'il n'est pas étrange,
lorsque la lâcheté et la méchanceté se
rencontrent, qu'elles se soient souvent manifestées sous cette
forme-là. Nous en trouvons des traces en de nombreux endroits.
La loi romaine prévoyait la possibilité de cette forme
de dommage ; et un auteur moderne, illustrant les Écritures
d'après les us et coutumes de l'Orient, qu'il avait appris à
connaître lors d'un séjour qu'il y avait fait, affirme
qu'on pratique maintenant la même chose en Inde. »
L'auteur ajoute en note : « Cette forme de méchanceté
ne manque pas, plus près de chez nous. C'est ainsi qu'en
Irlande, j'ai connu un locataire chassé qui, furieux de son
expulsion, sema de la folle avoine dans les champs qu'il quittait.
Comme l'ivraie de la parabole, il devint pratiquement impossible de
l'extirper lorsqu'elle eut mûri et fut montée en semence
avant le blé auquel elle était mêlée. »
5.
La parabole de la semence poussant en secret : Cette parabole a
provoqué beaucoup de discussions parmi les exégètes,
la question étant de savoir qui on entend par l'homme qui
lança la semence dans la terre. Si, comme dans les paraboles
du semeur et de l'ivraie, c'était le Seigneur Jésus qui
était le planteur, alors, demandent certains, comment peut-on
dire : « La semence germe et croît sans qu'il
sache comment », alors que toutes choses lui sont
connues ? Si d'autre part le planteur représente
l'instructeur ou le prédicateur autorisé de l'Évangile,
comment peut-on dire qu'au moment de la moisson il « y met
la faucille » puisque la moisson finale des âmes est
la prérogative de Dieu ? Les perplexités des
critiques proviennent de ce qu'ils essaient de trouver dans la
parabole un littéralisme qui n'existait pas du tout dans
l'intention de l'Auteur. Que la semence ait été plantée
par le Seigneur lui-même, comme lorsqu'il enseignait en
personne, ou par l'un quelconque de ses serviteurs autorisés,
la semence est vivante et grandira. Il faut du temps ; la pousse
apparaît d'abord et est suivie de l'épi, et l'épi
mûrit en sa saison, sans l'attention constante qui serait
nécessaire si les différentes parties de la plante
devaient être formées à la main. L'homme qui
figure dans la parabole est présenté comme un fermier
ordinaire, qui plante et attend, et récolte en son temps. La
leçon qui est donnée est la vitalité de cette
chose vivante qu'est la semence, dotée par son Créateur
de la capacité de grandir et de se développer.
6.
Le grain de moutarde : Le sénevé sauvage, qui,
dans les régions tempérées, atteint rarement une
hauteur de plus de quatre vingt-dix centimètres à un
mètre vingt, monte dans les pays semi-tropicaux à la
hauteur d'un cheval et de son cavalier (Thompson, The Land and the
Book, 11, 100). Ceux qui entendirent la parabole comprirent de toute
évidence le contraste entre la grandeur de la semence et celle
de la plante pleinement développée. Arnot (The
Parables, p. 102) dit très justement : « Le
Seigneur choisit de toute évidence cette plante, non point à
cause de sa grandeur absolue, mais parce qu'elle était, et
qu'on la reconnaissait comme telle, un exemple frappant de croissance
du très petit au très grand. Elle paraît avoir
été en Palestine, à l'époque, la semence
la plus petite que l'on savait produire une plante aussi grande. Il y
avait peut-être des semences plus petites, mais les plantes qui
en sortaient n'étaient pas aussi grandes ; et il y avait
des plantes plus grandes, mais les semences dont elles naissaient
n'étaient pas aussi petites. » Edersheim (I, p.
593) dit que la taille minuscule du grain de sénevé
était utilisée communément dans les comparaisons
des rabbis, « pour indiquer la plus petite quantité
comme la plus petite goutte de sang, la plus petite souillure,
etc. ». Le même auteur poursuit, à propos de
la plante adulte : « En effet, elle ne ressemble plus
à une grande herbe de jardin ou à un arbuste, mais
‘devient’ ou plutôt apparaît comme ‘un
arbre’, comme le dit Luc, pas à comparer, naturellement,
avec d'autres arbres, mais par rapport à des arbustes de
jardin. Cette grande croissance du grain de sénevé
était également un fait bien connu à l'époque,
et, de fait, peut encore s'observer en Orient... Et le sens général
en serait d'autant plus facilement compris qu'un arbre, dont les
longues branches fournissaient un logement aux oiseaux du ciel, est
une image bien connue de l'Ancien Testament pour désigner un
royaume puissant qui constituait un abri pour les nations (Ez
31:6,12 ; Dn 4:12,14,21,22). On l'utilise tout particulièrement,
en effet, pour illustrer le royaume messianique » (Ez
17:23).
