Parler
d’une interdiction faite aux Noirs de détenir la prêtrise est un
raccourci fâcheux laissant croire à une interdiction concernant une
couleur de peau alors même que tous les Noirs n’étaient pas sous
l’interdiction.
Si les réponses données font parfois référence aux Noirs, la lecture d’autres citations de dirigeants précise les sujets de l’interdiction : Bruce R. McConkie (1915-1985), trois ans après la révélation de 1978 confirme qu’il s’agissait d’une interdiction sur un lignage : « L’ancienne malédiction n’est plus. La descendance de Caïn et de Cham et de Canaan et d’Egyptus et de Pharaon (Abr. 1:20-27 ; Moïse 5:16-41 ; 7:8, 22) – Tous, maintenant ont le pouvoir de se lever et de bénir Abraham comme leur père. Tous, du lignage des Gentils, peuvent maintenant venir et hériter par adoption de toutes les bénédictions d’Abraham, Isaac et Jacob (Rom. 8:14-24 ; 9:4 ; Gal. 4:5 ; Éph. 1:5 ; Enseignements, p. 149-50). » (Bruce R. McConkie, The New Revelation on Priesthood, dans Priesthood, Salt Lake City, Deseret Book, 1981, p. 126-37, esp. p. 128). Plus encore, dix ans après la révélation, lors d’un discours donné le 15 mai 1988, lors d'une veillée mondialement diffusée commémorant le 159e anniversaire du rétablissement de la prêtrise, Gordon B. Hinckley, alors premier conseiller dans la Première Présidence, a indiqué qu’ils commémoraient ce jour-là plusieurs événements importants dont « la révélation par laquelle l’obtention de la prêtrise devint possible pour tout homme, sans distinction de lignage. » (Discours donné le 15 mai 1988 lors du coin de feu mondial commémorant le 159e anniversaire du rétablissement de la prêtrise. Discours accessible sur le site lds.org)
Notre
perception des lignages est très mauvaise. Pour la société
actuelle, le lignage n’a plus beaucoup de sens. Nous n’hésitons
pas à mettre en avant quelques Écritures à caractère
individualiste pour nier l’existence de ce critère (I). Pourtant,
le Christ l’appliqua (II) et il reste toujours d’actualité
aujourd’hui (III). Ce critère du lignage, c’est avant tout celui
d’un lignage favorisé, celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
Son statut particulier repose sur une alliance faite de commandements
et de promesses, même si ce favoritisme certain doit être nuancé
au sein des lignages issus d’Abraham et plus encore au niveau de
l’individu (IV).
I. DES
ÉCRITURES À CARACTÈRE INDIVIDUALISTE
Fort
de notre vision individualiste, nous interprétons trop rapidement
certaines Écritures parlant de l’individualité du péché (1) et
de vaines généalogies (2).
1. L’individualité
du péché
Edward
L. Kimball, dans son étude Spencer
W. Kimball et la révélation sur la prêtrise,
à
la note de bas de page n°10, se questionne sur l’antagonisme
apparent entre plusieurs Écritures : « l’Article
de foi selon lequel les hommes seront punis pour leurs propres péchés
et non pour la transgression d’Adam (Deuxième article de foi) souligne
la responsabilité individuelle, et Ézéchiel (18:20) conteste
la culpabilité du fait du lignage : 'L’âme qui pèche, c’est
celle qui mourra. Le fils ne portera pas l’iniquité de son père,
et le père ne portera pas l’iniquité de son fils. La justice du
juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui.' (Ézéchiel 18:20)
[…] Bien que l’idée de bénédiction ou malédiction de lignage
n’est pas étrangère aux Écritures. De notables exemples sont la
descendance d’Abraham, lignage béni (Gen. 22:17-18) et les
Lamanites, un lignage maudit dans le Livre de Mormon (2 Néphi
5:21). » (Edward L. Kimball Spencer W. Kimball
and the Revelation on Priesthood, BYU
Studies 47, n°2, 2008, 4-78)
Il
n’y a pas ici d’antagonisme. Un mot revient dans les deux
passages, celui de péché
avec, pour celui qui a péché et ne se repent pas, la conséquence
de ne pas pouvoir retourner vivre en présence de Dieu. Cette
introspection est personnelle et l’ouverture des portes du royaume
céleste dépend uniquement de nos propres péchés et non de ceux
d’un autre, ascendant ou non.
Mais les actes des ancêtres, qu’ils soient bons ou mauvais, ont des incidences sur la descendance. La transgression d’Adam, citée dans le deuxième Article de foi, a eu indéniablement des répercussions dans la vie de sa postérité : La première en est l’existence même de la postérité. Sans la transgression, l’homme ne serait pas. Adam serait resté seul avec Ève, l'un et l'autre non sujets à la mort, en présence de notre Père céleste, sans possibilité d’évolution. En prenant du fruit défendu, ils obtiennent les bénédictions d’une postérité, de la connaissance du bien et du mal, de la joie de la rédemption et d’une possible progression éternelle. Cependant, ils deviennent aussi sujets, tout comme leur descendance, à la maladie, à la mort physique, faisant l’expérience du dur labeur, de la douleur et du chagrin.
L’influence
de l’ascendance sur les conditions de vie est particulièrement
exposée dans le Livre de Mormon. De nombreux passages font référence
aux traditions
des pères
ayant induit en erreur la postérité lamanite, ayant transmis de
mauvaises croyances et de mauvais comportements les privant de
bénédictions (voir 2
Néphi 27:25 ; Mosiah 1:5 ; 10:12 ; Alma 3:8 ; 9:16-17 ; 17:5 ; 19:14 ;
21:17 ; 23:3 ; 26:24 ; 37:9 ; 47:36 ; 56:4 ; 60:32 ; Hélaman 5:19, 51 ;
15:4, 15).
Par exemple, le Livre d’Alma mentionne : « Ainsi,
ils étaient un peuple très indolent, dont beaucoup adoraient les
idoles, et la malédiction de Dieu était tombée sur eux à cause
des traditions de leurs pères » (Alma 17:15).
La postérité passe à côté de l’Évangile et des bénédictions
spirituelles qui en découlent, en grande partie à cause des
traditions des pères qui l’ont induite en erreur. Le quotidien de
la descendance est indéniablement affecté par les actes des
ancêtres.
Bien
que notre condition mortelle soit affectée par le comportement de
nos ancêtres, seuls nos œuvres et nos péchés seront pris en
compte pour déterminer notre droit à retourner vivre en présence
de Dieu.
2. Les
vaines généalogies
Un
autre antagonisme apparent se trouve dans des passages scripturaires
considérant les généalogies comme vaines. Paul enseigne à
Timothée de ne pas « s’attacher
à des généalogies sans fins, qui produisent des discussions plutôt
qu’elles n’avancent l’œuvre de Dieu dans la foi » (1 Thimothée 1:4).
Le même conseil est donné à Tite : « Mais
évite les discussions folles, les généalogies, les querelles, les
disputes relatives à la loi car elles sont inutiles et vaines » (Tite 3:9).
Or
là encore, l’antagonisme n’est pas réel. En effet, à l’époque
du Christ, les juifs considéraient qu’ils étaient les seuls à
pouvoir accéder au salut, en tant que peuple élu (voir Bruce R.
McConkie, Doctrinal New Testament Commentary, volume 3, 1972, p. 127).
L’appartenance au peuple élu se prouvait par la généalogie, que
les juifs conservaient donc très précieusement. L’ascendance
était examinée d’encore plus près quand un homme revendiquait le
droit d’exercer le sacerdoce en tant que descendant d’Aaron. S’il
ne pouvait pas prouver son lignage, il en était exclu (voir Néhémie
7:64).
Hérode était iduméen, il était jaloux de l’origine noble des
juifs. Il fit détruire les registres publics, y compris les tables
généalogiques. Dès lors, les juifs ne purent se référer à leurs
origines que par la mémoire, tentant de reconstituer des généalogies
sans fin et incertaines. (voir Joseph Fielding Smith, Answers to Gospel
Questions, volume 1, p. 214-215)
Cette
querelle juive est bien une preuve de l’importance du lignage dans
l’obtention de la prêtrise. Cependant, nous le verrons bientôt,
cet acharnement à vouloir reconstituer des généalogies avait bien
moins d’intérêt à l’époque de Paul. Celui-ci enseigne à
Timothée et à Tite de ne pas perdre de temps avec les vaines
généalogies car les droits d'être membre de l'Église et de
détenir la prêtrise venaient d’être étendus aux païens par une
nouvelle façon d’intégrer le lignage d’Abraham :
l’adoption.
II. L’APPLICATION
DU CRITÈRE PAR
LE CHRIST
Lorsque
le Christ envoya ses apôtres prêcher l’Évangile, il leur donna
expressément cette recommandation : « N’allez
pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des
Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison
d’Israël. » (Matthieu 10:5-6)
Lui-même
avait reçu cette même recommandation. Il affirme : « Je
n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison
d’Israël » (Matthieu 15:24).
Les évangiles confirment que le Seigneur exerça son ministère
parmi le peuple d’Israël. Ainsi, ce peuple eut droit à deux
faveurs divines : la primauté de la connaissance de l’Évangile et
la présence du Seigneur lui-même par son ministère terrestre.
Deux
faveurs divines dont les juifs ne surent pas profiter puisqu’ils ne
reconnurent pas leur Sauveur, si bien que Paul et Barnabas dirent aux
juifs après l’ouverture du baptême aux Gentils : « C’est
à vous premièrement que la parole de Dieu devait être annoncée
mais puisque vous l’avez repoussée, et que vous vous jugez
vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons
vers les païens. » (Actes 13:46)
III. L’APPLICATION
DU CRITÈRE À
NOTRE ÉPOQUE
Entre
le ministère terrestre du Christ et les épîtres de Paul, Pierre
reçut une révélation l’informant que la maison d’Israël
n’avait plus l’exclusivité pour recevoir l’Évangile et que
les païens pouvaient être baptisés (voir Actes 10).
Par ce revirement, se pose légitimement la question du lignage. Le
critère du lignage qui était si important précédemment avait-il
disparu ?
Bien
au contraire, la réponse de Paul confirme l’actualité du critère
du lignage. L’Évangile est le privilège du lignage d’Abraham.
Et si les païens y accèdent, c’est parce que le baptême les fait
entrer dans la postérité d’Abraham par adoption : « Vous
tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ
[…] Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité
d'Abraham, héritiers selon la promesse. » (Galates 3:27-29)
Cette
promesse fut faite aussi à Abraham : « Car
tous ceux qui recevront cet Évangile seront appelés de ton nom,
seront considérés comme ta postérité et se lèveront et te
béniront, toi, leur père. » (Abraham 2:10)
Joseph
Fielding Smith (1876-1972) précise que ce rattachement à Abraham
par adoption se fait plus précisément par le lignage de Jacob :
« Tous
ceux qui adoptent l'Évangile deviennent membres de la maison
d'Israël. En d'autres termes, ils deviennent membres du lignage élu
ou les enfants d'Abraham par Isaac et Jacob, à qui les promesses
furent faites ».
Il ajoute un peu plus tard : « Ceux
qui ne sont pas descendants littéraux d’Abraham et d’Israël
doivent le devenir, et quand ils sont baptisés et confirmés ils
sont greffés sur l’arbre et peuvent prétendre à tous les droits
et à tous les avantages en tant qu’héritiers. » (Joseph Fielding Smith, Doctrine du
Salut, volume 3, p. 220-221)
John
A. Widtsoe (1872-1952) va encore plus loin, affirmant qu’un
descendant de sang perdra son lignage s’il refuse l’Évangile : «
Tous
ceux qui acceptent le plan de Dieu pour ses enfants sur terre et qui
le suivent sont les enfants d'Abraham. Ceux qui rejettent l'Évangile,
qu'ils soient descendants d'Abraham ou pas, sont déchus des
promesses faites à Abraham et ne sont pas ses enfants. » (John A. Widtsoe,
Evidences
and Reconciliations,
p. 400)
À
notre époque, l’indication par un patriarche, dans une bénédiction
patriarcale, du rattachement du bénéficiaire à Jacob par une des
douze tribus garde donc tout son sens.
La
révélation moderne confirme également que la prêtrise est
aujourd’hui détenue en vertu du lignage. Nous lisons dans les
Doctrine et Alliances : « Questions
par Elias Higbee : Que veut dire le commandement donné dans
Ésaïe, chapitre 52, verset 1, qui dit : Revêts-toi de ta
force, Sion ; et à quel peuple Ésaïe faisait-il allusion ?
Il faisait allusion à ceux que Dieu appellerait dans les derniers
jours, qui détiendraient le pouvoir de la prêtrise pour ramener
Sion, et la rédemption d’Israël ; et se revêtir de
l’autorité de la prêtrise, à laquelle, elle, Sion, a droit par
lignage, et aussi retourner à ce pouvoir qu’elle avait perdu. » (Doctrine et Alliances 113:7-8)
Ainsi
aujourd’hui, tout détenteur de la prêtrise ne détient cette
prêtrise qu’en tant que descendant d’Abraham, soit par le sang,
soit par adoption.
IV. LE
LIGNAGE FAVORISÉ D’ABRAHAM
Les
Écritures foisonnent de bénédictions de lignage. Nous trouvons
ainsi, plus ou moins développées, chacune des bénédictions des
douze fils de Jacob (voir Genèse 49), reprises par Moïse plusieurs centaines d’années plus tard pour
rappeler à chaque lignage les bénédictions le concernant (voir Deutéronome 33).
Nous trouvons également les bénédictions faites sur les
descendances d’Ismaël et d’Isaac (voir Genèse 17:20-21),
d’Éphraïm et de Manassé (voir Genèse 48:15-20) ou encore de Laman et de Lémuel (voir 2 Néphi 4:3-10).
Le lignage de Pharaon fut spécifiquement béni en sagesse (voir Abraham 1:26),
ce qui explique sans doute la longévité inégalée de la
civilisation égyptienne pendant trois millénaires.
