L'histoire de ma
conversion
Victor
Ojeda-Mari
Introduction
J’ai eu l’occasion
dans ma recherche de la vérité de toutes choses de
faire la différence entre un témoignage intellectuel et
un témoignage spirituel. Je vais dire peut-être une
lapalissade, mais qu’importe : l’un provient de la
logique, de la réflexion humaine ; l’autre du
Saint-Esprit, et on le sait sans l’ombre d’un doute.
Le premier produit de la
satisfaction personnelle avec un certain bien-être, l'autre un
bonheur inexprimable avec la certitude qu’il ne peut venir que
de Dieu. On sait vraiment, et on sait que Dieu sait qu’on
sait ! Et on ne peut le nier, sans se renier misérablement
et éternellement !
Sans le rechercher, j’ai
reçu gratuitement le témoignage spirituellement du
Livre de Mormon, mais j’avais des difficultés, des
troubles à croire que Joseph Smith, un garçon de 15 ans
environ ait pu voir Dieu le Père et son Fils Jésus.
Surtout d’apprendre que notre Père céleste avait
un corps de chair et d’os. Cela me révoltait ; pour
moi, cela constituait une hérésie, car je croyais que
Dieu pouvait être si grand qu’il pouvait contenir tous
les espaces des univers et à la fois si petit qu’il
pouvait se contenir dans chaque cœur.
Ne pouvant pas renier mon
témoignage spirituel du livre de Mormon et pour être
cohérent envers moi-même, je décidais de croire
par la logique que ce livre venant de Joseph Smith prouvait qu’il
ne pouvait être qu’un authentique prophète de
Dieu.
Lorsque j’ai reçu
le témoignage spirituel de Joseph comme je l’avais reçu
pour le Livre de Mormon, j’ai éprouvé pour lui
beaucoup d’amour et d’admiration, et combien je partage
ce qui est dit de lui dans le Livre de « Doctrine et
Alliances » :
D&A
135:3
« Joseph Smith, le Prophète et Voyant du Seigneur, a fait plus,
avec l’exception unique de Jésus, pour le salut des hommes dans ce
monde, que n’importe quel autre homme qui y ait jamais vécu. Dans le
bref laps de vingt ans, il a fait paraître le Livre de Mormon, qu’il
traduisit par le don et le pouvoir de Dieu, et l’a fait publier sur
deux continents, a envoyé aux quatre coins de la terre la plénitude de l’Évangile éternel
qu’il contenait, a fait paraître les révélations et les commandements
qui composent ce livre des Doctrine et Alliances et beaucoup d’autres
documents et instructions sages pour le profit des enfants des hommes,
a rassemblé des milliers de saints des derniers jours, fondé une
grande ville et
laissé une renommée et un nom que l’on ne peut faire périr. Il fut
grand dans sa vie et dans sa mort aux yeux de Dieu et de son peuple. Et
comme la plupart des oints du Seigneur dans les temps anciens, il a
scellé sa mission et ses œuvres de son sang, de même que son frère Hyrum. Ils n’étaient pas divisés dans
la vie, et ils ne furent pas séparés dans la mort ! »
Plus j’étudiais
et j’apprenais sur la vie du prophète, plus mon amour et
ma reconnaissance augmentaient pour lui. En 2005, lors de mes 60 ans
où j’ai pris ma retraite, je décidais de réaliser
mon rêve d’adolescent : celui de devenir écrivain.
J’ai édité des livres, et je me suis passionné
pour devenir biographe pour particuliers.
Petit à petit, j’ai
désiré écrire une biographie de Joseph Smith.
Dans l’Église, on dispose d’une littérature
nombreuse sur la vie du prophète. L’Église
conserve son histoire depuis les années 1820 à ses
débuts dans l'État de New York jusqu'à nos jours
contenus dans de nombreux volumes en anglais.
Les seuls volumes qui
m’auraient intéressé pour écrire une
pointilleuse biographie de Joseph concernaient uniquement la période
de 1820 à 1844. Mais voilà, ces volumes sont écrits
en anglais, et je suis nul en anglais…
Pour moi, c’était
mission impossible, jusqu’au jour où l’Église
a présenté en de nombreuses langues dont le français,
et en 4 volumes : « Les saints : Histoire de
l’Église de Jésus-Christ dans les derniers
jours »
Combien j’en suis
reconnaissant, car j’avais là le moyen parfait, au-delà
de mes espérances d’écrire cette biographie telle
espérée et désirée.
J’aime ce passage de
l’Évangile, parce qu’il me touche :
Luc
7:36-50
36 Un pharisien pria Jésus de manger avec
lui. Jésus entra dans la maison du pharisien, et se mit à table. 37
Et voici, une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville,
ayant su qu'il était à table dans la maison du pharisien, apporta un
vase d'albâtre plein de parfum, 38 et se tint derrière, aux pieds
de Jésus. Elle pleurait; et bientôt elle lui mouilla les pieds
de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les
oignit de parfum.
39 Le pharisien qui l'avait invité, voyant
cela, dit en lui-même: Si cet homme était prophète, il connaîtrait qui
et de quelle espèce est la femme qui le touche, il connaîtrait que
c'est une pécheresse.
40 Jésus prit la parole, et lui dit: Simon,
j'ai quelque chose à te dire. - Maître, parle, répondit-il.- 41
Un créancier avait deux débiteurs: l'un devait cinq cents
deniers, et l'autre cinquante.
42 Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il
leur remit à tous deux leur dette. Lequel l'aimera le plus?
43 Simon répondit: Celui, je pense, auquel
il a le plus remis. Jésus lui dit: Tu as bien jugé.
44 Puis, se tournant vers la femme, il dit à
Simon: Vois-tu cette femme? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as
point donné d'eau pour laver mes pieds; mais elle, elle les a mouillés
de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. 45 Tu ne m'as
point donné de baiser; mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a
point cessé de me baiser les pieds. 46 Tu n'as point versé
d'huile sur ma tête; mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds.
47 C'est pourquoi, je te le dis, ses
nombreux péchés ont été pardonnés: car elle a beaucoup aimé. Mais celui
à qui on pardonne peu aime peu.
48 Et il dit à la femme: Tes péchés sont
pardonnés.
49 Ceux qui étaient à table avec lui se
mirent à dire en eux-mêmes: Qui est celui-ci, qui pardonne même les
péchés?
50 Mais Jésus dit à la femme: Ta foi t'a
sauvée, va en paix.
Je sais qu’un jour, je
serais devant mon Seigneur, et je baiserais ses pieds, et que je les
couvrirais de mes larmes avec adoration et reconnaissance...
Je sais qu’un jour, je
rencontrais Joseph, que nous étreindrons poitrine contre
poitrine, tête contre tête, cœur contre cœur
dans les bras l’un de l’autre. Je sais que je pourrais
lui exprimer, tout mon amour, toute mon amitié, toute ma
gratitude pour le prophète, et le grand frère qu’il
a été…
Et je prie pour qu’il
en soit ainsi, et que jamais au grand jamais je ne dévie…
Amen, Amen et Amen !
Avant ma rencontre des saints des derniers jours
Mon père, républicain
espagnol, assimilait Dieu à l'Église qui prit, en 1936,
le parti du franquisme. Après la guerre, il s’inscrivit
au parti communiste espagnol et en fut membre actif toute sa vie. Il
décéda avant le démembrement de l’URSS et
ne connut pas la face trouble du communisme, en particulier celle du
stalinisme. Ma mère ne croyait pas en Dieu, mais de temps en
temps en une « Force » qui l’aidait dans
les moments difficiles.
Je vécus toute ma
jeunesse dans un milieu anticlérical totalement athée.
Mes parents m’enseignaient l’importance de la famille, du
travail, de l’honnêteté, de la politesse, du
respect des choses et des gens. Surtout la considération des
personnes âgées et celui des « maîtres »
et « maîtresses » à l’école.
Jamais je n’aurais osé me plaindre de l’instituteur
qui m’avait tiré énergiquement l’oreille.
Je savais trop bien ce qu’il en résulterait. Si c’était
l’oreille gauche qui avait subi les sévices, mon père
se serait empressé de me tirer encore plus fort la droite.
Le hasard n’existe
pas
Avant de vous raconter
l’histoire de ma conversion, je voudrais vous dire que Dieu met
sur notre route des panneaux indicateurs qui nous montrent le chemin
menant à Lui. Souvent, c’est après bien des
années que nous en prenons conscience. Ces panneaux spirituels
peuvent être des événements, des objets, des
expériences, des personnes placées au bon moment sur
notre route éternelle. Ils représentent une forme de
langage personnel de Dieu à chacun de nous qui sommes
littéralement ses enfants, et cela, que nous le voulions ou
non. Dieu nous parle souvent par des signes qu’il nous arrive
trop souvent d’ignorer quand ils se présentent.
Alors que tout me destinait
à ignorer Dieu, à le combattre ou à le dénigrer,
je pris conscience, bien des années après, des trois
premiers panneaux spirituels qui m’amenèrent
inconsciemment à Lui. Ce furent deux personnages, Santiago, ma
tante Eugenia d’Espagne et une illustration dans mon livre
d’histoire du cours moyen.
Âgé d’une
dizaine d’années, tous les ans pour les vacances,
j’allais en Espagne à Najera, le village de naissance de
mon père. Je passais avec mes sœurs deux à trois
mois dans la maison de ma chère grand-mère. C’était
une vraie grand-mère, avec des cheveux blancs, toute de noir
vêtue à cause de son veuvage qui la priva à
quarante-deux ans de son mari fusillé par les franquistes.
Le soir, j’aimais la
regarder quand elle défaisait son chignon imposant. Ses
cheveux retombaient sur ses épaules pour atteindre presque les
hanches. Elle les peignait lentement, gravement, du sommet de la
tête, jusqu’aux extrémités. Les yeux et les
pensées perdus au loin. Quand elle se rendait compte que je la
regardai, elle me souriait, comme elle seule savait me sourire. Je la
contemplais. Il y avait en elle tellement de tristesse, de dignité,
de tendresse, de force que j’en étais remué
jusqu’à la moelle. Je me sentais bien avec elle. En
sécurité. Paisible.
Cette année-là,
je m’étais fait un ami. Il s’appelait Santiago. Il
était doux et gentil. Nous nous entendions à merveille
et nous passions de bons moments ensemble. Un jour, je ne me souviens
plus pour quelle raison idiote, nous nous disputâmes. Qui avait
raison ? Qui avait tort ? Je ne m’en souviens plus et
peu importe.
Toujours est-il que je lui
en voulais beaucoup. Peu de temps après, je me fis un autre
copain qui n'était pas du genre tendre. Je lui racontais mes
« malheurs » avec Santiago qui un jour passa
près de nous. Le méchant copain provoqua le pauvre
Santiago qui n’était pas de taille à se défendre.