7.
Le symbolisme du levain : Dans la parabole, le royaume des cieux
est comparé au levain. Dans d'autres Écritures, le
levain est cité dans un sens figuré pour représenter
le mal, comme par exemple le « levain des Pharisiens et
des Sadducéens » (Mt 16:6, voir également Lc
12:1), le « levain d'Hérode » (Mc 8:15).
Ces exemples, et d'autres encore (1 Co 5:7, 8) sont des illustrations
de ce que le mal est contagieux. Dans l'incident où la femme
utilise du levain pour faire son pain, l'effet contagieux, pénétrant
et capital de la vérité est symbolisé par le
levain. On peut très bien utiliser différents aspects
de la même chose pour représenter le bien dans un cas et
le mal dans l'autre.
8.
Le trésor appartient à celui qui le trouve : Voici
ce que dit Edersheim (i, p. 595-6) sur le point de savoir si on peut
justifier l'homme qui découvrit un trésor caché
dans le champ d'un autre puis, taisant sa découverte, acheta
le champ afin de posséder le trésor : « On
a fait quelque difficulté quant à la valeur morale de
pareille transaction. Nous pouvons faire observer, pour répondre
à cela, que c'était du moins entièrement
conforme à la loi juive. Si un homme avait trouvé un
trésor en pièces de monnaie libres parmi le blé,
il lui appartiendrait certainement, s'il achetait le blé. S'il
l'avait trouvé dans le sol ou dans la terre, il lui
appartiendrait certainement, s'il pouvait se rendre propriétaire
de la terre, et même si le champ n'était pas à
lui, à moins que d'autres ne pussent prouver qu'ils y avaient
droit. La loi allait jusqu'à adjuger à l'acheteur de
fruits tout ce qui se trouvait parmi ces fruits. Cela suffira pour
régler une question de détail qui, en tout cas, ne doit
pas être analysée de trop près dans une
parabole. »
9.
Supériorité des paraboles de notre Seigneur : Il
n'était pas d'autre mode d'enseignement qui fût aussi
courant parmi les Juifs que celui par paraboles. Seulement, dans leur
cas, elles étaient presque entièrement des
illustrations de ce qui avait été dit ou enseigné ;
tandis que dans le cas du Christ, elles constituaient la base de son
enseignement... Dans le premier cas, elles avaient pour but de donner
à l'enseignement spirituel un caractère juif et
national, dans l'autre de transmettre un enseignement spirituel sous
une forme adaptée au point de vue des auditeurs. On verra que
cette distinction persiste même dans les cas où le
parallélisme le plus proche semble exister entre une parabole
rabbinique et une parabole évangélique... Faut-il le
dire, il n'est guère possible de comparer ces paraboles en ce
qui concerne leur esprit, si ce n'est pour les mettre en contraste »
(Edersheim, I, p. 580-1). Geikie dit d'une manière concise :
« D'autres ont prononcé des paraboles, mais Jésus
les dépasse à tel point qu'on peut à juste titre
l'appeler le créateur de cette méthode d'enseignement »
(11, p. 145).
10.
Paraboles et autres formes d'analogie : « La parabole
se distingue clairement du proverbe aussi, bien qu'il soit vrai que,
dans une certaine mesure, ces deux termes sont utilisés l'un
pour l'autre, comme équivalents, dans le Nouveau Testament.