Mais
de tous les lignages, aucun n’égale en promesses celui d’Abraham,
contreparties de l’engagement du peuple à n’avoir qu’un seul
et unique Dieu et à l’adorer selon ses commandements. Le tout a
été développé et commenté sous le terme d’Alliance
abrahamique. Les promesses sont au nombre de quatre : promesse
d’être le peuple de l’alliance (1), promesse d’une terre (2),
promesse d’une postérité (3) et promesse de bénéficier de la
prêtrise (4). Des promesses qui, au sein même du peuple de
l’alliance, sont faites parfois pour cette vie, parfois seulement
pour la suivante.
1. Être
le peuple de l’alliance
Alors que son père Terach s’était détourné des voies de Dieu, Abram rechercha les bénédictions de ses ancêtres. Il savait qu’il faisait partie d’un lignage qui avait droit à la connaissance de l’Évangile et à la détention de la prêtrise. Il trouva grâce aux yeux du Seigneur qui établit son alliance avec lui et sa postérité en ces termes : « J'établirai mon alliance entre moi et toi, et tes descendants après toi, selon leurs générations : ce sera une alliance perpétuelle, en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de ta postérité après toi. » (Genèse 17:7). En signe d’alliance, le Seigneur changea les noms d’Abram en Abraham et de Saraï en Sarah (voir Genèse 17:5, 15) et demanda la circoncision de tout mâle à l’âge de 8 jours (voir Genèse 17:11-14).
L’alliance
ainsi créée avec le lignage d’Abraham n’est pas pour Dieu un
simple contrat dont chaque partie peut se désengager à tout moment.
Certes, Dieu n’est lié que tant que le peuple marche devant sa
face et est intègre (voir Genèse 17:1),
mais outre les engagements réciproques, cette alliance est faite
d’amour, de compassion, de pardon et de patience, comme le montrent
les passages scripturaux suivants : « Voici,
je t’ai gravée sur mes mains » (Ésaïe 49:16),
« Une
femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle allaite ? N’a-t-elle
pas pitié du fruit de ses entrailles ? Quand elle l’oublierait,
Moi je ne t’oublierai point » (Ésaïe 49:15),
« Combien
de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble
ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! »
(Matthieu 23:37) et au-delà de l’apostasie prédite : « Je
me souviendrai de mon alliance avec Jacob, je me souviendrai de mon
alliance avec Isaac et de mon alliance avec Abraham, et je me
souviendrai du pays. Le pays sera abandonné par eux, et il jouira de
ses sabbats pendant qu'il restera dévasté loin d'eux ; et ils
paieront la dette de leurs iniquités, parce qu'ils ont méprisé mes
ordonnances et que leur âme a eu mes lois en horreur. Mais,
lorsqu'ils seront dans le pays de leurs ennemis, je ne les rejetterai
pourtant point, et je ne les aurai point en horreur jusqu'à les
exterminer, jusqu'à rompre mon alliance avec eux ; car je suis
l'Éternel, leur Dieu. Je me souviendrai en leur faveur de l'ancienne
alliance, par laquelle je les ai fait sortir du pays d'Égypte, aux
yeux des nations, pour être leur Dieu. » (Lévitique 26:42-45)
Cependant,
des générations entières du peuple élu sont nées pendant
l’apostasie et n’ont pu bénéficier des bénédictions promises.
Seule la vie suivante peut leur permettre de les obtenir.
2. Une
terre
La
seconde promesse faite à Abraham et à sa postérité est une terre
en héritage. Le Livre de la Genèse rapporte les paroles du Seigneur
à Abraham : « Je
te donnerai, et à tes descendants après toi, le pays que tu habites
comme étranger, tout le pays de Canaan, en possession
perpétuelle » (Genèse 17:8).
Le Livre d’Abraham rapporte cette même promesse en des termes
proches : « Lève-toi
[…] car j’ai résolu de te faire sortir de Charan et de faire de
toi un ministre qui portera mon nom dans un pays étranger que je
donnerai en possession éternelle à ta postérité après toi,
lorsqu’elle écoutera ma voix. » (Abraham 2:6)
Pourtant,
Abraham lui-même ne bénéficia pas de cette bénédiction. Il ne
posséda pas personnellement la terre de Canaan. Non seulement lui,
mais au cours des 3900 ans approximatifs passés depuis que la
promesse a été faîte, bon nombre de ses descendants ne purent la
posséder. Beaucoup de générations nées pendant la diaspora ne
purent bénéficier de cette bénédiction.
3. Une
postérité
La
troisième promesse faite à Abraham touchant aussi sa descendance
est une postérité sans fin. Le Seigneur s’adressa en ces termes à
Abraham : « Je
te multiplierai à l’infini […] Tu deviendras le père d’une
multitude de nations. » (Genèse 17:2, 4)
Si
Abraham a obtenu cette postérité sans fin, il n’en n’est pas de
même pour certains de ces descendants. Certains sont morts trop
jeunes ou n’ont pas pu se marier ou étaient stériles et des
postérités se sont éteintes.
4. La
prêtrise
La
quatrième promesse faite à Abraham est la détention de la
prêtrise. Promesse, nous dit le Livre d’Abraham, qu’Abraham
recherchait non pas du fait d’une révélation personnelle dans
laquelle Dieu la lui aurait promise, mais qu’il revendiquait du
fait de son lignage : « Je
recherchai les bénédictions des pères et le droit auquel je devais
être ordonné pour administrer celles-ci […] Je devins héritier
légitime, Grand Prêtre, détenant le droit qui appartenait aux
Pères […] Je recherchai ma désignation à la prêtrise, selon le
décret lancé par Dieu aux pères concernant la postérité. » (Abraham 1:2, 5)
Après
avoir abordé sa propre situation, ce n’est pas sans raison qu’il
évoque celle de Pharaon, son rival. Ce dernier aussi revendique le
droit à la prêtrise par lignage, un lignage qu’Abraham mentionne
interdit de prêtrise : « Or,
Pharaon, étant de ce lignage qui ne lui donnait pas droit à la
Prêtrise, bien que les pharaons s’en réclamassent volontiers de
Noé par Cham » (Abraham 1:27).
L’Écriture ne dit pas que c’était un lignage qui n’avait pas
la prêtrise mais que c’était un lignage qui n’avait pas droit à
la prêtrise. À ce stade de l’étude, nous n’évoquons pas
encore les raisons de l'interdiction de détenir la prêtrise faite
au lignage de Pharaon, mais les Écritures sont affirmatives :
la prêtrise pour Abraham, comme son interdiction pour Pharaon, sont
toutes les deux justifiées par leur lignage respectif.
Ceci étant, au sein même de la descendance d’Abraham, tous ne purent détenir la prêtrise ou même bénéficier de ses bénédictions.
Certains
pourraient croire à une injustice de Dieu dans le fait d’avoir
favorisé la postérité d’Abraham en général et le peuple
d’Israël en particulier. Nous pouvons déjà nuancer ces faveurs
par leur application terrestre mesurée. Plus encore : Si sur
terre la justice de Dieu ne réside pas dans une stricte égalité
entre les hommes ou les lignages, elle nous offre la possibilité
d’accéder aux mêmes bénédictions dans la vie à venir. Cela ne
dépend que de notre obéissance, ici-bas, aux lois que nous savons
en conscience être justes.
Grâce à l’œuvre du temple en faveur des personnes décédées, toutes les bénédictions sont accessibles à ceux qui seront trouvés dignes. Lorsque nous accomplissons des ordonnances en faveur de défunts, lorsque ceux-ci reçoivent le baptême par procuration, ils deviennent membres de la postérité d’Abraham et reçoivent les quatre promesses faites à Abraham : l'appartenance au peuple de l’alliance, une terre, une postérité et la prêtrise.
Au
sein du peuple d’Israël, les détenteurs de la prêtrise ont
toujours constitué un groupe à part, soumis à des règles plus
strictes touchant les domaines de la vie quotidienne. Le mariage
n’échappe pas à cette singularité.
Le
mariage au sein du lignage est une loi de la prêtrise (I). Son
non-respect empêche de transmettre la prêtrise à la descendance
issue du mariage illicite (II).
I. LE
MARIAGE DANS L'ALLIANCE
La
découverte des manuscrits de la mer Morte a permis de mettre à jour
l’un des plus anciens documents juifs retrouvés à ce jour, le
Document araméen de Lévi datant du IIIème
siècle avant Jésus-Christ ainsi que le Livre de Tobit datant du
IIème
siècle avant Jésus-Christ. Ces documents évoquent précisément
notre sujet (1) et éclairent sous un jour nouveau des passages de la
Bible (2). Des érudits évoquent aujourd’hui l'impureté
généalogique suscitée par les mariages hors lignage (3).
1. Le Document araméen de Lévi, aussi appelé Testament de Lévi, retrouvé parmi les manuscrits de la mer Morte de Qumrân (1Q21 ; 4Q213-214b) et le Livre de Tobit retrouvé parmi les manuscrits de la mer Morte de Qumrân (4Q200)
Le
Document araméen de Lévi traite de l’ordination à la
prêtrise de Lévi par son père Jacob suivie d’une visite de la
famille au grand-père Isaac. Ce dernier enseigne alors à son
petit-fils les lois relatives à la prêtrise.
Le Document araméen de Lévi évoque la rencontre en ces termes : « Et Isaac notre Père nous vîmes, il nous bénit et se réjouit. Et quand il apprit que j’étais prêtre du Très-Haut, le Seigneur des cieux, il commença à m’instruire et à m’enseigner les lois de la prêtrise. Et il me dit : 'Lévi, mon fils, méfie-toi de toute impureté et de tout péché, ton jugement est supérieur à celui de toute chair. Et maintenant mon fils, je vais t’enseigner la vraie loi et je ne te cacherai rien, pour t’enseigner la loi de la prêtrise. Avant tout, méfie-toi mon fils de toute fornication, de toute impureté et de toute prostitution. Et marie-toi à une femme de ma famille et ne souille pas ta descendance avec des prostituées car tu es une race sainte, et sanctifie ta postérité comme un endroit saint car tu as été ordonné saint prêtre pour toute la postérité d’Abraham. Tu es proche de Dieu et de tous ses saints. Maintenant, sois pur dans ta chair de toute impureté de l’homme.' » (Document araméen de Lévi 5:7-8 ; 6:1-6)
Le Livre de Tobit rapporte les propos similaires de Tobit à son fils Tobias : « Mon fils, garde-toi de toute union illégale. Et tout d’abord, prends femme dans la descendance de tes pères. Ne prends pas une étrangère, qui n’est pas de la tribu de tes pères ; car nous sommes les fils des prophètes : de Noé, qui fut le premier prophète, d’Abraham, Isaac et Jacob, nos pères des origines. Souviens-toi, mon fils : ils ont tous pris femme dans le clan de leurs frères ; ils ont été bénis dans leurs fils, et leur descendance aura un héritage. » (Tobit 4:12)
Une
première remarque à ce stade : la règle n’est pas seulement
d’éviter l’idolâtrie des femmes étrangères mais bien de
choisir une femme parmi son clan, parmi sa famille.
Cette
règle fait écho à plusieurs passages de l’Ancien Testament.
2. Passages
de la Bible
Abraham appliqua la règle à son fils Isaac, héritier de l’alliance (voir Genèse 17:19-21), en commandant à son serviteur de rechercher pour son fils une femme de sa patrie : « Abraham dit à son serviteur […] : Mets, je te prie, ta main sous ma cuisse, et je ferai jurer par l’Eternel le Dieu du ciel et le Dieu de la terre, de ne pas prendre pour mon fils une femme parmi les filles des Cananéens au milieu desquels j’habite, mais d’aller dans mon pays et dans ma patrie prendre une femme pour mon fils Isaac. » (Genèse 24:2-4)
À son tour Isaac donna le même commandement à son fils Jacob : « Isaac appela Jacob, le bénit, et lui donna cet ordre : Tu ne prendras pas une femme parmi les filles de Canaan. Lève-toi, va à Paddan Aram, à la maison de Bethuel, père de ta mère, et prends-y une femme d’entre les filles de Laban, frère de ta mère. » (Genèse 28:1-2)
Les réactions de Rebecca sont très vives lorsque son fils Esaü décide de se marier avec des filles de Heth : « Je suis dégoûtée de la vie à cause des filles de Heth. Si Jacob prend une femme, comme celles-ci, parmi les filles de Heth, parmi les filles du pays, à quoi me sert la vie ? » (Genèse 27:46)
La
référence à « la
famille »
écarte de facto tout mariage avec les lignages lointains. Sans avoir
besoin de définir ce qui est ou n’est pas de la famille, si Cham
s’est marié avec une descendante de Caïn, il a sans conteste
violé cette loi de la prêtrise puisque le lignage de Caïn est de
tous le plus lointain. Il fallait à Cham remonter jusqu’au premier
homme Adam pour trouver l’ancêtre qu’il avait en commun avec son
épouse.
3. Propos
d’érudits
Christine
Hayes a fait un apport majeur dans son livre Gentile
Impurities and Jewish Identities : Intermarriage and Conversion
from the Bible to the Talmud (Oxford University
Press, 1ère édition, 14 novembre 2002)
en reconnaissant, aux côtés des impuretés rituelles et des
impuretés morales, les « impuretés généalogiques »
dues aux mariages hors lignage. Basée sur la notion de « race
sainte »
chère à Esdras (voir Esdras 9:1),
l’impureté généalogique est constituée dès lors que le lignage
des prêtres se mélange avec des étrangères.
L’interdiction
ne se limite d’ailleurs pas aux étrangères. La « race
sainte »
ne peut pas se mélanger au sein même de « la
famille »
avec des « prostituées » (Lévitique 21:7).
Comme l’affirme John Kampen, la définition de prostituée
différait à l’époque de celle d’aujourd’hui ; elle
englobait toutes les pratiques sexuelles non permises,
y compris les mariages interdits (Kampen, 4QMMT and the New Testament Studies, dans 4QMMT : New
Perspectives on Qumran Law and History, éd. J. Kampen et M. J.
Bernstein, SBL Symposium Series 2, Atlanta, Scholars Press, 1996).
Selon Flavius Josèphe : « Nos ancêtres… prenaient des précautions pour s’assurer que le lignage des prêtres soit gardé non adultère et pur. » (Flavius Josèphe, Contre Apion I:7)
La
vérification du droit à officier se faisait sur présentation des
livres généalogiques et sur des témoignages (op. cit.).
En cas de doute, le candidat était évincé (voir Néhémie 7:64).