Il prit une raclée. Il avait de grands yeux marron avec de
longs cils de fille. Encore aujourd'hui, je revois combien, ils
étaient apeurés. Silencieusement, ils me criaient au
secours. Ce jour-là, je n’écoutais pas une petite
voix qui me disait de m’interposer et défendre mon ami.
Santiago partit en pleurant. Mon méchant compère se
moquait de lui, riait bêtement à gorge déployée.
Je l’imitais. Pourtant, le cœur n’y était
pas. Lorsque je me retrouvais seul, je me sentais triste en pensant à
Santiago. Je pouvais presque ressentir les coups qu’il avait
reçus. J’avais mal. Ma gorge, mon cœur se
serraient comme dans un étau qui m'étouffait. Quand je
me revoyais me réjouir pendant que mon pauvre ami se faisait
corriger, je me détestais, me trouvais sale.
J’éprouvais une
furieuse envie de me battre. Au point que j’aurais voulu
prendre les coups à sa place.
La fin des vacances
approchait. Je voulais tellement lui parler. Surtout lui demander
pardon. Redevenir son ami. Mais j’avais trop honte. Peur qu’il
me rejette. Une ou deux fois, je l’aperçus dans les rues
du village. Son regard, avec ses grands yeux de fille, bordés
de cils à ne plus en finir, croisa le mien. Je fis un
mouvement vers lui. Puis, je restais sur place. Je me demande encore
aujourd’hui ce qui m’arrêta dans mon premier élan.
Je retournais en France. Tous les soirs, avant de m’endormir,
je pensais à mon ami et je me tournais inlassablement,
séquence par séquence, image par image le même
film : je me voyais retourner au village, aller d’un pas
résolu chez son oncle, lui demander pardon, le supplier pour
qu’il veuille encore de moi pour ami. De nouveau, nous étions
amis et c'était aussi formidable qu'avant.
Après de longs mois
d'attente, enfin les vacances arrivèrent. J’étais
à Najera. Comme je l’avais tellement de fois visualisé
et vécu dans mon cœur comme dans son esprit, j’allais
chez la famille de Santiago, et je demandais à le voir.
L'oncle me regarda tristement puis m’annonça
l’incroyable et terrible nouvelle : Santiago était
mort ! Mon sang se glaça dans mes veines, ma gorge se
noua. Je partis précipitamment cacher ma peine et pleurer
amèrement mon ami qui n’était plus.
Depuis jamais plus je n’ai
ressenti de rancœur, d’esprit de vengeance pour personne.
Jamais, je ne me suis réjoui des peines ou des malheurs des
autres. Jamais, je n’ai fait de mal à personne ou alors,
ce ne fut sans le savoir ou le vouloir. Je pouvais dire sincèrement
que depuis, et en grande partie grâce à mon petit ami
éternel, je me suis senti en paix avec tout le monde désirant
toujours le bien de mon prochain et jamais plus du mal. Ô non !
Jamais plus, cela fait trop mal ; on regrette trop !
« Merci Santiago,
pensais-je souvent, je sais qu’un jour, j’aurai
l’occasion de te demander pardon et que nous redeviendrons
amis. Je sais combien je te dois. »
Au cours de mes vacances en
Espagne, j’allais souvent chez ma tante Eugenia, la femme de
mon oncle Augustin, frère de mon père. Elle était
très croyante. En Particulier, elle vouait une touchante
adoration à la Vierge. Quand nous étions seuls, elle me
parlait souvent du Bon Dieu, du paradis où vont les gentils et
de l’enfer où sont précipités les
méchants. Mais je ne croyais pas en Dieu, ni à l’enfer
ni au paradis. Mon père me disait toujours :
— Tout ça,
c’est des histoires de curés.
Et je croyais mon père.
Ma tante Eugenia était celle de toute ma famille d’Espagne
(à part ma grand-mère) que j’aimais le plus. Avec
elle, je me sentais si bien.
Alors que j’avais dix
ans environ, une image dans mon livre d’histoire frappa mon
esprit d’une manière indélébile. Ce dessin
représentait un grand-prêtre avec son bâton de
berger. À sa gauche, il y avait le peuple juif. À sa
droite se tenait un agneau et au fond on distinguait le désert.
Il y avait cette légende
qui expliquait : « Tous les ans, le grand-prêtre
d’Israël chassait dans le désert un agneau pour
l’expiation des péchés ».
J’aimais beaucoup les
animaux. Cependant, cet agneau, qui me regardait avec un air
tellement triste, m’émouvait particulièrement
inexplicablement. Cette image de temps en temps comme un flash se
déclenchait dans mon esprit. Je comprendrai sa véritable
signification vingt ans après.
« Sois patient
tout arrive »
Ainsi, jusqu’à
l’âge environ de vingt-deux ans j’étais
athée par tradition familiale et au fil des ans par conviction
personnelle. Pour moi, être athée signifiait ne pas
croire :
— Au Dieu des curés
qui en Espagne prirent pour la plupart le parti du franquisme contre
le peuple.
— À cette
Église qui produisit l'inquisition.
— À ce clergé
qui tint pendant des siècles les peuples, sous un joug de fer,
dans une totale ignorance et l'esclavage le plus servile.
— À tous ces
curés qui disent faites ce que je vous dis, mais pas ce que je
fais.
Cependant, cela ne
m’empêchait pas de reconnaître que l'église
produisit de véritables saints et saintes ; comme
Saint-François-d’Assise, Saint-Vincent de Paul, mère
Teresa, sœur Emmanuelle, l’abbé Pierre et bien
d'autres encore, plus anonymes et aussi méritants.
Mais surtout, je ne pouvais
pas croire à ce Dieu qui permettait toutes ces souffrances et
injustices dans le monde.
J’étais contre
les religions qui le représentaient et qui, selon la formule
consacrée, sont l'opium du peuple. Pour moi, toute l’injustice
et la souffrance du monde prouvaient l’inexistence de Dieu.
De plus, je pensais qu’un
athée est plus méritant qu’un croyant. Pourquoi ?
Parce que le croyant a besoin, pour surmonter les difficultés
de la vie, d’une béquille imaginaire appelée,
Dieu. L’incroyant ne doit compter que sur lui-même. Il
est le démiurge de sa destinée. C’est pourquoi je
considérais tout croyant comme un infirme.
Je connus ma femme. Un jour,
nous parlions de Dieu. Elle m’avoua qu’elle y croyait. Je
me moquais d’elle. Nous nous mariâmes et eûmes une
fille. Alors, je pris conscience de mes nouvelles responsabilités.
Je désirais leur
apporter le meilleur de la vie et avoir une belle situation qui
rapporterait beaucoup d’argent. Mais tout cela, je le voulais
tout de suite. En ce temps-là, j’étais très
impatient. Je me demandais comment réussir rapidement. Me
remettre sérieusement aux études ? Ce serait trop
long, je n'en avais ni le désir ni le courage. Un jour dans
une revue, je lus, une annonce qui disait à peu près
ceci : « Développez, par l’Auto-Hypnose,
les pouvoirs latents qui sommeillent en vous. »
Je commandais le livre.
Lorsque je le reçus, je le dévorais en quelques jours.
Ce bouquin décrivait l’auto-hypnose comme une technique
permettant de tout mémoriser définitivement.
Voilà, j’avais
trouvé la solution ! J’allais me remettre aux
études et travailler mes cours sous auto-hypnose. À moi
les diplômes, la belle situation ! C'était aussi
simple que cela ! Encore fallait-il y penser.
Je remarquais dans mes
lectures qu’il était souvent question du Subconscient,
partie de l'être renfermant de grands pouvoirs latents.
Également du supra-conscient, parcelle de Dieu dans l’homme
qui offre encore plus de possibilités. Le terme
supra-conscient sonnait bien à mes oreilles, mais le nom de
Dieu hérissait profondément mon athéisme pur et
dur. Alors, je décidais de me consacrer uniquement au
subconscient et d’ignorer tout ce qui pouvait faire allusion à
Dieu.
J’expérimentais
cette technique d'étude et je passais de longs moments à
fixer la flamme d'une bougie. Lorsque je pensais être en
condition, je lisais et relisais les leçons. Je constatais que
mes cours n’étaient pas retenus d'une manière
complète, encore moins définitive. Je reconnaissais que
j’avais passé beaucoup de temps à me mettre en
état d'hypnose et que ce temps utilisé à étudier
classiquement aurait produit de meilleurs résultats. Mais
voilà, je ne voulais pas en convenir. Je m’obstinais à
y croire.
Je me disais :
— C’est une
question de technique et la tienne n’est pas encore au point.
Tu dois persévérer.
En ce temps-là, je
passais tantôt par des périodes d’euphorie au
cours desquelles je me sentais « le roi du monde »
et où tout me serait possible. Tantôt par d’autres,
je me sentais moins que rien.
La grand-mère de ma
femme, qu’on appelait « Kika », habitait
juste à côté de chez nous. C’était
une femme formidable, gentille et douce. Seule une barrière,
en bois vermoulu, avec un petit jardin séparait nos maisons.
Elle s’accoudait à la palissade et nous appelait pour
nous inviter à prendre le café. Elle le faisait
souvent, pour se sentir moins seule et pour converser avec nous.
Ce jour-là, mon moral
était au plus bas, comme on dit « au raz des
chaussettes » ! Comme d’habitude, grand-mère
servit le café tout fumant qui répandait dans la pièce
sa bonne odeur. Elle me tendit la boîte en fer blanc remplie de
gâteaux sur lesquels étaient inscrites des maximes.
Comme d’habitude, j’en
pris un au hasard. Machinalement, je lus l’inscription :
« Sois patient, tout arrive ».
À la lecture de cette
devise, je reçus une paix que les mots ne peuvent décrire.
Je ressentis dans mon cœur comme une promesse qui me disait :
« Si tu te
montres patient et persévérant, tu recevras ce que tu
attends. »
Alors, je compris que je
devais acquérir dans cette vie ces deux qualités qui me
manquaient tant et qui étaient si essentielles pour tout
individu. Vouloir tout immédiatement n'était pas la
bonne méthode, car chaque bonne chose détient le prix
fort à payer. Bien des années après, je compris
que ce gâteau avec sa maxime était comme un petit
murmure de Dieu glissé au creux de mon oreille. Tout
simplement : un autre panneau indicateur !
Les 3 questions clefs de
la vie
Quelque temps après,
je me posais beaucoup de questions : Pourquoi la vie ? Quel
est notre véritable but sur cette Terre ? La mort
est-elle la fin de tout ? Je fus surpris de me poser cette
dernière question. Quelque temps auparavant, j’aurais
répondu :
— Mais bien sûr
qu'après la mort tout est fini, notre corps devient poussière
et sera réutilisé pour créer d'autres êtres
ou formes de vies.
Alors, je me dis :
— J'aime ma femme, ma
fille, mes parents, mes amis... Lorsque nous mourrons, tous ces liens
qui, dit-on, sont plus forts que la mort disparaîtraient comme
s'ils n'avaient jamais existé ?