C'est ainsi que « Médecin, guéris-toi toi
même » (Lc 4:23) est qualifié de
parabole [dans la version anglaise], bien que cette expression
soit à proprement parler un proverbe [nom qui lui est
donné dans la version Segond, ndt], de même, lorsque le
Seigneur eut utilisé le proverbe, que ses auditeurs
connaissaient probablement déjà bien : « Si
un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une
fosse », Pierre dit : « Explique-nous
cette parabole » (Mt 15:14,15) ; et Lc 5:36 est un
proverbe ou une expression proverbiale, plutôt qu'une parabole,
nom qu'il porte... D'un autre côté, Jean appelle
« proverbes » [la version Segond emploie
le terme « paraboles », ndt] des expressions
qui, tout en n'étant pas strictement des paraboles, ont
cependant une affinité beaucoup plus grande avec la parabole
qu'avec le proverbe, parce qu'elles sont en fait des allégories ;
c'est ainsi que lorsque le Christ compare ses relations avec son
peuple à celles d'un berger avec ses brebis, cette figure de
langage est appelée « proverbe », bien
que les traducteurs, s'en tenant au sens plutôt qu'à la
lettre, l'aient rendue par « parabole » (Jn
10:6 ; comparez 16:25,29). Il est facile d'expliquer cet échange
de mots. Il provient en partie du fait que le même mot hébreu
signifie à la fois parabole et proverbe » (Trench,
Notes on the Parables, p. 9, 10).
Au
profit des lecteurs qui n'ont pas de dictionnaire sous la main en
lisant, nous donnons les définitions suivantes :
Allégorie
- Exposé d'un sujet sous l'aspect d'un autre sujet ou d'une
comparaison qui le suggère bien.
Apologue
- Fable ou histoire morale, en particulier dans laquelle des animaux
ou des objets inanimés parlent ou agissent, et qui enseignent
ou proposent une leçon utile.
Fable
- Histoire ou conte bref inventé de manière à
contenir une morale et dont les personnages et les acteurs sont des
animaux et parfois même des objets inanimés doués
de raison ; légende ou mythe.
Mythe
- Récit fictif présenté comme historique, mais
non fondé.
Parabole
- Court récit ou allégorie descriptive fondée
sur des événements réels qui se produisent dans
la nature et la vie humaine et s'appliquant ordinairement dans le
domaine moral ou religieux.
Proverbe
- Expression courte, concise, condensant sous une forme spirituelle
ou frappante la sagesse de l'expérience ; dicton
populaire bien connu sous une forme concise.
11.
Paraboles de l'Ancien Testament, etc : « L'Ancien
Testament ne contient que deux paraboles au sens strict du terme »
(2 S 12:1 et sqq. et Es 5:1 et sqq.). « D'autres
histoires, comme celles des arbres assemblés pour élire
un roi (Juges 9:8) et de l'épine et du cèdre (2 R
14:9), sont plus strictement des fables. D'autres encore, comme le
récit d'Ézéchiel sur les deux aigles et la vigne
(17:2 et sqq.), et de la chaudière (24:3 et sqq.) sont des
allégories. Il ne faut cependant pas croire que le fait que
l'on ne trouve qu'un petit nombre de récits paraboliques dans
l'Ancien Testament prouve que l'on ne considérait pas cette
forme littéraire comme propre à l'enseignement oral.
Leur nombre n'est petit qu'en apparence. En réalité,
les comparaisons, qui, bien que ne se présentant pas sous la
forme de récit fictif, proposent et fournissent la matière
de récits de ce genre, sont abondantes »
(Zenos, Stand. Bible Dict., article « Parables »).
En
appliquant le terme « parabole » dans son sens
le plus large, comprenant toutes les formes ordinaires d'analogie,
nous pouvons considérer les paraboles suivantes comme les plus
impressionnantes de l'Ancien Testament. Les arbres élisant un
roi (Juges 9:7 et sqq.), la petite brebis du pauvre (2 S 12:1 et
sqq.), les frères querelleurs et les vengeurs (2 S 14:1 et
sqq.), l'histoire du captif échappé (1 R 20:35 et
sqq.), l'épine et le cèdre (2 R 14:9), la vigne et ses
mauvais raisins (Es 5:1 et sqq.), le seigle et la vigne (Ez 17:3 et
sqq.), les lionceaux (Ez 19:2 et sqq.), la chaudière (Ez 24:3
et sqq.).
CHAPITRE
20 : « SILENCE ! TAIS-TOI ! »
INCIDENTS
PRÉCÉDANT LE VOYAGE
Vers
la fin du jour où Jésus avait instruit pour la première
fois les multitudes par paraboles, il dit aux disciples :
« Passons sur l'autre rive » [1]. La
destination ainsi indiquée est la rive est du lac de Galilée.