Afin
d’éviter les ascendances douteuses au sein même de la famille,
Rachi (1040-1105) enseigna dans le Guérama Yévamot (84b) :
« Un
cohen, tant qu’il peut se marier avec une fille de Cohen, il ne
doit pas épouser une Israël. Ce qui signifie qu’un Cohen qui a la
possibilité d’épouser une fille de Cohen qui lui correspond se
doit de l’épouser et ne doit pas prendre pour épouse une femme
Israël. »
L’apport
de Christine Hayes à notre étude ne s’arrête pas là puisqu’elle
ajoute qu’à la différence des autres impuretés, l’impureté
généalogique, due au mariage hors lignage, a pour conséquence
d’empêcher la transmission de la prêtrise à la descendance (II).
II. L’IMPOSSIBLE
TRANSMISSION À
LA DESCENDANCE
Christine
Hayes distingue trois sortes d’impuretés : les impuretés
rituelles, les impuretés morales et les impuretés généalogiques
(dues aux mariages hors lignage).
Les
impuretés rituelles sont les impuretés personnelles inévitables
liées à la vie quotidienne : la naissance, la mort, les
menstruations, la maladie… Ces impuretés engendrent pour la
personne une diminution de la communion avec le divin. Il est
possible d’y remédier au travers de rituels de purification.
Les
impuretés morales sont des impuretés personnelles fautives dues à
des actes immoraux comme la dépravation sexuelle ou l’idolâtrie.
Il est possible d’en être purifié par le châtiment et le
repentir.
Les
impuretés généalogiques sont un héritage. Elles consistent en la
présence, au sein de l’ascendance, d’ancêtres interdits par la
loi divine, venant souiller la pureté du lignage. Ces impuretés ne
disparaissent pas par des rituels ni par le repentir. Elles écartent
son porteur du sacerdoce. Aussi, la seule façon de ne pas alimenter
ces impuretés est de ne pas contracter de mariage interdit. Et
lorsque de tels mariages sont déjà contractés, il s'agit de
renvoyer les épouses et les enfants qu'elles ont donné.
Cette
règle trouve un parfait exemple au temps d’Esdras et Néhémie.
Lorsqu’en 538 avant Jésus-Christ, l’édit de Cyrus permit aux
Israélites de rentrer en Judée, une petite partie d’entre eux
décida de revenir en Palestine. 114 dont 17 prêtres, 6 lévites et
4 fonctionnaires du temple se marièrent avec les filles des peuples
du pays, mélange notamment de Cananéens, d’Édomites,
d’Égyptiens, de Moabites et d’Ammonites. Les trois premiers sont
descendants de Cham, les deux derniers ont refusé leur aide aux
Israélites. Esdras fit promettre sous serment de renvoyer les femmes
ainsi que les enfants nés d’elles et en constata l’accomplissement
partiel (voir Esdras 10).
Néhémie après lui eut plus de succès. Un prêtre dans cette
situation ne pouvait pas transmettre la prêtrise à sa postérité.
Ainsi, un mariage peut suffire à justifier la perte de la prêtrise pour la postérité, cela quand bien même l’épouse et les enfants auraient adhéré aux croyances de leur mari ou père. Pour les Israélites, un tel mariage n’était d’ailleurs pas reconnu. Il était réputé nul et non avenu. Les coupables n’avaient pas besoin de divorcer, le divorce ne pouvant faire suite qu’à un mariage reconnu valide.
La
raison de l’interdiction faite au lignage chamitique de détenir la
prêtrise est connue depuis le rétablissement de cette interdiction.
Nous en avons trace dès 1849 (Journal History of the Church,
13 février 1849, Church History Library) :
Cham s’est marié en dehors de sa famille en épousant une
descendante de Caïn (1), un lignage qui avait rapidement perdu le
droit de détenir la prêtrise (2).
I. LE
MARIAGE DE CHAM AVEC
UNE DESCENDANTE DE CAÏN
Une
descendante de Caïn était-elle dans l’arche de Noé ? Après
l’assassinat d’Abel, Caïn est parti avec plusieurs enfants et
petits-enfants d’Adam pour une autre région, plus à l’est. Le
Livre de Moïse précise que la postérité de Caïn n’avait pas de
place parmi le reste de la postérité d’Adam (voir Moïse 7:22).
Cependant, le temps passant, le peuple d’Adam est également tombé
dans la méchanceté et a vraisemblablement fini par instaurer des
échanges avec la postérité de Caïn. Une descendante de ce dernier
devint-elle épouse d’un des passagers de l’arche ? L’idée
d’une survivance du lignage Caïnite après le Déluge est très
ancienne (1), il s’agirait de Naama (2) épouse de Cham (3). Nous
analyserons l’apport du Livre d’Abraham sur cette question (4).
1. La
survivance du lignage de Caïn après
le Déluge
L’idée
d’une survivance du lignage de Caïn après le Déluge est très
ancienne. Le rabbin Abba Bar Kahana l’affirmait déjà au IVème
siècle après Jésus-Christ, selon Rachi, qui le nota dans un
commentaire du Genese
Rabbah (au chapitre 23).
2. Naama,
l’épouse
Le
Livre de la Genèse énumère une partie de la descendance de Caïn.
Naama, fille de Lamech et sœur de Tubal-Caïn termine cette lignée.
Or, sous le passage du Genese Rabbah « Et
la sœur de Tubal-Cain était Naama »,
Rachi note : « R.
Abba b. Kahana dit : Naama était l’épouse de Noé ».
La
Bible n’en dit pas autant. Elle indique juste que : « La
sœur de Tubal-Caïn était Naama » (Genèse 4:22).
Notons toutefois qu’il n’est pas dans les habitudes des textes
bibliques de citer le nom des enfants de sexe féminin sauf si elles
ont un rôle dans la suite des événements. Partant de ce constat et
eu égard à l’indication de son nom à cet instant de l’histoire,
on ne voit pas l’intérêt de la citer à moins qu’elle ne soit
effectivement la femme d’une des personnes entrées dans l’arche.
À
la différence des dires d’Abba Bar Kahana tels que rapportés par
Rachi, le Livre du juste, ou Livre de Jasher, fait également état
d’une Naama, épouse de Noé mais fille d’Énoch du lignage de
Seth : « Noé
vint et prit une femme, et il choisit Naama, fille d’Enoch »
(Jasher 5:15), soit un mariage dans la famille. Or, ce livre, cité à deux
reprises dans la Bible (Josué 10:13 et 2 Samuel 1:18),
est censé avoir des origines plus anciennes datant du IXème
ou VIIIème
siècle avant Jésus-Christ. Le Livre de Tobit déjà cité indique
aussi que Noé s’est marié dans
la famille (voir Tobit 4:12).
Si la Naama de Noé était du lignage de Seth, alors avec qui s’est
mariée la Naama du lignage de Caïn mentionnée dans les
Écritures ? Ça ne peut être qu’avec un des fils de Noé qu’il
reste à identifier.
3. Cham,
l’époux
Richard Cumberland (1631-1718) suggéra le premier que la Naama du lignage de Caïn était la femme de Cham en se basant sur les travaux de Plutarque (46-125). Ce grec vivait dans la Rome antique et affirmait, après avoir comparé les dieux grecs aux personnages bibliques, que Cronos était Cham. Richard Cumberland adhéra à la comparaison et fit remarquer que le prénom de la femme de Cronos, parfois appelée Nemanus selon Plutarque, était la forme grecque correspondant à Naama en hébreux, que par conséquent, c’est bien Cham qui devait être marié à la Naama du lignage Caïnite (Cumberland, Sanchoniathon’s History, p. 107).
Les
mythologies sont supposées puiser leurs origines dans des faits
réels. Elles se basent sur les souvenirs de la vie d’ancêtres,
grandement déformés avec le temps. Plutarque n’est pas le seul à
avoir tenté des comparaisons. Beaucoup d’autres personnes l’ont
également fait et d’autres ressemblances vont dans le même sens.
Ainsi, il est avancé qu’Erakles est Nimrod, ce qui confirmerait
dans l’ascendance Cham comme étant Cronos : Erakles (Nimrod),
fils de Zeus (Cush), fils de Cronos (Cham), fils d’Ouranos, le dieu
primitif (Noé).
Si
l’on s’en tient aux références les plus anciennes, il y aurait
donc eu une survivance du lignage de Caïn par une femme qui n’est
pas celle de Noé. L’étude de la mythologie fait pencher pour la
femme de Cham.
4. Les
apports du Livre d’Abraham
Il existe un passage scripturaire qui traite du lignage de Pharaon en précisant qu’il est interdit de prêtrise. L'étude de ce passage est particulièrement instructive car il est très précis : « Or, ce roi d'Égypte était un descendant des reins de Cham, et, de par sa naissance, était du même sang que les Cananéens. C'est de cette lignée que provenaient tous les Égyptiens, et c'est ainsi que le sang des Cananéens fut conservé dans le pays. Le pays d’Égypte fut découvert en premier lieu par une femme, qui était fille de Cham et fille d'Égyptus, ce qui, en chaldéen, signifie Égypte, ou ce qui est interdit. Lorsque cette femme découvrit le pays, il était inondé ; elle y établit ensuite ses fils ; et c'est ainsi que, de Cham, provint cette race qui conserva la malédiction dans le pays. Or, le premier gouvernement de l'Égypte fut établi par Pharaon, fils aîné d'Égyptus, la fille de Cham, et il le fut à la manière du gouvernement de Cham, qui était patriarcal. Pharaon, homme juste, établit son royaume et jugea son peuple sagement et justement pendant toute sa vie, s'appliquant à imiter cet ordre établi par les pères au cours des premières générations, du temps du premier règne patriarcal, le règne d'Adam, et aussi celui de Noé, son père, qui le bénit des bénédictions de la terre et des bénédictions de la sagesse, mais le maudit relativement à la Prêtrise. Or, Pharaon, étant de ce lignage qui ne lui donnait pas droit à la prêtrise, bien que les pharaons s'en réclamassent volontiers de Noé par Cham… » (Abraham 1:21-27)
La
ligne directrice de cette citation est mise en valeur par un
syllogisme :
1/ Pharaon est descendant de Cham
2/ Cham a été maudit relativement à la prêtrise par son père Noé
3/
Pharaon est du lignage interdit de détenir la prêtrise
Abraham
utilise une figure rhétorique pour souligner que l’interdiction
est arrivée par Cham et qu’elle touche le lignage de ce dernier.
Hugh
Nibley (1910-2005) avance que si Pharaon n’avait pas droit à la
prêtrise, c’est parce que son lignage était matriarcal et non du
fait de Cham (Hugh Nibley, Abraham in Egypt, 1981, chapitre 8). Le sacrifice de
Sarah.
Que la prêtrise ait été obtenue de façon matriarcale rejoindrait
l’interprétation d’un récit dans les papyrus de Turin et
développée plus tard dans l’étude. Le lignage serait alors non
détenteur de la prêtrise mais pas interdit de prêtrise. Or,
Abraham ne dit pas que Pharaon était d’un lignage qui n’avait
pas la prêtrise, il précise qu’il était d’un lignage qui
ne lui donnait pas droit à la prêtrise.
Si
on s’en tient au syllogisme, l’interdiction provient d’un acte
commis par Cham. Abraham mentionne-t-il lequel ? Abraham évoque
la femme de Cham en ces termes : « Égyptus,
ce qui, en chaldéen, signifie Égypte, ou ce qui est interdit ».
Ce passage n’a aucun sens à cet endroit du texte s’il n’a rien
à voir avec l’idée qu’il développe. Il est très fréquent
dans les Écritures de trouver des noms de personnes donnés à la
naissance ou en surnom pour mettre en valeur un événement, un trait
de caractère ou une caractéristique particulière. Ainsi, Jacob
voit son nom changé en Israël qui veut dire celui
qui a lutté avec Dieu.
Nimrod signifie celui
qui se rebella.
Égyptus, nous dit Abraham, signifie ce
qui est interdit. Pourquoi
le dire ici ? Si on considère la mention comme anodine, sans
intérêt, elle n’a pas sa place ici. Mais si elle donne la raison
de l’interdiction de la prêtrise pour Pharaon, elle est exactement
au paragraphe idoine. Or nous l’avons vu dans le chapitre
précédent, la cause de la perte de la prêtrise pour toute une
descendance est précisément un mariage interdit.
C’est
donc le mariage de Cham qui a rendu son lignage interdit de prêtrise,
comme l'explique Abraham en quelques versets.
II. LA
PERTE DE LA PRÊTRISE PAR
LE LIGNAGE DE CAÏN
Brigham
Young explique la perte de la prêtrise par le lignage caïnite en
raison de l’assassinat d’Abel (1). Ce n’est certainement que le
haut de l’iceberg. La descendance a supplanté son ancêtre en
méchanceté (2).
1. L’assassinat
d’Abel
L’assassinat
d’Abel par Caïn est rapporté à la fois dans le Livre de la
Genèse (voir Genèse 4:1-16)
et dans le Livre de Moïse (voir Moïse 16:42).
L’histoire est connue : Adam a de nombreux fils parmi lesquels
Caïn et Abel. Abel devient berger et respecte promptement les
commandements. Caïn devient laboureur et prend des libertés dans
l'observance des commandements. Le Seigneur enseigne à Adam à
offrir en sacrifice les premiers-nés de ses troupeaux en similitude
du sacrifice à venir du Fils unique du Père. Caïn, bien
qu'instruit par son père, décide d’offrir les fruits de la terre
qu’il a récoltés. En conséquence de sa désobéissance, Dieu
pose un regard défavorable sur son offrande et le met en garde. Au
lieu de se repentir, Caïn s’irrite. Jaloux de son frère,
convoitant ses troupeaux, il prémédite son geste. Il fait alliance
avec Satan pensant pouvoir tuer son frère sans être découvert.
Mais Dieu le sait. Après l’assassinat, la terre est maudite pour
Caïn, condamné à l’errance. Il part avec son épouse, fille d’un
de ses frères, et plusieurs enfants et petits-enfants d’Adam pour
une région plus à l’est.
