Le mode d’exécution d’Abinadi

 

 

La Rédaction

 

 

  

      Et il arriva qu'ils le prirent et le lièrent, et lui flagellèrent la peau à l'aide de fagots, oui, jusqu'à la mort. Et alors, lorsque les flammes commencèrent à le lécher, il leur cria, disant… (Mosiah 17:13, 14)

 

 

Analyse

 

      À aucun moment Abinadi ne dit qu’il mourra sur le bûcher. Le Seigneur prophétise par sa bouche que la vie du roi Noé sera estimée comme un vêtement dans une fournaise ardente (Mosiah 12:3) et plus tard Abinadi prophétise que ce que ses bourreaux feront de lui sera comme une figure et une ombre de choses à venir (Mosiah 13:10). Enfin, au moment de son martyre, il prophétise que les descendants de ses bourreaux feront subir à beaucoup, comme à lui, les souffrances de la mort au moyen du feu (Mosiah 17:15).

 

      Le texte parle de flagellation à l’aide de fagots jusqu’à ce que mort s’ensuive. Aucun bûcher n’est mentionné.  

 

      Sans transition avec ce qui précède, le texte parle de flammes qui « lèchent » la victime. Le verbe anglais « scorch » rendu par « lécher » signifie précisément  « brûler légèrement », « roussir ».

 

      Après que son supplice par le feu ait commencé, Abinadi prophétise longuement : sa prophétie couvre 5 versets de Mosiah 17 (versets 15 à 19).


 

Traduction de 1852

 

      Pendant près d’un siècle et demi (1852-1998), la traduction française n’a pas utilisé le terme « fagots », mais celui de « brandons » : Et ils se saisirent de lui et le lièrent, et lui flagellèrent la peau avec des brandons, oui, jusqu’à la mort. Et quand les flammes commencèrent à le brûler, il leur cria…

 

      Brandon : « débris enflammés » (Larousse), « Torche de paille enflammée servant à éclairer ou à mettre le feu. » (Robert)

 

      La première traduction du Livre de Mormon en français, qui date de 1852, est l’œuvre de Curtis Bolton et Louis Bertrand, qui y travaillèrent sous la supervision de John Taylor, en mission à Paris de juillet à décembre 1850, et de nouveau en décembre 1851. Lorsque les traducteurs avaient un doute sur la signification exacte d’un passage, c’est à John Taylor qu’ils se référaient. Celui-ci passa la plupart de l’année 1851 en Allemagne pour, entre autres choses, superviser la traduction du Livre de Mormon en allemand qui sera publié en 1852, la même année que la version française. Cette traduction allemande disait, à Mosiah 17:13 : « mit brennenden Reisigbündeln », ce qui signifie : avec des fagots brûlants.

 

 

Commentaire du traducteur de la version actuelle (1998) du Livre de Mormon en français

 

      « Le texte, tel qu’il est ici, n’a pas de sens. Dans l’ancienne version, le traducteur avait atténué le problème en rendant ' faggots ' par ' brandons ', mais c’est quelque chose que je ne pouvais pas laisser dans la nouvelle version parce que ce n’était pas une traduction mais une interprétation.

 

      « Le mode d’exécution consistait donc non à mettre Abinadi sur un bûcher, où il serait mort rapidement, mais à le faire mourir à petit feu en lui appliquant sur la peau des fagots dont l’extrémité était enflammée (des brandons, comme le rendait logiquement l’ancienne traduction), laissant à Abinadi le temps de dire ce qu’il a à dire aux versets 15 à 19. » (Marcel Kahne, correspondance personnelle, 12 mai 2008)

 

 

Complément d’information 

 

      « L’anglais dit : 'and scourged his skin with faggots, yea, even unto death. And now when the flames began to scorch him...', ce qui nous impose la traduction actuelle.

 

      « Le professeur Royal Skousen, qui a étudié le texte minutieusement pendant plus de vingt ans, et a publié une édition critique du texte de Mormon (c’est-à-dire une édition qui relève toutes les variantes, coquilles d’imprimeur et problèmes des diverses éditions du livre), propose ici une solution qui n’a toutefois pas été retenue par le Comité des Écritures et ne pouvait donc pas être appliquée au texte du Livre de Mormon.

 

      « Il pourrait, selon lui, s’agir d’un problème de compréhension à la dictée. Joseph Smith dictait le texte à Oliver Cowdery et vous remarquerez que 'scourge' et 'scorch' sont deux mots qui se ressemblent fort. Cowdery a pu mal comprendre ce qui lui était dicté et donc écrire ' scourged ' au lieu de 'scorched', ce qui est vraisemblable étant donné que le verbe suivant est 'scorch'.

 

      « Skousen proposait que l’on remplace 'scourge' par 'scorch', ce qui a été refusé parce que lorsque Joseph Smith a révisé la version de 1830 en vue de l’édition de 1837, il n’a pas changé ce passage.

 

      « Cependant, si l’on accepte l’idée de Skousen, on aura dans le texte français : 'et lui roussirent la peau à l’aide de fagots, oui, jusqu’à la mort. Et alors, lorsque les flammes commencèrent à le roussir…' » (Marcel Kahne, correspondance personnelle, 12 mai 2008)