Tandis que l'on préparait le bateau, un scribe vint trouver
Jésus et dit : « Je te suivrai partout où
tu iras. » Jusqu'alors, peu d'hommes appartenant à
la classe titrée ou gouvernante avaient offert de s'allier
ouvertement avec Jésus. Si le Maître avait été
un politique, désireux d'être officiellement reconnu, il
aurait soigneusement examiné, sinon accepté
immédiatement cette occasion de s'attacher une personne aussi
influente qu'un scribe ; mais lui qui pouvait lire l'esprit et
connaître le cœur des hommes, choisissait plutôt
qu'il n'acceptait. Il avait appelé loin de leurs bateaux et de
leurs filets de pêche des hommes qui devaient être
dorénavant siens et compté l'un des péagers
ostracisés parmi les Douze ; mais il connaissait chacun
d'eux et choisit en conséquence. L'Évangile était
offert gratuitement à tous ; mais il ne suffisait pas de
demander pour obtenir l'autorité d'y officier comme
représentant officiel ; pour cette œuvre sacrée,
on devait être appelé de Dieu [2].
Dans
ce cas, le Christ connaissait la personnalité de cet homme, et
sans heurter ses sentiments en le rejetant sèchement, fit
ressortir le sacrifice qui était exigé de quelqu'un qui
voudrait suivre le Seigneur partout où il allait, disant :
« Les renards ont des tanières, et les oiseaux du
ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas où
reposer sa tête. » Comme Jésus n'avait pas de
lieu de résidence fixe mais allait là où son
devoir l'appelait, il était de même nécessaire
que ceux qui le représentaient, des hommes ordonnés ou
mis à part à son service, fussent prêts à
se refuser la jouissance de leurs demeures et le réconfort des
relations familiales, si les devoirs de leur appel l'exigeaient. On
ne nous dit pas si le scribe candidat maintint son offre.
Un
autre homme se montra disposé à suivre le Seigneur mais
demanda d'abord le temps d'aller ensevelir son père ;
Jésus lui dit : « Suis-moi ; laisse les
morts ensevelir leurs morts. » Certains lecteurs ont eu le
sentiment que cet ordre était sévère, bien que
pareille déduction ne se justifie guère. C'eût
été manifestement un manque de piété
filiale chez un fils de s'absenter, dans des conditions ordinaires,
lors des funérailles de son père ; néanmoins,
si ce fils avait été mis à part pour un service
dont l'importance transcendait toutes les obligations personnelles ou
familiales, les devoirs du ministère l'emporteraient à
juste titre. En outre, la condition requise par Jésus n'était
pas plus grande que celle qui était exigée de tous les
prêtres pendant la durée de leur service actif et
n'était pas plus astreignante que l'obligation du vœu
naziréen [3], sous lequel beaucoup de personnes se
plaçaient volontairement. Les devoirs du ministère dans
le royaume avaient trait à la vie spirituelle ; quelqu'un
qui s'y consacrait pouvait très bien laisser à ceux qui
négligeaient les choses spirituelles et qui étaient,
dans un sens figuré, spirituellement morts, le soin
d'ensevelir leurs morts.
On
nous présente un troisième cas ; un homme qui
voulait être disciple du Seigneur demanda à recevoir,
avant d'entreprendre ses devoirs, la permission d'aller chez lui
faire ses adieux à sa famille et à ses amis. La réponse
de Jésus est devenue un aphorisme dans la vie et la
littérature : « Quiconque met la main à
la charrue et regarde en arrière, n'est pas bon pour le
royaume de Dieu » [4].
Le
texte de Matthieu nous donne l'impression que les deux premiers de
ces candidats disciples s'offrirent à notre Seigneur comme il
se tenait sur le rivage ou dans le bateau, prêt à
traverser le lac pendant la soirée. Luc place ces événements
dans un cadre différent et ajoute aux offres du scribe et de
l'homme qui désirait rentrer chez lui et puis revenir au
Christ. Il peut être profitable d'examiner ces trois incidents
ensemble, qu'ils se soient tous produits le soir de ce même
jour mouvementé ou à des moments différents.