C'était la première
fois qu'une telle éventualité me paraissait
inconcevable et me révoltait. Notre but sur terre serait-il
simplement de se perpétuer pour assurer la survie de notre
espèce ? Je me souvins alors de ma tante d’Espagne
et des bons moments passés auprès d’elle. Je
l’entendis surtout me parler du Bon Dieu. Une question surgit
dans mon esprit :
– Mais d’où
venons-nous ? Mon père m'a donné la vie ; mais
cette vie, il la détient de son père qui lui-même
la reçut de son père. Et ainsi de suite, jusqu'à
la nuit des temps. Mais qui est le premier à avoir eu la vie
en lui-même et l’a transmise comme un flambeau de
génération en génération ? Comment
le temps, le hasard, la matière sans intelligence ont-ils pu
créer toute cette diversité, ces êtres vivants
doués d’intelligence ? Oui, comment
l’inintelligence peut-elle créer l’intelligence ?
Comment le chaos peut-il créer l’ordre parfait ?
Quel est notre but sur cette terre ? Si on doit mourir, s’il
n’y a rien après, alors à quoi bon aimer, lutter,
faire de son mieux pour être en accord avec sa conscience ?
Pourquoi toute cette morale ? Si demain nous devons mourir,
alors mangeons, buvons, faisons ce qui nous plaît. Pourquoi
malgré nous, aspirons-nous, à nous élever ?
Pourquoi lorsque nous agissons mal, sommes-nous mal dans notre
peau ?
Ce n'est pas notre culture judéo-chrétienne avec tous
ses interdits, car je n'y crois pas. C'est quelque chose qui fait
partie de nous ?! C'est notre conscience ! Mais notre
conscience : c'est quoi ? Ce qui nous permet de distinguer
le bien du mal ? À l'école, il y avait des cours
de morale, mais on savait naturellement quand on faisait bien ou mal.
Je connus un grand désarroi
et en même temps, un besoin impérieux de connaître
les réponses à ces trois questions. Mais ces réponses
existent-elles ? Je ressentis qu’elles étaient les
plus importantes de la vie.
J’abandonnais l'étude
par auto-hypnose, tant les résultats étaient nuls. Par
contre, je me sentais attiré par tout ce genre de littérature.
Même le terme supra-conscient assimilé à Dieu ne
le hérissait plus. Pour arrondir les fins de mois, deux à
trois soirs par semaine, après son travail d’aide-chimiste
à la Faculté de médecine et de pharmacie, je
vendais, au porte-à-porte, un livre de cuisine. Un soir, je
frappais à la porte d’une famille de race noire. Dès
les premiers instants, je ressentis une grande affinité avec
le chef du foyer, et je perçus les mêmes sentiments de
sympathie de son côté.
Je fis la présentation
du livre. L’épouse le trouva intéressant et
demanda la permission de nous quitter un instant afin de le montrer à
sa voisine d’en face.
Resté seul, l’homme
me regarda droit dans les yeux et dit :
— Croyez-vous en
Dieu ?
Je fus surpris par cette
question à laquelle je ne m’y attendais guère.
Fièrement en bombant le torse, je répondis :
— Non, pas du tout !
Je suis athée !
Soudain, un silence pesant
s’installa entre nous. J’étais sûr que cet
homme avait mille choses à me dire et il restait là,
muet, le visage fermé, avec un air désolé qui me
désolait encore plus. Le courant ne passait plus entre nous. À
cette idée, je me sentis pris de panique. Je savais, comme
jamais je n’ai su qu’il fallait, à tout prix,
rétablir le contact. Sinon, je risquais de perdre quelque
chose de vital. Alors, je m’entendis dire :
— Je ne crois pas en
Dieu, mais je crois qu'il y a en chacun de nous un petit dieu qui
sommeille.
Voilà, c'était
dit. Je n'en revenais pas ! Comment ai-je pu prononcer une telle
énormité ? Pourtant, c’était bien ce
qu'il fallait dire, car le visage de l’homme s’ouvrit à
nouveau. Plus amical que jamais. Ouf ! Je respirais de
soulagement.
L’homme me parla de
Dieu, avec une foi et des accents qui firent vibrer en moi des
sentiments inconnus enfouis au plus profond de mon être. Il me
fit connaître Bouddha et je découvris ce grand
personnage. Il fit beaucoup référence à Jésus
et Jésus ne fut plus pour moi « une histoire de
curés ».
Je passais un moment
extraordinaire. Avant de partir, l’homme me confia un livre sur
la vie des maîtres d’Orient. Je le dévorais et je pris beaucoup de
notes. Quelque temps après, le livre en main,
je frappais pour la seconde fois à leur porte.
À ma surprise, je me
trouvais en face d’un autre homme. J’appris qu’ils
avaient déménagé. Devant la porte entrouverte et
cette personne inconnue, j’eus au fond de mon âme un
sentiment étrange. Je revis dans son esprit l’homme qui
vécut là. Je pensais qu’il fut comme un ange qui
passe, donne un message et disparaît soudainement en laissant
derrière lui une impression à la fois de rêve et
de réalité. Mais le livre que je tenais dans mes mains
témoignait que je n’avais pas rêvé !
Encore un autre panneau
spirituel ! Oui, Dieu peut nous parler à travers d’autres
personnes. À travers mille petits moyens. Mille expériences
qui peuvent paraître anodines. À nous de les reconnaître
et de les suivre. Certains vous diront :
— Mais tu te fais des
idées. Tu prends tes désirs pour des réalités.
Tu te conditionnes !
Pourtant au fond de
soi-même, on sait et on sait que Dieu sait. Et c’est cela
qui compte vraiment. Même si on ne peut pas exprimer par des
mots ce qu’on sait. En partie, c’est ça la foi.
Cette force, cette assurance, cette paix dont je me moquais tellement
avant de l’acquérir et qui aujourd’hui m’est
chère, douce, vitale. Pour laquelle, j’exprime
quotidiennement ma reconnaissance à Dieu.
La quête de la
vérité
Je continuais ma quête
de la Vérité en cherchant la réponse à
ces trois questions clefs de la vie. Cela dura sept ans. Je me
refusais d’étudier le Christianisme qui pour moi se
résumait au catholicisme et donc aux curés qui prirent
le parti du franquisme contre la République.
Je me mis à étudier
les religions d’Orient : l'Hindouisme et le Bouddhisme. Je
fus particulièrement captivé par Bouddha, mais
j’étudiais aussi une multitude de grands maîtres
et Lamas. Je m'intéressais à la métaphysique de
Pythagore, de Platon et à un tas d'autres livres. Je
remarquais que Jésus était souvent cité dans
tous les livres étudiés et qu'il était considéré
comme le Maître des maîtres. Alors, je me promis
d’étudier la Bible dès que je me sentirais
spirituellement prêt.
Dans mes études, je
découvris la doctrine de la réincarnation. Je croyais
avoir atteint le but. Cette doctrine pouvait tout expliquer
logiquement. Je compris à travers elle que l’homme est
responsable individuellement, collectivement de son bonheur ou de son
malheur. Car si Dieu est Amour, alors il est aussi Justice ; et
comme il est équitable, il ne peut favoriser l’un ou
l’autre. Je compris que chacun à son niveau est
responsable de l’état actuel du monde qui est ni
plus ni moins que le reflet de nos actes collectifs, vie après
vie, et génération après génération.
La loi du Karma agit au niveau de l’individu, des nations et de
la terre entière. C’était merveilleux, à
partir de la réincarnation, je pouvais tout expliquer, tout
comprendre :
— Pourquoi tel homme à
trois ans jouait-il de grandes œuvres au piano ? Parce que
dans sa vie précédente il avait développé
ce talent et dans cette vie, il en recueillait le fruit.
— Pourquoi cet autre
est-il homosexuel ? Parce que dans sa vie précédente
il fut une femme et qu’il en gardait aujourd’hui
inconsciemment la nostalgie.
Ainsi, le malheur, la
douleur, le bonheur peuvent s’expliquer, car tout ce qui nous
arrive est une rétribution de nos vies passées. Naître
dans tel pays, être riche, pauvre, heureux, malheureux, malade,
en bonne santé, beau, laid… Tout a une explication, car
il y a toujours une relation de cause à effet. Telle est la
loi du Karma. Cette loi de justice trouve son accomplissement et sa
justification dans la réincarnation. Comme les maîtres
d’Orient et Grecs l’enseignèrent, nous récoltons
dans cette vie, ce que nous avons semé dans nos vies
précédentes. Ainsi, nous devons semer le meilleur de
nous-mêmes par la méditation, la recherche de la
connaissance, la compassion. Alors, nous aurons à notre mort
une meilleure renaissance, en espérant que ce soit la
dernière, celle qui nous permettra d’être absorbés
dans l'Un ou Dieu.
Oui, je croyais avoir reçu
enfin la réponse aux trois questions clefs de la vie :
d'où venons-nous ? Quel est notre but sur la terre ?
Où allons-nous après cette vie ? ...
Un jour, je me promenais,
sur les quais de Bordeaux. Je remarquais, Place de la Bourse, une
grande tente. Curieux, je rentrais. Au centre, je reconnus le
portrait du Christ. Deux jeunes hommes d’une vingtaine
d’années, sympathiques, souriants, impeccables en
costume-cravate l’accueillirent. Tout de suite, je fus touché
par le regard lumineux, à la fois doux, paisible et amical de
l’un d’eux.
Ils étaient
missionnaires d’une Église chrétienne portant un
curieux nom à rallonge : Église de Jésus
Christ des saints des derniers jours. Ils m’expliquèrent
que leur Église était plus connue sous le nom d’Église
mormone. Je n’en fus pas plus avancé.
Ils me racontèrent la
vie d’un prophète du nom de Joseph Smith. J’écoutais
poliment. Tous les deux parlaient avec un fort accent américain,
charmant et agréable. Celui qui avait le regard de lumière
s’exprimait assez maladroitement. Il jetait des regards
désespérés vers son compagnon plus expérimenté
qui lui soufflait les mots avec beaucoup de discrétion. Quand
ils eurent terminé, je leur demandais ce qui, avant tout,
m’intéressait :
— Votre Église
croit-elle en la réincarnation ?
— Non, pas du tout.
— Alors, cela ne
m’intéresse pas.
Cet événement
fut un nouveau panneau indicateur que Dieu mettait sur mon chemin,
avec des personnes, qu’il plaça à un carrefour
important de ma vie pour m’indiquer précisément
la bonne route à suivre. Ce jour-là, je fus aveugle ou
sourd ou les deux à la fois.
Je continuais à
étudier une abondante littérature qui, d’après
moi, me préparait spirituellement à étudier la
Bible. Vint le jour où me considérant fin prêt à
découvrir les secrets cachés du Livre des livres,
j’allais à la « Maison de la Bible »,
au cours d’Alsace et Lorraine, en plein centre de Bordeaux.
Une gentille petite dame
âgée vint vers moi. Au cours de notre conversation, je
lui fis part de ma laborieuse préparation. Elle me regarda
longuement. Avec beaucoup de douceur, elle me dit :
— Vous vous trompez,
mon bon monsieur, la Bible doit être lue comme un petit enfant.