Le péché de Caïn est d’autant plus grave qu’il avait reçu de grandes faveurs divines. Joseph Fielding Smith a commenté : « Le grand péché de Caïn n’a pas été commis dans l’ignorance. Nous avons toutes les raisons de croire qu’il a eu le droit d’être en présence de messagers célestes. En fait, les Écritures suggèrent qu’il a eu la bénédiction de communiquer avec le Père et d’être instruit par des messagers envoyés par le Père. Il ne fait aucun doute qu’il détenait la prêtrise ; autrement, son péché n’aurait pas fait de lui « Perdition ». Il a péché contre la lumière. Et ceci, il l’a fait, selon ce qui nous est dit, parce qu’il a aimé Satan plus que Dieu. » (Joseph Fielding Smith, Le chemin de la perfection, 1931, p. 97-98)
En
plus de la gravité du geste, l’Écriture rapporte le mensonge de
Caïn quand Dieu lui demande où est son frère. Croyant, comme Satan
le lui avait promis, que son péché ne serait pas connu, Caïn
répond qu’il ne sait pas et ajoute : « Suis-je
le gardien de mon frère ? » (Genèse 4:9 ; Moïse 5:34).
En tant que détenteur de la prêtrise, Caïn était en effet devenu
le gardien de son frère. Le prophète Ézéchiel reçut la
réprimande suivante pour les détenteurs de la prêtrise de son
époque : « La
parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots : Fils de
l’homme, prophétise contre les pasteurs d’Israël ! […]
Vous avez mangé la graisse, vous vous êtes vêtus avec la laine,
vous avez tué ce qui était gras, vous n’avez point fait paître
les brebis. Vous n’avez pas fortifié celle qui était faible,
guéri celle qui était malade, pansé celle qui était blessée ;
vous n’avez pas ramené celle qui s’égarait, cherché celle qui
était perdue » (Ézéchiel 34:1-10).
En agissant comme il l’a fait, Caïn s’est montré indigne de la
prêtrise qu’il détenait.
2. Comportement
de la descendance de Caïn
La
descendance de Caïn plonge plus profondément encore dans la
méchanceté. Le Livre de Moïse rapporte que Lémec tua Irad non pas
comme Caïn par colère et pour obtenir du gain mais à cause d’un
serment (voir Moïse 5:50).
La méchanceté n’est plus l’affaire d’une personne isolée,
elle s’organise en groupe : «
à partir du temps de Caïn, il y eut une combinaison secrète, et
leurs œuvres étaient dans les ténèbres […] Et leurs œuvres
étaient des abominations […] C’est ainsi que les œuvres des
ténèbres commencèrent à régner parmi tous les fils des hommes » (Moïse 5:51-52, 55)
jusqu’à corrompre aussi la descendance d’Adam à l’exception
de la famille de Noé qui garde la prêtrise.
Selon le Livre de Moïse, Cham marchait aussi avec Dieu (voir Moïse 8:27). Ce n’est pas sans raison que Pharaon se réclamait de la prêtrise de Noé par Cham. C’est parce que Cham devait très certainement l’avoir obtenue avant son mariage.
Nous
ne serions pas les premiers à ressentir une injustice face à une
inégalité de bénédictions. Nous nous entendrions dire :
Pourquoi ne suis-je pas béni ? Qu’ai-je fait ?
Face à l’absence de bénédictions, selon notre compréhension de la situation, nous adoptons des comportements différents. Nous pouvons :
Soit comprendre et accepter que cela puisse constituer un environnement de mise à l’épreuve,
Soit ne pas comprendre mais accepter quand même en faisant preuve de foi, en espérant qu’un jour nous comprendrons mieux,
Soit
ne pas comprendre, remettre en cause et nous rebeller.
La
descendance immédiate de Cham a décidé de remettre en cause
l’interdiction et de se rebeller. Nous allons étudier leurs actes
qui sont aussi des preuves supplémentaires qu’il y a bien eu une
interdiction (I). Par la suite, la rébellion ouverte des premiers
descendants devint plus diffuse avec la création de nombreux dieux
et cultes différents. La descendance n’est plus en rébellion,
elle est égarée par les traditions des pères. Nous tenterons un
tour d’horizon des personnes touchées par l’interdiction (II).
I. LA
RÉACTION DE
LA DESCENDANCE IMMÉDIATE DE
CHAM
Les Écritures enseignent que Cham était un homme juste : « Et c'est ainsi que Noé trouva grâce aux yeux du Seigneur, car Noé était un homme juste et intègre, dans son temps ; et il marchait avec Dieu, de même que ses trois fils, Sem, Cham et Japhet » (Moïse 8:27). Il ne fait pas de doute qu’il détenait la prêtrise et que sa postérité la revendiquait de lui : « Pharaon, étant de ce lignage qui ne lui donnait pas droit à la prêtrise, bien que les pharaons s'en réclamassent volontiers de Noé par Cham… » (Abraham 1:27)
La
descendance de Cham refusa de reconnaître l’interdiction découlant
d’un simple mariage et revendiqua la prêtrise de Cham. Elle remit
en cause les décisions des détenteurs de la prêtrise (1), utilisa
des subterfuges pour tenter d’obtenir la prêtrise (2) et créa une
autorité parallèle (3).
1. Remise
en cause des décisions de la prêtrise
Le Livre de la Genèse rapporte que l’année de la naissance de Péleg, vers 2247 avant Jésus-Christ, la terre fut partagée : « Il naquit à Héber deux fils : le nom de l'un était Péleg, parce que de son temps la terre fut partagée […] » (Genèse 10:25)
Le Livre des Jubilés développe la façon dont le partage a été effectué. Il précise que c’est Noé qui procéda au partage entre ses trois fils. La part de Cham « allait au-delà du Gihon vers le Sud […], s’étend vers l’ouest jusqu’à atteindre la mer de Mauk […], vers le nord aux limites de Gadir […] ». Cham divisa ensuite ce lot entre ses fils : « et la première portion vint pour Cush vers l’est et à l’ouest de lui pour Mizraïm, et à l’ouest de lui pour Put, et à l’ouest de lui sur la mer pour Canaan. » (Livre des Jubilés, 8:33 ; 9:33)
Le Livre des Jubilés mentionne un serment passé à la fois par les fils et petits-fils de Noé le jour du partage, engageant chacun à rester dans le territoire qui lui a été attribué : « Et voici, les fils de Noé firent la séparation entre leurs fils en présence de leur père Noé qui les lia par un serment engageant une malédiction sur chacun qui chercherait à saisir toute part qui n’était pas dans son lot. Et ils dirent tous : Qu’il en soit ainsi, qu’il en soit ainsi ! Pour eux-mêmes et leurs fils à toujours, à travers leurs descendants […] » (Livre des Jubilés, 9:33)
Malgré son serment, Canaan désobéit : « Et Canaan vit que le pays du Liban jusqu’à la rivière de l’Égypte était très bon et n’alla pas dans le pays de son héritage […]. Et Cham, son père, et Cush et Mizraïm, ses frères, lui dirent : Tu accapares un pays qui n’est pas le tien, qui ne t’est pas échu. Ne fais pas cela, car si tu fais cela, toi et tes fils tomberont dans le pays et seront maudits par révolte, car tu accapares par révolte et par révolte tes enfants tomberont et seront déracinés à jamais. N’habite pas dans le pays de Sem, car cela revient à Sem et à ses fils dans leur lot. Maudit sois-tu et maudit seras-tu devant tous les fils de Noé selon la malédiction par laquelle nous nous sommes engagés par un serment en présence du juge sacré et en présence de Noé notre père. Mais il ne les écouta pas et habita lui et ses fils dans la terre du Liban, de Hamath jusqu’à l’entrée de l’Égypte, jusqu’à ce jour. Et pour cette raison, ce pays est appelé Canaan. » (Livre des Jubilés, 9:34)
Canaan
entraîna sur lui la malédiction promise par son grand-père. Un
passage du Livre de la Genèse nous apprend que Cham vola les habits
de la prêtrise. Étrangement, à son réveil, Noé maudit Canaan et
non Cham. Il y a vraisemblablement ici deux actes de rébellion
différents. Canaan est étranger au vol des habits. Son acte de
rébellion a été de violer son serment en entrant en possession de
terres qui n’étaient pas dans son lot. En conséquence de quoi,
Canaan est maudit et sa descendance ne pourra pas vivre en paix dans
le pays illégalement occupé. Sa postérité reçoit la prédiction
qu’elle y sera à jamais déracinée, qu’elle sera sujette aux
révoltes, aux guerres et à l’esclavage si elle persiste dans sa
rébellion. En réalité, cette histoire n’a aucun lien avec
l'utilisation détournée qui en a été faite pour justifier
l’esclavage massif pratiqué ces derniers siècles.
2. Les
subterfuges pour obtenir la reconnaissance d’une détention de la
prêtrise
Le Livre de Jasher rapporte que Cham vola à Noé des habits : « Et les vêtements de peau qu’Élohim fit pour Adam et sa femme, lorsqu’ils sortirent du jardin, furent donnés à Koush. Car après la mort d’Adam et sa femme, les vêtements furent donnés à Énoch, le fils de Jared, et lorsque Énoch fut enlevé auprès d’Élohim, il les donna à Metoushèlah, son fils. Et à la mort de Metoushèlah, Noé les prit et les amena dans l’arche, et ils furent avec lui jusqu’à ce qu’il sorte de l’arche. Et à leur sortie [de l’arche], Cham déroba ces vêtements à Noé son père, et il les prit et les cacha à ses frères. Et lorsque Cham engendra son premier-né Koush, il les lui donna en secret, et ils furent avec Koush un certain temps. Et Koush les cacha aussi à ses fils et à ses frères, et lorsque Koush engendra Nimrod, il lui donna ces vêtements à cause de son amour pour lui, et Nimrod grandit, et lorsqu’il eut vingt ans, il mit ces vêtements. Et Nimrod devenait fort lorsqu’il mettait les vêtements […] » (Jasher 7:24-30)
Dans
l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, ceux qui
ont participé à la cérémonie de la dotation du temple portent un
vêtement de la prêtrise, qui représente l’habit de peau que le
Seigneur fit pour Adam et Ève après la chute.
Est-ce
ce que le Livre de Jasher fait allusion au même épisode que la
Genèse (9:20-23) selon laquelle, un soir, Noé fut trouvé nu sous
sa tente (voir Genèse 9:20-23) ?
De nombreuses hypothèses ont été avancées sur ce qui s’était
réellement passé sous la tente de Noé pendant qu’il était ivre.
Cham a-t-il juste vu la nudité de son père ? Lui a-t-il volé ses
vêtements ? Le rabbin Éléazer enseigne que le mot hébreu erwath
employé dans le passage scripturaire ne renvoie pas à la nudité de
Noé. Dans son sens originel, il veut dire couverture de peau. Ainsi,
Cham ne vit pas la nudité de son père mais l’habit de peau de son
père et le lui vola (voir Hugh Nibley, Léhi in the desert, 1950,
chapitre 1).
L’habit ne fut pas volé pour sa beauté mais pour ce qu’il représente : la prêtrise, l’autorité, le pouvoir. Selon le Talmud, Nimrod, petit-fils de Cham, put prétendre avoir le pouvoir de gouverner sur toute la terre parce qu’il possédait ce vêtement et le port du vêtement serait aussi la raison de son grand succès à la chasse (op. cit. ; Nibley cite Nimrod, JE 9, p. 309-311 – Jeremias, Das Alte Testament im Lichte des Alten Orients, p. 159-160).
La
descendance de Cush n’a pas été la seule à revendiquer la
prêtrise par subterfuge, c'est aussi le cas de la descendance de
Mizraïm. Rappelons que les pharaons la revendiquaient :
« Pharaon,
étant de ce lignage qui ne lui donnait pas droit à la prêtrise,
bien que les pharaons s'en réclamassent volontiers de Noé par
Cham… »
Pourquoi par Cham ? Comment ont-ils pu l’obtenir de lui alors
qu’il ne pouvait pas la transmettre ? Quand ont-ils cru
l’avoir obtenue ?
Des
personnages de la mythologie égyptienne peuvent aussi être comparés
à nos ancêtres noachites. Noé et son épouse seraient Shou et
Tefnout, premier couple sexuellement différencié de la mythologie
égyptienne. Cham et Naama ou Egyptus (mère) seraient le dieu Ré et
la déesse Nout. Enfin, Mizraïm et Egyptus (fille) seraient Isis et
Osiris, frère et sœur dans la mythologie comme dans la réalité.
Si l’on s’en tient à sa représentation en Osiris, Mizraïm a dû
mourir relativement tôt. Egyptus a voulu asseoir ses fils sur le
trône : « Lorsque
cette femme découvrit le pays, il était inondé ; elle y établit
ensuite ses fils ». Elle
voulait qu’ils détiennent la prêtrise afin de légitimer leur
position.
Un des papyrus de Turin, traduit en 1883 par l’égyptologue Eugène Lefébure (1838-1908), relate l’histoire ici condensée : Alors que Ré vivait encore sur terre, parmi les humains, il commença à devenir sénile. Isis, qui convoitait son pouvoir, mit sur son chemin un serpent venimeux qui le mordit. Elle attendit ensuite qu’il soit faible et fiévreux pour lui demander de lui donner son nom secret. Ré commença par lui mentir mais quand la douleur devint insupportable, il finit par le lui donner pour être guéri (E. Lefebure, Un chapitre de la chronique solaire).
Pour
les Égyptiens, le nom secret d’une personne représente le pouvoir
qu’elle détient. Toujours selon la mythologie, Isis s’en servit
pour redonner la vie à Osiris et lui permettre de devenir le Dieu de
l’au-delà et pour guérir son fils Horus de nombreuses blessures
causées par son frère et rival Seth.
Il
est possible que Naama (fille) ait profité du fait que son père
Cham soit devenu sénile pour lui demander de lui conférer sa
prêtrise ou bien de la conférer à son fils alors même que Cham ne
pouvait pas la conférer.
3. La
création d’une autorité parallèle
Revendiquant
une prêtrise qu’ils ne possédaient pas, les descendants immédiats
de Cham en créèrent une autre. Au début, elle apparaissait
similaire à la vraie puis elle dévia mais en en conservant des
ressemblances frappantes, quoi qu’en disent certains.