LA
TEMPÊTE APAISÉE [5]
Jésus
donna l'ordre de mettre la barque à l'eau et de passer de
l'autre côté du lac, désirant probablement un
répit après les travaux ardus de la journée. On
n'avait perdu aucun temps à faire des préparatifs
inutiles ; « ils l'emmenèrent dans la barque
où il se trouvait » et se mirent en route sans
retard. Jusque sur l'eau, plusieurs personnes avides essayèrent
de le suivre ; car un certain nombre de petits bateaux, « des
barques » comme Marc les appelle, accompagnaient
l'embarcation sur laquelle Jésus se trouvait ; mais il se
peut que ces petites barques aient fait demi-tour, peut-être à
cause de la tempête qui s'approchait. Quoi qu'il en soit, nous
n'entendons plus parler d'elles. Jésus trouva un lieu de repos
près de la poupe du bateau et s'endormit bientôt. Une
grande tempête se Ieva [6], et il continuait à
dormir. Cet événement est instructif, car il est la
preuve des qualités physiques du Christ et de l'état
sain et normal de son corps. Il était sujet à la
fatigue et à l'épuisement corporel pour d'autres
causes, comme le sont tous les hommes ; sans nourriture il avait
faim, sans boisson il avait soif, le travail le fatiguait. Le fait
qu'après un jour d'efforts ardus il ait pu dormir calmement,
même au milieu des remous d'une tempête, indique un
système nerveux en parfaite condition et en bonne santé.
Nulle part nous ne voyons Jésus malade. Il vivait selon les
lois de la santé et cependant ne permit jamais au corps de
dominer l'esprit, et ses activités quotidiennes, qui étaient
de nature à mettre fortement l'énergie physique et
mentale à contribution, n'entraînèrent aucun
symptôme de dépression nerveuse ni de troubles
fonctionnels. Dormir après avoir travaillé est quelque
chose de naturel et de nécessaire. Ayant terminé le
travail de la journée, Jésus dormait.
Entre-temps
la furie de la tempête augmentait ; le vent faisait perdre
le contrôle du bateau, des vagues dépassaient ses
flancs, le navire embarqua tant d'eau qu'il semblait sur le point de
couler par le fond. Les disciples étaient frappés de
terreur, et cependant Jésus continuait à se reposer en
paix.
Dans
la peur extrême où ils se trouvaient, les disciples
l'éveillèrent, s'écriant, suivant les divers
récits indépendants : « Maître,
maître, nous périssons ! », « Seigneur,
sauve-(nous), nous périssons ! » Et « Maître,
tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? »
Ils étaient misérablement terrifiés et
oublièrent au moins partiellement qu'ils avaient avec eux
quelqu'un à la voix duquel la mort même devait obéir.
Le rappel terrifié n'était pas entièrement
dépourvu d'espoir ni de foi : « Seigneur,
sauve », crièrent-ils. Calmement il répondit
à leur pitoyable appel : « Pourquoi avez-vous
peur, gens de peu de foi ? »
Puis
il se leva ; et la voix du Seigneur s'éleva dans les
ténèbres de cette nuit terrifiante, dans le vent
rugissant, sur la mer fouettée par la tempête et
« menaça le vent et dit à la mer :
Silence, tais-toi. Le vent cessa et un grand calme se fit ».
Se tournant vers les disciples, il leur demanda sur un ton de
reproche, doux mais indubitable : « Où est
votre foi ? » Et « Comment n'avez-vous pas
de foi ? » D'abord pleins de gratitude pour avoir été
sauvés de ce qui, un instant auparavant à peine, avait
semblé être une mort imminente, ils furent pris ensuite
d'étonnement et de crainte. « Quel est donc
celui-ci, disaient-ils, car même le vent et la mer lui
obéissent ? »
Parmi
les miracles du Christ qui nous sont rapportés, aucun n'a
donné naissance à une diversité plus grande de
commentaires et de tentatives d'explications que cet exemple
merveilleux de maîtrise sur les forces de la nature. La science
n'offre aucune explication. Le Seigneur de la terre, de l'air et de
la mer parla et fut obéi. C'est lui, parmi le sombre chaos des
premiers stades de la création, qui avait commandé avec
un effet immédiat : que la lumière soit, qu'il y
ait un firmament au milieu des eaux, que le sec apparaisse, et comme
il l'avait décrété, ainsi en était-il. La
domination du Créateur sur la création est réelle
et absolue. Une petite partie de cette domination a été
confiée à l'homme [7] ; postérité
de Dieu, incarné à l'image même de son Père
divin. Mais l'homme exerce ce contrôle, qui lui a été
délégué, par l'intermédiaire des forces
secondaires et au moyen de mécanismes compliqués. Le
pouvoir que l'homme possède sur les objets qu'il a inventés
lui-même est limité. Cela est conforme à la
malédiction qu'entraîna la chute d'Adam, qui fut
provoquée par la transgression et qui veut que ce soit par
l'effort de ses muscles, par la sueur de son front et par l'effort de
son esprit qu'il réussisse. Son ordre n'est qu'une vibration
sonore dans l'air, s'il n'est suivi de travail. C'est par l'esprit
qui émane de la personne même de la Divinité et
qui imprègne tout l'espace, que les ordres de Dieu opèrent
immédiatement.