Je pensais avec suffisance :
— Ma petite dame,
excuse-moi, tu es bien gentille, mais tu es à côté
de la plaque ! Tu n'as rien compris !
J’apprendrai quelques
années plus tard combien elle avait raison et moi tort. Je
commençais l’étude de la Bible par l'Ancien
Testament. Je ne comprenais rien. Déçu, j’abandonnais,
et je passais au Nouveau.
Alors, je découvris
un Jésus, encore plus grand que toutes mes études
antérieures m’avaient fait connaître. J’en
fus touché au-delà des mots. Je fus comme « absorbé »
par Lui. Cependant, dans le Nouveau Testament, je ne trouvais pas la
Réincarnation, mais la Résurrection ! Ce fut un
choc, un véritable déchirement.
Logiquement, il ne pouvait y
avoir les deux à la fois. C’était l’une ou
l’autre, car tous les hommes doivent être pesés
avec la même balance. Par conséquent si l’une est
vraie l’autre est fausse. Et inversement. Mon cœur
penchait pour la Réincarnation que je trouvais plus juste plus
logique et à vrai dire, je ne comprenais pas la Résurrection.
Pourquoi le Christ ? Et pourquoi pas tout le monde ? Mais
en même temps, je me sentais de plus en plus « absorbé »
par Jésus qui affirmait avec autorité être la
Vérité, la Vie, le Chemin et la Résurrection.
Ce Maître donnait des
enseignements, tellement simples, directs et condensés à
tel point qu’une seule phrase de Lui expliquait plus et mieux
que de longues pages de commentaires doctrinaux des maîtres
étudiés jusque-là. Dieu dut considérer
que j'avais été, au cours de ces sept années,
suffisamment patient, persévérant et donc prêt à
recevoir la Vérité, conformément au message
qu’Il m’envoya par le biscuit retiré de la boîte
en fer-blanc de ma grand-mère avec la maxime : « Sois
patient tout arrive ! »
Je réalisais cette
grande bénédiction au moyen d’un événement
tout simple comme un déménagement. Nous habitions à
Sarcignan et nous déménageâmes à Cenon.
Mon voisin de palier était la famille Bennasar. Pourtant, nous
nous liâmes d'abord d'amitié avec les Vilatte, les
voisins du troisième. Ces derniers avaient des amis
rosicruciens, qu’ils nous présentèrent, et je
décidais de suivre leur enseignement.
Très vite,
j’abandonnais. Je ne sentais pas cette philosophie qui pourtant
recherche pour ses membres un état de perfection spirituelle
et morale. Ses origines me paraissaient bizarres et multiples par
conséquent contradictoires. Pour certaines :
— La Rose-Croix est un
ordre remontant au début du 17ième siècle en
Allemagne dont
le fondateur serait Christian
Rosenkreutz.
— Les Rose-Croix
seraient les successeurs des chevaliers du Graal
et des Templiers.
— Pour le docteur
Harvey
Spencer Lewis, le fondateur en 1915 de « l’Ancien
et Mystique Ordre de la Rose-Croix ou AMORC » , le
personnage de Christian Rose-Croix, ou Christian Rosenkreutz, serait
une allégorie. Pour lui, l'ordre aurait été
créé, non par un initié portant ce nom
symbolique, mais par une société initiatique de
mystères, il y a 3 500 ans, organisée par le pharaon
Thoutmôsis
III.
Que croire et qui
croire ?
Plus tard, je serais
d'accord avec Michel Malherbe, dans son livre « Les
religions de l’humanité » :
« En fait, la
mystique paraît bien éloignée des préoccupations
de ces personnages (les dirigeants supérieurs de l’Ordre),
à moins qu’il ne s’agisse d’une entreprise
de déification de l’homme. Comment expliquer autrement
l’autel que le disciple est prié d’installer chez
lui et dont la pièce essentielle est un miroir entouré
de baguettes d’encens ? Chacun se voit ainsi dans le
miroir comme la divinité de son propre culte. Un cahier
personnel où chacun relate les progrès de sa méditation
complète, la panoplie narcissique du disciple. Chaque jeudi,
une soirée d’étude tient lieu de grande messe. On
y emploie des formules rituelles qui sont comme le négatif de
celles de l’Église catholique. (Par exemple :
« Qu’il en soit ainsi », au lieu « ainsi
soit-il »). L’exaltation de la puissance de l’homme
situe les rosicruciens à l’opposé des croyants
qui voient au contraire leur réussite et leur épanouissement
à travers la reconnaissance de la toute-puissance de Dieu. »
De nouveau, je ne savais
plus à quel saint se vouer. Finalement, je décidais de
me débarrasser de tous les livres traitant de religion, sauf
de la Bible, que je lirais entièrement une fois par an.
La famille Bennasar
C’est là
qu’intervient la famille Bennasar avec qui je n’avais eu,
jusqu'à présent, que de simples relations de bon
voisinage. Un jour, Paul et moi discutions sur le palier. Je
l’invitais à entrer. Paul vit la Bible sur la table et
j’eus le temps de remarquer un petit éclair passer dans
ses yeux. Il me dit très intéressé :
— Vous lisez la
Bible ?
— Oui. Je me suis
promis de la lire une fois par an.
Ses yeux brillaient encore
plus :
— Nous aussi, dans
notre famille, étudions la Bible, nous pourrions en parler
ensemble.
Paul m’apprit qu’il
était mormon. Aussitôt, je revis, dans mon esprit, le
missionnaire mormon, rencontré quelques années
auparavant, que j’appelais « Le jeune homme au
regard de lumière ».
Suite à cette
discussion, deux à trois fois par semaine à 6 heures
30, nous faisions du footing au parc Palmer tout en parlant de
religion. À la fin d’un entraînement, Paul me
proposa de rencontrer les missionnaires. J’acceptais.
Mon témoignage spirituel du Livre de
Mormon
Ils vinrent un soir vers 19h
30, quand je leur ouvris la porte, je me trouvais devant Elder Gyunn
et Elder Ysaat (Elder signifie Ancien). Dans le regard d’Elder
Ysaat, je revis exactement celui de mon missionnaire rencontré
quelques années auparavant et cela me frappa. Nous eûmes
une première discussion, sur la première vision du
prophète Joseph Smith. La discussion dura très
longtemps et déborda largement sur d’autres sujets. Nous
nous séparâmes en prenant un nouveau rendez-vous. Avant
de partir, ils me laissèrent le livre de Mormon, me
demandèrent de le lire et de prier à son sujet.
Le lendemain, je pris le
livre et m’installais confortablement dans mon fauteuil
habituel. À peine, avais-je lu quelques pages, soudain je me
levais et m’entendis crier :
— Ce livre est vrai,
il vient de Dieu !
Puis, je retombais sans
forces sur le fauteuil, et je sentis en moi comme une chaleur avec un
bien-être qui me parcourait de la tête aux pieds et qui
me fit pleurer comme un enfant de joie et de reconnaissance. Ce
bonheur, aucun mot ne peut l’exprimer. Ce sentiment, dans une
moindre mesure, je l’avais ressenti le jour où «
Kika », la grand-mère de ma femme, m’avait tendu
sa boîte à gâteaux en fer blanc de laquelle, j’en
avais retiré un, avec la maxime « Sois patient tout
arrive ».
Je compris que j’allais
avoir enfin la vraie réponse à mes trois questions. Ce
moment d’euphorie passé, je réalisais que je me
trouvais en face d’un problème insoluble : Je
savais maintenant que le Livre de Mormon est vrai, qu’il vient
de Dieu, mais il m’était impossible d’admettre
l’histoire de Joseph Smith.
Je ne pouvais pas croire :
— Qu’un garçon
âgé de 15 ans ait pu voir Dieu le Père et son
Fils Jésus-Christ.
— Que Dieu ait
l’apparence d’un homme ! À la rigueur, qu’il
l’ait prise pour la circonstance, je veux bien, car je pensais
que Dieu pouvait prendre toutes les formes. Mais les missionnaires
m’affirmaient grâce à l’expérience de
leur prophète que Dieu en permanence, tout comme nous, possède
un corps, de chair et d’os, à la différence que
le sien est glorifié et ressuscité.
Alors, une grande tristesse
remplaça progressivement ma joie. Soudain, j’eus une
idée. Je pris le livre de Mormon, je le serrais très
fort dans mes mains, et je me mis pour la première fois à
genoux. Je fermais les yeux, je m’imaginais que Jésus
était là devant moi, et pour la première fois de
ma vie, je priais à haute voix :
— Notre Père
qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne
vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel,
donne nous aujourd’hui notre pain quotidien, pardonne-nous nos
offenses comme nous pardonnons ceux qui nous ont offensés, ne
nous abandonne pas à la tentation, mais délivre nous du
mal. Car c’est à toi qu’appartiennent dans tous
les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Ô
Jésus, tu es-là devant moi. Je sais que ce livre est
vrai, ne m’abandonne pas, et éclaire-moi. Fais, je te
prie, ce que je vais te demander. Voici, ce livre est de Dieu, je le
sais maintenant, je vais le laisser s’ouvrir. Fais qu’il
s’ouvre, s’il te plait, à la page qui sera ta
réponse pour moi.
Je me concentrais de toutes
mes forces, de tout mon esprit, puis je laissais le livre s’ouvrir.
J’ouvris les yeux et je lus :
« Et quand vous
recevrez ces choses, je vous exhorte à demander à Dieu,
le Père éternel, au nom du Christ, si c’est
choses ne sont pas vraies ; et si vous le demandez avec un cœur
sincère et une intention réelle, ayant foi au Christ,
il vous en manifestera la vérité par le pouvoir du
Saint-Esprit. Et par le pouvoir du Saint-Esprit, vous pouvez
connaître la vérité de toutes choses. »
Si un jour je voulais
connaître la Vérité de toutes choses, je devais
recevoir le don du Saint-Esprit, et pour recevoir le don du
Saint-Esprit, je savais que je devais me faire baptiser. Alors, je me
dis :
— Sois logique et
cohérent avec toi-même, tu ne crois pas que Joseph Smith
ait vu Dieu, le Père et son Fils Jésus-Christ et
pourtant, tu sais que le livre de Mormon est de Dieu. Ce livre le
monde l’a reçu par l’intermédiaire de
Joseph Smith, n’est-ce pas ? Alors, admets qu’il est un
prophète de Dieu et que la première vision est vraie.
J’avais reçu
gratuitement de Dieu, sans aucun effort de ma part, le témoignage
spirituel que le livre de Mormon est vrai, par contre, j’ai dû
me battre pendant plus d’un an pour recevoir le témoignage
spirituel que Joseph Smith est un prophète de Dieu. J’étudiais
le livre de Moïse, d’Abraham, Doctrine et Alliances. Je
priais, je jeûnais. Par cette longue démarche, j’étais
arrivé à croire intellectuellement que Joseph était
un prophète, mais je ne le savais pas spirituellement comme je
le savais pour le Livre de Mormon.