Pour
le comprendre, il suffit de lire ce qu’a écrit Albert Mackey
(1807-1881) dans L’Encyclopédie
de la franc-maçonnerie,
à
la rubrique Franc-maçonnerie corrompue. Pour le lecteur, il convient
de remplacer « franc-maçonnerie » par « prêtrise »
afin de découvrir nombre d’éléments de l’histoire de la
prêtrise et la naissance de l’autorité parallèle :
« Par
ce terme [Franc-maçonnerie corrompue], et pour la théorie qui lui
est associée, nous sommes redevables au Docteur Oliver, dont les
spéculations l’ont amené à la conclusion que dans les premiers
âges du monde, il y avait deux systèmes de franc-maçonnerie, l’un
conservé par les patriarches et leurs descendants, qu’il a appelé
la franc-maçonnerie originelle ou pure.
« L’autre,
qui était un schisme de ce système, qu’il désigna comme
franc-maçonnerie corrompue de l’Antiquité. Pour comprendre le
système d’Oliver, et pour comprendre sa doctrine de la
franc-maçonnerie corrompue provenant de l'originelle, nous devons
nous souvenir qu’il y avait deux lignages d’hommes descendants
d’Adam, dont l’histoire est aussi différente que leurs
personnages étaient dissemblables. Il y avait le vertueux lignage de
Seth et ses descendants et celui de Caïn, le malicieux. Seth et sa
descendance, jusqu’à Noé, conservèrent les dogmes et
instructions, les histoires et les symboles reçus de leur ancêtre
commun, Adam ; mais Caïn et ses descendants dont les vices ont
été longuement axés sur la destruction de la terre, les ont
totalement oubliés ou grandement corrompus.
« Leur
franc-maçonnerie n’était pas la même que celle des Sethites. Ils
déformèrent la vérité, et modifièrent leurs repères pour
répondre à leurs propres finalités profanes. À la fin, les deux
lignages se sont mélangés. Les descendants de Seth, devenant
corrompus par leurs fréquentes communications avec ceux de Caïn,
ont adopté leurs mœurs et bientôt perdirent les principes de la
franc-maçonnerie originelle qui, à la fin, fut limitée à Noé et
ses trois fils qui, seuls, à la destruction du monde méchant, ont
été jugés dignes de recevoir miséricorde.
« Noé
préserva le système, et fut le moyen de le communiquer au monde
postdiluvien. Ainsi, immédiatement après le déluge, la
franc-maçonnerie originelle fut le seul système existant. Mais cet
état heureux des choses ne devait pas durer. Cham, fils de Noé, qui
avait été maudit par son père pour sa méchanceté, s’était
depuis longtemps familiarisé avec le système corrompu de Caïn et
avec des déviances graduelles de la vérité, lesquelles, par des
mauvaises influences ou exemples, se sont glissées dans le système
de Seth. Après le déluge, il propagea les pires des
caractéristiques des deux systèmes parmi les descendants immédiats.
« Deux
ensembles, pour ainsi dire, qui se développent maintenant dans le
monde – Un qui perpétue les grandes vérités de la religion, et
par conséquent de la franc-maçonnerie, qui a été transmise depuis
Adam, Énoch et Noé – et l’autre qui dévia de plus en plus de
la source originelle, pure. Lors de la dispersion à la tour de
Babel, le schisme devint encore plus grand et irréconciliable. Les
histoires de la Franc-maçonnerie originelle furent altérées, et
ses symboles changés en une fausse adoration ; les mystères
furent dirigés vers l’adoration de faux dieux et la pratique de
rites idolâtres, et à la place de la franc-maçonnerie pure ou
originelle, laquelle continua d’être entretenue parmi les
patriarches descendants de Noé, ont été créés les mystères du
paganisme auxquels le Docteur Oliver a donné le nom de
franc-maçonnerie corrompue.
« Ce
n’est pas au Docteur Oliver, ni à aucun autre écrivain moderne,
que nous sommes redevables de l’idée d’un schisme maçonnique à
cet âge précoce du monde. La doctrine selon laquelle la
franc-maçonnerie a été perdue, c'est-à-dire, perdue dans sa
pureté, pour une grande partie de l’humanité, à la tour de
Babel, est encore conservée dans le rituel de base franc-maçon (les
trois premiers degrés).
« Et
dans le degré Noachite, un degré attaché au rite écossais, il est
fait pleinement référence à ce fait comme étant le fondement de
ce même degré ; deux lignages de francs-maçons sont ici
distinctement nommés, les Noachites et les Hiramites ; les
premiers étant ceux qui ont préservé la franc-maçonnerie
originelle comme descendants de Noé ; les autres étant les
descendants d’Hiram, qui était lui-même du lignage tombé dans la
franc-maçonnerie corrompue, mais réunie à la vraie lors de la
construction du temple du roi Salomon, comme nous le verrons
ci-après. Mais les créateurs du degré ne semblent pas avoir eu de
notions très précises concernant la dernière partie de l’histoire.
Les mystères qui constituent ce qui a été appelé la
franc-maçonnerie corrompue étaient plus ou moins identiques en
contenu.
« Variant
en peu de choses sans importance, attribuables à l’influence de
causes locales, leurs grandes similitudes sur tant de points montrent
que leurs divergences viennent d’une origine commune. En premier
lieu, elles communiquent à travers un système d’initiation, par
lequel l’aspirant est progressivement préparé à recevoir les
doctrines finales ; les rites sont réalisés à la nuit tombée,
dans des cavernes ou au milieu des profondeurs de bosquets et
forêts ; et les secrets sont uniquement communiqués aux
initiés après l’administration d’une obligation.
« Ainsi,
Firmicus, un auteur latin sous le règne de Constantin, vers 346
après Jésus-Christ, qui écrivit à propos de faux sujets de culte,
dans De errobituts profanarum religionom (livre VII) nous dit :
Lorsqu’Orphée expliquait les cérémonies de ses mystères aux
candidats, il exigeait d’eux, à l’entrée même, un serment,
sous sanction solennelle de la religion, qu’ils ne répéteront
pas les rites aux oreilles profanes. Ainsi, comme le dit Warburton
d’Horus Apollo, le hiéroglyphe égyptien utilisé était la
sauterelle parce que l’insecte était supposé ne pas avoir de
bouche.
« Les
cérémonies avaient toutes un contenu funèbre, faites de
représentations de descriptions lugubres, elles célébraient la
mort et l’enterrement d’un être mythique qui était le sujet de
leur amour et de leur adoration. Mais ces rites commençant dans les
lamentations, et la mort, finissaient toujours dans la joie. Le sujet
de leur peine revenait à la vie et à l’immortalité, et la
dernière partie du cérémonial était un descriptif de sa
résurrection. Par conséquent, les grandes doctrines des mystères
étaient l’immortalité de l’âme et l’existence d’un Dieu.
« Telle est la théorie du sujet qui fut appelé la franc-maçonnerie corrompue, comme enseignée par le Docteur Oliver et les disciples de son école. La franc-maçonnerie originelle étant, quant à elle, composée des connaissances et instructions symboliques traditionnelles qui furent transmises à partir d’Adam, par Énoch, Noé et le reste des patriarches jusqu’au temps de Salomon. La franc-maçonnerie corrompue consistant en des doctrines et initiations pratiquées en premier par les descendants de Caïn antédiluviens et, après la dispersion de Babel, par les prêtres païens et philosophes dans leurs mystères. » (Albert Mackey, L’encyclopédie de la franc-maçonnerie, 1873, 1878)
Il n’est pas étonnant que pour certains auteurs, la franc-maçonnerie actuelle trouve son origine dans la descendance immédiate de Cham. L’Égypte des Pharaons est truffée de références maçonniques, à tel point que le docteur Isindag a écrit : « La franc-maçonnerie est une organisation sociale et rituelle dont les origines remontent à l’Égypte antique. » (Dr Selami Isindag, Sezerman Kardes VII, Masonlukta Yorumlama Vardir Ama Putlastirma Yoktur, Masonluktan Esinlenmeler, Istanbul, 1977, p.120)
Les récits des historiens francs-maçons vont dans le même sens et montrent que le lignage de Caïn puis celui de Cham perdirent le droit de détenir la prêtrise originelle et qu’en réaction ils créèrent une prêtrise parallèle. Établie sur le modèle de la vraie, elle n’avait pas de réelle autorité et fut complètement corrompue par la suite, au gré des finalités locales.
Le
schisme des franc-maçonneries est mentionné, nous dit Albert
Mackey, autant dans le rituel initiatique de base que dans le degré
Noachite qui lui est consacré. Un schisme certain, selon les
historiens francs-maçons, eu égard aux similitudes entre ces deux
franc-maçonneries : des cérémonies représentant la mort puis
la résurrection de l’être adoré, reconnaissant l’immortalité
de l’âme et l’existence d’un Dieu. Des systèmes qui étaient
faits d’initiation, d’enseignements et de prise d’engagements
après avoir fait serment de confidentialité.
Les
auteurs francs-maçons traitent d’une réunion des deux
franc-maçonneries à l’époque de la construction du temple de
Salomon. Ils reconnaissent qu’Hiram était descendant du lignage
détenant la franc-maçonnerie corrompue mais affirment qu’il reçut
de Salomon la véritable franc-maçonnerie pour lui et son lignage
dans des circonstances floues.
Les
similitudes entre les franc-maçonneries pure et corrompue rappellent
à la fois l’ordonnance du baptême, symbole de l’ensevelissement
du Christ et de sa résurrection, et la dotation avec son système
initiatique fait d’enseignements et d’alliances. Des auteurs
mettent en évidence les différences entre la prêtrise et la
franc-maçonnerie et minimisent les ressemblances par peur de voir
certains considérer que Joseph Smith a copié la franc-maçonnerie (Matthew B. Brown, Exploring the
connection between mormons and masons,
Covenant Communications, Inc., 2009).
L’existence de ressemblances est normale quand on sait que c’est
la franc-maçonnerie qui a copié la prêtrise originelle.
D’ailleurs, il est tout aussi normal de retrouver des ressemblances
dans les rites de l’Église chrétienne orthodoxe qui a aussi des
restes des ordonnances de la prêtrise originelle (op. cit., ch. 3 : The origins of Masonic Practice – Masonic
lodgdes imitate Christian Churches)
enseignées par le Christ après sa résurrection (S. Kent Brown et C. Wilfred Griggs, The
40-day Ministry, Ensign, août 1975).
Orthodoxes, francs-maçons ou saints des derniers jours, aucun d’eux n’a copié
l’autre mais tous ont pour référence la prêtrise originelle,
altérée pour les deux premiers, rétablie pour les derniers.
Joseph
Smith lui-même a fait preuve d’une grande clairvoyance sur ce
sujet. Peu après avoir été initié à la franc-maçonnerie et être
devenu maître maçon en seulement deux jours, les 15 et 16 mars
1842, il déclara selon une lettre d’Heber C. Kimball datée
du 17 juin 1842 que : « la
franc-maçonnerie provient de la prêtrise, mais est aujourd’hui
corrompue, bien qu’il reste encore des éléments sous leur forme
parfaite. » (Lettre datée du 27 juin 1842, Archives de l’Église)
À
l’inverse de ce qu’affirme la franc-maçonnerie, il n’y a
jamais eu de réunification de la prêtrise au temps de Salomon.
Hiram était du lignage interdit de prêtrise, Salomon pour sa part
ne l’a jamais détenue. Les deux principaux maître-maçons ne
pouvaient ni avoir la prêtrise originelle, ni la transmettre.
Encore
aujourd’hui, des socles de la prêtrise corrompue se retrouvent
dans la franc-maçonnerie actuelle. On peut en citer deux qui ne
laissent aucun doute sur l’intention des créateurs :
Tubal-Caïn,
mis en avant dans l’initiation franc-maçonnique. Il était du
lignage caïnite et détenait la prêtrise corrompue.
Plus
encore, le serment d’entrée dans la franc-maçonnerie porte le nom
de serment
de Nimrod (Freemasonry today, printemps 2006).
Nimrod est le symbole même de la révolte contre Dieu. Les Écritures
le disent vaillant chasseur devant l’Éternel, à prendre dans son
sens péjoratif. En effet, le mot hébreu liphné, qui se traduit littéralement par à
la face de, peut signifier contre ou en opposition.
Le Talmud babylonien (Erouvin 53a) va dans le même sens :
« Pourquoi, en ce cas, fut-il appelé Nimrod ? Parce qu’il
incita le monde entier à se rebeller (himrid) contre Sa
souveraineté [celle de Dieu] ». Il est celui qui se rebella ouvertement contre Dieu, celui qui
construisit la tour de Babel pour le défier,
celui qui récupéra et porta les habits de la prêtrise volés à
Noé par Cham. Il est l’exemple opposé des patriarches Adam, Noé,
Sem ou encore Abraham. C’est un descendant de Cham et c’est l’un
des fondateurs de cette prêtrise corrompue après le déluge.
À propos de la construction de la tour de Babel par défi de Nimrod, Flavius Josèphe, dans Antiquités judaïques, I, 114-115 (IV, 2, 3), écrit : « [Nimrod] peu à peu transforme l’état de choses en une tyrannie. Il estimait que le seul moyen de détacher les hommes de la crainte de Dieu, c’était qu’ils s’en remissent toujours à sa [Nimrod] propre puissance. Il promet de les défendre contre une seconde punition de Dieu qui veut inonder la terre : il construira une tour assez haute pour que les eaux ne puissent s’élever jusqu’à elle et il vengera même la mort de leurs pères. Le peuple était tout disposé à suivre les avis de [Nimrod], considérant l’obéissance à Dieu comme une servitude ; ils se mirent à édifier la tour [...] ; elle s’éleva plus vite qu’on eût supposé ». Il faut aussi noter l’analyse d’Hugh Nibley à ce sujet dans son étude Le monde des Jarédites, 1951-52, chapitre 1.
II. LA
DESCENDANCE DE CHAM
Si
Nimrod se rebella ouvertement contre Dieu comme ses contemporains,
les générations suivantes ne le firent plus autant. Avec le temps,
la descendance n’est plus en rébellion ouverte, elle est égarée
par les traditions des pères. Nous tenterons un tour d’horizon
des personnes appartenant au lignage de Cham.