Ce
n'est pas l'homme seulement, mais également la terre et toutes
les forces élémentaires qui s'y rapportaient qui
tombèrent sous la malédiction adamique [8] ;
et de même que la terre ne produisait plus seulement des fruits
bons et utiles mais donna de sa substance pour nourrir des ronces et
des épines, de même les forces diverses de la nature
cessèrent d'obéir à l'homme et d'être des
forces assujetties à son contrôle direct. Ce que nous
appelons forces naturelles - la chaleur, la lumière,
l'électricité, les affinités chimiques - sont
des manifestations de l'énergie éternelle par laquelle
les objectifs du Créateur sont mis à exécution ;
et ces quelques forces, l'homme n'est à même de les
diriger et de les utiliser qu'à l'aide de machines et
d'adaptations physiques. Mais la terre sera un jour « renouvelée
et recevra sa gloire paradisiaque » ; alors la terre,
l'eau, l'air et les forces qui agissent sur eux répondront
directement aux ordres de l'homme glorifié, comme ils
obéissent maintenant à la parole du Créateur [9].
LES
DÉMONS CALMÉS [10]
Jésus
et les disciples qui l'accompagnaient abordèrent sur le côté
oriental, péréen, du lac, dans une région que
l'on appelait le pays des Gadaréniens ou des Géraséniens.
L'endroit exact n'a pas été identifié, mais
c'était de toute évidence une région rurale
éloignée des villes [11]. Comme le groupe quittait
le bateau, deux fous, qui étaient cruellement tourmentés
par des esprits mauvais, s'approchèrent. Matthieu dit qu'il y
en avait deux ; les autres écrivains ne parlent que d'un
seul ; il se peut que l'un des deux hommes affligés se
trouvait dans un état tellement plus grave que son compagnon,
que c'est à lui que l'on fait attention dans le récit ;
il se peut encore que l'un d'eux se soit enfui tandis que l'autre est
resté. Le démoniaque se trouvait dans une situation
pitoyable. Sa frénésie était devenue si violente
et la force physique que lui donnait sa folie était si grande
que toutes les tentatives que l'on avait faites de le maintenir
captif avaient échoué. On l'avait lié par des
chaînes et des entraves, mais il avait brisé celles-ci
grâce à sa force démoniaque, et il s'était
enfui dans les montagnes, dans les cavernes qui servaient de tombes,
et c'était là qu'il vivait, plus comme une bête
sauvage que comme un homme. Nuit et jour on entendait ses hurlements
étranges et terrifiants, et, de peur de le rencontrer, les
gens prenaient d'autres chemins plutôt que de passer près
de son repaire. Il se promenait tout nu, et dans sa folie se blessait
la chair de pierres pointues.
Voyant
Jésus, la pauvre créature courut à lui et,
poussée par le pouvoir des démons qui la contrôlaient,
se prosterna devant le Christ tout en criant d'une voix forte :
« Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? »
Lorsque Jésus commanda aux esprits mauvais de partir, l'un
d'eux ou plusieurs d'entre eux le supplièrent, par la voix de
l'homme, de les laisser tranquilles et s'exclamèrent avec une
présomption blasphématoire : « Je t'en
conjure (au nom) de Dieu, ne me tourmente pas. » Matthieu
rapporte une autre question qui fut posée à Jésus :
« Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? »
Les démons, par lesquels l'homme était possédé
et contrôlé, reconnaissaient le Maître, auquel ils
savaient devoir obéir ; mais ils supplièrent qu'il
les laissât tranquilles jusqu'à ce que vint le moment
décrété pour leur châtiment final [12].