Mon témoignage spirituel de Joseph
Smith
Voici exactement de quelle
manière je reçus le témoignage spirituel que
Joseph Smith est un prophète de Dieu envoyé dans les
derniers jours pour rétablir, sous la direction du Christ, son
Église et la plénitude de l’Évangile
éternel.
Ce jour-là,
j’étudiais la section 88 de Doctrine et Alliances.
J’avais déjà eu l’occasion de lire cette
section plusieurs fois, seul ou en leçon de prêtrise
avec les frères du collège des anciens :
« En vérité,
ainsi dit le Seigneur, à vous qui vous êtes rassemblés
pour recevoir sa volonté à votre sujet : Voici, ceci
est agréable à votre Seigneur, et les anges se
réjouissent à cause de vous ; les aumônes de
vos prières sont montées aux oreilles du Seigneur des
armées et sont inscrites dans le livre des noms des
sanctifiés, à savoir ceux du monde céleste.
C’est pourquoi je vous
envoie maintenant un autre Consolateur, à savoir sur vous mes
amis, afin qu’il demeure dans votre cœur, oui, le
Saint-Esprit de promesse ; lequel Consolateur est celui-là
même que j’ai promis à mes disciples, comme le
rapporte le témoignage de Jean. Ce Consolateur est la promesse
que je vous donne de la vie éternelle, à savoir la
gloire du royaume céleste ; laquelle gloire est celle de
l’Église du Premier-Né, à savoir de Dieu,
le plus saint de tous, par l’intermédiaire de
Jésus-Christ, son Fils :
Lui qui est monté
là-haut, de même qu’il est descendu au-dessous de
toutes choses, en ce qu’il a embrassé toutes choses,
afin d’être en toutes choses et par toutes choses, la
lumière de la vérité.
Laquelle vérité
luit. C’est la lumière du Christ. De même qu’il
est dans le soleil, et la lumière du soleil, et le pouvoir par
lequel il a été fait.
Il est aussi dans la lune,
et est la lumière de la lune, et le pouvoir par lequel elle a
été faite.
Et aussi la lumière
des étoiles et le pouvoir par lequel elles ont été
faites ;
Et la terre aussi et son
pouvoir sur laquelle vous vous tenez.
Et il y a beaucoup de
royaumes, car il n’est point d’espace dans lequel il y
ait un royaume, et il n’y a point de royaume dans lequel il n’y
a point d’espace, que ce soit un grand ou un petit royaume.
Et à tout royaume est
donnée une loi ; et à toute loi, il y a certaines
limites et certaines conditions. Et ces royaumes se donnent de la
lumière l’un à l’autre, en leurs temps et
en leurs saisons, en leurs minutes, en leurs heures, en leurs jours,
en leurs semaines, en leurs mois, en leurs années. Tout cela
est une année pour Dieu, mais pas pour l’homme.
Et la
lumière qui luit, qui vous donne la lumière, vient par
l’intermédiaire de celui qui illumine vos yeux, qui est
cette même lumière qui vivifie votre intelligence ;
laquelle lumière sort de la présence de Dieu pour
remplir l’immensité de l’espace, la lumière
qui est en toutes choses, qui donne la vie à toutes choses,
qui est la loi par laquelle tout est gouverné, à savoir
le pouvoir de Dieu qui est assis sur son trône, qui est dans le
sein de l’éternité, qui est au milieu de toutes
choses.
À quoi comparerai-je
ces royaumes pour que vous compreniez ? Voici, je comparerai ces
royaumes à un homme qui a un champ, qui envoya ses serviteurs
dans le champ pour labourer le champ.
Il dit au premier : Va
travailler dans le champ et je viendrai vers toi dans la première
heure, et tu verras la joie de mon visage. Et il dit au deuxième
: va aussi dans le champ et à la seconde heure et je te
visiterai de la joie de mon visage.
Et également au
troisième en disant : Je te visiterai.
Et au quatrième, et
ainsi de suite jusqu’au douzième.
Et le seigneur du champ alla
vers le premier, à la première heure, et demeura avec
lui pendant toute cette heure et il se réjouit de la lumière
du visage de son seigneur.
Alors, il se retira du
premier afin de visiter également le deuxième et le
troisième, et le quatrième, et ainsi de suite jusqu’au
douzième.
Et ainsi, ils reçurent
tous la lumière du visage de leur seigneur, chacun en son
heure, en son temps et en sa saison ; commençant par le
premier et ainsi de suite jusqu’au dernier, et du dernier au
premier, et du premier au dernier ; chacun en son ordre propre,
jusqu’à ce que son heure fût terminée,
selon ce que son seigneur lui avait commandé, afin que son
seigneur fût glorifié en lui et lui en son seigneur,
afin qu’ils fussent tous glorifiés.
C’est pourquoi c’est
à cette parabole que je comparerai tous ces royaumes et leurs
habitants, chaque royaume en son heure, en son temps et en sa saison,
conformément au décret que le Seigneur a lancé. »
Quand j’eus fini de
lire cette parabole, j’ai su sans l’ombre d’un
doute que Joseph Smith recevait personnellement, face à face
avec le Seigneur ou par le pouvoir du Saint-Esprit, la parole du
Seigneur. Je savais que cette parabole des royaumes ou paraboles des
mondes n’était pas de l’homme, mais du Seigneur
lui-même. Je savais, sans l’ombre d’un doute, que
l’Auteur de cette parabole est le même que Celui des
merveilleuses paraboles du Nouveau Testament.
Alors, je ressentis, comme
pour le livre de Mormon, cette merveilleuse chaleur me parcourir de
la tête aux pieds et me faire pleurer de reconnaissance :
cette joie unique que seul Dieu peut donner à ses enfants. Je
n’avais plus simplement un témoignage intellectuel de
Joseph, mais enfin un témoignage spirituel de lui et de sa
mission.
Chaque fois que j’ai
reçu un témoignage spirituel d’une Vérité
de l’Évangile, c’est toujours de cette manière
que je l’ai reçu. Ces merveilleuses expériences,
malheureusement, ne furent pas quotidiennes, loin de là. Elles
ont été plutôt rares et si je compte bien, elles
ne dépassent pas les doigts de mes deux mains au cours des 45
dernières années.
Pourtant, je peux dire, au nom du
Seigneur Jésus-Christ, qu’un jour je sais, que je serai
devant mon Rédempteur, que je pourrais baiser ses pieds de
reconnaissance et d’amour ; les mouiller de mes larmes, car je
me tiendrai en sa présence et je pourrais enfin contempler sa
gloire. Pourtant, même en cet instant béni, je ne
saurais pas plus qu’en ce moment :
— Qu’il est le
Christ, mon Sauveur, mon Rédempteur,
— Que Joseph Smith est
son prophète et que si Jésus nous a sauvés de
nos péchés, il a envoyé Joseph nous sauver de
notre ignorance.
— Que le Livre de
Mormon a été traduit par le don et le pouvoir de Dieu
afin de rétablir la vraie doctrine ; confondre les fausses,
compléter la Bible, dans tout ce qui a été
perdu, retranché, mal retranscrit ou perverti à dessein
ou par ignorance, être avec elle, un témoin vivant du
Christ.
— Que Joseph Smith,
sous la direction du Sauveur, a rétabli l’Église
de Jésus Christ et la plénitude de son Evangile
Eternel.
Le goût du sel
Tel est mon témoignage
et ce témoignage. C’est comme la foi, comme croire en
Dieu, c’est impossible à prouver. Pourtant quand on
sait, on sait tout simplement, et c’est tout ce que nous
pouvons dire. Prenons un exemple. Essayez d’expliquer par des
mots le goût du sel à une personne qui ne l’a
jamais goûté. Vous constatez qu’il n’y a pas
de mots pour faire connaître comme vous connaissez le goût
du sel à cette personne. Et pourtant, d’une manière
certaine, vous connaissez le goût du sel.
Pour connaître le goût
du sel, il faut tout simplement, le goûter n’est-ce pas ?
Il en est des choses spirituelles, comme du goût du sel, pour
le connaître, il faut personnellement le goûter. Alors,
quand on y a goûté, on le connaît, et on le
reconnaît à jamais, parmi une infinité d’autres
goûts.
Religiosité à
la carte
L’homme d’aujourd’hui,
à la recherche de spiritualité, devant tant de
connaissances, de moyens de communication, de choix, se trouve dans
le cas de l’acheteur dans un supermarché et quelqu’un
a dit :
« C’est pourquoi
on assiste au développement d’une nouvelle religiosité
à la carte : chacun prend un chariot et fait librement son
choix dans un supermarché du religieux devenu planétaire. »
Comme si ce n’était
pas suffisant, un sage de l’Inde « exprimait une idée
foncièrement hindoue lorsque, questionné sur la
possibilité d’une religion universelle, il répondit,
au grand étonnement de ses auditeurs, que l’idéal
n’était pas une religion uniforme à laquelle tous
les hommes devraient se soumettre, mais autant de religions que
d’individus. Autant d’hommes, autant de dieux. Les
hindous ont reconnu là une vérité découlant
des limitations de l’humanité, de son caractère
non infini, de l’étroitesse de ses points de vue ».
Un autre sage développait
cette idée :
« Y aura-t-il dans
l’avenir une religion universelle ? Nous pourrions aussi
demander : Y aura-t-il jamais un manteau qui soit à la taille
de tout le monde ? »
Ainsi aujourd’hui, non
seulement, il y a le choix d’une infinité de religions,
mais surtout sous l’influence des religions orientales, celui
qui est en quête de religiosité est convaincu que la
Vérité se trouve éparpillée, un peu dans
chaque religion. Alors il se crée son propre cocktail en
prenant un peu ici, un peu là, et il se forge sa croyance en
fonction de ses besoins. Ainsi le souhait de ces sages de l’Inde
se trouve en partie réalisé. Pourtant les lois
physiques, comme celle de la gravitation, nous démontre
exactement le contraire. Cette loi ne s’adapte pas en fonction
des races, des pays et des besoins individuels. La loi de la
gravitation est la même pour tout le monde. Il en est ainsi de
toute loi physique. Pourquoi en serait-il différent des lois
spirituelles qui par principe sont supérieures aux lois
physiques ?
Ces maîtres d’Orient
préconisent autant de religions que d’individus.
Pourtant, Celui qu’ils considèrent, souvent, comme un
des plus grands maîtres, sinon le plus grand, Celui qui de
plus, est un Dieu d’amour, un Sauveur, un Dieu qui s’est
fait homme, a dit : « Entrez par la porte étroite. Car
large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à
la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par-là. Mais
étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent
à la vie, et il y en a peu qui les trouvent. Je suis le
chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père
que par moi. »
Le Sacrifice expiatoire du Christ
La naissance du Christ
devait être virginale !