Pour
appliquer l’interdiction, l’Église de Jésus-Christ des saints
des derniers jours s’est bien sûr basée sur la partie la plus
visible du lignage chamitique, les Noirs africains, mais elle l’a
aussi appliqué à toutes les autres personnes dont la bénédiction
patriarcale révélait l’appartenance à ce lignage. Par exemple,
le patriarche et Autorité générale de l’Église, Eldred Gee
Smith (1907-2013) raconta : « J’ai
eu une jeune femme qui était blonde sans aucun signe ou indication
visible d’un lignage noir du tout, mais qui maintenant était
privée de temple… Nous rencontrons cette situation par milliers
aujourd’hui et il y en a de plus en plus. » (Patriarchal Blessings,
Institute of Religion, January 17, 1964, page 8).
Essayons
de voir qui étaient les enfants de Cham (1) et quelles alliances par
mariage ils firent (2). Nous verrons aussi les faux-semblants qui ne
sont pas touchés par l’interdiction et les exceptions, des
personnes qui auraient dû être touchées mais ne l’ont pas été
(3).
1. Les
enfants de Cham
Les
enfants et petits-enfants de Cham semblent avoir respecté leurs
serments et leurs attributions géographiques lors du partage des
terres par Noé à l’exception de Canaan.
Lors
du partage des terres, Cham qui habitait Kish en Mésopotamie, dans
l’Irak actuel, à 15km de Babylone, partit vers le Sud et
s’installa en Égypte, pays que la Bible appelle « pays de
Cham » et qui se dit en égyptien Khem.
Pour
ses enfants, nous avons une idée de leur répartition géographique
grâce aux écrits de Flavius Josèphe dans les
Antiquités judaïques (Livre I, chapitre VI,
2) datant
du Ier
siècle après Jésus-Christ.
Mizraïm
suivit Cham. Il partit aussi vers le Sud en Égypte. Le mot hébreu
pour Égypte est Mizraïm. Flavius Joseph indique : « Les
Mestréens ont vu leur nom demeurer, car nous appelons tous dans ce
pays l’Égypte Mestré et les Égyptiens Mestréens […] Mestraïm
eut huit fils qui occupèrent tous les pays qui s’étendent
depuis Gaza jusqu’à l’Égypte ; Phylistin est le seul dont
le pays ait conservé le nom […] Quant aux autres, Loudiim,
Enémétiim et Labiim (qui seul s’établit en Libye et donna ainsi
son nom à la contrée), Nédem, Phéthrosim, Chesloïm et
Chephthorim, on ne sait rien d’eux, hormis leurs noms, car la
guerre éthiopienne […] a ruiné leurs villes. »
Selon
Flavius Josèphe, « Chous
a
vu son nom épargné par les siècles : les Éthiopiens, ses
sujets, s’appellent eux-mêmes encore aujourd’hui et sont appelés
par tout le monde en Asie Chouséens […] Chous eut six
[enfants] : Sabas donna naissance aux Sabéens ; Évilas
aux Éviléens, les Gétules d’aujourd’hui ; Sabath aux
Sabathéniens, que les Grecs appellent Astabariens ; Sabacathas
aux Sabacathéniens ; Regmos fonda les Regméens, il eut deux
fils : Joudad qui fonda les Joudadéens, peuple de l’Éthiopie
occidentale, auxquels il donna son nom ; Sabéos les Sabéens.
Nemrod, fils de Chous, resta parmi les Babyloniens, dont il fut le
tyran ».
Toujours
selon Flavius Josèphe : « Phout
fonda
la Lybie et nomma de son nom les habitants Phoutiens. Il y a même un
fleuve dans le pays des maures qui a ce nom ; plusieurs
historiens grecs en font mention, ainsi que du pays qu’il baigne,
la Phouté. Mais ce pays a changé de nom, celui qu’il a
aujourd’hui vient d’un des fils de Mestraïm, Libys ».
À
propos de Canaan enfin, Flavius Josèphe indique : « [Il]
s’établit dans le pays qui est aujourd’hui la Judée ; il
l’appela de son nom Chananée […] Il eut des fils : Sidon,
qui bâtit en Phénicie une ville à laquelle il donna son nom et que
les Grecs encore aujourd’hui nomment Sidon ; Amathous, qui
bâtit Amathous, que ses habitants appellent encore aujourd’hui
Amathe ; les Macédoniens l’appelèrent Épiphanie du nom d’un
des épigones. Aroudaios eut l’île d’Arados ; Arucéos
habitait Arcé dans le Liban. Des sept autres, Évéos, Chetlaios,
Jébouséos, Amorréos, Gergéséos, Sinéos et Samaréos dont nous
ne connaissons rien sinon leurs noms dans les livres saints :
les hébreux détruisirent leurs villes ».
Flavius
Joseph localise les descendants de Sem et de Japhet, les deux frères
de Cham, en Asie et en Europe ce qui place donc les Noirs africains
dans la descendance de Cham.
La
génétique apportera peut-être un jour des éclaircissements sur ce
sujet. Il est aujourd’hui beaucoup trop tôt pour comparer les
haplogroupes à l’histoire biblique. On s’en tiendra à deux
remarques. Premièrement, l’Église de jésus-Christ des saints des
derniers jours considérait que les Dravidiens d’Inde et les
Aborigènes d’Australie n’étaient pas sous l’interdiction du
fait de leur appartenance à un autre lignage. Les études génétiques
classent ses populations dans des haplogroupes masculins très
différents : les Noirs africains surtout dans l’haplogroupe
E, les Aborigènes d’Australie dans l’haplogroupe C et les
Dravidiens d’Inde dans l’haplogroupe H. Tous ne descendent donc
pas forcément de Cham. Deuxièmement, les Noirs africains ne sont
pas les seuls à faire partie de l’haplogroupe E. On y trouve aussi
des personnalités telles que Napoléon Bonaparte, William Harvey,
les frères Wright, Lyndon B. Johnson et Albert Einstein. Si
l’haplogroupe E était composé uniquement de descendants de Cham,
c’est autant de personnes et de lignées qui n’auraient pas droit
à la prêtrise. Le lignage de Cham est loin de se limiter aux Noirs
africains. Avec le brassage des populations, de nombreuses personnes
de tous pays doivent avoir dans leur ascendance du sang chamitique,
rendant plus ardu le maintien de l’interdiction.
2. Les
alliances
La
descendance directe n’était pas la seule touchée par
l’interdiction. Elle s’étendait à la descendance de ceux qui se
mariaient avec elle. Plusieurs grands personnages bibliques ont
contracté de tels mariages.
Abraham
eut Ismaël d’Agar, l’égyptienne. Ismaël et sa descendance ne
reçurent pas la prêtrise. L’alliance abrahamique se poursuit en
la postérité d’Isaac mais pas en celle d’Ismaël (voir Genèse 17:20-21).
Esaü
épousa deux femmes hittites du lignage de Canaan : Adan et
Oholibama, et une fille d’Ismaël, Basmath (voir Genèse 36:1-3).
L’alliance se poursuivit par la descendance de Jacob mais pas par
celle d’Ésaü.
3. Les
faux-semblants et les exceptions
Les
critiques de la théorie du lignage mettent en avant des personnes
qu’ils estiment descendantes de Cham et que l’on trouve dans
l’ascendance de détenteurs de la prêtrise. Figureraient parmi ces
exceptions : la femme de Juda (fille de Shua le cananéen), la
femme de Joseph (Assenah), la femme d’Éléazar (une fille de
Putiel) et la femme de Salmon, Rahab, mère de Boaz au sein même de
la lignée du Christ (Darius Gray, Blacks in the Bible, exposé fait à l’occasion d’une conference
diffusée sur http://www.fairmormon.org/).
Pour
chacun de ces cas, ces mêmes critiques concèdent l’existence
d’arguments contraires mais ne leur donnent aucun crédit :
Putiel serait un autre surnom de Jéthro ramenant le mariage
d’Éléazar dans la famille (http://www.jewishencyclopedia.com/
: Jethro),
Joseph fut emmené en Égypte sous le règne des Hyksos d’ascendance
sémite, voire hébraïque écartant Assenah du lignage de Cham (http://www.jewishhistory.org/hyksos-or-hebrews/ et
http://jwa.org/encyclopedia/article/asenath-midrash-and-aggadah/),
la Rahab de la lignée du Christ ne pourrait pas être la prostituée
de Jéricho de plusieurs décennies son aînée et dont le nom
devrait plutôt être traduit par Rakhab au lieu de Rahab (R. K. Phillips, The truth about Rahab),
et enfin Shua le cananéen, terme pouvant autant faire référence à
une personne du lignage de Canaan qu'à quelqu'un vivant au pays de
Canaan ou encore à un commerçant (http://jwa.org/encyclopedia/article/shuas-daughter-midrash-and-aggadah/).
Chacun se fera sa propre opinion.
Quoi qu’il en soit, si nous faisions face à un vrai cas de détenteur de la prêtrise issu d’un lignage qui n’avait pas le droit de la recevoir, nous pourrions alors avancer l’argument de la foi extrême. Ambroise de Milan (339-394) rappelle que Ruth, la Moabite, qui n’est pas du lignage de Cham, était toutefois une étrangère qui ne pouvait pas être épousée par un juif selon Deutéronome 7:3. Il souligne qu’elle figure pourtant dans le lignage du Christ car, comme le précise la Bible : « la loi n’est pas faite pour les justes mais pour les injustes » (1 Timothée 1:9). Ruth, par sa grande foi, aurait échappé aux limitations de la loi.
Saint Ambroise écrit : « Nous devons sans nul doute attribuer à un semblable motif que Ruth n'ait pas été omise, elle à qui semble avoir pensé l'Apôtre saint, quand il prévoyait en esprit que la vocation des peuples étrangers s'exercerait par l'Evangile : 'La Loi, dit-il, n'est pas faite pour les justes, mais pour les injustes' (1 Timothée 1:9). Comment en effet Ruth, qui était étrangère, a-t-elle épousé un Juif ? Et pour quelle raison l'évangéliste a- t-il cru devoir mentionner, dans la généalogie du Christ, cette union que la teneur de la Loi interdisait (Deut., VII, 3) ? Le Seigneur ne descendrait donc pas d'un enfantement légitime ? C'est, semble-t-il, un déshonneur : à moins d'en revenir à cette sentence de l'Apôtre, que 'la Loi n'est pas faite pour les justes, mais pour les injustes'. Car celle-ci était étrangère et Moabite, et surtout la loi de Moïse prohibait de telles unions et excluait les Moabites de l'Église — car il est écrit : 'Les Moabites n'auront pas entrée dans l'Église du Seigneur jusqu'à la troisième et à la quatrième génération, et à jamais' (Deut., XXIII, 3) — comment donc est-elle entrée dans l'Église, sinon parce qu'étant sainte et sans tache en sa conduite, elle a été mise au-dessus de la Loi ? Si en effet la Loi est faite pour les impies et les pécheurs, il est certain que Ruth, qui a échappé aux limitations de la Loi, qui est entrée dans l'Église et devenue Israélite, qui a mérité de compter parmi les ancêtres de la race du Seigneur, choisie à raison d'une affinité d'âme, non du corps, nous est un grand exemple : car en elle c'est notre entrée dans l'Église du Seigneur, à nous tous recueillis parmi les nations, qui a été préfigurée. » (Saint Ambroise, Traité sur l’évangile de Saint-Luc, III 23-28)
Que
dire enfin des descendants de Cham qui obtinrent la prêtrise sous la
présidence de Joseph Smith ? Notamment Elijah Abel, Joseph T.
Ball, Walker Lewis, Samuel Chambers et Edward Leggroan. Certes, pour
eux, un autre argument est envisageable : la révélation
n’avait pas encore été reçue par Brigham Young, donc
l’interdiction n’avait pas encore été rétablie. Les saints des
derniers jours croient à la révélation continue, ils ne croient
pas que tout a été rétabli par Joseph Smith et qu’aucune
révélation ne peut être reçue après lui. Le processus de
révélation est étroitement lié aux problématiques d’un moment
et aux prières des prophètes pour obtenir les recommandations de
Dieu sur ces sujets. Elijah Abel a été ordonné ancien le 3 mars
1836, avant que la question ne soit posée ou que la réponse n’ait
été reçue. Peut-être n’aurait-il pas été ordonné si la
question s’était posée juste après le Rétablissement.
Mais
peut-être l’aurait-il été pour sa grande foi, à l’instar de
celle de Ruth. Un point très important à souligner est qu’une
fois la prêtrise reçue, l’exception ne touche pas que son
détenteur, sa postérité en bénéficie également. Énoch, le fils
d’Elijah Abel, fut ordonné ancien le 27 novembre 1900 et Elijah,
son petit-fils fut ordonné le 29 septembre 1935 (Newell G. Bringhurst, The 'Missouri
Thesis' Revisisted: Early Mormonism, Slavery, and the Status of
Black People aux Newell G. Bringhurst
and Darron T. Smith, eds., 2006, Black and Mormon, Urbana:
University of Illinois Press, p. 13–33, 30). Tous les deux le furent donc à l’époque de l’interdiction. Même
dans l’exception, nous retrouvons le principe du lignage.
C’est peut-être cette grande foi, partagée non plus par quelques personnes mais par un grand nombre, qui aida à la levée de l’interdiction avant le moment annoncé par Brigham Young.
Tout
le monde aujourd’hui se focalise sur l’interdiction du droit à
la prêtrise qui toucha le lignage chamitique parce que c’est celle
qui dura le plus longtemps. Elle ne doit toutefois pas occulter les
interdictions de prêtrise et de baptême qui concernèrent la
plupart des lignages pendant des siècles. Noé eut trois fils.
Qu’est devenue la transmission de la prêtrise au sein des lignages
issus de Japhet ? Les descendances de Gomer, de Magog, de Madaï,
de Javan, de Tubal, de Méschec ou encore de Tiras ne détenaient
plus la prêtrise à l’époque du Christ et les détenteurs au sein
du peuple d’Israël ne pouvaient pas transmettre leur prêtrise
s’ils se mariaient avec ces descendances. Qu’est devenue la
transmission de la prêtrise au sein des lignages issus de Sem ?