Jésus
demanda : « Quel est ton nom ? » Et
les démons qui se trouvaient à l'intérieur de
l'homme répondirent : « Légion est mon
nom, car nous sommes plusieurs. » On voit bien ici que
l'homme était doté d'un conscient double ou d'une
personnalité multiple. Il était à ce point
possédé par des esprits mauvais qu'il ne pouvait plus
distinguer entre sa personnalité à lui et la leur. Les
démons implorèrent Jésus de ne pas les bannir de
ce pays ; ou comme le rapporte Luc en des termes
impressionnants : de ne pas leur ordonner « d'aller
dans l'abîme ». Dans leur situation misérable
et leur impatience diabolique de trouver une demeure dans des corps
de chair même si ce n'était que des animaux, ils
supplièrent d'avoir la permission, étant obligés
de quitter l'homme, d'entrer dans un troupeau de pourceaux qui
paissaient tout près. Cette permission, Jésus la
donna ; les démons impurs entrèrent dans les
pourceaux, et le troupeau tout entier, se composant d'environ deux
mille têtes, fut saisi de folie, prit la fuite, terrifié,
se précipita au bas d'une pente abrupte dans la mer et se
noya. Les gardiens des pourceaux furent effrayés, et, se
hâtant vers la ville, racontèrent ce qui était
arrivé aux pourceaux.
Les
gens vinrent en foule pour voir eux-mêmes ; et ils furent
tous étonnés de voir l'homme autrefois fou dont ils
avaient tous eu peur, maintenant vêtu et rendu à un état
d'esprit normal, silencieusement et respectueusement assis aux pieds
de Jésus. Ils craignaient celui qui pouvait accomplir de
pareils miracles, et, conscients de leur indignité pécheresse,
le supplièrent de quitter leur pays [13].
L'homme
qui avait été débarrassé des démons
ne craignait pas ; dans son cœur, l'amour et la gratitude
remplaçaient tous les autres sentiments ; et lorsque
Jésus retourna au bateau il demanda à le suivre aussi.
Mais Jésus le lui interdit, disant : « Va dans
ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur
t'a fait et comment il a eu pitié de toi. » L'homme
devint missionnaire, non seulement dans sa ville natale mais dans
toute la Décapole, la région des dix villes ;
partout où il allait il racontait le changement merveilleux
que Jésus avait opéré sur lui.
Le
témoignage rendu par des esprits mauvais et impurs de la
divinité du Christ, Fils de Dieu, ne se limite pas à ce
cas-ci. Nous avons déjà étudié le cas du
démoniaque à la synagogue de Capernaüm [14] ;
un autre cas se présenta lorsque Jésus, se retirant des
villes de Galilée, se rendit au bord de la mer et fut suivi
d'une grande multitude composée de Galiléens, de
Judéens et de gens de Jérusalem, d'Idumée et
d'au-delà du Jourdain (c'est-à-dire de la Pérée),
et des habitants de Tyr et de Sidon, parmi lesquels il en avait guéri
beaucoup de maladies diverses ; et ceux qui étaient
asservis à des esprits impurs étaient tombés à
genoux et l'adoraient, tandis que les démons s'écriaient :
« Tu es le Fils de Dieu » [15].
Au
cours du bref voyage étudié dans ce chapitre, la
puissance de Jésus, Maître de la terre, des hommes et
des démons se manifesta en des œuvres miraculeuses du
genre le plus impressionnant. On ne peut classifier les miracles du
Seigneur ni comme petits et grands, ni comme faciles ou difficiles à
accomplir ; ce que l'un peut considérer comme un détail
peut revêtir l'importance la plus grande pour un autre. La
parole du Seigneur suffisait dans chaque cas. Il n'avait qu'à
parler au vent et aux vagues, et à l'esprit affligé par
les démons de l'homme possédé pour être
obéi. « Silence, tais-toi. »
LA
RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRUS [16]
Jésus
et ceux qui l'accompagnaient retraversèrent le lac, quittant
le pays de Gadara pour aborder aux environs de Capernaüm, où
une multitude de gens le reçurent avec acclamations, « car
tous l'attendaient ». Tout de suite après son
débarquement, Jésus vit s'approcher de lui Jaïrus,
l'un des dirigeants de la synagogue locale, qui « le
supplia instamment en disant : Ma fillette est à toute
extrémité ; viens, impose-lui les mains, afin
qu'elle soit sauvée et qu'elle vive ».