Pourquoi est-il si difficile
de croire que la naissance du Christ longtemps annoncée par
les prophètes devait être virginale ? Pour dire
vrai, il ne pouvait pas en être autrement. Pourquoi ? Pour
mener à bien sa mission, Jésus devait combiner dans sa
nature à la fois la mortalité pour mourir comme tout
homme et l’immortalité pour donner sa vie volontairement
pour ensuite la reprendre par le pouvoir de la résurrection
qui était en lui. Il devait souffrir comme tout homme, mais
aussi devait pouvoir supporter la souffrance comme un Dieu. C’est
pour cela qu’il put prendre sur lui littéralement tous
les péchés, toutes les souffrances, toutes les maladies
physiques et spirituelles de tous les hommes depuis Adam jusqu’au
dernier qui naîtra afin de réaliser l’immortalité
et la vie éternelle de l’homme.
Joseph Smith, le prophète,
nous révèle la Parole du Christ sur ce sujet si
important :
« Et
ces souffrances m'ont fait trembler de douleur, moi, Dieu, le plus
grand de tous, et elles m'ont fait saigner à chaque pore et
m'ont fait souffrir de corps et d'esprit — et j'ai voulu ne pas
devoir boire la coupe amère, mais je n'ai pas non plus voulu
me dérober — néanmoins, gloire soit au Père,
j'ai bu et j'ai terminé tout ce que j'avais préparé
pour les enfants des hommes. » (Doctrine et Alliances 19:18-19)
« Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa
sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à
terre ». (Luc 22:44)
Ces grumeaux de sang,
coulant par chaque pore, n’étaient pas une image ;
mais une réalité à la fois terrible,
merveilleuse et miséricordieuse.
« Cet
Enfant qui devait naître de Marie fut engendré par
Élohim, le Père éternel, non pas en violation
des lois naturelles, mais conformément à une
manifestation supérieure de celles-ci ; et le fruit de
cette union suprêmement sainte, de cette parenté
céleste, pur en dépit de sa mère mortelle, avait
le droit d’être appelé le « Fils du
Très-Haut ».
(James Talmage, Jésus le Christ)
Au sujet du sacrifice
expiatoire de Jésus à Gethsémané et à
sa mort au Golgotha, j’aime beaucoup cette pensée :
« Certains critiques prétendent que le
christianisme est une religion basée sur le sacrifice humain.
On pourrait éventuellement le dire si Jésus-Christ
n’était pas Dieu, s’il n’était qu’un
être humain parmi d’autres. Après tout, si
l’Expiation se résumait à une exigence de Dieu
réclamant le sang d’une victime afin d’être
réconcilié avec l’humanité pour nous
pardonner, en quoi serait-ce tellement différent dans le
principe que d’attraper une pauvre vierge et de la précipiter
dans un volcan pour épargner le village, ou de brûler
des enfants sur un autel dédié à Moloch pour
gagner ses faveurs ? La différence capitale se trouve
dans le fait que dans ces cas-là, ce sont des êtres
humains qui souffrent pour réconcilier Dieu avec l’humanité,
alors que, dans le christianisme, c’est Dieu lui-même,
Jésus-Christ, qui souffre et meurt pour réconcilier
l’humanité avec lui-même et son Père. Nous
n’essayons pas d’atteindre Dieu pour toucher son cœur
par nos sacrifices, mais c’est Dieu qui essaie de nous
atteindre pour toucher notre cœur par son sacrifice infini. »
Daniel Rops et le catéchisme de l’Église catholique
Avant de poursuivre, voyons
ce que le monde chrétien et l’Église catholique
appellent la « Passion » du Christ, à
Gethsémané. Dans le Catéchisme de l’Église
Catholique, nous pouvons lire : « La coupe de la
Nouvelle Alliance que Jésus a anticipée à la
Cène en s’offrant Lui-même, Il l’accepte
ensuite des mains du Père dans son agonie à Gethsémani
en se faisant « obéissant jusqu’à la
mort ». Jésus prie : « Mon Père,
s’il est possible que cette coupe passe loin de moi… »
Il exprime ainsi l’horreur que représente la mort
pour sa nature humaine. En effet, celle-ci, comme la nôtre,
est destinée à la vie éternelle ; en plus,
à la différence de la nôtre, elle est
parfaitement exempte du péché qui cause la mort ;
mais surtout, elle est assumée par la personne divine du
« Prince de la Vie », du « Vivant ».
En acceptant dans sa volonté humaine que la volonté du
Père soit faite, il accepte sa mort en tant que rédemptrice
pour « porter Lui-même nos fautes dans son corps sur
le bois ».
Daniel-Rops, d’une
manière plus touchante et moins « technique »,
écrit :
« Retourné
à sa solitude, il répète sa supplication
confiante : « Père, si ce calice ne peut
passer sans que je le boive, que votre volonté s’accomplisse !
Et il était en agonie, au comble de l’angoisse. Sa
prière se faisait de plus en plus pressante : une sueur
lui perlait, comme des gouttes de sang, qui ruisselait jusqu’à
terre. Un ange alors vint du ciel, lui apparut et le fortifia. La
sueur de sang, que seul rapporte le médecin Luc, signale, en
pleine lumière, le côté humain du Christ dans
cette heure de déréliction. Le phénomène
physiologique de l’hématidrose a été
observé parfois dans des cas d’extrême angoisse où
la nature arrache à ses profondeurs les manifestations les
plus singulières, tel que le blanchiment instantané des
cheveux. Et c’est bien l’humanité de Jésus
qui, en cette circonstance, nous touche d’abord au cœur.
Cet homme que la mort cerne, qui la respire avec l’odeur de la
nuit, qui l’écoute dans le grondement du torrent, il
ne peut faire que sa chair ne se trouble, ne se révolte :
il a trente ans et il doit mourir !
Dans tout l’Évangile,
pas même la scène de la Tentation, n’atteint à
cette profondeur dans la vérité psychologique : ce
cœur troublé, cette conscience si livrée au
vertige qu’elle en vient à implorer de Dieu un miracle
qui démentirait toute son action, nous ne les reconnaissons
que trop bien. Si Jésus n’avait pas existé, si
toute son histoire n’était que le résultat d’un
travail hagiographique, les narrateurs eussent-ils inventé cet
épisode où il apparaît si misérable ?…
Le vrai sens de la scène, le plus profond, ce n’est pas
d’être un témoignage de détresse, c’est
d’être l’affirmation d’un consentement
décisif. Torturé d’angoisse, prostré
devant la mort, Jésus n’en répète pas
moins, dans une sorte de bégaiement sublime ! « Pas
ce que je veux, Père, mais ce que tu veux. »
L’union du Fils et du Père est ici parfaitement visible.
Une seule volonté, un seul plan. Quand Celse, le polémiste
anti-chrétien du second siècle, ricanera que c’est
un Dieu bien étrange que celui qui gémit et se lamente
au lieu de manifester sa force par un miracle sur ces ennemis, il
avoue tout bonnement qu’il n’a rien compris au
christianisme… »
(Daniel Rops, Jésus en son temps, p 405)
Quand Daniel-Rops écrit
que « Jésus apparaît si misérable ! »,
cela me révolte ! Au contraire, c’est là
qu’Il est le plus divin et s’apprête à
devenir véritablement le Christ. À part ces quelques
phrases que j’ai soulignées, tout ce qui est dit par
l’Église catholique et par Daniel-Rops est vrai dans une
mesure, si négligeable qu’il faut aller bien plus loin,
jusqu’à l’infini pour comprendre Gethsémané
et le sacrifice expiatoire de Jésus dans ce Jardin qui fut la
réponse à celui d’Éden. Dans le premier,
Ève et Adam accomplirent la chute afin que l’homme fût
et le libre arbitre s’exprimât ; permettant aux
hommes de connaître le bien et le mal afin de devenir
semblables aux dieux. Cependant, comme nous avons tous péché,
nous étions tous condamnés à être exclus
de la présence du Père. Dans le second, Jésus
accomplit la Rédemption de tous les hommes et souffrit pour
tous nos péchés afin de nous permettre de retourner au
Père ; car rien d’impur ne peut demeurer en sa
présence. Oui, Jésus dans sa nature humaine et divine
souffrit les affres de la mort qui approchait à grands pas !
Oui, lui, le seul homme sans péché, s’offrait en
victime volontaire pour les péchés de tous les hommes !
Mais combien d’hommes à travers le monde ont senti
l’odeur de la mort rôder autour d’eux avant qu’elle
les saisisse et les emporte dans d’horribles souffrances ?
Combien, coupables de crimes, l’ont respirée, pendant de
longs mois, voire des années dans les fameux et terribles
couloirs de la mort, avant d’être emportées ?
Combien ont vécu ce moment terrible où l’on met
la tête du condamné sous le gibet ; le nœud
coulant autour de son cou, les arcs d’airain autour des
poignets et des chevilles alors que tout leur être gémit
de peur et de désespoir ? Des innocents condamnés
à tort ont connu ces terribles moments. Parce que
malheureusement les hommes peuvent être tellement raffinés
dans la cruauté, beaucoup connurent, depuis Adam jusqu’à
nos jours, des tortures encore plus odieuses que des clous enfoncés
dans les mains et les pieds pour être ensuite mis en croix.
Au Jardin de Gethsémané,
le Père lui envoya des cieux un ange pour le fortifier.
Combien d’hommes, de femmes, d’enfants ont agonisé
sous d’atroces souffrances à cause d’autres
hommes ! Le Père leur a-t- il envoyé un ange
pour les fortifier ? Alors pourquoi Jésus et pas eux ?
Jésus priait le Père que cette coupe, si c’était
possible, lui soit retirée, alors que tant de chrétiens
à Rome allaient en chantant se faire dévorer dans les
arènes par des bêtes féroces sous les
applaudissements et les vociférations d’un public
dégénéré. Combien en temps de guerres,
devant le peloton d’exécution, demandèrent
héroïquement que le bandeau leur soit retiré afin
de fixer la mort en face et tombaient, fauchés sous les balles
en criant : Vive la liberté ! À bas la
tyrannie ! Ces martyres étaient-ils plus courageux que
Jésus qui priait avec angoisse que la mort lui soit épargnée,
lui qui est la résurrection et la vie ? Peut-on imaginer,
une seule seconde, une telle aberration ? Lors de l’ancienne
émission télévisée d’« Apostrophe »
qui réunissait des philosophes, des hommes d’Église,
des écrivains, Bernard Pivot demanda (si ce n’est pas du
mot-à-mot, c’est dans l’esprit) :
Pourquoi fait-on tellement
cas de la mort et des souffrances du Christ sur la croix, alors que
tant d’autres ont subi les mêmes souffrances et tellement
d’autres des souffrances encore plus terribles ? Aucun
invité ne put répondre clairement à sa question.
Un prêtre répondit
évasivement que cela faisait partie « des mystères
de la Passion ». La question est là. Elle mérite
et exige une réponse précise ! Qu’est-ce qui
fait que pour Jésus ce fut différent ? Oui,
infiniment, éternellement différent ? Qu’est-ce
qui fait que ses souffrances et sa mort sont uniques,
particulièrement terribles avec des répercussions
incalculables ?