Les descendances d’Élam, d’Assur, de Lud ou encore d’Aram ne
détenaient pas la prêtrise à l’époque du Christ et les
détenteurs au sein du peuple d’Israël ne pouvaient pas
transmettre leur prêtrise s’ils se mariaient avec ces
descendances. Sem, Cham et Japhet ont totalisé ensemble 16 fils. Un
seul d’entre eux, Arpacschad, avait encore des descendants
détenteurs de la prêtrise à l’époque du Christ et ils devaient
se marier au sein de leur famille s’ils voulaient pouvoir
transmettre leur prêtrise.
Nous
avons étudié les raisons pour lesquelles le lignage chamitique
avait perdu le droit de détenir la prêtrise ainsi que les réactions
de la descendance de Cham. Même si certains développements relèvent
de la supposition, on arrive plus ou moins bien à identifier ce qui
s’est passé dans ce lignage. Si la documentation adéquate
existait, il y aurait certainement beaucoup à écrire sur les autres
lignages descendants des fils de Noé, qui, à l’époque du Christ,
n’avaient pas plus le droit de détenir la prêtrise que le lignage
de Cham.
Nous
allons maintenant voir comment ces lignages eurent accès au baptême
et à la prêtrise.
À
deux reprises, les Écritures relatent un appel des douze apôtres à
partir en mission. Le premier appel a lieu pendant le ministère
terrestre du Sauveur, le second après sa résurrection. Pendant son
ministère terrestre, le Christ recommanda à ses apôtres :
« N’allez
pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des
Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison
d’Israël » (Matthieu 10:5-6).
Lui-même, nous l’avons déjà signalé, avait reçu cette même
recommandation de son Père (« Je
n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison
d’Israël », Matthieu 15:24).
Après sa résurrection, la directive change : « Allez,
faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Matthieu 28:19).
Nous
pourrions croire que l’interdiction touchant les lignages était
levée en même temps que la primauté de la maison d’Israël à
recevoir l’Évangile, les païens étant acceptés au baptême.
Toutefois, cette façon de voir les choses est erronée. Paul
enseigne que le baptême fait entrer la personne dans le lignage
d’Abraham par adoption et que c’est à ce titre qu’elle devient
héritière des promesses : « Vous
tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ
[…] Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité
d'Abraham, héritiers selon la promesse. » (Galates 3:27-29)
Le
baptisé n’hérite pas des promesses du fait de son lignage
d’origine mais du fait du lignage d’Abraham, Isaac et Jacob
auquel il accède par adoption, en étant rattaché à l’une des
douze tribus d’Israël. Grâce à cette adoption, il est censé
hériter de toutes les bénédictions d’Abraham déjà étudiées,
à savoir, une terre, une postérité, l’Évangile et le droit à
la prêtrise. Pourquoi alors les descendants de Cham ont-ils été
les seuls à se voir interdire l’accès à la prêtrise à cause de
leur lignage d’origine, en dépit de leur adoption ? Pourquoi
Dieu a-t-il décidé pour la postérité de Cham d’un
rétablissement par étapes des bénédictions promises à Abraham :
l’accès à l’Évangile à l’époque de Pierre, l’accès à
la prêtrise en 1978 ?
Brigham
Young apporta une justification. Il a enseigné que la postérité de
Cham recevrait aussi les bénédictions en temps venu, mais que ce
moment n’était pas encore arrivé parce que les premiers seront
les derniers : « Ils
[Les descendants de Caïn/Cham] ne pourront pas détenir la prêtrise
jusqu’à ce que tous les autres descendants d’Adam n’aient reçu
les promesses et ne bénéficient des bénédictions de la prêtrise
et des clés. Jusqu’à ce que les derniers des derniers des enfants
d’Adam soient portés à cet état favorable, les enfants de Caïn
ne peuvent recevoir les premières ordonnances de la prêtrise. Ils
furent les premiers à être maudits, ils seront les derniers à qui
la malédiction sera enlevée. Quand les derniers de la famille
d’Adam viendront et recevront leurs bénédictions, alors la
malédiction sera levée pour la postérité de Caïn, et ils
recevront les bénédictions dans les mêmes proportions.
» (Brigham Young, Journal of
Discourses, vol. 7, pages 290 -291 ;
Discours donné lors d’une conférence au Tabernacle le 9
octobre 1859)
Cette référence aux premiers qui seront les derniers et aux derniers qui seront les premiers a un fondement scripturaire, non pas spécifique à la prêtrise, mais général. Nous lisons dans les évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc : « Plusieurs des premiers seront derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers » (Matthieu 19:30 ; Marc 10:31). « Et voici, il y en a des derniers qui seront les premiers, et des premiers qui seront les derniers » (Luc 13:30). Ce n’est donc pas une notion étrangère aux Saintes Écritures.
Mais
comment expliquer cette notion de premiers qui seront les derniers ?
Par la suite Brigham Young interpréta sa révélation comme si elle
induisait une levée de l’interdiction n’intervenant qu’après
la résurrection, le temps que tous les autres descendants d’Adam
reçoivent les bénédictions de la prêtrise. Peut-être n’est-ce
que son interprétation personnelle de la révélation, peut-être
l’a-t-il reçue ainsi. Ce ne serait pas le premier cas
d’interdiction annihilée par une grande foi. Ainsi, Jésus guérit
la fille de la femme cananéenne après lui avoir rappelé qu’il
n’était venu que pour la maison d’Israël (voir Matthieu 15:21-28).
Il accorde aussi au centenier la guérison de son serviteur en
justifiant ainsi l’exception : « Je
vous le dis en vérité, même en Israël, je n’ai pas trouvé une
aussi grande foi. » (Matthieu 8:5-11)
Edward
L. Kimball, dans son étude Spencer
W. Kimball et la révélation sur la prêtrise,
détaille la foi abondante dont a fait preuve la descendance de Cham
en embrassant l’Évangile avec tant de ferveur en dépit de
l’interdiction de détenir la prêtrise. Il explique comment cette
démonstration de foi amena les prophètes à questionner le Seigneur
sur la fin de l’interdiction jusqu’à l’obtention de la
révélation par Spencer W. Kimball, au début du mois de juin 1978.
Dans la déclaration, nous lisons : « Conscients
des promesses faites par les prophètes et présidents de l’Église
qui nous ont précédés qu’à un moment donné du plan éternel de
Dieu tous nos frères qui sont dignes pourront recevoir la prêtrise,
et constatant la fidélité de ceux à qui la prêtrise a été
refusée, nous avons supplié longuement et avec ferveur en faveur de
ces frères fidèles qui sont les nôtres, passant de nombreuses
heures dans la salle haute du temple à implorer le Seigneur pour
être guidés par lui. Il a entendu nos prières et a confirmé par
révélation que le jour promis depuis si longtemps est venu où tous
les hommes fidèles et dignes de l’Église pourront recevoir la
Sainte Prêtrise
[…] » (Déclaration officielle n°2, dans la Perle de grand prix)
Une
dernière question demeure : pourquoi naître dans un lignage
plutôt qu’un autre ? Bien que dallin H. Oaks, du Collège des
Douze, déclare qu’ « il
n’est pas dans la volonté du seigneur de donner les raisons » (Daily Herald,
Provo, Utah, 5 juin 1988),
quelques Autorités de l’Église avaient tenté de justifier le
critère du lignage par la théorie
des moins vaillants.
L’explication était erronée mais la question reste légitime.
Tentons d’y répondre.
Détenir
la prêtrise n’est pas un droit. C’est une faveur divine soumise,
en tant que telle, à toutes les règles relatives aux bénédictions.
Nous
verrons (I) la définition d'une bénédiction, (II) les conditions
de son obtention, (III) le moment de l’obtenir et (IV) les raisons
pour lesquelles ce moment peut être tardif.
I. DÉFINITION
D’UNE BÉNÉDICTION
Le
Guide des Écritures définit la bénédiction comme le fait pour
Dieu de « conférer
une faveur divine à quelqu’un » (Guide des Écritures : Bénédiction, béni, bénir).
Il existe des bénédictions de toutes sortes :
Des faveurs spirituelles comme ressentir le Saint-Esprit, obtenir un témoignage, connaître l’Évangile, détenir la prêtrise, accéder aux ordonnances nécessaires à notre salut, voir Dieu, obtenir la vie éternelle.
Des faveurs physiques comme donner la vie, être fécond, avoir la santé.
Des faveurs intellectuelles comme apprendre facilement et retenir toutes sortes de connaissances.
Des faveurs psychiques comme avoir la sagesse, ressentir l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur et la tempérance.
Des faveurs matérielles comme détenir une terre, une habitation, prospérer.
Cette
simple énumération suffit à constater que personne n’a toutes
les faveurs divines. À propos de certaines d’entre elles, les dons
de l’esprit, Paul enseigne qu’ils sont distribués à chacun par
Dieu, selon sa volonté, pour l’utilité commune (voir 1 Corinthiens 12).
L’affirmation vaut pour toutes les bénédictions. Il n’y a
aucune automaticité, aucune égalité entre les êtres humains.
II. L’OBÉISSANCE, CONDITION
DE L'OBTENTION DES BÉNÉDICTIONS
En
l’absence de bénédiction, nous sommes enclins à rechercher la
faute qui nous empêche de l’obtenir. Ce travers repose sur une
mauvaise compréhension de la doctrine sur laquelle repose
l’obtention des bénédictions.
Dans
les Doctrine
et Alliances,
nous apprenons que toute bénédiction repose sur une loi
irrévocablement décrétée dans les cieux avant la fondation de ce
monde, et que lorsque nous obtenons une bénédiction quelconque de
Dieu, c'est par l'obéissance à la loi sur laquelle elle repose (voir Doctrine et Alliances 130:20-21).
L'Éternel dit à Moïse : « Vois,
je mets aujourd’hui devant vous la bénédiction et la
malédiction : la bénédiction, si vous obéissez aux
commandements de l’Éternel, votre Dieu, que je vous prescris en ce
jour ; la malédiction, si vous n’obéissez pas aux
commandements de l’Éternel, votre Dieu, et si vous vous détournez
de la voie que je vous prescris ce jour, pour aller auprès d’autres
dieux que vous ne connaissez point. » (Deutéronome 11:26-28)
La
doctrine est simple : l’obtention d’une bénédiction repose
sur l'obéissance. Nous pouvons même identifier pour certaines
bénédictions les commandements qui y sont attachés, comme la
Parole de sagesse pour avoir la santé (voir Doctrine et Alliances 89),
la lecture des Écritures et l’observance de leur contenu pour
réussir dans nos entreprises (voir Josué 1:8),
l'observance de la loi de la dîme pour l’ouverture des écluses
des cieux (voir Malachie 3:10-11).
Nous
en concluons trop rapidement que si nous n’obtenons pas une
bénédiction, c’est à cause d’une désobéissance.
Nous
oublions que Dieu décide du moment de la bénédiction. Pour le
juste, l’absence de bénédiction n’est que temporaire.
III. LE
MOMENT DE L’OBTENTION DE
LA BÉNÉDICTION
Notre
société a considérablement modifié la perception du temps. Alors
qu’une lettre envoyée de l’autre côté du monde mettait
auparavant des semaines ou des mois pour parvenir à son
destinataire, le courrier électronique franchit la distance en un
instant. Nous ne sommes pas meilleurs que l’homme qui achète des
graines et qui se plaint, le lendemain du semis, qu’elles n’ont
pas encore poussé. Nous aussi, nous attendons de Dieu une
rétribution immédiate de notre obéissance.
Il
suffit de regarder la vie des gens pour constater que tout arrive
selon le calendrier divin. Combien de personnes bonnes connaissent la
stérilité, la maladie ou n’ont pu vivre avec la connaissance de
l’Évangile ? Et inversement, combien de personnes mauvaises
prospèrent ?
Les
personnes fidèles trouveront dans les paroles des prophètes un peu
de consolation et de compréhension. Lorenzo Snow (1814-1901) a dit
aux personnes ne pouvant se marier ou avoir d’enfant : « Je
désire donner quelques explications pour réconforter et consoler
les personnes qui se trouvent dans cette situation. Il n’est pas de
saint des derniers jours qui meurt, après avoir mené une vie
fidèle, qui perdra quoi que ce soit parce qu’il n’a pas accompli
certaines choses du fait que l’occasion ne lui en a pas été
donnée. En d’autres termes, si un jeune homme ou une jeune fille
n’ont pas l’occasion de se marier et qu’ils mènent une vie de
fidélité jusqu’au moment de leur mort, ils auront toutes les
bénédictions, l’exaltation et la gloire auxquelles peut accéder
quiconque a cette occasion et en a profité. C’est une chose sûre
et certaine […] » (Millennial Star, 31 août 1899, p. 547-548)
De façon plus générale, le prophète Malachie rapporte les paroles du Seigneur ainsi : « Vos paroles sont rudes contre moi, dit l'Éternel. Et vous dites : Qu'avons-nous dit contre toi ? Vous avez dit : C'est en vain que l'on sert Dieu ; Qu'avons-nous gagné à observer ses préceptes, Et à marcher avec tristesse A cause de l'Éternel des armées? Maintenant nous estimons heureux les hautains; Oui, les méchants prospèrent ; Oui, ils tentent Dieu, et ils échappent ! Alors ceux qui craignent l'Éternel se parlèrent l'un à l'autre ; L'Éternel fut attentif, et il écouta; Et un livre de souvenir fut écrit devant lui Pour ceux qui craignent l'Éternel Et qui honorent son nom. Ils seront à moi, dit l'Éternel des armées, Ils m'appartiendront, au jour que je prépare; J'aurai compassion d'eux, Comme un homme a compassion de son fils qui le sert. Et vous verrez de nouveau la différence Entre le juste et le méchant, Entre celui qui sert Dieu Et celui qui ne le sert pas. » (Malachie 3:13-18)
Ainsi,
le juste peut avoir à attendre la vie à venir pour obtenir les
bénédictions qu’il mérite par son obéissance. Quelles
justifications à cela ?
IV. RAISONS
DE L’OBTENTION TARDIVE D’UNE
BÉNÉDICTION
Comment
expliquer qu’un juste ait à attendre la vie à venir pour recevoir
une bénédiction ?