Le
fait que cet homme soit venu trouver Jésus dans un esprit de
foi et de supplication est une preuve de l'impression profonde que le
ministère du Christ avait faite jusque dans les cercles
sacerdotaux et ecclésiastiques. Beaucoup d'entre les Juifs,
gouverneurs et fonctionnaires aussi bien que le commun du peuple,
croyaient en Jésus [17], bien que peu de ceux qui
appartenaient aux classes supérieures fussent disposés
à sacrifier prestige et popularité en se reconnaissant
ses disciples. Le fait que Jaïrus, l'un des gouverneurs de la
synagogue, ne vint que lorsqu'il y fut poussé par la douleur
causée par la mort imminente de sa fille unique, une petite
fille de douze ans, ne prouve pas qu'il ne soit pas devenu croyant
avant ce moment-là ; il est certain qu'en ce moment sa
foi était réelle et sa confiance sincère, comme
le prouvent les détails du récit. Il s'approcha de
Jésus avec le respect dû à quelqu'un qu'il
considérait capable d'accorder ce qu'il demandait et tomba aux
pieds du Seigneur, ou comme Matthieu le dit, l'adora. Lorsque l'homme
avait quitté sa maison pour demander à Jésus son
aide, la petite fille était sur le point de mourir ; il
craignait qu'elle ne fût morte entre-temps. Dans le récit
très bref que nous donne le premier évangile, on lui
fait dire à Jésus : « Ma fille est
morte il y a un instant, mais viens, impose-lui les mains, et elle
vivra » [18]. Jésus accompagna le père
implorant, et beaucoup les suivirent.
Sur
le chemin de la maison, un incident se produisit qui les arrêta.
Une femme cruellement affligée fut guérie, dans des
circonstances particulièrement intéressantes ;
c'est cet événement que nous allons examiner
maintenant. Rien n'indique que Jaïrus ait montré de
l'impatience ou du déplaisir à cause de ce retard. Il
avait mis sa confiance dans le Maître et attendait son bon
plaisir ; et tandis que le Christ s'occupait de la femme
affligée, des messagers vinrent de la maison du haut
fonctionnaire avec la triste nouvelle que la petite fille était
morte. Nous pouvons conclure que même cette nouvelle terrible
qui lui apportait la certitude ne put détruire la foi de cet
homme ; il semble avoir continué à attendre l'aide
du Seigneur, et ceux qui apportaient le message demandèrent :
« Pourquoi importuner encore le maître ? »
Jésus entendit ce que l'on disait et encouragea la foi
cruellement mise à l'épreuve de l'homme par cet ordre
encourageant : « Sois sans crainte, crois
seulement. » Jésus ne permit à aucun de ceux
qui le suivaient, excepté à trois d'entre les apôtres,
d'entrer dans la maison avec lui et au père éploré
mais confiant. Pierre et les deux frères Jacques et Jean
furent admis.
La
maison n'était pas le lieu où régnait le silence
respectueux ou le calme forcé que nous considérons
maintenant être de mise au moment et au lieu où la mort
a frappé ; au contraire, c'était une scène
de tumulte, mais cette situation était coutumière dans
l'observance orthodoxe du deuil à l'époque [19].
Des pleureuses professionnelles, des chanteurs de lamentations
étranges et des ménestrels qui faisaient beaucoup de
bruit avec des flûtes et d'autres instruments avaient déjà
été invités dans la maison. Jésus dit à
tous ces gens en entrant : « Pourquoi ce tumulte, et
ces pleurs ? L'enfant n'est pas morte, mais elle dort. »
C'était de fait une répétition du commandement
qu'il avait prononcé lors d'une occasion récente :
Silence, tais-toi. Ces paroles provoquèrent le mépris
et les railleries de ceux qui étaient payés pour le
bruit qu'ils faisaient, et qui, si ce qu'il disait se vérifiait,
perdraient cette occasion d'exercer leur profession. En outre, ils
savaient que la petite fille était morte ; les
préparatifs des funérailles, qui, selon la coutume,
devaient suivre la mort aussitôt que possible, étaient
déjà en cours. Jésus ordonna à ces gens
de sortir et ramena la paix dans la maison [20]. Il entra dans
la chambre mortuaire, accompagné seulement des trois apôtres
et des parents de la petite fille. Prenant la petite fille morte par
la main, il lui dit : Talitha koumi, ce qui se traduit :
jeune fille, lève-toi, je te le dis ». À
l'étonnement de tous, sauf du Seigneur, la petite fille se
leva, quitta son lit et marcha. Jésus ordonna de lui apporter
de la nourriture, car les besoins corporels, suspendus par la mort,
étaient revenus avec le retour de la petite fille à la
vie.