Comment cet homme que l’on
décrit être à la fois homme et Dieu en mourant
sur la croix, insulté par un peuple, prit-il sur lui les
péchés de tous les hommes pour devenir notre Sauveur et
notre Rédempteur ? Que signifie vraiment prendre les
péchés de tous les hommes ? Est-ce concevable ?
Est-ce possible ? Est-ce nécessaire ? Que signifie
devenir le Sauveur et le Rédempteur de l’humanité ?
Dans quel but ?
On peut se poser tellement
d’autres questions et on doit se les poser, pour comprendre le
véritable sens de Gethsémané et son but pour
l’humanité. Essayons d’approcher ce « mystère »,
qui est une Vérité que seuls le Père et le Fils
par le pouvoir du Saint-Esprit peuvent nous révéler.
Sachant ce qui s’est produit à Gethsémané,
ne laissons pas comme les apôtres nos yeux s’appesantir
de sommeil.
Veillons et prions pour que
chaque fois que nous méditons Gethsémané,
l’Esprit du Seigneur soit sur nous et nous aide à avoir
chaque fois une plus grande compréhension du sacrifice
expiatoire. Ce sacrifice éternel et infini qu’aucun
mortel ne peut comprendre ; ne serait-ce dans ses balbutiements.
Car seuls le Père et le Fils l’ayant subi chacun en leur
temps peuvent en témoigner.
Talmage dans son livre
« Jésus le Christ », nous fait
comprendre clairement que Jésus à Gethsémané,
ne se préoccupait pas de sa mort à venir ; ce
qu’il s’apprêtait à subir fut tout autre
chose et le monde chrétien, à part l’Église
de Jésus Christ des saints des derniers jours, l’ignore :
« L’agonie
que le Christ éprouva dans le jardin, l’esprit limité
ne peut en sonder ni l’intensité ni la cause. La pensée
qu’il ait souffert par crainte de la mort est insoutenable.
Pour lui, la mort était préliminaire à la
résurrection, au retour triomphal auprès du Père
d’où il était venu et à un état de
gloire qui transcendait même celui qu’il possédait
précédemment ; en outre, il était dans son
pouvoir de donner volontairement sa vie. »
(Stephen E. Robinson, professeur de religion
à l’université Brigham Young, Provo, Utah)
Mon témoignage du sacrifice expiatoire
de Jésus-Christ
C’est en étudiant
les Écritures, en priant, en méditant, en jeunant, en
étant reconnaissant au Seigneur pour toutes ses bénédictions,
ses tendres miséricordes pour moi et ceux que j’aime, et
pour tous, en reconnaissant sa main en toutes choses que j’ai
voulu écrire comment j’ai ressenti le sacrifice
expiatoire de mon Sauveur et Rédempteur au Jardin de
Gethsémané puis sur la croix au Golgotha. Voici :
Le soleil s’est couché
depuis de nombreuses heures. Il est plus de minuit en ce vendredi 3
avril 33, ou selon les Juifs de l’époque : le 14
nisan, vers la dix-huitième heure. Après avoir reçu
ces merveilleux enseignements dans la chambre haute, ils chantent des
cantiques, puis partent pour le mont des Oliviers.
Ils franchissent la porte de
la ville qui lors de la Pâque reste ouverte. Ils traversent le
torrent du Cédron et arrivent dans une olivaie située
sur le flanc du mont des Oliviers. Cet endroit s’appelle
Gethsémané, ce nom signifie « pressoir à
huile ». En ce lieu se trouve une machine faite d’une
cuve où se déversent en leur saison les olives et d’une
presse munie d’une longue barre de bois qu’un bourricot
attelé fait tourner pendant la journée. Jésus
rassemble autour de lui les onze dans un cercle. Posant ses mains sur
l’épaule des deux immédiatement à sa
droite et à sa gauche, il leur dit avec beaucoup de
tristesse :
— Je serai pour vous
tous, cette nuit, une occasion de chute ; car il est écrit :
Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées.
Puis, il lève la tête
vers le ciel, étend ses bras vers eux, comme pour les éteindre
tous à la fois, et ajoute :
— Mais, après
que je serais ressuscité, je vous précéderai en
Galilée.
Il est tard et les apôtres
épuisés ne disent mot. Comprenant à peine, ils
n’osent plus le questionner. Jésus leur dit :
— Asseyez-vous ici,
pendant que je m'éloignerai pour prier.
Il sent une grande solitude
le surprendre. Il frémit dans tout son être. Il regarde
Pierre, Jacques et Jean et désire qu’ils restent tout
près de Lui pour le soutenir de leur foi, de leur amour et de
leurs prières ; qu’ils deviennent également
les témoins de ce qui va arriver, tout comme ils le furent
lors de la visite d’Élie et de Moïse sur la
montagne de la Transfiguration où le Père du haut des
cieux témoigna de son Fils : Celui-ci est mon Fils
bien-aimé, en qui je me complais !
Il prend avec lui Pierre et
les deux fils de Zébédée, et il commence à
éprouver de la tristesse et des angoisses. Il leur dit alors :
— Mon âme est
triste jusqu'à la mort ; restez ici, et veillez avec moi.
Lui, le Fils de Dieu, le plus grand de tous ; lui qui a
toujours tout donné sans jamais rien retenir pour lui, en ce
moment crucial, demande simplement la compagnie amicale de ses trois
principaux apôtres ; lui qui les enseignait si souvent à
prier, il les supplie de prier pour lui et de veiller avec lui.
Réconforté par leur présence, il s'éloigne
d'eux d'une faible distance. Puis, ayant fait quelques pas en avant,
il se jette sur sa face, et prie ainsi :
— Mon Père,
s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi !
Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux.
Après cette prière,
Jésus éprouve de nouveau le désir de puiser des
ressources en la compagnie de ceux dont il a si souvent dit :
« Vous êtes mes amis. » Il va vers
eux et il les trouve endormis. Il les regarde avec une profonde
tendresse mêlée de tristesse, sur son beau et noble
visage se dessine un pâle sourire, et se tournant vers Pierre,
ses lèvres murmurent dans un doux reproche : Pierre,
Pierre ! Tu étais prêt à mourir pour moi, et tu
n’as pu veiller ni prier avec moi une seule heure !
Oh ! Pierre, Pierre…
Alors se sentant très
seul, ne résistant plus, il les réveille et leur dit :
— Vous n'avez donc pu
veiller une heure avec moi ! Veillez et priez, afin que vous ne
tombiez pas dans la tentation ; l'esprit est bien disposé,
mais la chair est faible.
Les apôtres réveillés
sont honteux d’être surpris dans leur sommeil alors qu’il
leur avait demandé de veiller. Ils écarquillent les
yeux en les frottant et s’efforcent de les garder grand
ouverts, bien décidés, cette fois, à prier et à
veiller avec le Maître. Il s'éloigne une seconde fois,
et prie ainsi :
— Mon Père,
s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je
la boive, que ta volonté soit faite !
Jésus sait que la
volonté du Père malgré toute la peine qu’il
éprouve dans les cieux en voyant son Fils Bien-aimé
souffrir est qu’il boive à la coupe amère
préparée dès la fondation du monde, « Car
Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils
unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais
qu'il ait la vie éternelle ». Alors sachant que
le moment est arrivé pour accomplir ce pour quoi il est venu
au monde, il désire une dernière fois revoir ses amis
et recevoir d’eux des forces et peut être le dernier coup
de pouce. Il revient vers eux et les trouve encore endormis, car
leurs yeux étaient appesantis. Jésus cette fois-ci ne
les réveille pas. Leur esprit était bien disposé,
mais leur chair est faible. Combien cette phrase réveille en
nous des souvenirs que nous voudrions oublier à jamais et
combien elle nous fait constater que ces paroles de Jésus sont
vraies pour chacun de nous ! Notre esprit est fort, mais
combien notre chair est faible, car nous faisons souvent ce que nous
ne voulons pas et ne faisons pas ce que nous voulons. Il les quitte,
et, s'éloignant, il prie pour la troisième fois en
répétant les mêmes paroles :
— Si tu voulais
éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ma volonté
ne se fasse pas ; mais la tienne.
Près de Kolob, au
centre de tous les univers, dans un Jardin, tout seul avec sa peine,
le Père observe de là-haut, son Fils sur la terre, dans
ce Jardin de Gethsémané. Il souffre avec lui et il se
souvient de ce qui est écrit dans les Registres des cieux,
alors qu’Adam n’était pas encore devenu une âme
vivante ; il se souvient du dialogue qu’il eut avec son
Fils alors dans sa condition prémortelle (texte attribué à Timothée, archevêque d’Alexandrie,
décédé en 385 ; texte conservé à la bibliothèque du
British Muséum) : « Il
fit Adam à notre image et à notre ressemblance. Et il
le laissa allongé pendant quarante jours et quarante nuits
sans mettre en lui le souffle de vie. Et chaque jour, il poussait des
soupirs en le regardant et disait :
— Si je mets le
souffle de vie en cet homme, il devra beaucoup souffrir.
Et je dis à mon
Père :
— Mets en lui le
souffle de vie ; je serai son avocat.
Et mon Père me dit :
— Si je mets en lui le
souffle de vie, mon Fils bien-aimé, tu seras obligé de
descendre dans le monde et de souffrir beaucoup pour lui afin de le
racheter et lui permettre de retrouver son premier état.
Et je dis à mon
Père :
— Mets en lui le
souffle de vie ; je serai son avocat, je descendrai dans le
monde et j’accomplirai ce que tu commandes. »
Notre Père en ce
temps conçut le Plan de Salut pour tous ses enfants. Un de ses
fils se proposa et fut élu pour être le Sauveur. Mais
c’était un plan, en ce temps-là Notre Père
savait qu’en donnant le souffle de vie à Adam, il ne
pourrait plus revenir en arrière et que ce plan allait devenir
une réalité, qui inexorablement se mettrait en marche.
Il savait que beaucoup de ses enfants souffriraient et que tous ne
réussiraient pas à atteindre le but éternel,
même s’ils seront sauvés dans des royaumes
inférieurs. Il savait que son Fils unique devrait endurer les
pires souffrances. Il savait combien ces souffrances sont
intolérables, car de chaque pore de sa peau suinteront des
grumeaux de sang. Il le savait mieux que personne, car il connut un
jour de telles souffrances, en tant que Sauveur et Rédempteur
dans une autre terre et un autre Jardin. Alors Lui Dieu, l’Être
le plus grand qui soit, hésita et il hésita pendant 40
jours en poussant des soupirs de douleur.
Mais le Fils lui dit
encore : Mets en lui le souffle de vie ; je serai son
avocat, je descendrai dans le monde et j’accomplirai ce que tu
commandes. Alors, le Père mit le souffle de vie en Adam et
Adam devint une âme vivante : l’Ancien des jours.