La
thèse du comportement dans la préexistence ou « théorie des
plus ou des moins vaillants » a d’abord été avancée. Elle
apporte des réponses qui semblent logiques mais qui sont erronées
(1). Son application montre ses limites (2). L’attente de
bénédictions fait partie de notre mise à l’épreuve dans la
condition mortelle (3).
1. Présentation
de la théorie erronée du
comportement dans l'existence prémortelle
La
théorie du comportement dans l'existence prémortelle est erronée bien
qu’elle repose sur un raisonnement qui semble logique. Elle ne
correspond toutefois pas aux extrapolations fantaisistes qui courent
à son sujet.
L’extrapolation
la plus exagérée a été d’affirmer qu’il fut enseigné qu’une
partie des enfants de notre Père céleste venus sur terre auraient
été neutres au moment de la rébellion de Lucifer. C’est tout le
contraire. Si B. H. Roberts (1857-1933) l’a pensé en prenant le
soin de commencer sa réflexion par « je
crois » (« Je crois que cette race
est celle à laquelle furent consignés les esprits qui ne furent
pas vaillants dans la grande révolte des cieux […] », Contributor 6:297 ; cité par Joseph Fielding
Smith dans le Chemin de la perfection, 1931, chapitre 16, p. 98-99 de
l’édition française),
les positions officielles ont réfuté toute notion de neutralité.
Dans son livre Le
chemin de la perfection,
Joseph Fielding Smith cite immédiatement après la pensée de B. H.
Roberts la position officielle enseignée dès Brigham Young :
« Lorenzo
Snow a demandé si les esprits des Noirs étaient neutres dans les
cieux […] Le président Young indiqua qu'ils ne l’étaient pas
[…] » (Wilford
Woodruff's Journal,
à la date du 25 décembre 1869, cité aussi par Joseph Fielding
Smith dans le Chemin de la perfection, 1931, chapitre
16, p. 98-99 de l’édition française).
Dans une lettre adressée à Monsieur M. Knudson, la Première
Présidence de l’Église, à l'époque du président Joseph F.
Smith, répondit : « Il
n’y a pas eu d’esprits neutres dans les cieux au temps de la
rébellion » (Improvement Era,
avril 1924, The Negro and the
Priesthood).
Toute personne venant sur terre a fait preuve de vaillance.
Cependant,
selon cette théorie, il y aurait eu vaillance à des degrés
différents donnant droit sur terre à l’acquisition de plus ou
moins de bénédictions. La thèse a été utilisée premièrement
pour expliquer le choix des personnes appartenant au peuple élu,
favorisées par Dieu pour connaître en priorité l’Évangile. Orson
Pratt (1811-1881), du Collège des Douze, a parlé
de « nombreux
esprits qui sont plus nobles, plus intelligents que les autres »
(Journal of Discours, volume 1, p. 62-63, Celestial Marriage, Elder
Orson Pratt, 29 août 1852) gardés pour venir dans les familles saintes
des derniers jours à
notre époque.
Des restes de cet
enseignement subsistent dans des manuels de l'Institut des années 1970
et 1980. Ainsi,
dans Enseignements de l’Évangile, manuel de l’étudiant, cours de
religion 231 et 232, daté de 1986, au chapitre 21, p. 56-57, on explique la
naissance dans le lignage israélite à l'époque où il avait la primeur
de la connaissance de l’Évangile (en 1989, le manuel a été réédité sous
le titre Doctrine de l'Évangile, manuel de l'étudiant, cours de
religion 430 et 431, avec le même contenu).
Et dans Vous serez mes témoins, cours de religion 212, daté de 1979,
l’argument de
la vaillance pré-mortelle est avancé pour expliquer le moment, le lieu
et les
circonstances de notre naissance (chapitre 30, p.49)
ainsi que les appels auxquels nous sommes préordonnés (chapitre 41,
p.176).
Mais
il ne peut y avoir eu d’esprits plus vaillants qu’à la condition
que d’autres l’aient moins été. Les esprits moins vaillants se
verraient limités dans les bénédictions pouvant être acquises sur
terre.
L’idée
d’une attribution des bénédictions sur terre en fonction de notre
comportement dans la préexistence n’est pas dénuée de tout
fondement. Harold B. Lee (1899-1973) a fait cette remarque :
« Chacun
de nous sera jugé quand il quittera cette terre selon les actes
accomplis pendant sa vie dans la condition mortelle. N'est-il pas
aussi raisonnable de croire que ce que nous avons reçu dans cette
vie terrestre nous a été donné à chacun selon les mérites de
notre conduite avant notre arrivée ici ?
» (Harold B. Lee, Rapports de conférence 1973-1975, p.
71).
Ce raisonnement, qui semblait logique à l’époque, est aujourd’hui
abandonné.
Selon
cette théorie, poussée à l’extrême, notre environnement
terrestre de mise à l’épreuve dépendrait de notre degré de
vaillance dans la préexistence. Les plus vaillants obtenant les
bénédictions les plus importantes. Ainsi, sur terre, l’injuste
obtiendrait un certain nombre de bénédictions grâce à son
comportement vaillant dans la préexistence. De même, les
bénédictions reçues sur terre ne préjugent en rien de la
vaillance dont chacun pourra faire preuve et pour laquelle il sera
rétribué en conséquence dans le monde à venir.
Cette
justification fit en son temps l’unanimité. L’interdiction faite
à la descendance chamitique de détenir la prêtrise fut prise comme
exemple de retard d’attribution de bénédiction. La Première
Présidence de l’Église déclare en 1949 : « La
position de l’Église [l’interdiction de détenir la prêtrise]
en ce qui concerne les Noirs peut être comprise quand une autre
doctrine de l’Église est gardée à l’Esprit, que la conduite
des esprits dans l’existence pré-mortelle a un effet déterminant
sur les conditions et les circonstances dans lesquelles ces esprits
prennent part à la mortalité. » (Déclaration de la Première Présidence sous George Albert Smith,
le 17 août 1949)
Toutefois,
il faut prendre garde de ne pas faire dire à ces propos ce qu’ils
ne disent pas. Certes il est question d’une vaillance moindre par
rapport à ceux qui ont eu le droit de connaître l’Évangile et de
détenir la prêtrise. Mais pour les descendants de Cham ayant pu
accepter l’Évangile sans détenir la prêtrise, le niveau de
vaillance reste bien supérieure à celui de la très grande majorité
des personnes venues sur terre, toutes couleurs de peau confondues.
Il n’y a donc là encore aucun racisme.
2. Les
limites qui décrédibilisent la
théorie du comportement dans
l'existence prémortelle
La
conduite des esprits dans l’existence prémortelle aurait selon
cette théorie un effet déterminant sur les conditions et les
circonstances dans lesquelles ces esprits prennent part à la
mortalité. Le degré de vaillance déterminerait le nombre et la
teneur des bénédictions potentielles pouvant être obtenues sur la
terre. Nous en perdrions actuellement en utilisant mal notre libre
arbitre. Par exemple, nous pouvons refuser l’Évangile qui nous a
été proclamé ou y renoncer.
Même
si la théorie a une certaine cohérence, son application la
décrédibilise. Comment identifier un degré de vaillance dans
l'existence prémortelle en fonction des bénédictions terrestres ? S’il
n’y avait qu’un seul critère ou que l’ordre d’obtention des
bénédictions était toujours le même, il suffirait d’en faire le
constat, bien que l’utilisation du libre arbitre sur terre mette
l’homme en-deçà du niveau de qualification atteint dans l'existence prémortelle. Mais nous constatons que les bénédictions sont
multiples, que leurs combinaisons parmi les êtres humains sont
infinies. Quelle classification donnée aux bénédictions ? Et
quels actes pour quelles bénédictions ? On peut avoir la
prêtrise sans être fécond et vice-versa. Qui est le plus béni ?
En
son temps, Joseph Fielding Smith avait déjà commencé à
relativiser cette théorie : « C’est
une chose raisonnable de croire que les esprits dans leur état
prémortel étaient à des degrés variables d’intelligence et de
foi. Cette pensée est portée par plusieurs passages des Écritures
tels que Actes 17:24-27, Deutéronome 32:8, Abraham 3:19-26.
Cependant, insister sur ce sujet et pointer certaines nations comme
ayant été maudites du fait de leurs actes dans la préexistence,
c’est entrer dans le domaine de la spéculation. Par conséquent,
il suffit de dire que les Noirs n’ont pas le droit à la prêtrise
et un jour nous en comprendrons les les raisons. » (Improvement Era, avril 1924)
Cette
théorie n’est plus avancée aujourd’hui par l’Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours. « Au
fil du temps, les dirigeants et les membres de l’Église ont avancé
plusieurs théories pour expliquer les restrictions relatives à la
prêtrise et au temple. Aucune de ces explications n’est acceptée
aujourd’hui comme étant la doctrine officielle de l’Église. » (Race and the Priesthood,
www.lds.org)
3. La
mise à l’épreuve dans
la condition mortelle
Rechercher
une faute en l’absence de bénédiction est très humain et n’est
pas propre à notre époque. Du temps du Christ, les apôtres voyant
un aveugle de naissance ne purent s’empêcher de demander :
« Maître,
qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né
aveugle ? » (Jean 9:2),
envisageant même un pêché dans l'existence prémortelle.
Il
n’y a ni péché ni vaillance mitigée énoncés dans la réponse
du Maître : « Ce
n'est pas que lui ou ses parents aient péché, mais c'est afin que
les œuvres de Dieu soient révélées en lui. » (Jean 9:3)
Job
fut fortement éprouvé. Particulièrement béni dans un premier
temps par une postérité, la prospérité, la santé et la
connaissance de Dieu, il perd tout : ses enfants, sa richesse,
sa santé au point de vouloir mourir pour ne plus souffrir. Son
affliction s’accroît encore quand ses amis voient dans ce qui lui
arrive les conséquences de ses péchés et de ceux de sa
famille : « Dieu
renverserait-il le droit ? Le Tout Puissant renverserait-il la
justice? Si tes fils ont péché contre lui, Il les a livrés à leur
péché
» (Job 8:3-4). « Est-ce
par crainte de toi qu'il te châtie, Qu'il entre en jugement avec toi
? Ta méchanceté n'est-elle pas grande ? Tes iniquités ne
sont-elles pas infinies ? Tu enlevais sans motif des gages à tes
frères, tu privais de leurs vêtements ceux qui étaient nus ;
Tu ne donnais point d'eau à l'homme altéré, tu refusais du pain à
l'homme affamé. Le pays était au plus fort, et le puissant s'y
établissait. Tu renvoyais les veuves à vide ; Les bras des
orphelins étaient brisés. C'est pour cela que tu es entouré de
pièges, et que la terreur t’a saisi tout à coup. » (Job 22:4-10)
La
situation de Job avant les épreuves est en réalité contraire à ce
qu'avancent ses amis : « L’Éternel
dit à Satan : As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’y
a personne comme lui sur la terre ; c’est un homme intègre et
droit, craignant Dieu, et se détournant du mal.
» (Job 1:8)
Amulek
enseigne le but de notre venue sur terre : « Car
voici, cette vie est le moment où les hommes doivent se préparer à
rencontrer Dieu ; oui, voici, le jour de cette vie est le jour
où les hommes doivent accomplir leurs œuvres. » (Alma 34:32)
Abraham
nous rapporte les paroles du Christ lorsqu’il créa la terre :
« Nous
descendrons, car il y a de l’espace là-bas, nous prendrons de ces
matériaux, et nous ferons une terre sur laquelle ceux-là pourront
habiter ; nous les mettrons ainsi à l’épreuve, pour voir
s’ils feront tout ce que le Seigneur, leur Dieu, leur
commandera. » (Abraham 3:24-25)
Jacques
nous demande de reconsidérer le but des épreuves : « Mes
frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses
épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que
l'épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la
patience accomplisse parfaitement son œuvre, afin que vous soyez
parfaits et accomplis, sans faillir en rien.
» (Jacques 1:2-4)
Les circonstances dans lesquelles nous prenons part à la mortalité, l’obtention ou non de certaines bénédictions sur terre, font partie intégrante de notre mise à l’épreuve.
Le
président Ezra Taft Benson a dit : « On
a déjà essayé, et on essaie encore, d’introduire une philosophie
humaniste dans l’histoire de notre Église… On essaie surtout de
minimiser la révélation et l’intervention divine dans les
événements importants et de faire ressortir exagérément la nature
humaine des prophètes de Dieu afin de souligner leurs défauts
humains au détriment de leurs qualités spirituelles.
» (Ezra Taft Benson, God’s Hand in Our
Nation’s History, dans 1976 Devotional Speeches of the year,
1977, p.310)
C’est
tout-à-fait le cas concernant Brigham Young à propos de la
révélation qu’il reçut sur la poursuite de l’interdiction de
la prêtrise du fait du lignage.
Les
détracteurs de Brigham Young clament haut et fort qu’il s’est
laissé influencé par le folklore local, que l’interdiction de la
prêtrise est liée aux théories racistes qui se sont développées
aux XVIIème
et XVIIIème
siècles. Nous avons démontré que c’est faux. Nous avons rappelé
que Brigham Young lia l’interdiction à un mariage et nous avons
démontré par les écrits anciens qu’il avait raison. Cham, en ne
se mariant pas au sein de sa famille a exclu sa postérité de
l'obtention de la prêtrise. Qui avait raison ? Brigham Young ou
ses détracteurs ?
Brigham
Young fut un prophète de Dieu au même titre que Joseph Smith, toute
sa vie et ses enseignements le confirment. Certes, quelques-uns de
ses propos pourraient être qualifiés de racistes à notre époque
mais sa révélation ne l’est en aucun cas.
À
la connaissance de l’auteur, aucune étude avant celle-ci n’a
pris la peine de creuser la question du lignage. Toutes se sont
arrêtées à la nébuleuse raciste des XVIIème
et XVIIIème
siècles et, dans le meilleur des cas, s’en sont tenues à la
position officielle « On
ne sait pas »
ou, dans le pire des cas, ont parlé d’erreur faite et
perpétuée par les prophètes modernes influencés par les croyances
de leur époque.
Cette étude a été faite dans l'espoir que d’autres iront chercher au-delà des apparences pour prouver, mieux qu’il n’a été possible de le faire ici, l’inspiration divine de Brigham Young quand il fit état de la révélation liant l’interdiction de prêtrise au critère du lignage.