Aujourd’hui, son Fils,
arrivé au zénith de sa mission, souffre et le Père
sait ce qu’il va souffrir encore. Élohim ressent
l’angoisse de son Fils qui lui rappelle tellement cette
angoisse connue jadis. Son Fils est seul et ses apôtres
dorment. Il ne lui reste que le soutien de l’Esprit et celui de
la prière. Il doit accomplir seul ce pour quoi il est venu au
monde.
Alors, Dieu le Père,
avant le terrible moment, lui envoie un dernier soutien en appelant
un ange ; soutien que Jésus sur terre en ce moment
crucial ne put trouver, même auprès de ses apôtres
bien- aimés. Alors qu’ils dorment, ils ne se
doutent pas que bientôt va s’accomplir le plus grand et
merveilleux miracle de la Création ; la plus grande
preuve d’amour et de miséricorde du Père et du
Fils, et du Saint-Esprit.
L’ange se présente
à Jésus et lui dit :
— Ô, Seigneur !
Souviens-toi qu’avant la fondation des mondes tu fus préordonné
pour être le Sauveur et Rédempteur. Ô, Seigneur !
C’est pour cela que tu es dans ce Jardin, dont le nom signifie
« pressoir à huile ». C’est dans
ce pressoir, là tout près de toi, que les hommes
jettent les olives pour être pressées par la charge
écrasante des lourdes meules qui les broient afin que l’huile
puisse en être exprimée. Tu sais, que ce jardin avec son
pressoir à huile est une similitude de ce que tu dois subir ;
toi aussi tu dois être « pressé »,
sous la charge des péchés des hommes, de leurs
souffrances tant spirituelles que physiques au point que ton sang
sera exprimé et coulera par chaque pore de ta peau. Ô,
Seigneur ! Tu es au Jardin de Gethsémané,
véritable réponse au Jardin d’Éden.
Dans le magnifique Jardin
d’Éden, l’homme tomba et s’exclut de la
présence de Dieu ; dans ce Jardin triste et désolé,
tu peux le relever par la Rédemption et lui permettre de
retourner en sa présence.
Tu as ton libre arbitre et
tu peux, à cette heure cruelle, refuser ce à quoi tu as
été ordonné dans les cieux et si magnifiquement
accompli jusqu’ici. Mais Ô, mon Seigneur ! Songe, je
t’en supplie, à tous les mondes que tu créas,
sous la direction du Père ; mondes aussi innombrables que
le sable de la mer ; songe à tous les habitants qui les
peuplent et que tu peux sauver comme ceux de cette terre par ton
sacrifice expiatoire. Songe que si tu ne le fais pas, tous ces mondes
retourneront au chaos originel d’où tu les tiras ;
que tous les habitants ne pouvant ressusciter seront assujettis, au
Diable qui régnera éternellement sur eux !
Jésus se redressa,
leva la main droite vers le ciel et dit :
— C’est assez !
Oui, je vais boire à la coupe amère afin que tout soit
accompli !
L’ange remonta au
ciel. Jésus resta seul à nouveau. Seul ! Le
Cédron, sec toute l’année, charrie au printemps
en abondance durant quelques semaines des eaux terreuses qui lui
valurent ce nom qui signifie « noir » ou
« sale ». Après le départ de
l’ange, seul le grondement des eaux tumultueuses du torrent se
fait entendre dans le silence de cette terrible et grandiose nuit.
Au Jardin d’Éden,
beau et transfiguré, nos premiers parents ont transgressé ;
au petit Jardin de Gethsémané, triste et désolé,
Jésus s’apprête à nous sauver.
Il s’appuie sur le
tronc du vieil olivier, aux branches tordues et torturées par
les siècles. Puis il se met à prier de toutes ses
forces, comme jamais il n’a prié. Il jette son regard
sur la terre et il la voit toute sans qu’une seule particule
lui échappe ; pas même un seul atome.
Il lève les yeux au
ciel et il le contemple dans son immensité infinie, le
décelant entièrement dans ses moindres éléments.
Il voit toutes les âmes qui furent, sont, et seront. Il nous
voit tous un par un, il se saisit de tous nos péchés,
toutes nos souffrances, toutes nos maladies, toutes nos infirmités
physiques et spirituelles. Il voit toute chose et il souffre toute
chose ; tant spirituellement que physiquement dans son corps
meurtri et son esprit torturé. Son sang sous l’effet
d’une douleur incommensurable et indescriptible, comme les eaux
du Cédron bouillonnent et grondent dans ses veines ; ses
vaisseaux éclatent et de chaque pore de sa peau coulent des
grumeaux de sang !
Alors que le monde dort, les
forces des ténèbres se déchaînent dans
l’ombre de la nuit. Le petit Jardin de Gethsémané
triste et désolé devient soudainement le centre de
toutes les Créations : Le témoin de l’acte
le plus inconcevable, le plus miraculeux, le plus miséricordieux ;
le plus grand signe de contradiction accompli pour l’homme
depuis le Commencement.
Au petit Jardin de
Gethsémané triste et désolé, son sol
tremble jusqu’aux entrailles de la Terre ; la terre gémit
comme la femme qui enfante. Arbres, herbe des champs, pierres et
rochers, horrifiés, désemparés, crient leur
peine et leur désespoir.
Au petit Jardin de
Gethsémané triste et désolé, le vent se
lève, la tempête rugit, les arbres craquent sinistrement
et leurs branches se tordent convulsivement, s’écrasant
sur le sol. Les feuilles dans des tourbillons volent tout autour de
Jésus et le touchent comme pour le caresser et manifester leur
soutien. Les rochers se fendent par leur milieu, les eaux du Cédron
se font plus rugissantes.
Au petit Jardin de
Gethsémané triste et désolé, les oiseaux
du ciel se cachent dans les cavités des rochers et voilent
leur face. Les animaux des champs se terrent dans leurs antres et se
taisent remplis de stupeur.
Au petit Jardin de
Gethsémané triste et désolé, les étoiles
tombent des cieux, comme les larmes coulent sur les joues d’une
mère parce que son enfant souffre. L’azur hurle sa peine
par les tonnerres et les éclairs, comme le père, dans
l’incapacité de sauver son enfant, crie son désespoir.
Au petit Jardin de
Gethsémané triste et désolé, la nature
gémit à cause de son Dieu, qui l’avait jadis
organisée et commandée. Étant
en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des
grumeaux de sang, qui tombaient à terre.
(Luc 22 : 44)
Alors, dans une colonne, qui
s’étend à l’infini, nous défilons
tous devant lui : les morts, les vivants, et nous qui étions
encore dans les cieux. À chacun, il nous appelle par notre nom
et Il nous dit :
— Cette goutte de
sang, que tu vois tomber maintenant, c’est pour tes péchés,
pour que tu n’aies pas à les souffrir ;
souviens-toi !
Alors qu’Il s’adresse
à chacun de nous, ses mains agrippent le tronc ; de
douleur, ses ongles en arrachent l’écorce. L’olivier
alors se tord de souffrance, depuis ses racines les plus profondes
jusqu’à l’extrémité de chaque
feuille. C’est douloureux pour ce vieil arbre et en même
temps doux et bienfaisant comme le chien qui reçoit sur le dos
la caresse de son maître qui le rend si heureux.
C’est aussi comme
l’homme qui tient dans les siennes, la main de sa femme qui
enfante et de douleur, lui enfonce ses ongles dans les
paumes ;
il a mal et il se réjouit de souffrir en partageant un peu de
sa souffrance.
Enfin, le dernier d’entre
nous passe devant Jésus qui petit à petit récupère
ses forces. Le Jardin reprend son aspect quotidien et le Cédron
s’est calmé…
Combien de temps dura
l’accomplissement du sacrifice ? Une éternité ?
Une partie de la nuit ? Les deux certainement !
Dans le petit Jardin de
Gethsémané, triste et désolé, avant que
le monde fut créé, s’accomplit dans le plus grand
secret, ce qui était préparé pour nous sauver.
Dans le petit, Jardin de
Gethsémané triste et désolé, le Fils
bien-aimé du Père nous a tous sauvés.
Puis il alla vers ses
disciples, et leur dit : Vous dormez maintenant, et vous vous
reposez ! Voici, l'heure est proche, et le Fils de l'homme est
livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons ;
voici, celui qui me livre s'approche. Dans le petit Jardin de
Gethsémané triste et désolé, notre Dieu
va bientôt se livrer !
Je vous raconte le sacrifice
expiatoire de Jésus, comme je le ressens, selon mon témoignage
que je dois aux évangélistes et surtout à Luc,
mais avant tout grâce à une révélation que
le Seigneur donna à son prophète Joseph en mars
1830. Cette révélation ouvrit mon entendement, fit
trembler tout mon être de la tête aux pieds, confondit
mon cœur d’amour et de reconnaissance pour mon Sauveur,
car je compris dans une mesure infime le sacrifice expiatoire :
« Car voici, moi, Dieu, j’ai souffert ces choses pour tous afin
qu’ils ne souffrent pas s’ils se repentent. Et ces
souffrances m'ont fait trembler de douleur, moi, Dieu, le plus grand
de tous, et elles m'ont fait saigner à chaque pore, et m'ont
fait souffrir de corps et d'esprit – et j’ai voulu ne pas
devoir boire la coupe amère, mais je n’ai pas non plus
voulu me dérober – néanmoins, gloire soit au
Père, j'ai bu et j'ai terminé tout ce que j'avais
préparé pour les enfants des hommes. »
(DetA 19:16, 18-19)
Par ses propres mérites,
l’homme ne pourra atteindre que le niveau le plus élevé
de la condition humaine. Il en est de même pour toute bonne
philosophie ; croyance ; religion ou organisation qui
n’élèveront l’homme qu’au niveau le
plus élevé de ses enseignements humains.
Seul Jésus peut
élever l’homme à la divinité par son
sacrifice expiatoire et sa mort sur la croix. Pourquoi ? Parce
qu’il n’y a pas d’autre nom sur la terre et dans
les cieux par lequel l’homme puisse être sauvé.
L’apôtre Paul
nous dit : Et presque tout, d’après la loi, est
purifié avec du sang, et sans effusion de sang, il n’y a
pas de pardon.
C’est difficile de
comprendre la portée et l’intensité des
souffrances subies par notre Sauveur pour chacun de nous, pris
nommément un par un. Cela dépasse notre entendement,
mais chaque jour, nous pouvons mieux comprendre son sacrifice, en
méditant les Écritures qui témoignent de lui.
Cependant, c’est surtout en L’aimant que nous le
comprendrons le plus ; si nous L’aimons vraiment nous ne
nous laisserons pas « appesantir » par nos
faiblesses, nous veillerons ; en L’aimant, nous suivrons
ses commandements et en suivant ses commandements nous serons avec
lui et avec son Père et Notre Père. C’est ce
qu’ils veulent tous les deux. Je prie pour que chaque jour, je
comprenne un peu plus Gethsémané.